Instauration d'un service garanti pour les transports publics réguliers de voyageurs
Pour commander ce document, cliquez ici |
N° 98
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Annexe au procès-verbal de la séance du 3 décembre 2003
PROPOSITION DE LOI
visant à instaurer un
service garanti
pour les
transports publics réguliers
de
voyageurs
,
PRÉSENTÉE
Par M. Philippe ARNAUD et les membres du groupe de l'Union centriste (1),
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Affaires sociales
sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission
spéciale dans les conditions prévues par le Règlement)
(1) Ce groupe est composé de
: MM. Nicolas About, Jean-Paul Amoudry,
Philippe Arnaud, Jean Arthuis, Denis Badré, Claude Biwer, Maurice Blin,
Mme Annick Bocandé, MM. Didier Borotra, Jean Boyer, Marcel Deneux, Yves
Detraigne, Jean-Léonce Dupont, Pierre Fauchon, Mme Françoise
Férat, MM. Christian Gaudin, Mmes Gisèle Gautier, Jacqueline
Gourault, MM. Marcel Henry, Joseph Kerguéris, Mme Valérie
Létard, MM. Michel Mercier, Louis Moinard, Jacques Moulinier, Philippe
Nogrix, Mme Anne-Marie Payet, MM. Daniel Soulage, Jean-Marie
Vanlerenberghe, François Zocchetto.
Service public. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La législation française est longtemps demeurée muette au
sujet de la grève des fonctionnaires. C'est à la jurisprudence
administrative qu'il revient d'élaborer des règles de droit
relatives à la grève des agents publics.
Cette jurisprudence, sévère pour les agents, devint la loi avec
le statut des fonctionnaires du 14 septembre 1941 qui disposait que
« tout acte des fonctionnaires portant atteinte à la
continuité indispensable à la marche normale du service public
qu'il a reçu mission d'assurer constitue le manquement le plus grave
à ses devoirs essentiels ».
Ce statut est aboli par l'ordonnance du 9 août 1944 portant
rétablissement de la légalité républicaine et le
droit de grève est reconnu constitutionnellement dans le
préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 d'après
lequel : « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des
lois qui le réglementent ». Désormais, la grève
ne constitue plus une faute mais devient un droit.
Cette règle est confirmée par la Constitution du
4 octobre
1958.
Ainsi, les constituants ont-ils voulu conférer au droit de grève
une valeur constitutionnelle. Cependant, son exercice trouve des limites dans
les lois et règlements. Ainsi, le législateur est habilité
à tracer des limites en opérant une conciliation
nécessaire entre la défense des intérêts
professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de
l'intérêt général auquel la grève peut
être de nature à porter atteinte.
En ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de
grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du
législateur d'apporter à ce droit les limitations
nécessaires en vue d'assurer la continuité du service public qui,
tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe de
valeur constitutionnelle.
Par ailleurs, en ce qui concerne le service public des transports, l'exercice
du droit de grève ne peut entrer en contradiction avec la liberté
d'aller et venir.
Une précédente proposition de loi déposée sur le
bureau du Sénat prévoyait qu'en cas de « cessation
concertée du travail[...], il est instauré un service minimum
destiné à maintenir la continuité du service
public ». Après examen au Sénat, la portée du
texte fut au final plus réduite, prévoyant que les organisations
syndicales de salariés et les employeurs devaient négocier les
modalités de la mise en oeuvre de procédures destinées
à améliorer le déclenchement de grèves. Cette
proposition de loi n'a jamais fait l'objet d'un examen à
l'Assemblée nationale.
Conformément à l'habilitation constitutionnelle
conférée au législateur, l'objet de la présente
proposition de loi est d'assurer la continuité du service public des
transports publics de voyageurs en conciliant le droit de grève et les
autres principes constitutionnels. Elle ne s'attache qu'aux transports
réguliers de voyageurs.
Cette proposition de loi respecte les trois principes
précédemment énoncés. Tout d'abord, les
intérêts de la profession : en effet, le dialogue social
entre syndicats et direction devra en fixer les conditions d'application, pour
chaque entreprise ou organisme.
En deuxième lieu, la continuité du service public et la
liberté d'aller et venir : garantir un service minimum des
transports, c'est assurer la pérennité du service public.
L'absence de continuité entraînerait une désaffection
croissante des Français et nuirait à leur liberté de
circulation.
Tel est l'objet de cette proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Après l'article L. 521-4 du code du travail, il est
inséré un article L. 521-4-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 521-4-1
- I. - Dans les entreprises, organismes,
établissements publics ou privés chargés de la gestion
d'un service public régulier de transport de voyageurs par voie
terrestre, aérienne ou maritime, la continuité du service est
garantie dans les conditions ci-après :
« 1° Pour les transports terrestres dans les zones urbaines, le
service est assuré au moins pendant deux durées de trois heures,
en début et en fin de journée. Tout trajet commencé doit
être poursuivi jusqu'à sa destination normale ;
« 2° Pour les transports ferroviaires interurbains,
régionaux et nationaux, la moitié au moins des liaisons
quotidiennes nationales et régionales est assurée.
« 3° Pour les transports aériens, un ou plusieurs allers
et retours sont assurés, en début et en fin de journée,
entre le système aéroportuaire parisien et chaque ville de
province habituellement desservie ; en outre, est assurée la
continuité des liaisons entre la métropole d'une part, les
départements et territoires d'outre mer et la collectivité
territoriale de Mayotte d'autre part.
« 4° Pour les transports maritimes, la moitié au moins
des liaisons habituelles avec ou entre les îles est assurée.
« II. - L'obligation de continuité du service
mentionnée au 3° du I ci-dessus s'impose en outre aux services
de la navigation aérienne et du contrôle de la circulation
aérienne.
« III. - Dans un délai de six mois à compter de la
promulgation de la loi n° du , les employeurs et les
organisations syndicales des entreprises, organismes et établissements
mentionnés au I ci-dessus négocient et concluent un accord
permettant de garantir la continuité du service public. Ces accords, qui
doivent être compatibles avec les conditions fixées au I
ci-dessus, sont homologués soit par le préfet de région si
leur champ d'application est compris dans les limites d'une région,
soit, dans le cas contraire, par le ministre chargé des transports.
« À défaut d'accord conclu après l'expiration du
délai mentionné ci-dessus, le préfet de région, si
le service est rendu dans les limites de la région, ou, dans le cas
contraire, le ministre chargé des transports fixe par
arrêté les modalités selon lesquelles le service public est
assuré.
« IV. - Toute cessation concertée du travail en
méconnaissance des accords ou des arrêtés mentionnés
au III ci-dessus est illicite. »