Interruption volontaire de grossesse et contraception
N°
120
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 5 décembre 2000
PROJET DE LOI
ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
APRÈS
DÉCLARATION D'URGENCE
relatif à l'
interruption volontaire
de
grossesse
et à la
contraception
.
TRANSMIS PAR
M. LE PREMIER MINISTRE
À
M. LE PRÉSIDENT DU SÉNAT
(Renvoyé à la commission des Affaires
sociales sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission
spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
L'Assemblée nationale a adopté le projet de loi dont
la teneur suit :
Voir
les numéros :
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
2605
,
2726
et T.A.
582.
Vie, médecine et biologie. |
TITRE Ier
INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE
Article 1er
L'intitulé du chapitre II du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi rédigé : " Interruption pratiquée avant la fin de la douzième semaine de grossesse ".
Article 2
Dans la deuxième phrase de l'article L. 2212-1 du même code, les mots : " avant la fin de la dixième semaine de grossesse " sont remplacés par les mots : " avant la fin de la douzième semaine de grossesse ".
Article 3
Le deuxième alinéa de l'article L. 2212-2 du même code est complété par les mots : " ou, dans le cadre d'une convention conclue entre le praticien et un tel établissement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ".
Article 3 bis (nouveau)
L'article L. 2212-3 du même code est ainsi
rédigé :
"
Art. L. 2212-3.
- Le médecin sollicité par une
femme en vue de l'interruption de sa grossesse doit, dès la
première visite, informer celle-ci des méthodes médicales
et chirurgicales d'interruption de grossesse et des risques et des effets
secondaires potentiels.
" Il doit lui remettre un dossier-guide, mis à jour au moins une
fois par an, comportant notamment le rappel des dispositions des articles L.
2212-1 et L. 2212-2, la liste et les adresses des organismes mentionnés
à l'article L. 2212-4 et des établissements où sont
effectuées des interruptions volontaires de la grossesse.
" Les directions départementales des affaires sanitaires et
sociales assurent la réalisation et la diffusion des dossiers-guides
destinés aux médecins. "
Article 4
Les deux
premiers alinéas de l'article L. 2212-4 du même code sont ainsi
rédigés :
" Il est systématiquement proposé, avant et après
l'interruption volontaire de grossesse, à la femme majeure une
consultation avec une personne ayant satisfait à une formation
qualifiante en conseil conjugal ou toute autre personne qualifiée dans
un établissement d'information, de consultation ou de conseil familial,
un centre de planification ou d'éducation familiale, un service social
ou un autre organisme agréé. Cette consultation comporte un
entretien particulier au cours duquel une assistance ou des conseils
appropriés à la situation de l'intéressée lui sont
apportés.
" Pour la femme mineure non émancipée, cette consultation
est obligatoire et l'organisme concerné doit lui délivrer une
attestation de consultation.Si elle exprime le désir de garder le secret
à l'égard des titulaires de l'autorité parentale, ou de
son représentant légal, elle doit être conseillée
sur le choix de la personne majeure mentionnée à l'article L.
2212-7 susceptible de l'accompagner dans sa démarche. "
Article 5
A l'article L. 2212-5 du même code, les mots : " sauf au cas où le terme des dix semaines risquerait d'être dépassé, le médecin étant seul juge de l'opportunité de sa décision " sont remplacés par les mots : " sauf dans le cas où le terme des douze semaines risquerait d'être dépassé ".
Article 6
L'article L. 2212-7 du même code est ainsi
rédigé :
"
Art. L. 2212-7.
- Si la femme est mineure non
émancipée, le consentement de l'un des titulaires de
l'autorité parentale ou, le cas échéant, du
représentant légal est recueilli. Ce consentement est joint
à la demande qu'elle présente au médecin en dehors de la
présence de toute autre personne.
" Si la femme mineure non émancipée désire garder le
secret, le médecin doit s'efforcer, dans son intérêt,
d'obtenir son consentement pour que le ou les titulaires de l'autorité
parentale ou, le cas échéant, le représentant légal
soient consultés ou doit vérifier que cette démarche a
été faite lors de l'entretien mentionné à l'article
L. 2212-4.
" Si la mineure ne veut pas effectuer cette démarche, ou si le
consentement n'est pas obtenu, l'interruption de grossesse ainsi que les soins
qui lui sont liés peuvent être pratiqués à la
demande de l'intéressée, présentée dans les
conditions prévues au premier alinéa. Dans ce cas, la mineure se
fait accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix.
" Après l'intervention, une deuxième consultation, ayant
notamment pour but une nouvelle information sur la contraception, sera
obligatoirement proposée aux mineures. "
Article 7
L'article L. 2212-8 du même code est ainsi
modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
" Un médecin n'est jamais tenu de pratiquer une interruption
volontaire de grossesse mais il doit informer, sans délai,
l'intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement
le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention selon
les modalités prévues à l'article L. 2212-2. " ;
2° Les deux derniers alinéas sont supprimés.
Article 7 bis (nouveau)
I. -
L'article L. 2322-4 du même code est abrogé.
II. - L'article L. 2322-1 du même code est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
" Un décret fixe les installations autorisées dont les
établissements de santé privés sont tenus de disposer
lorsqu'ils souhaitent pratiquer des interruptions volontaires de
grossesse. "
Article 8
L'intitulé du chapitre III du titre Ier du livre II de la deuxième partie du même code est ainsi rédigé : " Interruption de grossesse pratiquée pour motif médical ".
Article 8 bis (nouveau)
L'article L. 2213-1 du même code est ainsi
rédigé :
"
Art. L. 2213-1.
- L'interruption volontaire d'une grossesse peut,
à toute époque, être pratiquée si la poursuite de la
grossesse met en péril grave la santé de la femme ou s'il existe
une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint
d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme
incurable au moment du diagnostic. Cette décision ne peut être
prise qu'après que la réalité de l'une ou l'autre de ces
situations a été appréciée par une commission
pluridisciplinaire.
" Cette commission comprend au moins trois personnes qui sont une personne
qualifiée, un médecin choisi par la femme concernée et un
médecin responsable de service de gynécologie obstétrique.
Lorsque l'interruption de grossesse est envisagée au motif qu'il existe
une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint
d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme
incurable au moment du diagnostic prénatal, le deuxième
médecin exerce son activité dans un centre de diagnostic
prénatal pluridisciplinaire. Un décret en Conseil d'Etat
précise la composition et les modalités de fonctionnement de
cette commission.
" La femme concernée ou le couple peut, à sa demande,
être entendu par la commission. "
Article 9
A l'article L. 2213-2 du même code, les mots : " pour motif thérapeutique " sont remplacés par les mots : " pour motif médical ".
Article 10
I. -
L'article L. 5135-1 du même code est ainsi modifié :
1° Les trois premiers alinéas sont supprimés ;
2° Au dernier alinéa, les mots : " lesdits appareils "
sont remplacés par les mots : " des dispositifs médicaux
utilisables pour une interruption volontaire de grossesse " et les mots :
" comme commerçants patentés " sont supprimés.
II. - L'article L. 5435-1 du même code est ainsi rédigé :
"
Art. L. 5435-1.
- La vente, par les fabricants et
négociants en appareils gynécologiques, de dispositifs
médicaux utilisables pour une interruption volontaire de grossesse
à des personnes n'appartenant pas au corps médical ou ne faisant
pas elles-mêmes profession de vendre ces dispositifs est punie de deux
ans d'emprisonnement et de 200000 F d'amende.
" Les personnes morales peuvent être déclarées
pénalement responsables des infractions, définies au
présent article, dans les conditions prévues à l'article
121-2 du code pénal. Elles encourent la peine d'amende suivant les
modalités prévues à l'article 131-38 du code pénal.
" Les personnes physiques et les personnes morales encourent
également les peines suivantes :
" 1° La confiscation des dispositifs médicaux saisis ;
" 2° L'interdiction d'exercer la profession ou l'activité
à l'occasion de laquelle le délit a été commis,
pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. "
Article 11
I. -
L'article 223-11 du code pénal est abrogé.
II. - L'article L. 2222-2 du code de la santé publique est ainsi
rédigé :
"
Art. L. 2222-2.
- L'interruption de la grossesse d'autrui est
punie de deux ans d'emprisonnement et de 200000 F d'amende lorsqu'elle est
pratiquée, en connaissance de cause, dans l'une des circonstances
suivantes :
" 1° Après l'expiration du délai dans lequel elle est
autorisée par la loi, sauf si elle est pratiquée pour un motif
médical ;
" 2° Par une personne n'ayant pas la qualité de
médecin ;
" 3° Dans un lieu autre qu'un établissement d'hospitalisation
public ou qu'un établissement d'hospitalisation privé
satisfaisant aux conditions prévues par la loi, ou en dehors du cadre
d'une convention conclue selon les modalités prévues à
l'article L. 2212-2.
" Cette infraction est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 500000 F
d'amende si le coupable la pratique habituellement.
" La tentative des délits prévus au présent article
est punie des mêmes peines. "
Article 11 bis (nouveau)
I.-
L'article 223-12 du code pénal est abrogé.
II. - Après l'article L. 2222-3 du code de la santé publique, il
est inséré un article L. 2222-4 ainsi rédigé :
"
Art. L. 2222-4.
- Le fait de fournir à la femme les moyens
matériels de pratiquer une interruption de grossesse sur elle-même
est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300000 F d'amende. Ces peines sont
portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500000 F d'amende
si l'infraction est commise de manière habituelle. En aucun cas, la
femme ne peut être considérée comme complice de cet
acte. "
Article 12
Sont
abrogés :
- le chapitre Ier du titre II du livre II de la deuxième partie du code
de la santé publique ;
- les articles 84 à 86 et l'article 89 du décret du 29 juillet
1939 relatif à la famille et à la natalité
françaises.
Article 12 bis (nouveau)
L'article L. 2223-2 du code de la santé publique est
ainsi
rédigé :
"
Art. L. 2223-2.
- Est puni de deux ans d'emprisonnement et de
200000 F d'amende le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher une
interruption de grossesse ou les actes préalables prévus par les
articles L. 2212-3 à L. 2212-8 :
" - soit en perturbant de quelque manière que ce soit
l'accès aux établissements mentionnés à l'article
L. 2212-2, la libre circulation des personnes à l'intérieur de
ces établissements ou les conditions de travail des personnels
médicaux et non médicaux ;
" - soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des
menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnels
médicaux et non médicaux travaillant dans ces
établissements, des femmes venues y subir une interruption volontaire de
grossesse ou de l'entourage de ces dernières. "
Article 13
I. - Le
premier alinéa de l'article L. 2412-1 du même code est ainsi
rédigé :
" Le titre Ier du livre II de la présente partie, à
l'exception du quatrième alinéa de l'article L. 2212-8, est
applicable dans la collectivité territoriale de Mayotte, sous
réserve des adaptations prévues à l'article L. 2412-2.
L'article L. 2222-2 est également applicable. "
II. - L'article L. 2412-2 du même code est abrogé.
III. - L'article L. 2412-3 du même code devient l'article L. 2412-2.
IV. - L'article 723-2 du code pénal est abrogé.
V
(nouveau).
- Les articles 10 et 12 de la présente loi sont
applicables à la collectivité territoriale de Mayotte.
Article 14
I. - Les
dispositions des articles L. 2212-1, L. 2212-7 et L. 2222-2 du code de la
santé publique sont applicables dans les territoires d'outre-mer et en
Nouvelle-Calédonie.
II. - L'article 713-2 du code pénal est abrogé.
Article 15
Le
chapitre II du titre III du livre Ier du code de la sécurité
sociale est ainsi modifié :
1° L'intitulé du chapitre est ainsi rédigé :
" Prise en charge par l'Etat des dépenses exposées au titre
de l'interruption volontaire de grossesse " ;
2° L'article L. 132-1 est ainsi modifié :
a)
Après le premier alinéa, il est inséré un
alinéa ainsi rédigé :
" L'intégralité des dépenses exposées à
l'occasion des interruptions volontaires de grossesse pratiquées dans
les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L.
2212-7 du code de la santé publique est prise en charge par
l'Etat. " ;
b)
Le dernier alinéa est complété par les mots :
" , et notamment les conditions permettant, pour les personnes
visées à l'alinéa précédent, de respecter
l'anonymat dans les procédures de prise en charge ".
TITRE II
CONTRACEPTION
Article 16
A la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2311-4 du code de la santé publique, les mots : " sur prescription médicale " sont supprimés.
Article 16 bis (nouveau)
Le chapitre II du titre Ier du livre III du code de l'éducation est complété par une section 9 ainsi rédigée :
" Section 9
" L'éducation à la santé et à la
sexualité
" Art. L. 312-16. - Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles. Ces séances pourront associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire et des personnels des établissements mentionnés au premier alinéa de l'article L. 2212-4 du code de la santé publique ainsi que d'autres intervenants extérieurs conformément à l'article 9 du décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement. "
Article 17
L'article L. 5134-1 du code de la santé publique est
ainsi
rédigé :
"
Art. L. 5134-1.
- I. - Le consentement des titulaires de
l'autorité parentale ou, le cas échéant, du
représentant légal n'est pas requis pour la prescription, la
délivrance ou l'administration de contraceptifs aux personnes mineures.
" II. - Les contraceptifs intra-utérins ne peuvent être
délivrés que sur prescription médicale et uniquement en
pharmacie ou dans les centres de planification ou d'éducation familiale
mentionnés à l'article L. 2311-4. Les sages-femmes sont
habilitées à prescrire les diaphragmes, les capes, ainsi que les
contraceptifs locaux. La première pose du diaphragme ou de la cape doit
être faite par un médecin ou une sage-femme.
" L'insertion des contraceptifs intra-utérins ne peut être
pratiquée que par un médecin. Elle est faite, soit au lieu
d'exercice du médecin, soit dans un établissement de santé
ou dans un centre de soins agréé. "
Article 18
L'article L. 5434-2 du même code est ainsi
rédigé :
"
Art. L. 5434-2.
- Le fait de délivrer des contraceptifs
mentionnés à l'article L. 5134-1 en infraction aux dispositions
du premier alinéa du II dudit article et du 1° de l'article L.
5134-3 est puni de six mois d'emprisonnement et de 50000 F d'amende. "
Article 19 (nouveau)
Le titre II du livre Ier de la deuxième partie du même code est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
" CHAPITRE III
" Stérilisation à visée contraceptive
"
Art. L. 2123-1.
- La ligature des trompes ou des
canaux déférents ne peut être pratiquée que si la
personne intéressée a exprimé une volonté libre,
motivée et délibérée en considération d'une
information claire et complète sur ses conséquences.
" Cet acte chirurgical ne peut être pratiqué que dans un
établissement de santé et après une consultation
auprès d'un médecin.
" Ce médecin doit au cours de la première consultation :
" - informer la personne des risques médicaux qu'elle encourt et
des conséquences de l'intervention ;
" - lui remettre un dossier d'information écrit.
" Il ne peut être procédé à l'intervention
qu'à l'issue d'un délai de réflexion de deux mois
après la première consultation médicale et après
une confirmation écrite par la personne concernée de sa
volonté de subir une intervention.
" Un médecin n'est jamais tenu de pratiquer cet acte à
visée contraceptive mais il doit informer l'intéressé de
son refus dès la première consultation. "
Article 20 (nouveau)
Après l'article L. 2123-1 du même code, il est
inséré un article L. 2123-2 ainsi rédigé :
"
Art. L. 2123-2.
- La ligature des trompes ou des canaux
déférents à visée contraceptive ne peut être
pratiquée sur une personne mineure. Elle ne peut être
pratiquée sur une personne handicapée mentale, majeure sous
tutelle, que lorsqu'il existe une contre-indication médicale absolue aux
méthodes de contraception ou une impossibilité
avérée de les mettre en oeuvre efficacement.
" Si la personne concernée est apte à exprimer sa
volonté et à participer à la décision, son
consentement doit être systématiquement recherché et pris
en compte après que lui a été donnée une
information adaptée à son degré de compréhension.
" L'intervention est subordonnée à une décision du
juge des tutelles qui se prononce après avoir entendu les parents ou le
représentant légal de la personne concernée ainsi que
toute personne dont l'audition lui paraît utile et après avoir
recueilli l'avis d'un comité d'experts.
" Ce comité, composé notamment de personnes
qualifiées sur le plan médical et de représentants
d'associations de handicapés, apprécie la justification
médicale de l'intervention, ses risques ainsi que les
conséquences normalement prévisibles sur les plans physique et
psychologique.
" Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions
d'application du présent article. "
Délibéré en séance publique, à Paris, le
5 décembre 2000.
Le
Président,
Signé :
RAYMOND FORNI.