EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
« La France est une République indivisible ».
Tels sont les premiers mots de l'article 1er de notre Constitution, auxquels font écho au sein de notre Loi fondamentale d'autres principes consubstantiels à l'idée même de République.
Le premier d'entre eux est l'unicité du Peuple français, rappelée clairement par le Conseil constitutionnel qui a souligné que « la Constitution [...] ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion »1(*). Il en découle que les citoyens sont égaux en droit, comme le rappelle l'article 1er précité qui dispose que la République « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ». Dans la même logique, l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ».
À ce titre, la République « respecte toutes les croyances », mais ce principe constitutionnel ne fait pas obstacle à ce que l'expression des croyances s'opère, en retour, dans le respect de la République et de ses principes fondamentaux.
Or l'accord n'est plus aujourd'hui unanime autour de cette idée. Se prévalant de sophismes juridiques antirépublicains, certains de nos concitoyens n'hésitent pas à enfreindre les règles qui devraient s'imposer à tous au motif qu'elles ne sont pas compatibles avec les dogmes ou les moeurs auxquels ils décident prioritairement de se soumettre. Ces comportements qui fracturent l'unité de la Nation et qui fragilisent la République sont malheureusement aussi fréquents qu'insupportables : à l'école, dans l'entreprise, au sein de nos services publics... Les exemples abondent d'enseignements contestés, de pratiques sportives où la mixité est rejetée, de collectifs de travail où certains voudraient pouvoir s'absenter pour pratiquer leur religion ou encore d'hôpitaux où les usagers réclament d'être examinés par un professionnel de santé du même sexe.
Les signataires de la présente proposition de loi ont aussi présenté une proposition de révision de la Constitution en application de l'article 89 de celle-ci afin d'ajouter à son article 1er une précision essentielle : « Nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer du respect des règles applicables. » Ce principe devra également être traduit dans la loi. C'est l'objet de la présente proposition de loi. Elle tend à établir solennellement qu'aucune personne ou groupe de personnes ne peut se prévaloir, dans les différentes situations de la vie économique et sociale, de son origine ou de sa religion pour s'exonérer du respect des règles qui s'imposent à tous.
Pour ce faire, elle tend à ce que ce principe soit énoncé clairement par les textes qui régissent le fonctionnement interne des entreprises, des services publics, des associations... afin qu'il n'existe plus aucun doute sur le caractère illicite des manquements motivés, ou prétendument motivés, par la religion ou par l'origine de ceux qui les commettent.
Les manquements à la règle pourront ainsi être plus aisément relevés par le juge, l'administration ou toute autorité en charge de l'application de ladite règle selon les modalités ad hoc déjà prévues par notre droit pour chacune de ces règles. Ainsi, un salarié qui déroge au règlement intérieur de son entreprise, un professionnel de santé qui viole le règlement intérieur de son hôpital en invoquant un motif religieux pourra être sanctionné pour faute disciplinaire. Le membre d'une association qui ne respecte pas les statuts ou le règlement intérieur s'exposera à une procédure d'exclusion. Des pénalités, l'exclusion de certaines compétitions par exemple, pourront être prononcées en cas de violation du règlement d'une fédération sportive.
Les règles de droit visées par la proposition de loi sont :
- le règlement intérieur des entreprises privées ainsi que les conventions et accords collectifs de travail (article 1er) ;
- le statut des fonctionnaires (article 2) ;
- le règlement intérieur des établissements d'enseignement (article 3) ;
- le règlement des établissements d'enseignement supérieur (article 4) ;
- le règlement intérieur des établissements publics de santé (article 5) ;
- le statut et, le cas échéant, le règlement intérieur (qui n'est pas obligatoire) des associations « loi 1901 » (article 6) ;
- le règlement disciplinaire des fédérations sportives agréées (article 7)
- le règlement de fonctionnement des établissements et service sociaux ou médico-sociaux (article 8).
- le règlement intérieur des organes délibérants des collectivités territoriales (conseil municipal, y compris en Alsace-Moselle, organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale, conseil départemental, conseil régional, conseil économique, social et environnemental régional, le conseil territorial de Guyane, le conseil territorial de Martinique) (article 9).
Afin de laisser le temps aux acteurs concernés de mettre en oeuvre les modifications nécessaires, l'article 10 prévoit une entrée en vigueur différée de la loi.
Face aux menaces contemporaines, nos règles doivent être adaptées pour réaffirmer l'unité de la Nation et la force de nos principes républicains. Telle est l'ambition du présent texte.
* 1 Considérant 13 de la décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991.