EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de loi vise à protéger les mineurs de lexposition à la violence exercée sur les animaux, êtres vivants doués de sensibilité aux termes de larticle 515-14 du Code civil, y compris dans un contexte de tradition. Elle vise également à ce que les traditions locales ininterrompues faisant lobjet dune dérogation aux dispositions de larticle 521-1 du Code pénal ne puissent être enseignées à des mineurs ou leur être présentées dans le cadre dactivités de familiarisation.
Chez les personnes ayant été exposées enfants à la violence sur animaux, des études ont mis en évidence un risque deffets subjectifs importants, un risque accru dactes de maltraitance animale, mais également un risque accru de conduites délinquantes ou violentes. Par ailleurs, la maltraitance sur animaux par les adultes au sein dun foyer est souvent révélatrice de violence intrafamiliale.
Les moins de 18 ans sont dailleurs protégés de ces scènes dans le cadre du travail, par larticle D4153-37 du Code du Travail qui précise quil est interdit daffecter les jeunes à des travaux dabattage, deuthanasie et d'équarrissage des animaux ainsi qu'à des travaux en contact danimaux féroces ou venimeux. De même, depuis la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux est les hommes, le fait de rendre un mineur témoin de sévices graves ou dacte de cruauté envers un animal constitue une circonstance aggravante. Mais les dispositions du onzième alinéa de larticle 521-1 du Code Pénal, prévoyant une dérogation dans les territoires où est invoquée une tradition locale ininterrompue, continuent de sappliquer y compris en présence de mineurs.
Or, les effets négatifs de lexposition à la violence sur les animaux sont également présentes lorsque celle-ci est exercée au nom de la tradition, comme les courses de taureaux avec sévices graves. Une étude espagnole rapporte quune majorité denfants ont un sentiment défavorable sur les corridas, et quaprès avoir regardé une vidéo de corrida, leur score dagressivité et leur score danxiété est plus élevé si les images étaient accompagnées de commentaires festifs plutôt que de commentaires neutres.
De nombreux témoignages dadultes ayant assisté à des corridas étant mineurs font état de limpact traumatisant laissé par ce spectacle. Par ailleurs, le CSA encadre la diffusion de la tauromachie à la télévision, en imposant une signalétique jeunesse, la non-diffusion le dimanche matin et la non-diffusion de la mise à mort.
Un ensemble de psychiatres et de psychologues français mettent ainsi en garde contre le traumatisme que peut générer le fait dassister à des scènes violentes sous les applaudissements dadultes de confiance, auprès de qui il sera difficile de faire admettre la tristesse ou lanxiété provoquées, contre le risque daccoutumance à la violence, et contre le décalage entre les valeurs enseignées à l'école (pas de violence gratuite) et ces scènes de violence valorisées par des adultes.
Cest pourquoi le Comité des droits de lenfant de lONU, organe chargé de vérifier lapplication de la Convention internationale des droits de lenfant (CIDE) dans les différents États parties, estime que lintérêt supérieur de lenfant (cest-à-dire le mineur) étant en jeu, la responsabilité des États lemporte sur celle des détenteurs de lautorité parentale. En 2016, il a ainsi recommandé à la France « de redoubler defforts pour faire évoluer les traditions et les pratiques violentes qui ont un effet préjudiciable sur le bien-être des enfants, et notamment dinterdire laccès des enfants aux spectacles de tauromachie ou à des spectacles apparentés ».
Or, comme État partie de la CIDE (Convention internationale des droits de lenfant), traité juridiquement contraignant, la France doit rendre un rapport public tous les 5 ans concernant le suivi dapplication des recommandations.
Cette proposition de loi vise donc à protéger les mineurs en interdisant quils puissent participer ou assister à des événements impliquant des sévices graves ou des actes de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, y compris en contexte de tradition.