EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le port d'un uniforme par les élèves dans les établissements scolaires est pratiqué dans de nombreux pays, mais donne lieu à débat en France depuis des années.
Le port d'un uniforme figurait parmi les recommandations d'une commission d'enquête sénatoriale créée en 2015, traitant du thème de « la République à l'école » 1 ( * ) .
L'objectif d'une telle mesure serait quadruple :
Premièrement, la tenue uniforme permet de renforcer le sentiment d'appartenance commune à un même établissement et à une même collectivité, et ainsi d'améliorer la cohésion dans les établissements scolaires.
La manifestation d'une appartenance passe souvent chez les jeunes par une identification vestimentaire visible. Imposer une tenue uniforme permet donc d'encadrer la notion de liberté individuelle au sein de l'école par des règles précises et de renforcer le sentiment d'appartenance des élèves à leur établissement. On le constate dans les pays anglo-saxons, en France dans certains territoires d'outre-mer, dans les établissements privés ou dans des établissements publics ayant choisi de l'expérimenter. Lors de ses déplacements, la commission d'enquête sénatoriale avait pu remarquer la cohésion des élèves et leur fierté d'être ensemble et d'appartenir à la même communauté.
Deuxièmement, il s'agit d'évacuer définitivement la question du port de signes ostensibles d'appartenance religieuse ou communautaire, assurant une pleine application du principe de laïcité. Le port d'une même tenue par l'ensemble des élèves résout les polémiques et contribue à faire cesser une certaine confusion quant à la concrétisation du principe de laïcité au sein de l'école.
La multiplication récente de cas d'élèves portant des tenues religieuses a réintroduit le sujet au coeur du débat public, rendant indispensable une action politique. Ces tentatives de contournement de la loi du 15 août 2004, qui interdit le port du voile en tant que « manifestation ostensible d'une appartenance religieuse », mettent les chefs d'établissement en difficulté pour lutter contre les tenues cultuelles. Sans liste précise des signes ou tenues incompatibles avec le respect du principe de laïcité, les chefs d'établissement assument seuls les prises de décision. Les quelques consignes données ne résolvent en rien leurs difficultés et peuvent laisser perdurer une ambiance de conflit.
Troisièmement, il s'agit également d'un facteur de discipline, que ne rejettent pas les élèves, contrairement à ce que l'on peut penser. L'obligation de porter un vêtement spécifiquement réservé au cadre scolaire contribue au respect de l'autorité. Il met l'élève dans une certaine disposition d'esprit, propice au suivi des enseignements, le déconnectant du monde extérieur pendant son temps d'apprentissage.
Les règlements intérieurs de nos écoles, collèges et lycées, exigent souvent une « tenue correcte », mais les modes vestimentaires successives présentent leur lot de tenues inappropriées. Il est important que les élèves, futurs citoyens, comprennent que la manière de se présenter fait partie du savoir-être et du respect de leurs interlocuteurs spécifiquement dans la situation de travail que représente l'école.
L'apparence étant le souci de tout adolescent, les marques connaissent un réel engouement. Mais certains élèves peuvent se procurer des vêtements de marque, d'autres non. Alors que l'école est le lieu où les principes républicains sont enseignés, la tenue vestimentaire peut conduire à l'exclusion ou au harcèlement. La tenue uniforme atténue les différences et est égalitaire.
Enfin, en matière de sécurité, l'uniforme présente l'avantage de minimiser le risque de racket à l'extérieur et permet au personnel de remarquer d'éventuelles intrusions dans l'enceinte de l'établissement par des jeunes qui ne seraient pas des élèves.
Le port d'une tenue uniforme apparait donc, pour toutes ces raisons, comme une mesure opportune. Certes, cette mesure ne suffira pas à résoudre toutes les difficultés, mais accompagnée d'une éducation aux valeurs de la société, elle peut contribuer à renforcer une culture commune fondée sur le respect.
Sur un plan pratique, il est prévu que l'État contribue au financement de cette mesure au moyen d'une allocation versée aux familles ne disposant pas de ressources importantes. Un décret fixera le niveau de ressources des bénéficiaires ainsi que le montant de l'allocation.
La question de l'aspect et de la composition de la tenue uniforme pourra être traitée par le règlement intérieur de chaque établissement, à partir du vote du conseil d'administration, permettant d'associer les représentants des enseignants, du personnel administratif, des parents, des élèves et des territoires.
Afin de laisser un délai aux établissements pour leur organisation, le présent texte prévoit une mise en oeuvre de l'obligation du port de l'uniforme pour la rentrée qui suit son adoption.
* 1 Rapport de M. Jacques GROSPERRIN « Faire revenir la République à l'école », au nom de la Commission d'enquête Service public de l'éducation, n° 590 tome I (2014-2015) - 1 juillet 2015.