EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que notre société vieillit, la prise en charge de l'Autonomie de la population est devenue une question centrale. Dans ce cadre, le maintien à domicile le plus longtemps possible est un enjeu qui transcende les champs du seul soin puisqu'il suppose la mise en place d'un écosystème complet dans lequel les intervenant•es à domicile, les usagers et les pouvoirs publics déterminent ensemble les conditions de prise en charge et de travail.

Ces professionnel•les sont indispensables au quotidien des personnes jugées fragiles. Ces femmes et ces hommes permettent de favoriser et de maintenir l'autonomie notamment des personnes âgées. Ils permettent ainsi, par leurs actions, aux personnes âgées de continuer à vivre chez elles le plus longtemps possible et ainsi de retarder le placement au sein des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Pourtant, ce secteur souffre d'un manque d'attractivité pour d'éventuels nouveaux salarié•es, tandis que les travailleurs et travailleuses déjà employé•es s'enfoncent dans une précarité d'autant plus grande que les charges inhérentes à leur travail augmentent. Ainsi, par nature, du fait de leurs interventions multiples, le déplacement est une partie intégrante des intervenant•es à domicile.

L'indemnisation de ces déplacements est depuis longtemps une source de conflits et un sujet de revendication des organisations syndicales du secteur. L'augmentation des tarifs de l'essence entre le 1 er janvier et le 1 er juin de 20 % pour le litre de Diesel et de 22 % pour le litre de sans plomb entraine une forte perte de pouvoir d'achat. Par conséquent, il est essentiel de se pencher sur cette problématique et d'assurer une qualité de service décent dans l'accompagnement des personnes âgées et ainsi faire face aux besoins induits par le vieillissement de la population.

En outre, cette problématique avait déjà été discutée et pointée auparavant au sein de la version initiale de la loi relative à l'Adaptation de la Société au Vieillissement (ASV) du 28 décembre 2015 ainsi qu'au sein de l'Avenant n° 36-2017 du 25 octobre 2017 relatif au temps et aux frais de déplacement faisant référence à la Convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010.

Par conséquent, cela démontre que cette problématique n'est pas nouvelle et qu'elle doit désormais être résolue. De plus, ce sujet a pris de l'ampleur comme peuvent l'illustrer les luttes engagées par les salarié•es afin d'exiger une augmentation allant jusqu'à 0,55 € voire 0,60 € pour l'indemnisation de leurs frais de déplacement. Il y a par conséquent l'identification d'un manque de reconnaissance et d'une grande précarité au sein de cette profession.

De plus, il est également primordial d'évoquer qu'il y avait eu une évolution du barème au sein du secteur privé passant de 0,22 € à 0,35 €. Cependant, malgré ces mesures, force est de constater que cela ne permettait pas pour autant de répondre aux difficultés rencontrées par les intervenant•es à domicile et auxiliaires de vie quant à leurs frais de déplacement auxquels il faut ajouter ceux afférant au stationnement.

En effet, depuis le début de l'année 2022, la flambée des prix du carburant donne un caractère d'urgence à ces besoins de revalorisation. Cette augmentation touche directement ces professionnel•les car elle entraine en parallèle une augmentation des frais de déplacement jugés nécessaires à l'activité.

La question de la revalorisation kilométrique pose en creux la nécessité de revaloriser les salaires des intervenant•es à domicile afin de rattraper le retard cumulé ces dernières années.

Ces bas salaires ont pour conséquence des niveaux de vie très faibles chez les aides à domicile. Le taux de pauvreté dans cette catégorie professionnelle (17,5 %) est ainsi plus de deux fois supérieur au taux moyen de l'ensemble des salarié•es (6,5 %).

Ce retard est pointé du doigt régulièrement y compris par « le plan de mobilisation nationale en faveur des métiers du grand âge pour la période 2020-2024 » de l'ancienne ministre du Travail Myriam El Khomri, nommée par Emmanuel Macron et qui proposait en 2019 de créer 92 300 postes en cinq ans et d'augmenter les salaires. La dignité des professionnel•les comme des bénéficiaires concernés est directement engagée.

En outre, la crise sanitaire avec l'émergence de la Covid a démontré que le secteur des intervenant•es à domicile était fortement mobilisé auprès des personnes âgées fragiles. Elles et ils étaient en première ligne pendant la crise et ont dû s'adapter pour répondre aux besoins des publics fragiles afin d'éviter « une rupture d'accompagnement pour ces derniers et un épuisement des aidants familiaux » 1 . Les intervenantes et intervenants à domicile ont dû dépasser les difficultés rencontrées pour trouver des réponses opérationnelles allant jusqu'à augmenter leurs durées et fréquences de visite.

De plus, elles et ils partagent des conditions salariales particulièrement mauvaises et rencontrent par conséquent des difficultés liées à ces dernières. En effet, selon le rapport rendu par François-Xavier Devetter 1 ( * ) , professeur de Socio économie du travail et des services à l'Université de Lille, les intervenant•es à domicile 2 ( * ) partagent des positions salariales défavorisées « soit dans l'absolu (les aides à domicile, les agents de services, les aides éducateurs par exemple) soit en comparaison avec d'autres métiers de niveaux de qualification reconnue comme équivalente (sage-femme, infirmiers, assistants sociaux, éducateurs...)».

Dans le même rapport il est constaté que les conditions de travail sont souvent pénibles comme peut l'illustrer le taux de salarié•es déclarant rencontrer des difficultés et vivant dans la crainte jusqu'à leur retraite notamment au regard de la pénibilité du travail reconnue. En effet, elles et ils rencontrent un grand nombre de problèmes de santé liés à la difficulté du métier avec notamment des lésions au sein des membres supérieurs et du dos. Il est par conséquent essentiel de prévoir une reconversion dès lors que physiquement, le corps ne permet plus de répondre aux exigences de cette profession.

Cette proposition de loi répond à des besoins essentiels qui nécessitent des moyens. Elle serait financée via un fonds de financement mis en place par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Par conséquent, les dépenses engagées seraient réglées par l'élargissement de la Contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie aux revenus des actions et par le prélèvement d'une taxe de 0,3 % supplémentaire sur les actionnaires. En effet, aujourd'hui 0,3 % sont prélevés uniquement sur les personnes âgées afin d'accéder aux soins dont elles ont besoin, ce qui engendre un problème d'ordre moral et une inégalité quant à la solidarité intergénérationnelle.

Enfin, il y a bien un réel besoin de revaloriser ces professions, par l'amélioration des conditions de travail et des niveaux de rémunérations. Ces professionnel•les appartiennent en outre à des secteurs divers et dépendent de différents employeurs ainsi, dans le cadre de cette proposition de loi il est essentiel d'établir une homogénéité entre ces diverses dimensions.

Par ailleurs, les métiers de l'intervention à domicile, du soin et du lien sont majoritairement occupés par des femmes dont les salaires sont particulièrement bas.

En effet, sur environ 3 millions de salariés au sein des métiers du soin et du lien, 75 % sont des femmes et représentent près de 20 % de l'emploi féminin. La revalorisation salariale remplit donc également un objectif d'égalité entre les femmes et les hommes au regard des engagements de l'État et des dispositions européennes.

Ainsi, cette proposition de loi vise à améliorer les conditions d'exercice du métier et à reconnaitre ce dernier comme essentiel dans notre société, d'autant plus que des avancées en médecine ont permis à la population de vivre plus longtemps. Il est primordial de protéger le pouvoir d'achat des intervenant•es à domicile et de favoriser l'attractivité du métier et ainsi le recrutement.

Nous souhaitons permettre aux intervenant•es à domicile d'accéder à une revalorisation salariale et également, favoriser l'achat de véhicules de service, y compris de véhicules électriques.

Par cela, nous visons ici une indemnisation intégrale des frais de déplacement nécessaires à la profession afin de garantir le bon déroulement de cette dernière, lutter contre la précarité et contribuer à la stabilité de ces professionnel•les étant directement au contact de la population en perte d'autonomie.

Le relèvement de l'indemnité kilométrique relevant à la fois du pouvoir règlementaire et de la négociation collective, nous proposons de créer un crédit d'impôt pour les entreprises d'aide et d'accompagnement à domicile et un crédit d'impôt sur le revenu au titre des frais de déplacement journaliers entre le domicile et le lieu de travail, des aides à domicile.

La majorité des aides à domicile ne sont pas imposables ce qui les empêche de bénéficier de ce dispositif, aussi nous proposons d'améliorer le pouvoir d'achat des aides à domicile utilisant leur véhicule pour leurs déplacements domicile-travail, en créant un crédit d'impôt permettant aux aides à domicile non imposables de bénéficier d'un remboursement direct, là où ils n'en bénéficieraient pas avec une simple déduction.

Ainsi, l'article 1 er prévoit une indexation automatique des salaires des personnels pour garantir une revalorisation salariale adéquate.

L'article 2 créée un crédit d'impôt pour dépenses de fourniture de véhicules de service par les entreprises d'aide et d'accompagnement à domicile.

L'article 3 créée un crédit d'impôt au titre des frais de déplacement pour les aides à domicile.

L'article 4 prévoit le financement de la présente proposition de loi par la mise à contribution des actionnaires des entreprises au financement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.


* 1 Rapport, estimation du niveau d'emplois nécessaire dans l'économie du soin et du lien aux autres. Etude pour l'IRES par François-Xavier Devetter, Université de Lille, Clersé et Julie Valentin, Université de Paris 1, CES.

* 2 Mazars : Aide à domicile et crise sanitaire : un changement de cap managérial et une nouvelle donne numérique

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