EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de loi entend nationaliser le groupe ORPEA afin de protéger ses salariés ainsi que l'ensemble des résidents que celui-ci accueille au sein de ses établissements.
En janvier 2022, à travers son livre « Les Fossoyeurs, révélation sur le système qui maltraite nos aînés », le journaliste Victor Castanet mettait en pleine lumière les pratiques du groupe ORPEA, numéro un mondial du secteur des EHPAD.
S'appuyant sur de nombreux témoignages, l'auteur décrit, entre autres, un rationnement de la nourriture et des changes, contraignant par exemple les soignants à laisser certains résidents dans leurs excréments pendant plusieurs heures...
En février, la commission des affaires sociales du Sénat se dotait des pouvoirs d'une commission d'enquête afin de se pencher sur les pratiques du groupe.
En mars, suite auxdites révélations ainsi qu'aux conclusions d'un rapport faisant suite à une mission de six semaines menée par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'inspection des finances publiques (IGF), l'État portait plainte et saisissait le Procureur de la République « à propos de graves dysfonctionnements constatés ». Brigitte Bourguignon, alors ministre déléguée à l'autonomie soulignait alors « Non seulement nous portons plainte mais nous nous accordons aussi le droit de demander la restitution des dotations publiques qui n'auraient pas été utilisées en direction des résidents des Ehpad Orpéa ».
L'ensemble de ces travaux et procédures doivent conduire à terme la puissance publique à mettre en oeuvre, par la loi, les outils et moyens de contrôle de ces établissements afin de s'assurer, à l'avenir, que plus aucune dérive n'y soit constatée ni tolérée.
Cela était sans compter sur les dernières révélations faites ce 18 mai 2022 et qui ont convaincu l'auteur de cette proposition de loi à une initiative immédiate afin de protéger les salariés du groupe qui n'ont fait que subir les décisions de dirigeants et d'actionnaires privilégiant le profit au détriment de la santé et du bien-être de leurs résidents, ainsi que les résidents eux-mêmes qui ne doivent plus être les victimes collatérales des décisions inqualifiables desdits dirigeants.
En effet, selon Mediapart et le collectif de journalistes Investigate Europe, la holding luxembourgeoise Lipany, créée en 2007, a « accumulé 92 millions d'euros d'actifs », « principalement des parts dans de nombreux Ehpad et cliniques gérés par ORPEA » dans plusieurs pays d'Europe, dont la France, et « mené des opérations financières douteuses », menaçant le groupe, en plus des conséquences de ses pratiques condamnables, d'un scandale financier.
À travers un communiqué, la direction d'ORPEA a indiqué qu'elle a récemment déposé plainte contre X pour abus de biens sociaux, auprès du parquet de Nanterre (Hauts-de-Seine) soulignant, selon elle, que « ces faits potentiellement délictueux, mettent en cause des comportements individuels ».
Au regard de l'accumulation des révélations sur ce groupe et ses pratiques, force est de constater que si les responsables devront rendre des comptes à la justice, leurs victimes, à savoir les salariés et les résidents, vont, elles, subir de plein fouet les dommages collatéraux de l'effondrement du groupe ainsi que de sa valeur boursière (cette dernière ayant perdu 60% de sa valeur en janvier, puis à nouveau 19,17% ce mercredi 18 mai, l'action s'échangeant à 80 euros le 21 janvier et à « seulement » 29 euros à l'heure ou cette proposition de loi est rédigée).
Le groupe ORPEA emploie plus de 12 000 personnes en France et plus de 68 000 dans le monde, il gère également plus de 32 500 lits dans notre pays. Ce sont ces personnes qui ne sont, pour l'immense majorité d'entre elles, en rien responsables des agissements du groupe qui vont subir les conséquences des décisions d'une poignée à travers la perte de leur emploi ou de leur solution d'accueil médicalisée.
Cette proposition de loi entend donc faire en sorte que l'État, via une nationalisation, reprenne la main sur l'avenir de ce groupe afin de protéger ces personnes et de mettre fin de manière concrète aux pratiques révélées depuis janvier 2022.