EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les transferts de souveraineté de la part des États membres vers l'Union européenne deviennent de plus en plus importants. De ce fait, la logique d'une confédération d'États-nations est menacée par le grignotage du fédéralisme. Que l'on soit pour ou contre une telle évolution, la question n'est pas là. Le véritable problème en jeu est celui du respect de la démocratie.
Plus précisément, si les États renoncent à une partie de leur souveraineté, encore faut-il que le processus se fasse de manière claire et en respectant la volonté réelle du peuple. Or, les traités européens successifs et les modifications constitutionnelles corrélatives peuvent être approuvés, soit directement par référendum, soit indirectement par un vote du Parlement, agissant en tant que délégataire de la souveraineté nationale. Ces procédures ont la même valeur juridique mais le choix de l'une ou l'autre n'est pas neutre.
En effet, une décision exprimée directement par le peuple dans le cadre d'un référendum a une plus forte valeur morale qu'une décision prise par le Parlement au nom du peuple. C'est d'ailleurs ce qu'avait reconnu implicitement le Conseil constitutionnel en 1962 lorsqu'il avait été saisi de la validité du référendum modifiant la Constitution pour instaurer l'élection du Président de la République au suffrage universel.
Ce constat est d'autant plus vrai que, quel que soit le mode de scrutin pour les députés ou pour les sénateurs, des distorsions de représentativité sont inévitables. Ainsi, lors des élections présidentielles de 2012, le Front National, le Modem et les Verts avaient obtenu respectivement 17,90 %, 9,13 % et 2,31 % des suffrages exprimés. Toutefois, le résultat en nombre de sièges lors des élections législatives qui ont suivi a été complètement inversé puisqu'ils ont obtenu respectivement 2, 2 et 17 députés. De même, en 2017, le Front national et la France insoumise, qui ont rassemblé respectivement 21,30 % et 19,58 % des suffrages exprimés au scrutin présidentiel, n'ont obtenu que 9 et 17 députés.
C'est dire si de ce fait, les votes à l'Assemblée nationale peuvent être radicalement opposés au résultat que donnerait une consultation directe du peuple par référendum. Un exemple en a été fourni par le projet de « traité établissant une Constitution pour l'Europe », lequel avait été signé à Rome par les représentants des 25 pays membres de l'Union européenne le 29 octobre 2004. Or ce projet a été massivement rejeté par les Français lors du référendum du 29 mai 2005 (54,68 % de non).
Cela n'a pas empêché le nouveau Président de la République, M. SARKOZY, de faire adopter par voie parlementaire, une réforme constitutionnelle puis l'adoption du traité de Lisbonne (loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 et loi de ratification du traité de Lisbonne n° 2008-125 du 13 février 2008). Pourtant celui-ci reprenait quasiment à l'identique le texte initial qui avait été rejeté par référendum.
Ainsi, les modalités d'adoption du traité de Lisbonne ont constitué un véritable désaveu pour la majorité des Français qui avaient voté « non » lors du référendum du 29 mai 2005. Est-il acceptable de demander l'avis des Français puis si celui-ci est négatif, de passer outre en faisant voter exactement le contraire par le Parlement ?
L'exemple du traité de Lisbonne prouve qu'en tout état de cause, l'Europe ne doit pas se construire dans le dos des Français ou des citoyens des autres pays, mais bel et bien avec leur accord clairement exprimé. C'est-à-dire par voie référendaire.
La présente proposition de loi constitutionnelle a donc pour but de prévoir que les lois de ratification des traités d'adhésion de nouveaux pays à l'Union européenne et les lois constitutionnelles prises pour permettre de nouveaux transferts de souveraineté au profit de l'Union européenne, doivent être obligatoirement soumises à l'approbation des Français par voie de référendum.