EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2016, près de 31 500 personnes vivant avec le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) ne faisaient pas l'objet d'une prise en charge, soit parce qu'elles ignoraient leur séropositivité, soit parce qu'elles n'avaient pas accès aux traitements permettant de contrôler leur charge virale ou se trouvaient éloignées des structures les dispensant. Cette « épidémie cachée », identifiée par la Cour des comptes dans son enquête réalisée à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat sur la prévention et la prise en charge du VIH et publiée en juillet 2019, est responsable de plus de 60 % des nouvelles contaminations au VIH dans notre pays.

Dans ces conditions, le nombre de nouvelles séropositivités découvertes tous les ans ne fléchit pas en France. Avec un taux de nouvelles découvertes de 7,8 pour 100 000 habitants en 2017, notre pays reste au-dessus du taux moyen constaté dans l'Union européenne. Dans le même temps, les dernières données épidémiologiques publiées par Santé publique France révèlent un relâchement de la prévention chez les jeunes et la persistance de fortes vulnérabilités à l'exposition aux infections sexuellement transmissibles (IST) chez les populations les plus à risque.

Dans ce contexte, la commission des affaires sociales du Sénat a formulé, sur le rapport de Mme Corinne Imbert intitulé « S'engager pour un avenir sans Sida » 1 ( * ) , 16 propositions en faveur d'une politique de prévention résolument décomplexée et d'une amélioration de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH. La présente proposition de loi a pour objectif de traduire, sur le plan législatif, une partie de ces propositions.

Les dispositions du chapitre I er ambitionnent de maximiser l'accès du plus grand nombre aux outils de dépistage, aux moyens de prévention et aux traitements préventifs de l'infection au VIH.

L' article premier crée ainsi un « pass santé sexuelle » au profit de toute personne âgée de moins de 25 ans lui permettant de disposer d'un accès gratuit aux préservatifs comme à tous les outils de dépistage et aux traitements préventifs, que ceux-ci soient dispensés dans des laboratoires de biologie médicale, en officine pharmaceutique ou encore dans les centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) mais aussi dans les services de santé scolaire du second degré et dans les services de santé universitaires. Dans des conditions fixées par voie réglementaire, ce « pass » pourra également être attribué aux populations présentant un risque particulier d'exposition aux IST qui en feraient la demande, notamment aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes ou aux migrants.

L' article 2 assouplit les conditions de délivrance des autotests détectant le VIH, en prévoyant leur mise à disposition gratuite dans certaines structures, notamment celles susceptibles d'accueillir des populations jeunes. L' article 3 prévoit la possibilité d'une expérimentation de la vente libre des autotests, sans entretien préalable, au sein des officines pharmaceutiques afin de faciliter leur recours par les populations à risque. L' article 4 généralise à l'ensemble du territoire la possibilité d'effectuer en laboratoire de biologie médicale un test de dépistage d'IST sans ordonnance.

L' article 5 tend à favoriser la sensibilisation de l'ensemble de la population au dépistage d'IST de façon périodique tout au long de la vie, par le biais d'alertes au travers de l'espace numérique de santé et du dossier médical partagé de chaque assuré. L' article 6 assouplit, pour sa part, les conditions de délivrance des traitements préventifs de l'infection au VIH, qu'il s'agisse d'une prophylaxie de pré-exposition (PrEP) ou d'un traitement de post-exposition (TPE). Afin de tenir compte des inégalités d'accès aux services hospitaliers d'urgence, les premières prises du TPE pourront ainsi être prescrites par un médecin de ville ou délivrées par un pharmacien sans ordonnance, sous réserve de l'information du patient sur le protocole à suivre pour la poursuite efficace du traitement. Compte tenu de la saturation des capacités d'accueil des CeGIDD et des hésitations de certaines personnes à se rendre à une consultation dans ces structures, la première prescription d'une PrEP pourra intervenir à l'occasion d'une téléconsultation sans restriction d'accès. Sous réserve de l'autorisation de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de leur délivrance aux mineurs, les traitements préventifs de l'infection au VIH pourront être prescrits dans les services de santé scolaire du second degré et dans les services de santé universitaires.

Par analogie avec l'élargissement des points d'accès aux autotests, l' article 7 étend la pratique des tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) à d'autres structures, notamment les officines pharmaceutiques, les services de santé scolaire du second degré et universitaires ou encore les unités sanitaires des établissements pénitentiaires. L' article 8 vise à mettre en oeuvre une recommandation de la Cour des comptes relative à l'autorisation des infirmiers scolaires et universitaires à proposer ou à administrer un test de dépistage du VIH par TROD ou autotest.

Le chapitre II comprend trois articles relatifs à la gouvernance nationale et territoriale de la politique de lutte contre le VIH et les autres IST. L' article 9 étend les missions du Conseil national du Sida et des hépatites virales à l'ensemble des IST, dans le prolongement des recommandations de la Cour des comptes, et supprime la présence en son sein de parlementaires. Afin de renforcer la légitimité des recommandations et avis du conseil, celui-ci est désormais constitué en commission spécialisée de la Haute Autorité de santé qui sera notamment chargée de valider la méthodologie de travail du conseil, tout en préservant son autonomie. Au niveau territorial, l' article 10 prévoit l'intégration au schéma régional de santé, composante du projet régional de santé, d'un programme relatif à la prévention du VIH et des IST. Ce programme sera élaboré en concertation avec les CeGIDD et les comités de coordination de la lutte contre l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine concernés. Enfin, l' article 11 modifie une disposition du code de l'éducation afin de confier aux services de santé universitaires le soin de mettre en oeuvre auprès de la population étudiante les objectifs inscrits au programme régional relatif à la prévention du VIH et des IST nouvellement créé.

Le chapitre III entend mettre en oeuvre deux propositions du groupe d'experts du Conseil national du Sida et des hépatites virales dans son rapport d'avril 2018 sur la prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH 2 ( * ) . L' article 12 généralise ainsi à l'ensemble du territoire la possibilité pour des infirmiers dits « de coordination » d'assurer la continuité de la prise en charge entre l'hôpital et la ville, dans le cadre d'un protocole de coopération entre l'agence régionale de santé et des établissements de santé volontaires. L' article 13 prévoit la mise en place d'un programme d'éducation thérapeutique spécifique au bénéfice des personnes vivant avec le VIH, afin de les sensibiliser à la prévention d'autres IST, d'accompagner certains patients en matière d'addictologie ou encore de prévenir les principales comorbidités.

L' article 14 vise à gager les éventuelles pertes de recettes et charges découlant de la présente proposition de loi.

Tel est l'objet de la proposition de loi que nous vous demandons d'adopter.


* 1 Rapport d'information de Mme Corinne IMBERT, fait au nom de la commission des affaires sociales, n° 624 (2018-2019) - 3 juillet 2019.

* 2 Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH - Suivi de l'adulte vivant avec le VIH et organisation des soins , recommandations du groupe d'experts sous la direction du professeur Philippe Morlat et sous l'égide du Conseil national du Sida et des hépatites virales et de l'agence nationale de recherche sur le Sida et les hépatites virales, avril 2018.

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