EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'Union européenne et ses États membres ont signé à Bali le 17 octobre 2022 un accord sur le transport aérien avec l'Association des nations de l'Asie du sud-est (ASEAN). C'est la première fois qu'est signé un accord « bloc à bloc » et non pas avec un pays tiers individuellement.

L'accord avec l'ASEAN comporte trente-quatre articles et une annexe composée d'une quinzaine d'articles numérotés de A à O partie intégrante de l'accord.

Les premiers articles sont classiquement consacrés aux dispositions économiques.

L'article 1er précise le champ d'application de l'accord.

L'article 2 définit les termes employés dans l'accord.

L'article 3 fixe les droits commerciaux des transporteurs aériens des Parties contractantes pour les services aériens internationaux.

Il prévoit que les transporteurs européens pourront desservir, au départ de tout aéroport de l'Union européenne, tout aéroport de l'ASEAN (droits dits de 3e et 4e libertés) et réciproquement.

Concernant le cargo, les transporteurs de l'ASEAN pourront en outre effectuer des vols en 5e liberté, c'est-à-dire des vols vers un pays tiers en continuation d'un vol bilatéral initial, embarquant du trafic sur le second segment au-delà de l'Union européenne. Inversement, les transporteurs aériens des pays de l'Union européenne pourront effectuer des vols similaires pour le fret via les pays de l'ASEAN.

S'agissant des vols de passagers, cette 5e liberté est autorisée dans la limite hebdomadaire de 7 vols pour chaque État membre de l'ASEAN pour les transporteurs de l'Union européenne. Cette limite est portée à 7 vols supplémentaires au bout de deux ans à condition qu'un transporteur aérien de ce même État membre de l'ASEAN ne desserve pas déjà ce segment vers ce pays tiers. De même, cette 5e liberté est autorisée dans la limite hebdomadaire de 7 vols pour chaque État membre de l'Union européenne pour les transporteurs de l'ASEAN. Réciproquement, cette limite est portée à 7 vols supplémentaires au bout de deux ans à condition qu'un transporteur aérien de l'Union européenne ne desserve pas déjà ce segment vers ce pays tiers.

Ces droits de 5e liberté sont non seulement utilisables avec un pays tiers, mais aussi, et c'est une nouveauté pour ce type d'accord aérien, entre deux pays de chacun des blocs (par exemple Singapour-Francfort-Paris pour un transporteur aérien de l'ASEAN).

Cet article précise aussi les conditions dans lesquelles ces droits commerciaux peuvent être exercés.

Les articles 4 et 5 sont relatifs aux autorisations d'exploitation des transporteurs aériens et à leur révocation. Ils établissent les conditions dans lesquelles les Parties contractantes accordent et refusent, révoquent, suspendent ou limitent lesdites autorisations d'exploitations.

L'article 6 renvoie la libéralisation de la propriété et du contrôle des transporteurs (un transporteur européen ne pouvant, actuellement, être détenu et contrôlé que par des intérêts européens) à l'examen du comité mixte.

L'article 7 rappelle le respect des lois et règlements des Parties contractantes relatifs à l'entrée, à la sortie et au séjour sur le territoire des aéronefs, des passagers, des membres d'équipage et du fret.

L'article 8 sur la concurrence équitable est assez étendu. En plus d'interdire les subventions, il prévoit que les transporteurs aériens d'une Partie transmettent annuellement à l'autre Partie un rapport financier avec audit externe et que toute Partie transmette à la demande de l'autre toute autre information raisonnablement disponible, notamment concernant le rapport financier. Cet article permet ainsi d'assoir le précédent introduit dans les accords de transport aérien avec le Qatar, en comportant notamment des exigences de conformité aux normes financières internationales. Cela offre une réelle possibilité de pouvoir identifier de potentiels écarts par rapport aux pratiques habituelles de gestion des entreprises de transport aérien, et ainsi de s'assurer que les compagnies européennes de l'Union européenne et de l'ASEAN sont placées dans une situation équitable. Des mesures peuvent être prises sous trois mois par une Partie contre les transporteurs aériens qui auraient eu des pratiques déloyales ou en auraient bénéficié, afin de supprimer l'avantage indu. La bonne mise en oeuvre de cet article sera la contrepartie de l'ouverture des marchés. Il est complété par l'article 9 sur la conduite des affaires, afin d'éliminer tout obstacle à celle-ci.

L'article 10 sur l'exploitation commerciale précise les conditions dans lesquelles les transporteurs aériens de chaque Partie peuvent exercer leurs activités commerciales sur le territoire de l'autre Partie.

L'article 11 prévoit les exemptions en matière de droits de douane et de taxes que s'accordent mutuellement les Parties contractantes.

L'article 12, relatif aux redevances imposées pour l'usage des aéroports, des infrastructures et des services aéronautiques, définit les critères auxquels doivent satisfaire les redevances d'usage.

Le principe de la liberté de fixation des tarifs des services aériens par les transporteurs est posé à l'article 13. Ce dernier prévoit que les autorités des Parties contractantes peuvent exiger le dépôt ou la notification des tarifs pratiqués.

L'article 14 organise l'échange de données statistiques.

Les articles suivants (15 à 22) traitent du renforcement de la coopération règlementaire avec l'Union européenne et de l'intégration des dispositions internationales (sur l'environnement, sur les droits sociaux...).

L'article 15 sur la sécurité aérienne prévoit notamment une reconnaissance par chaque Partie des certificats de navigabilité, certificats de compétence et licences de l'autre Partie.

L'article 16 est consacré à la sûreté aérienne.

L'article 17 traite de la coopération en matière de navigation aérienne.

L'article 18 aborde la coopération dans le domaine de l'environnement, notamment pour les mesures de réduction des gaz à effet de serre.

L'article 19 porte sur la responsabilité des transporteurs aériens et rappelle la règlementation internationale. Grâce à cet article, les pays de l'ASEAN qui ne l'ont pas encore fait1(*) s'engagent à ratifier la convention internationale sur l'indemnisation des passagers (convention de Montréal).

L'article 20 vise à améliorer la protection des consommateurs.

L'article 21 vise principalement la mise à disposition réciproque des systèmes informatisés de réservation.

L'article 22 sur les droits sociaux traduit notamment l'engagement des pays de l'ASEAN à faire tout leur possible pour ratifier les conventions fondamentales de l'organisation internationale du travail.

La fin de l'accord est consacrée aux dispositions institutionnelles (articles 23 à 30).

L'article 23 crée un comité mixte. Composé de représentants des Parties, il est responsable de la gestion et de l'application de l'accord.

L'article 24 relatif à la mise en oeuvre de l'accord, formalise les obligations qui incombent aux Parties afin d'assurer sa bonne application et prévoit des enceintes de discussion notamment pour l'interprétation de l'accord.

L'article 25 relatif au règlement des différents et à la procédure d'arbitrage, pose le principe du recours au comité mixte pour la résolution des différends survenant à propos de l'interprétation ou de l'application de l'accord et prévoit, si cette procédure est infructueuse, de recourir à un tribunal arbitral. Ce dernier peut autoriser une Partie à adopter des mesures correctrices provisoires.

L'article 26, sur les relations avec les autres accords, prévoit que les dispositions de cet accord sur le transport aérien avec l'ASEAN prévalent sur les dispositions des accords bilatéraux existants entre les États membres de l'Union européenne et les divers États membres de l'ASEAN. Toutefois, les droits desdits accords bilatéraux qui seraient plus favorables continuent à s'appliquer.

L'article 27 stipule que les annexes font partie intégrante de l'accord.

Les articles 28, 29 et 30 reprennent les éléments habituels du droit des traités relatifs aux amendements, à la dénonciation et à l'enregistrement auprès de l'OACI de l'accord.

L'article 31 envisage l'élargissement de l'accord à des pays qui deviendraient membres de l'Union européenne après la signature de l'accord.

L'article 32 précise le territoire sur lequel s'applique l'accord.

L'article 33 définit l'entrée en vigueur de l'accord avec l'ASEAN. Il n'évoque pas de possibilité d'application provisoire. Mais celle-ci fait l'objet d'une déclaration lors de la signature de l'accord, qui en pratique couvre tous les pays de l'Union européenne et de l'ASEAN à l'exception de la Malaisie.

L'article 34 précise que l'accord est rédigé dans toutes les langues de l'Union européenne.

L'annexe2(*)

Cette annexe innove en matière d'accords globaux de transport aérien conclus par l'Union européenne et ses États-Membres. Elle est due à la multiplicité des pays qui constituent l'autre Partie, l'ASEAN, organisation régionale moins intégrée que l'Union européenne dans le domaine du transport aérien. Ses articles traitent donc des différences que les divers pays de l'ASEAN ont obtenues par rapport aux dispositions générales de l'accord.

L'article A sur le tableau des routes précise pour l'Indonésie les seules villes qui peuvent être desservies.

L'article B couvre les spécificités liées aux droits de trafic. Ainsi, les droits de 5e liberté ne commenceront qu'à partir du 1er juillet 2024 pour la Birmanie. Pour le Viêt Nam, même les 7 premières fréquences de droits de 5e liberté vers les points hors de l'ASEAN ne pourront porter que sur des routes non exploitées par un transporteur aérien du Viêt Nam. Et réciproquement pour les transporteurs aériens du Viêt Nam par rapport aux routes non exploitées par des transporteurs aériens de l'Union européenne.

L'article C prévoit une période transitoire avant l'exercice de droits d'escale dans le cadre de coterminalisation (desserte de plus d'un point au sein d'un même service) dans un même État pour les compagnies aériennes de l'Union de deux ans après que de tels droits auront été octroyés en intra-ASEAN.

L'article D laisse la possibilité à l'Indonésie, au Myanmar, aux Philippines et au Viêt Nam de maintenir provisoirement l'exigence de désignation des transporteurs aériens de l'Union européenne.

L'article E précise la mise en oeuvre des dispositions liées à la concurrence équitable.

L'article F permet au Cambodge, à l'Indonésie, au Laos, à la Malaisie, au Myanmar, aux Philippines, à la Thaïlande et au Viêt Nam de maintenir temporairement leurs procédures nationales concernant les plans, programmes et horaires d'exploitation, à condition de les approuver sous dix jours si les autres formalités ont été accomplies par le transporteur aérien de l'Union européenne concerné.

L'article G permet à l'Indonésie, au Myanmar et au Viêt Nam de maintenir temporairement l'utilisation de leurs monnaies nationales pour les ventes intérieures et le paiement des dépenses locales.

L'article H prévoit des dispositions particulières pour le transfert des dépenses locales dans le cas des Philippines.

L'article I permet aux Philippes de maintenir temporairement ses procédures d'approbation des tarifs.

L'article J prévoit une clause dite « du grand père » pour les garanties de prêt octroyées par le Viêt Nam à ses compagnies aériennes antérieurement à la conclusion de l'accord.

L'article K s'assure de l'absence de discrimination malgré les spécificités demandées par certains pays de l'ASEAN.

L'article L maintient la primauté des accords de libre-échange entre l'Union européenne et l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande et le Viêt Nam pour les systèmes d'information et de réservation par rapport à l'accord de transport aérien.

L'article M offre la possibilité aux États Membres de l'Union européenne de bénéficier réciproquement des dérogations prévues pour les pays considérés sur la désignation des transporteurs aériens, l'approbation des plans, programmes et horaires d'exploitation, sur l'utilisation de la monnaie locale, et sur l'approbation des tarifs.

L'article N prévoit l'entrée en vigueur différée pour la Malaisie, sans fixer de date.

L'article O prévoit une évaluation annuelle des progrès accomplis par les États de l'ASEAN vers une application intégrale des diverses dispositions de l'accord.

Telles sont les principales observations qu'appelle l'Accord global dans le domaine du transport aérien entre les États membres de l'association des nations de l'Asie du sud-est d'une part, et l'Union européenne et ses États membres d'autre part.

* 1 Ce qui correspondrait d'après l'état des ratifications enregistrées par l'Organisation internationale de l'aviation civile au Laos et au Myanmar ( Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international faite à Montréal le 28 mai 1999)

* 2 Singapour, le Myanmar et le Viêt Nam bénéficient de dispositions particulières aux articles A et B de l'annexe.

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