EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'article 168 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a habilité le Gouvernement à prendre toutes dispositions relevant du domaine de la loi afin de créer un régime juridictionnel unifié de responsabilité des gestionnaires publics.
Prise sur ce fondement, l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics a été publiée au Journal officiel de la République française du 24 mars 2022. Elle entrera en vigueur le 1 er janvier 2023.
En application du III de l'article 168 de la loi de finances pour 2022, un projet de loi portant ratification doit être déposé au Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l'ordonnance, soit au plus tard le 24 septembre 2022.
L'article unique du présent projet de loi a donc pour objet de ratifier l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.
Visant à remédier aux limites des régimes actuels de responsabilité des ordonnateurs et des comptables afin de favoriser la responsabilisation de tous les gestionnaires publics, cette ordonnance instaure un régime de responsabilité commun. Seront notamment sanctionnés les gestionnaires publics qui, par une infraction aux règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens de l'État, des collectivités et des établissements et organismes soumis au contrôle des juridictions financières, ont commis une faute grave ayant causé un préjudice financier significatif. Elle modernise d'autres infractions actuellement poursuivies devant la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), telles que la faute de gestion et l'avantage injustifié, ainsi que les situations de gestion de fait.
Ces infractions sont sanctionnées par des amendes plafonnées à six mois de rémunération ou à un mois pour les infractions formelles. Le juge prononcera des amendes individualisées et proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées ainsi que, le cas échéant, à l'importance du préjudice.
La juridiction unifiée en charge de la répression de ces fautes en première instance sera la chambre du contentieux de la Cour des comptes, composée à parité de membres de la Cour et des magistrats des chambres régionales et territoriales des comptes. Afin de renforcer les droits des justiciables, une cour d'appel financière, présidée par le Premier président de la Cour des comptes, sera instituée, composée de quatre conseillers d'État, de quatre conseillers maîtres à la Cour des comptes et de deux personnalités qualifiées désignées pour leur expérience dans le domaine de la gestion publique. L'appel sera suspensif. Le Conseil d'État demeurera la juridiction de cassation.
Aux autorités ayant aujourd'hui le pouvoir de saisir la CDBF s'ajouteront les représentants de l'État dans le département ainsi que les directeurs des finances publiques en région ou en département, pour des faits ne relevant pas des services de l'État, les chefs de service des inspections générales de l'État et les commissaires aux comptes des organismes soumis au contrôle des juridictions financières.
Tout en prévoyant l'abrogation de l'ensemble des différents régimes de responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) des comptables, l'ordonnance réaffirme le principe essentiel de séparation entre l'ordonnateur et le comptable, notamment en reprenant l'infraction de gestion de fait, désormais poursuivie en tant que telle, et celle d'engagement de dépenses sans avoir la qualité d'ordonnateur. La procédure de réquisition d'un comptable par l'ordonnateur, qui permet à la fois au comptable de jouer pleinement son rôle de gardien des deniers publics, et de proposer un mécanisme de résolution des blocages, voit sa portée réaffirmée. Elle est complétée par le rappel du principe selon lequel un comptable ne peut être tenu pour responsable des opérations réalisées sur réquisition régulière d'un ordonnateur. L'ordonnance introduit également une possibilité pour le comptable de signaler à l'ordonnateur toute opération susceptible de relever d'une infraction, sanctionnée par le juge financier, aux règles d'exécution des recettes et des dépenses.
Ces dispositions entreront en vigueur le 1 er janvier 2023. À cette date, l'ensemble des affaires ayant fait l'objet d'un réquisitoire introductif devant les chambres régionales des comptes et devant la CDBF seront transférées à la chambre du contentieux de la Cour des comptes. Les règles de procédure nouvelles prévues par l'ordonnance s'appliqueront de façon immédiate à ces affaires.
S'agissant du droit au fond, le régime de RPP des comptables publics continuera de s'appliquer à l'ensemble des opérations ayant fait l'objet d'un premier acte de mise en jeu de leur responsabilité administrative notifié avant cette date.
Pour les affaires en cours devant le juge financier, les règles de fond relatives au régime de RPP demeureront applicables dans les seuls cas où le manquement litigieux aura causé un préjudice financier à l'organisme public concerné. En ce qui concerne les affaires en cours n'ayant pas causé de préjudice financier, le principe de rétroactivité de la loi répressive plus douce s'appliquera.
S'agissant des affaires en cours devant la CDBF et transférées à la chambre du contentieux, il appartiendra au juge d'appliquer, pour chaque affaire, les règles de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère et de rétroactivité de la loi pénale la plus douce, le nouveau régime étant de même nature et venant succéder à celui de la CDBF, juridiction administrative de nature répressive.
La suppression de la RPP des comptables publics sera menée dans le cadre d'une loi organique future dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie.