LA LIBERATION DES DETENUS ÂGES
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES (novembre 2001)
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Table des matières
NOTE DE SYNTHÈSE
En
France, il n'existe pas de limite d'âge pour l'exécution d'une
condamnation. Les détenus âgés ne peuvent donc pas se
prévaloir de leur âge pour obtenir une libération.
En revanche, l'état de santé peut être pris en compte non
seulement pour l'octroi de la grâce présidentielle, mais aussi
pour l'obtention d'une décision judiciaire de libération
conditionnelle.
En effet, d'après l'article 729 du code de procédure
pénale, «
la
nécessité de subir un
traitement
» constitue l'un des motifs susceptibles de
justifier la libération conditionnelle, une fois la période de
sûreté écoulée.
On a donc cherché à savoir si, dans les pays voisins, l'âge
élevé des détenus pouvait justifier la libération
avant l'exécution de la totalité de la condamnation. Pour cela,
on a vérifié si l'âge ou l'état de santé
constituait l'un des critères pris en compte pour la libération
conditionnelle. On a également recherché s'il existait d'autres
dispositifs permettant aux détenus âgés - ou
très malades - de ne pas terminer l'exécution de leur peine.
En revanche, les mesures de grâce, par nature discrétionnaires,
n'ont pas été examinées.
L'analyse des dispositions en vigueur en Allemagne, en Angleterre et au Pays de
Galles, en Belgique, au Danemark, en Espagne et en Italie montre que :
- l'Espagne et l'Italie ont adopté des mesures qui prennent en
compte l'âge des détenus ;
- en Angleterre et au Pays de Galles, le ministre de l'Intérieur
peut accorder à tout détenu la libération conditionnelle
«
pour des raisons humanitaires
» ;
- en Allemagne et au Danemark, les détenus âgés
peuvent se prévaloir de leur mauvais état de santé pour
obtenir des aménagements dans l'exécution de leur peine ;
- en Belgique, aucun dispositif autre que la grâce ne permet aux
détenus âgés d'être libérés avant la
fin de leur peine.
1) L'Espagne et l'Italie ont adopté des mesures qui prennent en compte
l'âge des détenus
a) La libération conditionnelle des détenus de plus de
soixante-dix ans en Espagne
En Espagne, à partir de soixante-dix ans, les détenus peuvent
obtenir leur libération conditionnelle plus facilement que les
détenus plus jeunes.
En règle générale, l'octroi de la libération
conditionnelle est subordonné à trois conditions :
bénéficier d'ores et déjà d'un régime de
semi-liberté, s'être bien conduit en détention et avoir
purgé les trois quarts de sa peine. À partir de soixante-dix ans,
il suffit de réunir les deux premières conditions pour obtenir la
libération conditionnelle.
b) L'assignation à domicile des détenus de plus de soixante
ans en Italie
Dans la mesure où ils sont
handicapés, même
partiellement
, et où la peine qui leur a été
infligée ou qui leur reste à purger ne dépasse pas quatre
ans,
les condamnés âgés de plus de soixante ans peuvent
exécuter leur peine à domicile ou dans
un
établissement de soins.
2) En Angleterre et au Pays de Galles, le ministre de l'Intérieur a la
possibilité d'accorder à tout détenu la libération
conditionnelle
Cette mesure est octroyée «
pour des raisons
humanitaires
». Les détenus peuvent en
bénéficier à n'importe quel moment de leur
incarcération, quelle que soit la durée de leur peine.
3) En Allemagne et au Danemark, les détenus âgés peuvent
se prévaloir de leur mauvais état de santé pour obtenir
des aménagements dans l'exécution de leur peine
En Allemagne, les détenus dont l'état de santé est
très grave peuvent obtenir une suspension de l'exécution de leur
peine.
La durée de la suspension n'est pas limitée, car elle
dépend du rétablissement du condamné. Elle peut donc
être renouvelée.
Au Danemark
, les personnes condamnées à des peines
privatives de liberté peuvent, dans la mesure où elles ont besoin
de soins particuliers,
exécuter leur peine à l'hôpital,
voire à domicile
. La loi sur l'exécution des peines
précise que cette possibilité n'est accordée que lorsque
la détention n'est pas adaptée, notamment compte tenu de
l'âge ou de l'état de santé de l'intéressé.
4) En Belgique, aucun dispositif autre que la grâce ne permet aux
détenus âgés d'être libérés avant la
fin de leur peine
Aucune mesure n'a été prise en faveur des détenus
âgés. En outre, ni l'âge ni l'état de santé ne
font partie des éléments susceptibles de justifier la
libération conditionnelle.
ALLEMAGNE
1) La libération conditionnelle
Elle est
susceptible d'être accordée lorsque les deux tiers de la peine ont
été purgés, voire seulement la moitié pour les
primo-délinquants condamnés à des peines n'excédant
pas deux ans, tandis que les condamnés à perpétuité
doivent avoir purgé quinze ans pour pouvoir en
bénéficier.
Le code pénal énumère les principaux
éléments dont il doit être tenu compte lors de la prise de
décision : la personnalité du condamné, ses
antécédents, son comportement pendant la détention, ses
conditions de vie, les circonstances de l'infraction. Il ne mentionne ni
l'âge ni l'état de santé.
2) La suspension de l'exécution des peines privatives de liberté
Le code
de procédure pénale prévoit que l'exécution d'une
peine privative de liberté peut, dans la mesure où une telle
décision n'entraîne aucun danger pour la sécurité
publique, être suspendue
(1(
*
))
dans trois
cas :
- lorsque le détenu est atteint d'une maladie mentale ;
- lorsque, à cause d'une autre maladie, la poursuite de la
détention met en danger à court terme la vie du
détenu ;
- lorsque le détenu, gravement malade, ne peut être
traité dans le cadre pénitentiaire.
La suspension de l'exécution de la peine ne peut donc être
prononcée que lorsque l'état de santé du détenu est
particulièrement grave.
L'intéressé est alors
transféré dans un établissement de soins approprié.
En revanche, lorsque l'état de santé est moins grave,
l'intéressé est transféré dans un
établissement qui relève de l'administration pénitentiaire
et où il continue à purger sa peine.
La décision de suspension est prise par le ministère public, qui
est compétent pour l'exécution des peines. La durée de la
suspension n'est pas limitée, car elle dépend du
rétablissement du condamné. Le cas échéant, la
suspension peut donc être renouvelée.
ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES
La libération conditionnelle
Elle est
accordée automatiquement aux détenus qui ont purgé :
- la moitié de leur peine si la durée de celle-ci est
comprise entre un et quatre ans ;
- les deux tiers si la durée de la peine dépasse
quatre ans.
Les récidivistes doivent avoir purgé les trois quarts de leur
peine pour bénéficier d'une libération
conditionnelle
.
Les détenus condamnés à perpétuité ne
peuvent bénéficier de cette mesure qu'après l'expiration
de la période de sûreté, qui est prévue dans le
jugement, et après avis du Conseil de la libération
conditionnelle
(2(
*
))
, créé par la loi
de 1991 sur la justice pénale.
L'article 36 de cette loi prévoit que le ministre de
l'Intérieur, après avoir consulté le Conseil de la
libération conditionnelle, peut accorder la libération
conditionnelle à un détenu condamné à une peine de
durée limitée, à n'importe quel moment de son
incarcération, «
lorsque des circonstances
exceptionnelles justifient la libération du détenu
pour
des raisons humanitaires
».
L'article 30 de la loi de 1997 sur les condamnations pénales
prévoit également la possibilité de faire
bénéficier les détenus condamnés à
perpétuité de la libération conditionnelle
«
pour des raisons humanitaires
».
BELGIQUE
La libération conditionnelle
Elle
peut être accordée aux condamnés qui ont purgé le
tiers de leur peine, la durée de la peine déjà
exécutée devant excéder trois mois. Les
récidivistes peuvent bénéficier de cette mesure à
condition d'avoir purgé les deux tiers de leur peine, sans que la
durée de la peine déjà exécutée soit
inférieure à six mois et supérieure à
quatorze ans. En cas de condamnation à perpétuité, il
faut avoir purgé dix ans (quatorze ans pour les
récidivistes).
La loi du 5 mars 1998 relative à la libération
conditionnelle précise que le condamné doit pouvoir
présenter un programme de reclassement faisant apparaître
«
sa volonté et son effort de réinsertion dans la
société
» et qu'«
il ne peut y avoir
de contre-indications impliquant un risque sérieux pour la
société
». Elle ne mentionne ni l'âge ni
l'état de santé.
*
* *
Aucune autre mesure n'est susceptible de permettre aux détenus âgés ou atteints de maladie grave d'être libérés avant la fin de leur peine.
DANEMARK
1) La libération conditionnelle
Elle est
susceptible d'être accordée lorsque les deux tiers de la peine ont
été purgés, voire seulement la moitié si des
«
circonstances exceptionnelles
»
le
justifient.
Le code pénal prévoit que la libération conditionnelle est
décidée lorsqu'elle n'est «
pas
inopportune
» et que l'avenir matériel de
l'intéressé est assuré.
Les directives du ministère de la Justice sur la libération des
détenus précisent que le critère d'opportunité doit
être apprécié par rapport au risque de récidive.
Elles n'évoquent pas l'âge élevé du détenu.
2) L'exécution de la peine en dehors de l'institution pénitentiaire
La loi
sur l'exécution des peines prévoit que, dans certains cas, une
personne condamnée à une peine privative de liberté peut
exécuter tout ou partie de sa peine à l'hôpital, dans une
institution spécialisée, voire à domicile.
Cette possibilité suppose la réunion des conditions
suivantes :
- le condamné a besoin de soins particuliers, qui peuvent lui
être prodigués à l'extérieur de la prison ;
- le placement, ou le maintien, en détention n'est pas souhaitable,
notamment compte tenu de l'âge ou de l'état de santé de
l'intéressé.
ESPAGNE
1) La libération conditionnelle
Elle est
susceptible d'être accordée aux détenus qui :
- ont été placés dans un établissement
relevant du régime pénitentiaire « ouvert »
(3(
*
))
, parce qu'ils ont été
considérés comme aptes à bénéficier d'un
régime de semi-liberté ;
- se sont bien conduits pendant leur détention, de sorte qu'il est
possible d'envisager leur réinsertion ;
- ont purgé les trois quarts de leur peine.
A titre exceptionnel, les détenus qui ont continuellement
travaillé en prison peuvent obtenir la libération conditionnelle
après l'exécution des deux tiers de leur peine.
Le code pénal précise, dans son article 92, que
les
détenus qui ont soixante-dix ans ou qui les auront pendant
l'exécution de leur peine
(4(
*
))
ainsi que
ceux qui sont atteints de maladies incurables peuvent obtenir une
libération conditionnelle lorsqu'ils remplissent seulement les deux
premières conditions.
2) La suspension de l'exécution des peines de privatives de liberté
Le code
pénal prévoit la possibilité de suspendre
l'exécution des peines privatives de liberté pour les
primo-délinquants condamnés à des peines n'excédant
pas deux ans. Cette suspension est de deux à cinq ans pour les
peines inférieures à deux ans et de trois mois à un
an pour les peines plus légères.
Toutefois, aucune condition n'est exigée lorsque le condamné est
atteint d'une maladie incurable, sauf si le délit a été
commis pendant une suspension de peine accordée pour le même
motif.
ITALIE
1) La libération conditionnelle
Si la
durée de la peine restant à purger n'excède pas
cinq ans, la libération conditionnelle peut être
accordée aux condamnés qui ont exécuté la
moitié de leur peine, ce qui doit représenter au moins trente
mois de détention. En cas de récidive, la durée minimale
à exécuter est portée à quatre ans et doit
correspondre au moins aux trois quarts de la peine.
Les terroristes et les auteurs de crimes mafieux ne peuvent prétendre
à la libération conditionnelle qu'après avoir
exécuté les deux tiers de leur peine. Les détenus
condamnés à la prison à vie peuvent obtenir la
libération conditionnelle à condition d'avoir purgé au
moins vingt-six ans.
L'article 176 du code pénal précise que, pour pouvoir
bénéficier de la libération conditionnelle, les
condamnés doivent, par leur comportement pendant la détention,
donner l'assurance de leur repentir. Il ne mentionne ni l'âge ni
l'état de santé.
2) La suspension de l'exécution des peines de privatives de liberté
Le code
pénal prévoit :
- le sursis à exécution obligatoire pour les détenus
atteints du Sida ou d'une autre maladie particulièrement grave, quand
ils sont dans une phase avancée de la maladie incompatible avec la
détention ;
- le sursis à exécution facultatif pour les détenus
qui ont présenté une demande de grâce, ainsi que pour ceux
qui sont atteints d'une infirmité physique grave.
3) L'exécution de la peine en dehors de l'institution pénitentiaire
Le
bénéfice de ces mesures ne peut être accordé aux
auteurs de certains délits (association de malfaiteurs pour trafic de
stupéfiants, séquestration et extorsion de fonds) que s'ils
collaborent avec la justice.
a) L'assignation à domicile
Elle a été introduite en 1986, par une loi qui a modifié
la loi 354/75 du 26 juillet 1975 relative au système
pénitentiaire et à l'exécution des peines.
Dans la mesure où la peine infligée ou restant à purger
n'excède pas quatre ans, l'article 47 ter de la loi de 1975 accorde
aux
condamnés âgés de plus de soixante ans qui sont
handicapés, même partiellement, ainsi qu'à ceux qui
sont
gravement malades,
la possibilité d'exécuter leur
peine à domicile ou dans un établissement de soins.
b) L'affectation sous probation à un service social
L'article 47 de la loi 354/75 du 26 juillet 1975 prévoit la
possibilité de confier au service social local les personnes
condamnées à une peine n'excédant pas trois ans, afin
qu'ils purgent le reste de leur peine. Cette mesure ne peut être
appliquée qu'après une période d'observation d'au moins un
mois.
Depuis 1999, les condamnés atteints du Sida, d'une grave
déficience immunitaire ou d'une autre maladie particulièrement
grave peuvent, quelle que soit la durée de leur peine,
bénéficier de cette mesure pour suivre un traitement en milieu
hospitalier.
(1)
Ce dispositif (Strafunterbrechung), qui s'applique aux condamnés qui ont
commencé à exécuter leur peine, est différent de
celui qui consiste à surseoir à l'exécution d'une peine
privative de liberté (Strafaufschub).
(2) Le Conseil de la libération conditionnelle instruit toutes les
demandes de libération conditionnelle. Il se compose de
spécialistes des questions juridiques, psychiatriques et
pénitentiaires.
(3) Par opposition aux régimes « ordinaire » et
« fermé ».
(4) Au 31 juillet 2001, il y avait 467 prisonniers de plus de
soixante ans (434 hommes et 33 femmes).