BELGIQUE
À la fin du
XVI
ème
siècle,
après le soulèvement des provinces protestantes du Nord contre le
royaume d'Espagne, les Pays-Bas méridionaux,
qui correspondent
à peu près à l'actuelle Belgique,
sont restés
espagnols
avant de passer sous le contrôle des Habsbourg, puis
d'être annexés par la France.
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1) Les dispositions constitutionnelles relatives à la religion
a) L'interdiction de toute discrimination religieuse
Elle est garantie par l'article 11 de la Constitution, qui énonce : « La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination. À cette fin, la loi et le décret garantissent notamment les droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques. »
b) La liberté religieuse
Elle
fait l'objet de
l'article 19
, selon lequel : «
La
liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la
liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont
garanties, sauf la répression des délits commis à
l'occasion de l'usage de ces libertés
. »
En outre,
l'article 20
précise que : «
Nul
ne peut être contraint de concourir d'une manière quelconque aux
actes et aux cérémonies d'un culte, ni d'en observer les jours de
repos.
»
c) L'enseignement privé
La
liberté d'enseignement est inscrite à l'article 24 de la
Constitution
, qui est ainsi conçu :
«
L'enseignement est libre (...). La communauté assure le
libre choix des parents.
»
Cette disposition a toujours été interprétée comme
la négation du monopole de l'État. Les écoles
confessionnelles peuvent être créées librement dans la
mesure où elles satisfont aux prescriptions légales et
réglementaires relatives au contenu de l'enseignement et aux locaux dans
lesquels il est dispensé.
d) L'instruction religieuse
Les
dispositions constitutionnelles relatives à l'instruction religieuse
reprennent largement celles de la loi du 29 mai 1959, dite loi du pacte
scolaire, qui avait permis d'achever une « guerre
scolaire » de plusieurs années.
L'instruction religieuse constitue l'objet du deuxième paragraphe de
l'article 24-3
de la Constitution, d'après lequel :
«
Tous les élèves soumis à l'obligation
scolaire ont droit, à charge de la communauté (4(
*
)), à une éducation morale ou
religieuse.
»
L'instruction religieuse est dispensée dans toutes les écoles,
confessionnelles ou non. Cependant, les troisième et quatrième
paragraphes de
l'article 24-1
de la Constitution précisent
que : «
La communauté organise un enseignement qui est
neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions
philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des
élèves.
»
Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent,
jusqu'à la fin de l'obligation scolaire, le choix entre l'enseignement
d'une des religions reconnues et celui de la morale non
confessionnelle
. »
e) La reconnaissance des cultes
Aux
termes de
l'article 21
, «
L'État n'a le droit
d'intervenir ni dans la nomination ni dans l'installation des ministres d'un
culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec
leurs supérieurs, et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier cas, la
responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication.
»
Le mariage civil devra toujours précéder la
bénédiction nuptiale, sauf les exceptions à établir
par la loi, s'il y a lieu.
»
L'article 21 garantit donc l'indépendance des cultes.
Toutefois, héritage de la Constitution de 1831, qui constituait
elle-même le résultat d'un compromis entre libéraux et
catholiques,
l'État prend en charge les traitements et les pensions
des ministres du culte
.
L'article 181
de la Constitution dispose en effet que :
«
1. Les traitements et pensions des ministres des cultes sont
à la charge de l'État ; les sommes nécessaires pour y
faire face sont annuellement portées au budget.
»
2. Les traitements et pensions des délégués des
organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une
conception philosophique non confessionnelle sont à la charge de
l'État ; les sommes nécessaires pour y faire face sont
annuellement portées au budget.
»
2) Les relations entre l'État et les communautés religieuses
L'État et les communautés religieuses sont
indépendants. Cependant, l'État, prenant en compte leur
« utilité sociale »
, reconnaît
certaines confessions
. La reconnaissance d'une communauté religieuse
consiste en un acte législatif permettant à la communauté
en question de bénéficier de
la loi du 4 mars 1870 sur le
temporel des cultes
, qui régit leur organisation financière.
La reconnaissance permet l'accès au financement public.
L'absence de texte énonçant les critères de la
reconnaissance est palliée par la constance des réponses aux
questions parlementaires :
« Pour qu'un culte puisse jouir de
la reconnaissance légale, il doit regrouper un nombre relativement
élevé (plusieurs dizaines de milliers) d'adhérents,
être structuré, être établi dans le pays depuis une
assez longue période et enfin présenter un certain
intérêt social. »
a) Les communautés religieuses reconnues
La
reconnaissance des Églises catholique et protestante, ainsi que celle du
culte israélite n'ont pas fait l'objet d'actes de l'État belge.
Elles reposent sur des textes antérieurs à l'indépendance
de la Belgique. Il s'agit en particulier du décret du
30 décembre 1809 concernant les fabriques d'églises
catholiques, du décret du 5 mai 1806 relatif au logement des
ministres du culte protestant et à l'entretien des temples, et du
décret du 17 mars 1808 relatif au culte israélite.
S'agissant du culte protestant, l'État ne reconnaît que
l'Église protestante unie de Belgique (EPUB), qui résulte du
regroupement d'une centaine de communautés et qui rassemble environ la
moitié des protestants du pays, mais qui n'inclut pas les Églises
évangéliques. Cependant, des négociations sont en cours
entre ces dernières et l'EPUB.
La reconnaissance de l'Église anglicane résulte de la loi du
4 mars 1870 sur le temporel des cultes. En effet, fondée sur
l'organisation de l'Église catholique, cette loi prévoit des
procédures similaires pour les communautés protestante,
israélite et anglicane. De ce fait, elle a permis la reconnaissance de
cette dernière, pour laquelle il n'existait encore aucun acte officiel.
La communauté islamique et l'Église orthodoxe ont
été reconnues respectivement en 1974 et 1985, grâce
à une modification de la loi de 1870, qui les a soumises à des
dispositions comparables à celles qui régissent les autres
Églises.
Six cultes sont donc actuellement reconnus en Belgique : les cultes
catholique, protestant, israélite, anglican, musulman et orthodoxe.
Cette reconnaissance permet aux entités chargées de la gestion de
leurs biens
(fabriques d'églises, consistoires...)
de devenir des
établissements publics. Elle entraîne également de nombreux
avantages financiers
.
Longtemps opposé à ce régime, le monde laïque a
choisi, à partir du début des années 70, de s'y
intégrer. La reconnaissance de la laïcité a donc
été inscrite dans la Constitution en 1993, par l'ajout d'un
alinéa 2 à l'article 181.
b) Les autres communautés religieuses
Il
s'agit notamment des Églises protestantes qui n'appartiennent pas
à l'Église protestante unie de Belgique, des témoins de
Jéhovah, de l'Église mormone et de l'Union bouddhique.
Elles constituent des
associations sans but lucratif
de droit commun et
bénéficient de la protection constitutionnelle du libre exercice
des cultes.
3) Le financement des dépenses des communautés religieuses
a) Les communautés religieuses reconnues
En
application de l'article 181 de la Constitution, de la loi de 1870 sur le
temporel des cultes, de la loi communale et de la loi provinciale, qui obligent
communes et provinces à porter à leur budget certaines
dépenses, du principe d'égalité de traitement entre les
différentes communautés religieuses et de plusieurs
arrêtés royaux relatifs au fonctionnement de diverses
administrations et organismes publics,
la reconnaissance entraîne
notamment les avantages financiers suivants :
- la prise en charge par l'État des traitements et des pensions des
ministres du culte ;
- la prise en charge par les communautés linguistiques des coûts
des cours d'instruction religieuse ;
- la présence, dans les prisons, les hôpitaux, les forces
armées et à l'aéroport national, d'aumôniers dont
les traitements sont financés par les institutions où ils
officient ;
- la prise en charge par les communes (ou par les provinces)
(5(
*
))
des déficits liés à
l'exercice des cultes ;
- la mise à disposition par les communes (ou par les provinces) d'un
logement ou, à défaut, le versement d'une indemnité
compensatoire en faveur des ministres du culte ;
- la prise en charge par les provinces des dépenses relatives aux
cathédrales et aux palais épiscopaux.
En outre, de nombreuses églises et certains temples appartiennent
à des communes, et certains lieux de culte majeurs sont
propriété de l'État, des communautés ou des
régions. À ce titre, les communautés religieuses
bénéficient de crédits publics pour la rénovation
ou l'entretien de leurs bâtiments. Reposant sur des bases juridiques
multiples, aussi bien nationales que régionales, ces crédits
peuvent être inscrits aux budgets des communes, des provinces, des
régions ou de l'État.
S'agissant du mouvement laïque, en l'absence de texte déterminant
les modalités pratiques définitives de l'article 181-2 de la
Constitution, relatif à la prise en charge par l'État des
traitements et pensions des délégués offrant une
assistance morale non confessionnelle, des mesures provisoires continuent de
s'appliquer. Ainsi, depuis 1981, le Conseil central laïque reçoit
une subvention du ministère de la Justice. Un projet de loi avait
été déposé en février 1999. Il est devenu
caduc à cause de la dissolution parlementaire. Un nouveau texte est en
préparation.
Le régime fiscal des communautés religieuses reconnues est
assez favorable.
En effet, elles ne sont pas soumises à
l'impôt sur les sociétés, mais à l'impôt sur
les personnes morales, qui ne frappe que certains revenus (essentiellement
revenus immobiliers et revenus de capitaux).
En revanche, les fabriques d'église et les entités
correspondantes pour les autres confessions ne bénéficient pas de
la déductibilité fiscale des dons. Toutefois, les associations
liées aux communautés religieuses reconnues en
bénéficient.
Par ailleurs, les contribuables qui affectent, sans but lucratif, leurs
immeubles au culte (ou à l'assistance morale laïque), à
l'enseignement ou à des oeuvres de bienfaisance sont
exonérés de l'impôt qui frappe le revenu dont jouit
théoriquement tout propriétaire foncier. Ils sont
également exonérés du précompte immobilier,
impôt foncier prélevé par l'État et par les
collectivités locales.
Globalement, les dépenses publiques consacrées aux cultes, au
mouvement laïque et aux cours d'instruction religieuse (ou de morale)
peuvent être estimées à 23,4 milliards de francs
belges pour l'année 2000, soit environ 3,8 milliards de francs
français.
L'Église catholique a obtenu 80 % de cette somme, et le mouvement
laïque 13 %, tandis qu'aucune des autres communautés
religieuses reconnues ne dépassait 0,6 %. L'importance des sommes
attribuées à l'Église catholique par rapport à
celles qui sont accordées aux autres cultes est de plus en plus
critiquée, car elle ne correspond pas à la réalité
sociale. C'est pourquoi la réforme du système de financement
public des Églises et l'introduction d'un impôt cultuel sont
parfois évoquées.
b) Les autres communautés religieuses
Elles bénéficient seulement du régime fiscal des associations sans but lucratif, très comparable à celui des communautés religieuses reconnues.