ITALIE



En 1988, un mécanisme original d'évaluation financière des projets de loi a été introduit : le gouvernement a l'obligation de joindre à ses projets de loi ou à ses amendements comportant des dépenses nouvelles un rapport technique qui doit permettre au Parlement de contrôler le chiffrage effectué par l'administration.

Par ailleurs, les liens privilégiés que la Constitution a établis entre la Cour des comptes et le Parlement permettent aux assemblées d'utiliser la capacité d'expertise de la Cour des comptes.

I - L'EVALUATION PROSPECTIVE

1) L'obligation pour le gouvernement de chiffrer les dépenses nouvelles contenues dans les projets de loi autres que les projets de loi de finances

a) La loi de 1988 sur le budget et la comptabilité de l'Etat

L'article 81-4 de la Constitution dispose que " toute autre loi (1( * )) comportant des dépenses nouvelles ou accrues doit préciser les moyens d'y faire face ".

En application de cette disposition, le gouvernement s'est longtemps borné à indiquer le montant total des dépenses et les moyens permettant d'y faire face sans préciser comment le chiffrage était réalisé.

Depuis 1988, le Parlement dispose d'une meilleure information. En effet, l'article 7 de la loi n° 362/1988 a imposé au gouvernement de joindre un rapport technique à ses projets de loi ou à ses amendements comportant des dépenses nouvelles ou en augmentation. Le contenu de ces rapports techniques, est précisé par la loi. Ils doivent fournir au Parlement les données et les méthodes utilisées pour le chiffrage, leurs sources et tout autre élément utile pour son contrôle

b) Les règlements des assemblées

Les règlements des assemblées ont été modifiés pour permettre l'application de la loi 362/1988.

Ainsi l'article 76 bis du règlement du Sénat énonce :

" 1. Les commissions permanentes compétentes ne peuvent être saisies des projets de loi d'initiative gouvernementale, d'initiative régionale ou du CNEL (2( * )) qui ont pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique, et qui ne sont pas accompagnés du rapport technique conforme aux prescriptions de la loi et chiffrant les charges relatives à chaque disposition et les couvertures correspondantes.

" 2. Les amendements d'initiative gouvernementale qui ont pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique, et qui ne sont pas accompagnés du rapport technique rédigé dans les conditions prévues à l'alinéa 1er, ne peuvent être proposés.

" 3. Les commissions compétentes pour la matière et, en tout cas, la 5ème Commission permanente peuvent demander au gouvernement le rapport visé à l'alinéa 1er pour les projets ou propositions de loi d'initiative populaire ou parlementaire ainsi que pour les amendements d'initiative parlementaire soumis à leur examen, en vue d'effectuer la vérification technique du chiffrage des charges qu'ils entraînent. Le rapport sur les projets ou propositions de loi doit être transmis par le gouvernement dans un délai de trente jours suivant la demande.

" 4. Lorsque le tiers au moins des membres des commissions compétentes pour la matière en font la demande par écrit, le Président du Sénat, conformément aux dispositions de la législation en vigueur, demande au Président de la Cour des comptes ses appréciations sur les conséquences financières qu'entraîneraient la conversion de décrets-lois ou la promulgation de décrets législatifs. Pour les décrets-lois, la demande ne peut être présentée au-delà du cinquième jour qui suit le renvoi du projet de loi de conversion à la commission compétente."


Au Sénat, la 5ème commission est la commission de la programmation économique et du budget .

Lorsque la commission n'est pas d'accord avec le chiffrage gouvernemental, c'est l'assemblée qui tranche en application de l'article 102 bis du règlement : " Sur les amendements, les articles, les projets ou propositions de loi qui ont pour conséquence, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique, soit la diminution d'une ressource publique et pour lesquels la 5ème Commission permanente a émis un avis contraire en motivant son opposition par le manque de couverture financière prescrite par l'article 81, dernier alinéa, de la Constitution, la délibération est prise par un scrutin public ".

La Chambre des députés a inclus dans son règlement des dispositions équivalentes qui concerne la commission dite du budget, du trésor et de la programmation.

c) Le service du budget des assemblées

Pour être en mesure d'évaluer les rapports techniques du gouvernement, chacune des deux assemblées s'est dotée d'un service du budget indépendant du service des études. Le vade-mecum des sénateurs décrit ainsi les attributions du service du budget, qui par ailleurs est compétent pour tout ce qui concerne les lois de finances : " réunir et classer les éléments de documentation afin de vérifier le chiffrage des conséquences financières des textes législatifs, tout en maintenant des relations avec le ministère du trésor et avec les autres administrations et entités publiques ainsi qu'avec les organismes de recherche économique et financière (...) ".

Au Sénat, le service du budget se compose de deux divisions :

- l'une est chargée de recueillir et de classer la documentation relative aux textes pour lesquels la vérification du chiffrage des effets financiers s'impose ;

- l'autre vérifie les chiffrages gouvernementaux sur la base des éléments fournis par la première.

Ceci se traduit concrètement par la rédaction et la publication de plusieurs catégories de documents :

- notes de lecture contenant des " analyses et confrontations des méthodes, des données et des techniques de chiffrage des dépenses publiques contenues dans les projets de loi pour lesquels le gouvernement a préparé des rapports techniques " ;

- documents de base constitués par des études portant sur des points particuliers de comptabilité ou de finances publiques et réalisés à l'occasion de l'examen des documents financiers de l'Etat ;

- éléments de documentation consistant en analyses de thèmes précis de finances publiques.

En moyenne, le service du budget du Sénat produit environ 25 de ces documents par an.

*

* *

Parallèlement à l'obligation qu'impose au gouvernement la loi 362/1988, une autre loi de 1988 permet aux présidents des assemblées parlementaires ou des commissions compétentes de demander à la Cour des comptes que cette dernière transmette au Parlement ses évaluations sur les conséquences financières découlant de la conversion en loi d'un décret-loi ou de la promulgation d'un décret législatif pris par le gouvernement sur délégation du Parlement.

2) Les requêtes au Conseil national de l'économie et du travail

L'article 49 du règlement du Sénat prévoit la possibilité pour les commissions de saisir le Conseil national de l'Economie et du Travail :

" 1. Les commissions ont la faculté de s'adresser au Président du Sénat pour qu'il invite le CNEL (Conseil national de l'économie et du travail) à donner son avis sur des questions dont elles sont saisies, lorsque ces questions comportent des orientations de politique économique, financière et sociale ou qu'elles relèvent, de toute façon, du domaine de l'économie et du travail. Le Président se charge de transmettre cette requête au Président du CNEL, en fixant un terme pour la présentation de l'avis. Si ce terme excède le délai qui a été imparti à la Commission pour faire rapport sur la question, le Président soumet cette question à l'Assemblée en vue d'un sursis aux termes de l'article 44, alinéa 3.

2. L'avis du CNEL est imprimé et publié en annexe au rapport de la commission ou, dans le cas d'un projet ou d'une proposition de loi renvoyés pour une procédure de délibération, en annexe au projet ou à la proposition de loi.

3. Avec l'assentiment du Président du Sénat et d'un commun accord avec le Président du CNEL, les commissions peuvent inviter aux séances prévues par l'article 48 les membres des commissions ou des comités au CNEL compétents pour la matière.

4. Les présidents des commissions ou, sur leur désignation, les vice-présidents, chargés de cette tâche par leurs commissions respectives, peuvent prendre part aux séances du Conseil national de l'économie et du travail ainsi que des commissions de celui-ci.

5. Les commissions peuvent s'adresser au Président du Sénat pour qu'il invite le CNEL à effectuer des études et des enquêtes sur des sujets auxquels elles s'intéressent, lorsqu'il s'agit de matières entrant dans la sphère de compétence du CNEL. Les résultats de ces études et de ces enquêtes sont publiés dès leur obtention.

6. Sont également publiées dans des imprimés appropriés les observations et les suggestions que le CNEL pourrait avoir envoyées sur des projets ou des propositions de loi à l'examen du Sénat."

II - L'EVALUATION RETROSPECTIVE

Aucun dispositif spécifique n'a été mis en place pour permettre au Parlement d'évaluer les effets des politiques publiques engagées, mais les assemblées peuvent utiliser la capacité d'expertise de la Cour des comptes .

Ainsi, les règlements des assemblées prévoient que des enquêtes particulières peuvent être effectuées par la Cour des comptes sur des sujets donnés à la demande du Parlement. En pratique, les assemblées utilisent assez régulièrement cette possibilité.

De plus, l'article 7 de la loi 362/1988 a prévu l'obligation pour la Cour de transmettre tous les quatre mois au Parlement un rapport sur la couverture financière des lois dans la période venant de s'écouler et sur les techniques utilisées pour en mesurer les coûts.

Ceci constitue la conséquence logique des liens privilégiés que la Constitution établit entre la Cour et le Parlement. A l'article 100-2, elle énonce en effet : la Cour des comptes " communique directement aux Chambres le résultat des vérifications effectuées . "

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