NOTE DE SYNTHESE
La
directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques
à l'égard du traitement des données à
caractère personnel et à la libre circulation de ces
données, adoptée le 24 octobre 1995 et qui aurait dû
être transposée en droit français avant le 24 octobre
1998, le sera prochainement. La loi française 78-17 du 6 janvier
1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés,
plusieurs fois modifiée depuis son adoption, devrait alors être
remplacée par un nouveau texte.
La réforme législative française fournit l'occasion de
faire le point sur la transposition de la directive 95/46/CE chez nos
principaux voisins. Comme la transposition s'accompagne, dans la plupart des
pays concernés, d'une refonte complète de la législation
sur la protection des données personnelles, elle donne également
l'occasion d'examiner deux points particuliers : les dispositions
applicables aux données sensibles, et celles qui régissent les
fichiers de police judiciaire.
L'analyse, qui porte sur six des principaux pays
européens (
Allemagne
,
Espagne
,
Italie
,
Pays-Bas
,
Portugal
et
Royaume-Uni
),
fait
apparaître que :
-
à ce jour,
l'Italie, le Portugal et le Royaume-Uni sont
les seuls pays à avoir transposé la directive 95/46/CE
;
- la transposition de la directive se traduira par l'uniformisation
presque totale du régime juridique des données sensibles dans
l'Union européenne ;
- les fichiers de police judiciaire sont régis par des dispositions
dérogatoires assurant au citoyen un degré de protection variable
d'un pays à l'autre.
1) L'Italie, le Portugal et le Royaume-Uni sont les seuls pays qui ont
transposé la directive 95/46/CE
a) La transposition est achevée en Italie, au Portugal et au
Royaume-Uni
En Italie, il n'existait pas de loi sur la protection des données
personnelles avant la transposition
, qui a été
réalisée par l'adoption de la loi du 31 décembre 1996
portant protection des personnes et des organismes publics et privés
à l'égard du traitement de données à
caractère personnel. Comme son nom l'indique, la loi italienne concerne
les personnes physiques et les personnes morales. Par ailleurs, elle s'applique
aux fichiers automatisés et aux fichiers manuels. Cependant, elle exclut
certains traitements réalisés par les administrations publiques,
et notamment par celle de la justice.
En revanche,
le Portugal et le Royaume-Uni ont dû modifier leur
législation pour transposer la directive 95/46/CE
. Tous deux l'ont
fait en 1998. Au Portugal, la transposition a exigé une révision
constitutionnelle et s'est traduite par l'abrogation de la loi
précédente, qui datait de 1991. La nouvelle loi portugaise
concerne, quel que soit leur support, tous les fichiers, publics ou
privés, manuels ou automatisés, comportant des données
personnelles relatives aux personnes physiques. La nouvelle loi anglaise, qui
concerne également les seules personnes physiques, a un champ
d'application plus large que la loi précédente, qui datait de
1984 et qui ne visait que les fichiers automatisés. La loi de 1998
s'applique en effet aussi à certains fichiers manuels. De plus, elle
vise toutes les données personnelles, quelles qu'elles soient
(données textuelles sur support électronique, enregistrements
sonores, images vidéo...). Dans l'attente de la publication des textes
réglementaires nécessaires à son application, la loi de
1998 n'est pas encore entrée en vigueur.
b) La transposition devrait être facilement réalisée en
Espagne et aux Pays-Bas
En effet, la protection des données personnelles est régie en
Espagne par une loi organique de 1992, qui prend en compte la plupart des
exigences de la directive, car elle a été élaborée
à partir du projet de directive. C'est pourquoi la transposition
s'effectuera par une simple
modification de la loi de 1992
. Un projet de
loi organique qui élargit le champ d'application de la protection des
données personnelles en limitant le nombre des fichiers jouissant d'un
statut particulier a été déposé à cet effet
au cours de l'été dernier.
Aux Pays-Bas, le gouvernement a déposé un projet de loi relatif
à la protection des données personnelles. Après son
adoption, ce texte devrait remplacer la loi actuelle, qui date de 1988.
Le
projet de loi du gouvernement néerlandais est assez proche de la
directive.
Il vise tous les fichiers, automatisés ou manuels,
comprenant des données relatives aux personnes physiques, mais exclut
certains fichiers publics, parmi lesquels ceux de la police, qui sont
régis par une autre loi.
c) En Allemagne, le gouvernement social-démocrate a
préparé un avant-projet de loi
L'Allemagne avait été, avec la loi fédérale de 1977
portant protection contre l'emploi abusif de données d'identification
personnelle, le premier pays à se doter d'un texte général
dans ce domaine. Il a été remplacé en 1990 par une
nouvelle loi, qui ne s'applique que de façon subsidiaire, car de
nombreuses lois sectorielles régissent spécifiquement certaines
catégories de données. De plus, chaque Land possède sa
propre législation pour ce qui concerne les fichiers publics. Le
gouvernement allemand envisage de transposer la directive avant la fin de
l'année 2000, puis de moderniser l'ensemble du droit de la protection
des données. Le ministère de l'Intérieur a donc
publié en mars 1999 un avant-projet de loi, qui a été
modifié en juillet et qui fait encore l'objet de négociations.
2) La transposition de la directive 95/46/CE permettra d'uniformiser presque
complètement le régime juridique des données sensibles
La directive 95/46/CE définit les données sensibles en
prévoyant l'interdiction du "
traitement des données
à caractère personnel qui révèlent l'origine
raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou
philosophiques, l'appartenance syndicale
" ainsi que de celles
"
relatives à la santé et à la vie
sexuelle
". Elle assortit cette interdiction de tout traitement de
quelques exceptions, parmi lesquelles le consentement explicite de
l'intéressé et l'autorisation de la loi, du règlement ou
de l'autorité de contrôle.
A l'exception de la loi allemande de 1977, qui ignore la notion de
données sensibles, tous les textes actuellement en vigueur
prévoient des garanties similaires et très proches de celles
contenues dans la directive.
Il convient néanmoins de souligner que
la loi espagnole de 1992
distingue deux groupes
de données sensibles
: celles
qui, en vertu de la
Constitution
, qui énonce que "
nul
ne
pourra être obligé de déclarer son
idéologie, sa religion et ses croyances
", font l'objet d'une
protection maximale
, et celles qui font l'objet d'une
protection
intermédiaire
. Le traitement des données du premier groupe
requiert en effet, en toutes circonstances, le consentement exprès et
écrit de l'intéressé, tandis que celles du second
obéissent aux règles générales de la directive. Le
projet de loi conserve cette distinction.
La loi anglaise de 1984 ne définissait pas explicitement la notion de
données sensibles. Elle prévoyait seulement que le ministre de
l'Intérieur pouvait prendre des mesures réglementaires concernant
certains groupes de données (origine raciale, opinions politiques,
santé...), mais cette faculté n'a jamais été
utilisée. C'est donc grâce à la transposition de la
directive 95/46/CE que la notion de données sensibles est entrée
dans le droit anglais.
3) Les fichiers de police judiciaire sont régis par des dispositions
dérogatoires assurant au citoyen un degré de protection variable
d'un pays à l'autre
a) Les dispositions allemandes, néerlandaises et portugaises font
largement intervenir l'autorité de contrôle
D'après la loi allemande sur l'Office fédéral de la police
criminelle, chacun des fichiers de police est régi par un
règlement qui prévoit les principales caractéristiques
desdits fichiers (personnes susceptibles d'être fichées,
données pouvant être enregistrées, conditions de
transmission et durée de conservation des données...). Ces
règlements doivent être approuvés par le ministre
fédéral de l'Intérieur et soumis au
Délégué fédéral pour la protection des
données. La loi prévoit aussi une durée de conservation
des données variable en fonction de la nature de ces données et
de l'âge de la personne concernée, mais toujours inférieure
à dix ans. De plus, les personnes fichées disposent du droit
d'accès aux données les concernant.
La loi néerlandaise sur les fichiers de police comporte des dispositions
similaires : le règlement propre à chaque fichier doit
être communiqué à l'autorité de contrôle avant
toute utilisation. De plus, les personnes fichées disposent du droit
d'accès et de rectification ; elles peuvent saisir le tribunal de
grande instance si le gestionnaire du fichier méconnaît ces
droits.
Le décret portugais sur les fichiers informatiques de la police
judiciaire semble également assez protecteur des droits du
citoyen : il cite les six fichiers utilisés au niveau national et
énumère de façon limitative les données qu'ils
peuvent contenir. Il prévoit également des durées de
conservation des données variables selon la nature des différents
fichiers. Par ailleurs, le droit d'accès à ces données
s'exerce par l'intermédiaire de la commission nationale pour la
protection des données personnelles.
b) En Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, l'autorité de contrôle
ne joue pas de rôle particulier
En Espagne, les fichiers de la police sont, comme tous ceux des administrations
publiques, régis par un arrêté qui mentionne, pour chaque
fichier, son contenu ainsi que les obligations du gestionnaire. La liste des
données susceptibles d'être enregistrées est donc
indiquée, la procédure de collecte des données
précisée et l'ensemble des destinataires potentiels des
données défini. Pour les personnes fichées, les droits
d'accès et de rectification s'exercent auprès de l'administration
désignée par l'arrêté : les Directions
générales de la police et de la garde civile pour la plupart des
fichiers de police.
En revanche, les lois anglaise et italienne sur la protection des
données personnelles sont beaucoup moins précises sur les
fichiers de police. Au Royaume-Uni, la loi privilégie clairement le bon
fonctionnement de la justice, justifiant ainsi la non-application du droit
d'accès et des principes de loyauté et de non-divulgation
à des tiers. En Italie, elle exclut les fichiers de police judiciaire de
son champ d'application. Elle les soumet cependant au respect des principes
essentiels (loyauté, adéquation, sécurité,
utilisation limitée...), mais ne reconnaît aucun droit
d'accès aux personnes dont les données sont enregistrées.