NOTE DE SYNTHESE
La
participation des salariés à la vie de l'entreprise prend deux
formes principales : la participation financière et la
participation à la gestion.
En France, la participation financière a vu le jour avec l'ordonnance de
1959 instituant, à titre facultatif, l'intéressement, puis avec
les deux ordonnances de 1967 : l'une sur la participation des
salariés aux fruits de l'expansion des entreprises, obligatoire dans
toutes les entreprises employant plus de 100 salariés, et l'autre,
d'application facultative, créant les plans d'épargne
d'entreprise. Depuis cette date, les dispositifs d'encouragement de la
participation financière se sont multipliés, tandis que, dans les
entreprises privées, les possibilités de participation des
salariés à la gestion des entreprises restaient très
limitées.
En effet, la délégation du comité d'entreprise au conseil
d'administration (ou au conseil de surveillance) n'a qu'une voix consultative.
Par ailleurs, la désignation de salariés dans les organes
délibérants n'est pas obligatoire, puisque la loi de 1966 sur les
sociétés commerciales se contente de permettre à ces
dernières d'insérer dans leurs statuts une clause
prévoyant la désignation d'administrateurs par les
salariés.
La présente étude analyse les conditions de la participation des
salariés à la gestion des entreprises dans six pays
européens : l'
Allemagne
, la
Belgique
,
l'
Espagne
, les
Pays-Bas
, le
Royaume-Uni
et la
Suède
.
Pour chacun de ces six pays, on a recherché, d'une part,
si le
personnel était représenté dans les organes de
surveillance ou d'administration des sociétés
et, d'autre
part, quelles étaient
les possibilités pour les institutions
représentatives du personnel d'influencer les décisions de
l'entreprise.
S'agissant de ce dernier point, seuls les
éléments permettant de conclure à un réel pouvoir
de codécision des représentants des salariés ont
été retenus. Les mécanismes de consultation et
d'information n'ont pas été pris en compte.
L'examen des législations étrangères fait apparaître
que :
- la Belgique, l'Espagne et le Royaume-Uni n'ont pas organisé la
participation des salariés à la gestion des entreprises ;
- les lois allemande et néerlandaise donnent aux institutions
représentatives du personnel un réel pouvoir de codécision
dans plusieurs domaines et la possibilité de contester devant les
tribunaux certaines des mesures de l'employeur ;
- les lois allemande et suédoise prévoient la
représentation du personnel dans les organes délibérants
des entreprises qui ont atteint une certaine taille.
1) La Belgique, l'Espagne et le Royaume-Uni n'ont pas organisé la participation des salariés à la gestion des entreprises
En
effet, en Belgique, les conseils d'entreprise, créés
obligatoirement dans les établissements comportant au moins cinquante
salariés, disposent essentiellement de pouvoirs consultatifs. La
situation est la même en Espagne, où chaque établissement
comptant plus de dix salariés doit disposer de représentants du
personnel.
Au Royaume-Uni, le droit du travail ne prévoit de forme légale
obligatoire de représentation des salariés que dans le domaine
particulier de l'hygiène et de la sécurité du travail. Par
ailleurs, les syndicats, qui assurent traditionnellement la
représentation des salariés, ne disposent d'aucun pouvoir de
codécision, même si la loi leur a accordé des pouvoirs
légaux comme celui de recevoir les documents nécessaires aux
négociations collectives.
2) Les lois allemande et néerlandaise donnent aux institutions représentatives du personnel un réel pouvoir de codécision dans plusieurs domaines et la possibilité de contester devant les tribunaux certaines des mesures de l'employeur
a) Le pouvoir de codécision
En
Allemagne
, chaque établissement autonome comptant au moins cinq
salariés doit constituer un
conseil d'établissement
, qui
est composé uniquement de représentants élus par les
salariés. Dans les affaires que la loi qualifie de
" sociales ", et qui regroupent surtout les questions relatives
à l'
organisation du travail
, aux
rémunérations
et à la
gestion des oeuvres
sociales
,
l'employeur ne peut prendre aucune décision sans
l'accord exprès du conseil
. En cas de
désaccord
, la
décision finale appartient à un organe paritaire constitué
dans l'établissement, la
commission interne de conciliation
.
La situation est comparable aux
Pays-Bas
. En effet, la loi sur les
comités d'entreprise prévoit que toute "
unité
indépendante
" de plus de cinquante salariés constitue
un comité d'entreprise, qui dispose du
pouvoir de codécision
dans toutes les questions relatives à l'organisation du travail
. Les
décisions prises sans l'accord du comité sont nulles. En cas de
désaccord entre l'employeur et le comité d'entreprise, la
commission de conciliation paritaire, instituée par le Conseil
économique et social et compétente pour la branche
d'activité concernée, tente de trouver une solution amiable. Si
elle n'y parvient pas, elle peut saisir le tribunal de première
instance.
b) La possibilité de contestation en justice
En
Allemagne, le comité d'établissement doit être
consulté avant toute embauche, toute mutation (dans les entreprises de
plus de vingt salariés) et avant tout licenciement. Dans certaines
circonstances, par exemple lorsqu'un recrutement ne respecte pas les
critères de sélection utilisés dans l'entreprise ou
lorsqu'un licenciement pourrait être évité grâce
à la modification de certaines clauses du contrat de travail, il peut
s'opposer à la mesure envisagée. L'affaire peut alors être
portée devant les tribunaux.
Aux Pays-Bas, les comités d'entreprise doivent donner un avis
préalable avant toute décision importante de l'employeur, la loi
comportant une liste des points qui requièrent cet avis (endettement,
investissements, fusions...). En cas de désaccord avec l'employeur, le
comité peut saisir, au sein de la cour d'appel d'Amsterdam, la chambre
spécialisée dans les questions de droit des
sociétés, qui tranche le différend. Ce pouvoir de
contestation s'applique également pour la nomination des membres du
conseil de surveillance des entreprises dont le capital dépasse
75 millions de francs et qui emploient plus de cent
salariés.
3) Les législations allemande et suédoise prévoient la représentation du personnel dans les organes délibérants des entreprises qui ont atteint une certaine taille
a) Les dispositions allemandes sont réservées aux entreprises comptant au moins 500 salariés
En
Allemagne, dans les sociétés de capitaux les plus importantes, le
conseil de surveillance, qui choisit les membres du directoire et
contrôle son activité, comporte des représentants des
salariés
. Les modalités de la représentation des
salariés varient avec la taille de l'entreprise. De plus, il existe un
régime spécial pour les
entreprises sidérurgiques et
minières.
Ces dernières, lorsqu'elles emploient plus de mille salariés,
connaissent depuis 1951
un régime de cogestion inspiré du
paritarisme
. En effet, le conseil de surveillance se compose de cinq
représentants des salariés et de cinq représentants des
actionnaires, ainsi que d'un onzième membre qui est choisi d'un commun
accord par les deux parties. De plus, le directoire de ces entreprises comporte
un "
directeur du travail
". Responsable des questions
sociales, il ne peut être ni désigné ni
révoqué sans l'accord de la majorité des
représentants des salariés au conseil de surveillance.
Dans les
secteurs d'activité autres que le charbon et l'acier, les
conseils de surveillance des entreprises de plus de 500 salariés doivent
comporter des représentants des salariés.
Dans les
entreprises qui ont au plus 2.000 salariés, la loi de 1952 sur
l'organisation interne de l'entreprise continue de s'appliquer. Elle
prévoit que les représentants des salariés constituent un
tiers des membres du conseil de surveillance. Dans celles qui ont au moins
2.000 salariés, la loi de 1976 sur la codécision des
salariés a institué le paritarisme numérique du conseil de
surveillance, tout en assurant la prééminence des actionnaires.
En effet, le président du conseil de surveillance, qui doit être
élu avec les deux tiers des suffrages, dispose de deux voix en cas
d'égalité. De plus, si la majorité des deux tiers,
nécessaire à son élection, n'est pas atteinte, il est
élu par les seuls représentants des actionnaires.
b) La loi suédoise s'applique à partir du seuil de 25 salariés
La loi
de 1987 sur la représentation des salariés dans les conseils
d'administration prévoit que, dans les sociétés où
la responsabilité des actionnaires est limitée, les sections
syndicales d'entreprise doivent désigner, parmi les salariés de
l'entreprise, deux membres titulaires et deux suppléants. Cette
disposition s'applique aux entreprises d'au moins vingt-cinq salariés.
Lorsque l'entreprise emploie plus de mille personnes et exerce des
activités dans plusieurs secteurs, le nombre des représentants
des salariés est porté à trois.
Les administrateurs désignés par les syndicats disposent des
mêmes compétences que les autres. Toutefois, la loi leur interdit
de participer aux travaux du conseil sur les questions pour lesquelles
l'entreprise et le syndicat ont des intérêts divergents :
négociation et dénonciation de conventions collectives par
exemple. En pratique, cette règle paraît ne pas être
appliquée de façon systématique.
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L'Allemagne est le seul pays qui a organisé les deux formes de participation des salariés à la gestion des entreprises : des représentants du personnel siègent au conseil de surveillance des sociétés les plus importantes et les comités d'établissement disposent de réels pouvoirs de codécision.