Service des Affaires européennes (Novembre 1998)
NOTE DE SYNTHÈSE
Afin d'adapter le droit aux transformations des structures familiales, la loi française du 8 janvier 1993 a profondément modifié les dispositions du code civil relatives à l'autorité parentale.
Elle a en effet permis son exercice conjoint de plein droit par les parents non mariés à condition qu'ils aient reconnu tous les deux l'enfant avant que celui-ci n'atteigne l'âge d'un an et qu'ils « vivent en commun au moment de la reconnaissance concomitante ou de la seconde reconnaissance ». Elle a, de plus, posé le principe de la continuité de l'exercice conjoint de l'autorité parentale après le divorce.
La réforme de l'autorité parentale qui est envisagée actuellement concernerait notamment :
- la suppression de la condition de vie commune pour l'exercice conjoint de l'autorité parentale par les parents non mariés ;
- le renforcement du principe de « coparentalité » en cas de divorce ;
- l'aménagement de la participation des beaux-parents à l'exercice de l'autorité parentale dans les familles recomposées.
Pour apprécier ces propositions, il a semblé utile d'examiner, d'une part, les dispositions étrangères relatives à l'exercice conjoint de l'autorité parentale dans les familles naturelles et, d'autre part, les conditions d'exercice de l'autorité parentale après la séparation des parents.
Cette analyse, qui porte sur sept pays européens (l' Allemagne , l' Angleterre et le Pays de Galles , la Belgique , le Danemark , l' Espagne , l' Italie , les Pays-Bas ), permet de mettre en évidence que :
- l'exercice conjoint de l'autorité parentale par des parents non mariés est subordonné à leur cohabitation en Espagne et en Italie, et à leur volonté commune dans les autres pays ;
- lors de la séparation des parents, l'exercice conjoint de l'autorité parentale prend fin dans les deux pays où il est subordonné à leur cohabitation, alors qu'il se poursuit, automatiquement ou sur demande, dans les autres pays ;
- l'Angleterre et le Pays de Galles, le Danemark et les Pays-Bas permettent aux beaux-parents de participer à l'exercice de l'autorité parentale.
1) Deux des sept pays étudiés, l'Espagne et l'Italie, subordonnent l'exercice conjoint de l'autorité parentale par les parents non mariés à la cohabitation de ces derniers
a) En Espagne et en Italie, l'exercice conjoint de l'autorité parentale est automatique en cas de cohabitation
Dans ces deux pays, les articles du code civil consacrés à l'autorité parentale n'établissent pas de distinction entre le fait que les parents sont mariés ou non .
Dans la mesure où l'enfant est reconnu par chacun des deux parents, c'est la cohabitation de ces derniers qui est déterminante pour l'exercice conjoint de l'autorité parentale. Un désaccord des parents sur ce point peut cependant conduire le juge à n'attribuer l'exercice de l'autorité parentale qu'à un seul des deux parents.
Ces dispositions existent depuis 1975 en Italie, et depuis 1981 en Espagne.
b) Dans les autres pays, l'exercice conjoint de l'autorité parentale résulte d'un accord entre les parents et n'est pas soumis à la condition de cohabitation
L'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, la Belgique, le Danemark et les Pays-Bas ne subordonnent pas l'exercice conjoint de l'autorité parentale à la cohabitation du père et de la mère.
En Belgique, il suffit que la filiation paternelle soit établie pour que le père détienne l'autorité parentale conjointement avec la mère.
En revanche, dans les autres pays, lorsque les parents naturels sont d'accord pour exercer ensemble l'autorité parentale, ils doivent manifester officiellement leur volonté en signant une déclaration commune , qui est enregistrée.
L'institution de la déclaration commune permet à la mère de s'opposer à la volonté du père de partager l'autorité parentale. Cette disposition est cependant contrebalancée, au Danemark et aux Pays-Bas, par le fait que le parent qui n'exerce pas l'autorité parentale a non seulement le droit d'avoir des relations personnelles avec l'enfant, mais également celui d'obtenir des informations, sur la scolarité et la santé de l'enfant par exemple, voire d'être associé aux décisions les plus importantes concernant l'enfant.
En Angleterre et au Pays de Galles , le ministre de la Justice envisage de déposer prochainement un projet de loi qui accorderait automatiquement l'autorité parentale conjointe au père naturel qui aurait reconnu son enfant.
2) Lors de la séparation des parents, l'exercice conjoint de l'autorité parentale prend fin dans les deux pays où il est subordonné à leur cohabitation, alors qu'il se poursuit, automatiquement ou sur demande, dans les autres pays
a) En Espagne et en Italie, l'exercice conjoint de l'autorité parentale cesse lors de la séparation des parents
Cette affirmation résulte du fait que l'exercice conjoint est subordonné à la cohabitation, que les parents soient ou non mariés.
Cependant, en Italie, si l'exercice de l'autorité parentale revient à celui des parents avec lequel l'enfant vit, le code civil prévoit que « les décisions qui présentent un intérêt majeur pour les enfants sont prises conjointement par les parents. »
b) L'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, la Belgique, ainsi que les Pays-Bas ont posé le principe du maintien du partage de l'autorité parentale après la séparation des parents
En Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas, cette situation résulte de réformes récentes, puisque entrées en vigueur respectivement le 1 er juillet 1998, le 3 juin 1995 et le 1 er janvier 1998.
Bien que le principe soit identique dans les trois pays, il n'a pas les mêmes conséquences pratiques. En effet, en Angleterre et au Pays de Galles, le partage de l'autorité parentale a peu de sens lorsque les parents vivent séparément. Il ne permet à celui qui n'a pas la garde de l'enfant que de s'opposer à quelques décisions majeures comme le changement de nom ou la sortie du territoire pour une longue période. En revanche, le code civil allemand, qui présume que le bien de l'enfant suppose le maintien de l'autorité parentale conjointe, dispose que l'accord des deux parents est nécessaire pour le règlement de toutes les questions qui présentent une « importance considérable » pour l'enfant. De même, en Belgique et aux Pays-Bas, toutes les décisions importantes doivent être prises en commun par les deux parents.
c) Au Danemark, les parents qui se séparent peuvent se mettre d'accord pour continuer à partager l'autorité parentale
Tout comme les parents naturels doivent enregistrer une déclaration commune lorsqu'ils désirent partager l'autorité parentale, les parents qui divorcent ou qui se séparent, doivent faire enregistrer une déclaration commune lorsqu'ils désirent continuer à partager l'autorité parentale.
Ce partage suppose l'accord des parents sur « toutes les questions importantes concernant l'enfant. » De plus, l'administration compétente pour enregistrer les accords relatifs à l'exercice conjoint de l'autorité parentale doit informer les parents sur les conséquences juridiques de tels accords.
3) En Angleterre et au Pays de Galles, au Danemark et au Pays-Bas, les beaux-parents peuvent participer à l'exercice de l'autorité parentale
En Angleterre et au Pays de Galles, cette possibilité est limitée aux cas où le nouvel époux de la mère a obtenu du tribunal un jugement en vertu duquel l'enfant réside à son domicile. Dans cette hypothèse, l'autorité parentale est partagée entre les parents de l'enfant et le nouvel époux de la mère.
Au Danemark et aux Pays-Bas, lorsque l'autorité parentale n'est exercée que par un parent, elle peut être transférée au couple constitué par le parent qui la détenait précédemment et par son conjoint (ou son concubin), sans que celui-ci soit parent de l'enfant.
Au Danemark, ce transfert, qui suppose l'accord des deux parents, doit être enregistré. De plus, une telle mesure ne peut être prise en faveur d'un couple homosexuel.
Aux Pays-Bas en revanche, depuis le 1 er janvier 1998, c'est le tribunal qui prend la décision d'accorder « l'autorité commune » à l'un des parents et à son conjoint ou son concubin (éventuellement du même sexe). La demande des deux intéressés n'est satisfaite que si plusieurs conditions sont remplies, parmi lesquelles le fait que le conjoint (ou le concubin) du parent détenteur de l'autorité parentale entretient des relations personnelles avec l'enfant et que le couple s'est occupé pendant au moins un an de l'enfant.