LE PORT DE SIGNES D'APPARTENANCE RELIGIEUSE DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES (juin 1997)
Table des matières
- NOTE DE SYNTHESE
- ALLEMAGNE
- BELGIQUE
- GRANDE-BRETAGNE
- PAYS-BAS
- SUISSE - CANTON DE GENEVE
- CANADA - QUÉBEC
- ETATS-UNIS
NOTE DE SYNTHESE
L'application
stricte de la laïcité et la volonté de reconnaître des droits aux individus et
non aux
communautés ont donné une importance toute particulière dans notre pays aux
débats
suscités par le port du foulard islamique dans les établissements scolaires.
Si ces débats semblent avoir épargné nos voisins méditerranéens, en revanche
l'
Allemagne
,
la
Belgique
, la
Grande
-
Bretagne
, les
Pays
-
Bas
et la
Suisse
,
ont été peu ou prou confrontés au même problème. Outre-Atlantique, le
Canada
l'a
été également, mais pas les
Etats
-
Unis
.
De l'examen des affaires qui se sont déroulées dans ces pays, il ressort que :
- la plupart des conflits ont été résolus à l'amiable ;
- les autorités, administratives ou judiciaires, qui ont été saisies se sont
prononcées pour l'autorisation du port du foulard islamique, en fixant parfois
certaines
conditions ou limites.
1) Des compromis entre les familles et l'école ont permis d'éviter ou de résoudre la plupart des conflits.
Les
établissements scolaires bénéficient chez nos voisins d'une autonomie beaucoup
plus
large qu'en France et l'école publique n'y est pas laïque, le canton de Genève
constituant la seule exception parmi les différents exemples analysés. Dans ces
conditions, la plupart des conflits qui se sont développés au sujet du port du
foulard
islamique au sein des établissements scolaires ont pu être résolus par des
compromis
entre les parents et la direction de l'école.
Dans certains cas, ces solutions n'ont été élaborées qu'après plusieurs
semaines,
voire plusieurs mois de discussion entre les parties. Les termes de la
négociation ont
été parfois très précis. Ainsi, dans la région de Manchester, un conflit né à la
fin de l'année 1989 s'est terminé par un compromis selon lequel les jeunes
filles
concernées pouvaient porter un foulard à condition qu'il fût de la même couleur
que
celui de l'uniforme de l'école, dépourvu de toute décoration et maintenu serré
pendant
certains cours comme ceux de chimie ou d'éducation physique.
2) Dans presque tous les pays étudiés, les autorités administratives ou judiciaires qui ont été saisies ont pris position pour l'autorisation du port du foulard islamique.
Cette prise de
position en faveur du port du foulard se justifie par :
- des raisons d'intégration en Belgique, en Suisse et en Allemagne ;
- un souci de non-discrimination au Canada, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne.
a) L'accent mis sur l'intégration en Belgique, en Suisse et en Allemagne
En
Belgique
, la volonté de faciliter l'intégration des intéressées a
amené le
ministre
de l'Education de la Communauté française
à publier à la fin de l'année
1989,
à l'occasion d'une affaire impliquant une cinquantaine de jeunes filles, un
communiqué
concluant notamment à la difficulté d'interdire le port de signes distinctifs
comme le
foulard. En revanche, il s'opposait au port du
tchador
, qui dissimule
tout le
visage.
Dans le
canton
de
Genève
, le
département
de
l'Instruction
publique
a établi au début de l'année 1995 un document dans lequel il
affirmait
que, pour faciliter leur intégration, il convenait d'autoriser les écolières de
confession islamique à porter le foulard pendant les cours et de les obliger à
suivre
les cours d'éducation physique lorsqu'ils n'étaient pas mixtes. Par ailleurs,
conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, elles peuvent être
dispensées
des cours de natation.
En
Allemagne
, le port du foulard islamique dans les établissements
scolaires n'a
pas suscité de conflit majeur. Le
Tribunal administratif fédéral
a
cependant
estimé qu'il était légitime de dispenser de cours d'éducation physique une
jeune fille
de confession islamique dans la mesure où ces derniers ne pouvaient pas être
assurés
séparément pour les garçons et pour les filles. Il a précisé que l'obliger à
revêtir des vêtements amples pour la circonstance constituerait une mise à
l'écart
injustifiée.
b) Le souci de non-discrimination au Québec, aux Pays-Bas et en
Grande-Bretagne
Au
Québec
, deux organismes administratifs, le
Conseil du statut de la
femme
et la
Commission des droits de la personne
, ont considéré au début de
l'année
1995 que l'interdiction du port du foulard constituait une mesure de
discrimination. Ils
concluaient respectivement à la nécessité d'autoriser le port du foulard et
d'adopter
une solution générale et nationale sur la question du port des symboles
d'appartenance
religieuse.
Aux
Pays
-
Bas
, la
commission instituée par la loi sur l'égalité
de
traitement
a estimé en août 1995 que l'interdiction faite par son employeur
à une
ouvrière de porter le foulard islamique sur le lieu de travail était illégale.
Il est
généralement admis que cet avis devrait s'appliquer aux établissements publics
d'enseignement.
En
Grande
-
Bretagne
, la
Commission
pour
l'égalité
raciale
,
saisie par un père de famille en conflit avec la direction de l'école
fréquentée par
ses filles au sujet du port du foulard islamique dans l'enceinte de
l'établissement, a
également indiqué en 1990 que l'interdiction prononcée par la direction de
l'école
constituait une discrimination raciale indirecte dans la mesure où elle
affectait de
façon disproportionnée la population originaire du sous-continent indien.
Dans ce pays, la
Chambre des Lords
s'est en 1983 appuyée sur la loi sur
les
relations entre les races pour résoudre un problème comparable et donner raison
à un
enfant sikh qui refusait de porter la casquette faisant partie de l'uniforme de
son école
et portait le turban. Elle avait alors considéré que, dans certaines
circonstances, la
discrimination contre un groupe religieux pouvait constituer une discrimination
raciale.
Il faut par ailleurs préciser que la loi anglaise établit plusieurs exceptions
en faveur
des sikhs et les dispense par exemple du port du casque de motocycliste.
ALLEMAGNE
Les articles
136 à 141 de la
Constitution de Weimar, qui forment partie intégrante de la Loi
fondamentale, régissent
les rapports entre l'Eglise et l'Etat. Bien qu'il n'existe pas d'Eglise
d'Etat, il n'y a
pas non plus séparation entre l'Eglise et l'Etat. Ainsi, la religion doit
être
mentionnée sur les fiches de police et sur les registres scolaires, et les
cours de
religion sont obligatoires à l'école.
|
Le port de
signes d'appartenance religieuse dans les établissements scolaires est
considéré comme
une manifestation de la liberté de croyance que garantit la Loi fondamentale.
Il n'a suscité aucune difficulté majeure à une exception près : en août
1993, le
Tribunal administratif fédéral
s'est prononcé sur la demande d'une
collégienne
de 13 ans de confession islamique d'être dispensée des cours d'éducation
physique
parce qu'ils étaient mixtes. La jeune fille fondait sa demande sur des arguments
religieux.
Le Tribunal administratif fédéral a donné tort à la cour d'appel et au tribunal
de
première instance. Ces derniers avaient rejeté la demande de la jeune fille,
sauf pour
les séances de natation, estimant qu'aucun motif exceptionnel particulier ne
justifiait
qu'elle ne se conformât pas à l'obligation scolaire. Selon la cour d'appel, le
problème
qui se posait à la collégienne pouvait être aisément résolu par le port de
vêtements
amples et adaptés à la pratique du sport.
En revanche, le Tribunal administratif fédéral a estimé qu'imposer de revêtir
des
vêtements amples pour suivre les cours d'éducation physique constituait une
mise à
l'écart injustifiée et qu'il était donc fondé de la dispenser de suivre ces
cours, si
ceux-ci ne pouvaient pas être assurés séparément pour les garçons et pour les
filles.
BELGIQUE
L'école
publique est neutre
. En
vertu de l'
article 17 de la Constitution
, "
La
communauté
organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment
le respect des
conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des
élèves.
|
I. L'AFFAIRE DE L'INSTITUT TECHNIQUE EDMOND MACHTENS
Cette affaire
s'est déroulée dans la région de Bruxelles, dans la commune de Molenbeek. A
l'automne
1989, une cinquantaine de jeunes filles manifestèrent le souhait de porter le
foulard
islamique à l'intérieur des salles de classe de l'Institut Machtens alors que le
règlement de l'école interdit le port de tout couvre-chef :
"
les
jeunes gens et les jeunes filles retireront chapeaux, foulards, bonnets et
casquettes à
l'entrée des zones scolaires
".
Le conseiller municipal chargé des questions scolaires tenta de négocier pour
obtenir
une application souple du règlement. En réaction à la fermeté des intéressées,
il
publia ensuite un communiqué dans lequel il exigeait l'application stricte du
règlement.
Le lendemain, le conseil municipal interdit le port du foulard islamique dans
toutes les
écoles communales placées sous sa responsabilité. En outre, des sanctions furent
appliquées à l'encontre des élèves qui gardaient le foulard : comme le
prévoit
le règlement, elles furent envoyées en salle d'étude.
Une action judiciaire en référé devant le
tribunal de première instance de
Bruxelles
fut alors introduite par quelques dizaines de parents contre la
commune de
Molenbeek et la communauté française.
L'ordonnance qui fut rendue ordonnait à la commune que "
soit
rapportée la
mesure disciplinaire d'exclusion prise à l'encontre des filles des
demandeurs
"
et ajoutait que les jeunes filles auraient "
le droit de se
couvrir la tête
d'un foulard tout en suivant de manière parfaitement normale les cours et ce
sans être
pour autant obligées à se décoiffer
".
Elle condamnait également les deux défendeurs au paiement d'une astreinte de
50 000
francs belges (c'est-à-dire environ 8 000 francs français) par jour au cas
où ils
ne respecteraient pas l'ordonnance. En revanche, elle précisait que la commune
pouvait
exiger que le foulard soit enlevé pour certains enseignements comme les
activités
sportives ou dans certains lieux annexes à l'enseignement, comme les couloirs
et la cour
de récréation.
Cette ordonnance suscita une procédure d'appel de la part des parents car les
jeunes
filles continuèrent à exiger de porter le foulard en toutes circonstances, en
présence
d'hommes. Cette attitude amena la direction de l'école à prendre une série de
mesures
disciplinaires allant jusqu'à l'exclusion définitive de quatorze jeunes filles,
toutes
âgées de plus de dix-huit ans, le 30 janvier 1990.
Avant que l'ordonnance n'eût été rendue, le ministère de l'Education de la
Communauté
française avait publié un communiqué où il définissait sa position. Il rappelait
notamment que "
les croyances religieuses, philosophiques,
idéologiques ou
autres ne pouvaient devenir en aucune manière une entrave, même mineure, à
l'enseignement et à l'éducation auxquels tout jeune a droit en vertu de
l'article 17 de la Constitution
". Il insistait sur la
nécessité que
"
tous les jeunes, quels que soient leur sexe ou leur religion,
reçoivent
effectivement tous les cours, et plus particulièrement l'éducation physique, les
activités sportives, l'apprentissage de la natation, etc.
". Il
concluait
à la difficulté d'interdire le port d'un signe distinctif comme le foulard mais
s'opposait au port du
tchador
qui dissimule le visage.
Après avoir fait appel de la décision rendue en première instance, les parents
n'ont
pas poursuivi la procédure.
II. LA SITUATION ACTUELLE
Actuellement, le port du foulard islamique n'est réglementé par aucune disposition ministérielle. Chaque école est libre d'avoir son propre règlement interne.
GRANDE-BRETAGNE
A l'intérieur
du système public
d'enseignement, il existe des écoles confessionnelles, essentiellement
anglicanes et
catholiques. En outre, l'enseignement religieux fait partie des programmes
scolaires des
écoles non confessionnelles du système public. La célébration quotidienne
doit, en
vertu de l'
Education Reform Act
de 1988, être chrétienne, tout en
tenant compte
des "
autres religions principales représentées en
Grande-Bretagne
".
|
I. L'AFFAIRE DE LA GRAMMAR SCHOOL D'ALTRINCHAM
Cette affaire
s'est déroulée dans la région de Manchester. En septembre 1988, deux soeurs ont
demandé au comité de direction de leur école l'autorisation de porter le foulard
islamique dans l'enceinte de leur école. Cette autorisation leur a été refusée
pour
des raisons d'hygiène. Elle leur a été à nouveau refusée un an plus tard. Les
deux
soeurs avaient auparavant obtenu l'autorisation de porter des pantalons. La
direction de
l'école leur avait donné des instructions sur la couleur et la coupe du
pantalon, car
l'école imposait le port d'un uniforme.
A la fin du mois de décembre 1989, les deux soeurs se sont présentées à l'école
avec
le foulard blanc qu'elles avaient l'habitude de porter sur le trajet séparant
leur
domicile de l'école. La direction leur a refusé l'accès à l'école.
Le père a porté l'affaire devant la
Commission pour l'égalité raciale
(2(
*
))
. Celle-ci a indiqué que l'interdiction
prononcée par l'école
constituait une discrimination raciale indirecte dans le mesure où elle
affectait de
façon disproportionnée la population originaire du sous-continent indien.
Après cinq semaines de conflit, le comité de direction et la famille ont trouvé
un
compromis
:
la direction a accepté le port du foulard, à condition que celui-ci soit
dépourvu de
toute décoration et soit de couleur bleu marine, comme l'uniforme de l'école.
En outre,
en attendant qu'une meilleure solution soit trouvée, la direction a demandé que
le
foulard soit maintenu serré au niveau du cou, pour éviter tout problème pendant
les
cours d'éducation physique ou de chimie par exemple.
La direction a décidé que, d'une manière générale, les parents qui souhaitent
que,
pour des raisons religieuses, leurs enfants portent des vêtements ne faisant
pas partie
de l'uniforme, devraient en faire la demande par écrit.
II. L'APPLICATION DE LA LOI SUR L'INTERDICTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE
La loi de 1976
sur les relations entre les races (
Race Relations Act
) interdit toute
discrimination fondée sur la race.
La
Chambre des Lords
s'est appuyée sur cette loi pour résoudre un
problème
comparable à celui du foulard islamique.
Dans l'affaire
Mandla c. Dowell Lee
en 1983, la Chambre des
Lords a
donné raison à la famille d'un enfant sikh qui refusait de porter la casquette
de
l'uniforme de son école et portait le turban afin de se conformer aux
prescriptions de sa
religion. Le directeur de l'école avait refusé l'accès à l'enfant en avançant
que le
fait de porter un turban constituait une manifestation des origines ethniques
et risquait
donc d'accentuer les distinctions religieuses et sociales.
La Chambre des Lords a décidé que le refus du directeur constituait une
discrimination
illégale car les obligations relatives à l'uniforme étaient telles que certains
groupes
raciaux comme les Sikhs pouvaient s'y conformer moins facilement que d'autres.
Ce faisant,
elle a donc assimilé la discrimination contre le groupe religieux constitué par
les
Sikhs à une discrimination raciale. Bien que les Sikhs ne puissent pas être
considérés
comme un " groupe racial " dans l'acception commune, la
Chambre des
Lords a donné un sens large à l'expression " groupe
racial ". Pour
constituer un " groupe racial " il suffit qu'une communauté
s'identifie par :
- un longue histoire commune ;
- une tradition culturelle ;
- une origine géographique commune ;
- une langue commune ;
- une religion commune ;
- le fait de constituer une minorité.
Ainsi,
la discrimination contre un groupe religieux peut constituer une
discrimination
raciale
.
Cependant, il est généralement admis que cette jurisprudence ne s'appliquerait
pas au
cas des musulmans.
III. LA LOI ET LES SIGNES D'APPARTENANCE RELIGIEUSE
Trois textes
établissent des exceptions au profit des Sikhs sans que ces exceptions puissent
constituer des discriminations condamnables :
- l'
Employment Act
de 1989 dispense les Sikhs du port d'un casque de
chantier ;
- le
Road Traffic Act
de 1989 les dispense du port d'un casque de
motocycliste ;
- un règlement de 1992 dispense les jeunes cavaliers sikhs de moins de
14 ans du
port d'une bombe dans certaines circonstances.
PAYS-BAS
Plusieurs
conflits relatifs au port du foulard islamique dans des établissements
scolaires ont eu
lieu en 1993 et 1994. Ils se sont terminés, parfois après plus d'un an, par des
compromis entre la direction de l'école et les parents.
Depuis lors, la
commission
instituée par
la loi sur l'égalité de
traitement
,
saisie par une ouvrière turque à qui son employeur interdisait le port du
foulard
islamique sur le lieu de travail, s'est prononcée sur la question. Elle a
considéré que
l'interdiction de l'employeur était illégale.
Les commentateurs estiment que cet avis s'appliquerait aux
établissements
publics
d'enseignement.
En revanche, les établissements privés, où se sont déroulés la plupart des
conflits,
demeurent libres d'édicter des prescriptions d'ordre vestimentaire auxquelles
les
écoliers sont tenus de se conformer.
SUISSE - CANTON DE GENEVE
Le canton de
Genève est, avec celui de
Neuchâtel, le seul qui connaisse la
séparation de l'Eglise et de
l'Etat
.
|
Dans un souci de
faciliter l'intégration des écolières concernées, le
département de
l'Instruction
publique
a, dans une prise de position rendue publique en janvier 1995,
décidé que
les écolières de confession islamique pouvaient porter un foulard pendant les
cours
.
Par ailleurs, elles peuvent, conformément à la jurisprudence du Tribunal
fédéral,
être dispensées de natation, mais doivent suivre les cours d'éducation physique
dans la
mesure où cet enseignement n'est pas mixte et où il leur est dispensé par des
femmes.
En revanche, au mois d'octobre 1996, le même département ministériel s'est
opposé au
port du foulard islamique par une enseignante. Pour cela, il s'est appuyé sur la
décision prise par le Tribunal fédéral au sujet de la présence d'un crucifix
dans une
salle de classe. Le Tribunal fédéral avait alors jugé que la présence durable du
symbole religieux dans la salle de classe pouvait avoir des effets non
négligeables sur
le développement spirituel des élèves.
Le département de l'Instruction publique estime qu'il en va de même pour le
foulard
porté par une enseignante et affirme qu'il s'opposerait de la même façon au
port de la
kippa par exemple. En revanche, il admet de la part des enseignants le port de
symboles
religieux de petite taille et à caractère décoratif comme une petite croix, un
croissant de lune ou une étoile de David.
CANADA - QUÉBEC
Bien que la
loi constitutionnelle
garantisse l'existence de " commissions scolaires
confessionnelles "
(3(
*
)),
l'école
québecoise est commune : elle est ouverte à
l'enseignement de la population et tout élève, quelle que soit sa
confession, a le droit
de la fréquenter.
|
En septembre
1994, la presse s'est fait l'écho du cas d'une jeune fille habitant sur le
territoire
d'une commission catholique et qui, renvoyée parce qu'elle portait le foulard
islamique,
avait dû changer d'établissement scolaire.
Sans se prononcer sur ce cas précis, deux organismes gouvernementaux, le
Conseil du
statut de la femme
et la
Commission des droits de la personne
ont
analysé
cette question au début de l'année 1995.
Les deux instances ont considéré que l'interdiction du port du foulard
constituait une
mesure
de discrimination
non seulement
directe
, dans la mesure où elle
stigmatisait
les personnes de religion musulmane, mais aussi
indirecte
, car cette
norme
vestimentaire d'application générale touchait
" une personne ou
un groupe
de personnes d'une manière différente par rapport à d'autres personnes
auxquelles elle
peut s'appliquer
". En outre, cette discrimination ne pouvait
être effacée
par aucun accommodement : la seule solution imaginable, le changement
d'école, n'en
constituait pas une car il s'opposait au principe du libre choix de l'école.
La Commission des droits de la personne concluait donc à l'impossibilité
d'interdire le
port du foulard islamique, ainsi qu'à la validité des codes vestimentaires
d'application
générale. Dans la mesure où l'application de ces codes peut provoquer des
discriminations, l'" accommodement raisonnable " consiste
en une
autorisation du port du foulard, sauf en cas d'exigences de sécurité.
Le Conseil du statut de la femme concluait à la nécessité pour l'Etat d'adopter
une
solution générale sur la question du port des symboles d'appartenance
religieuse et de
cesser de s'en remettre aux instances locales.
ETATS-UNIS
Le
premier
amendement à la
Constitution
interdit au pouvoir législatif fédéral d'établir une ou
plusieurs
religions officielles : "
Le Congrès ne pourra faire
aucune loi ayant
pour objet l'établissement d'une religion, l'interdiction de son libre
exercice, la
limitation de la liberté de parole ou de presse, (...)
".
|
Bien que le port
du foulard islamique n'ait, apparemment, jamais suscité d'incidents, on peut
examiner,
par analogie, l'affaire
Tinker contre Des Moines
Independent Community
District
, où la
Cour suprême
a déclaré, en 1969, qu'il était
inconstitutionnel
d'interdire à des lycéens le port de brassards noirs dans l'enceinte de
l'école
. En
portant ces brassards, les lycéens entendaient manifester leur opposition à la
guerre du
Vietnam.
Selon la Cour, cette interdiction violait le premier amendement qui protège la
liberté
d'expression. La Cour aurait admis l'interdiction en cas de
"
comportement
vraiment ou potentiellement perturbateur
". En revanche, le port
des
brassards, sans autre manifestation, ne constituait pas "
une
parole ou un
comportement susceptible d'affecter les affaires des écoles ou les droits des
autres
étudiants
".
(1) La loi du
19 juillet 1974 reconnaît le culte islamique. En conséquence, la religion
musulmane
est enseignée au même titre que les religions catholique, protestante et
israélite.
(2) Cette instance, créée par la loi de 1976, a pour mission l'élimination des
discriminations raciales. Pour cela, elle peut notamment mener des enquêtes et
assister
les particuliers devant les tribunaux.
(3) Dans la fédération canadienne, l'enseignement scolaire relève des Etats
fédérés.
Au niveau local, l'administration relève de la compétence d'autorités dénommées
" commissions scolaires ". Malgré la création d'un
ministère de
l'éducation unique en 1964, les commissions scolaires sont restées
confessionnelles.