MONOGRAPHIES PAR PAYS

ALLEMAGNE

Le régime des immunités parlementaires en Allemagne résulte :

- de l'article 46 de la Loi fondamentale (Grundgesetz) ;

- du Règlement du Bundestag (Geschäftsordnung) , notamment son article 107 ;

- d'une décision du Bundestag concernant la levée de l'immunité de ses membres (Beschluß des Deutschen Bundestages betr. Aufhebung der Immunität von Midgliedern des Bundestages) figurant à l'annexe 6 du Règlement du Bundestag ;

- et de lignes directrices de la commission permanente chargée de la Vérification des scrutins, de l'immunité et du Règlement (Ausschuß für Wahlprüfung, Immunität und Geschäftsordnung) sur les grands principes dans les affaires d'immunité (Grundsätze in Immunitätsangelegenheiten) rédigées sur le fondement de l'article 107 de ce règlement, également publiées dans l'annexe 6 de ce document.

Ce régime ne vaut que pour le Bundestag , chambre fédérale des députés. Aucune loi fédérale n'accorde l'irresponsabilité ou l'inviolabilité aux membres du Bundesrat , qui est composé de membres des gouvernements des Länder qui les nomment et les révoquent.

Le Président de la commission permanente chargée de la Vérification des scrutins, de l'immunité et du règlement intérieur rappelle dans une note sur le « droit d'immunité 12 ( * ) » (immunitätsrecht) que celui-ci a pour objet d'assurer la capacité de travail et de fonctionnement du Bundestag et de le préserver, en tant qu'organe constitutionnel, contre les empiètements de l'exécutif et du judiciaire à tous les niveaux de l'administration étatique. Si cette immunité n'est pas un droit individuel propre conféré aux parlementaires, ceux-ci ont néanmoins droit à ce que le Bundestag , lors d'une décision de levée d'immunité, ne se fonde pas sur des motifs subjectifs ou arbitraires.

A. L'IRRESPONSABILITÉ

1. Étendue

En vertu de l'article 46-1 de la Loi fondamentale, un député ne peut jamais faire l'objet de poursuites judiciaires ou disciplinaires, ni voir sa responsabilité mise en cause d'une quelconque façon en raison d'un vote émis ou d'une déclaration qu'il a faite au Bundestag ou dans l'une de ses commissions dans l'exercice de son mandat. Cette disposition ne s'applique pas aux injures à caractère diffamatoire (verleumderische Beleidigung).

Un député ne peut donc être poursuivi en raison d'une injure simple (einfache Beleidigung) proférée dans ou en dehors du Parlement, celle-ci étant considérée comme ayant un caractère politique non diffamatoire.

L'irresponsabilité (Indemnität) s'étend aux opinions ou votes en séance plénière ou en commission, à l'exclusion des déclarations faites hors du domaine parlementaire ( auâerhalb des parlamentarischen Bereichs ).

2. Durée

L'irresponsabilité s'applique aux opinions exprimées tout au long du mandat parlementaire et dure après la fin dudit mandat. Elle ne peut pas être levée.

B. L'INVIOLABILITÉ

1. Étendue

L'article 46 de la Loi fondamentale prévoit que, pour tout acte passible d'une sanction, un député ne peut voir sa responsabilité mise en cause ou être arrêté qu'avec l'accord du Bundestag , sauf en cas de flagrant délit.

En matière de poursuite pénale , le Bundestag autorise de manière générale, pour chaque législature, l'ouverture des procédures d'enquête ( Ermittlungsverfahren ) - quelles que soient leurs modalités - à l'encontre de ses membres en cas d'actes délictueux, sauf s'il s'agit d'injures à caractère politique. Au préalable, le ministère public doit informer le président du Bundestag et le membre concerné par l'enquête, sauf si celle-ci serait compromise ou entravée de ce fait. L'enquête ne peut commencer qu'à l'expiration d'un délai de 48 heures après la notification 13 ( * ) . Ce délai peut être prolongé. Le président transmet directement cette notification à la commission permanente chargée de la Vérification des scrutins, de l'immunité et du Règlement. Celle-ci sera informée de l'enquête par son président lors de sa prochaine réunion et, s'il est besoin de concertations ou d'autres questions, suivra l'affaire. Le député concerné est informé par le président de son groupe politique.

Une autorisation individuelle du Bundestag est requise pour toute mise en accusation, arrestation, perquisition ou saisie.

Lors d'une perquisition ( Durchsuchung ) ou d'une saisie ( Beschlagnahme ), la présence d'un autre député est obligatoire. Dans les locaux du Bundestag , un représentant du président doit également être présent. Le député chargé d'accompagner est désigné par le président, après avis du président du groupe parlementaire auquel appartient le parlementaire mis en cause.

L'autorisation est enfin requise pour la déclaration sous serment dans une procédure d'insolvabilité d'un membre.

2. Procédure de levée

En vertu de l'article 107 du Règlement du Bundestag , les demandes de levée d'immunité sont transmises sans délai par le Président à la commission permanente chargée de la Vérification des scrutins, de l'immunité et du Règlement. Celle-ci s'appuie sur les grands principes en matière d'immunités qu'elle a énoncés dans les lignes directrices précitées pour rendre sa recommandation. Elle débat à huis-clos et le procès-verbal n'est pas rendu public.

La commission permanente chargée de la Vérification des scrutins, de l'immunité et du Règlement émet, par un vote à main levée, une proposition de décision (Beschlussempfehlung) se fondant non pas sur le fond de l'affaire mais sur sa cohérence (Nachvollziehbarkeit) . Elle peut entendre le député mis en cause sur demande d'un groupe politique.

La proposition de décision est ensuite inscrite à l'ordre du jour de la séance plénière, sauf dans des cas spécifiques (v. infra ). La discussion en séance plénière sur la proposition de décision n'est pas enfermée dans un délai. Elle doit cependant commencer au plus tôt 3 jours après la distribution de ce document. Si celui-ci n'est pas distribué, il fait l'objet d'une lecture à voix haute.

a) La demande de levée : auteur et contenu

En vertu des principes définis en matière d'immunité, la levée de celle-ci peut être demandée par :

- le ministère public , un tribunal, les juridictions d'honneur, les juridictions professionnelles de droit public et les « organisations professionnelles exerçant une surveillance en vertu de la loi » ;

- le tribunal dans les cas d'actions pénales engagées par la partie lésée sans le concours du parquet (Privatklage) et avant l'ouverture de la procédure principale ;

- un créancier lors d'une procédure d'insolvabilité, le tribunal ne pouvant agir en l'absence de cette demande ;

- et la commission permanente chargée de la Vérification des scrutins, de l'immunité et du Règlement.

Les demandes sont transmises par voie hiérarchique par le procureur général, le ministère de la Justice d'un Land et le ministère fédéral de la Justice au Président du Bundestag , qui les renvoie à la commission compétente. Un créancier peut cependant adresser sa demande directement à l'assemblée.

Les textes ne spécifient pas de critères de recevabilité particuliers.

b) Examen de la demande et décision

La proposition de décision de la commission est inscrite à l'ordre du jour de la séance plénière. Elle est examinée sans débat. Il est toutefois possible à un membre de faire une explication de vote (eine Erklärung zur Abstimmung) en vertu de l'article 31 du Règlement. Le vote se fait à main levée.

La séance plénière est publique. Toutefois le huis-clos peut être prononcé en vertu de l'article 42 de la Loi Fondamentale par la majorité des deux tiers, à la demande d'un dixième des membres du Bundestag ou à la demande du Gouvernement fédéral.

Hormis lors de son audition par la commission permanente, possible sur demande d'un groupe politique, le membre concerné n'est pas autorisé à s'exprimer sur le fond. La décision du Bundestag est ensuite transmise au ministre de la Justice qui doit à son tour la communiquer à l'autorité demanderesse.

Pour les infractions routières et les affaires de faible importance (Bagatellfall) 14 ( * ) , la recommandation de la commission, transmise au Bundestag par le président, est réputée adoptée, sans inscription à l'ordre du jour de la séance plénière, dans les 7 jours, à défaut d'objection ou d'opposition.

En cas de flagrant délit ou d'arrestation le jour suivant le fait incriminé, l'autorisation préalable du Bundestag n'est pas nécessaire.

c) Appel de la décision

Un député ne peut pas faire appel mais peut néanmoins engager une « procédure pour régler un litige entre organes » (Organstreitverfahren) devant la Cour constitutionnelle fédérale allemande (Bundesverfassungsgericht) s'il estime que les droits inhérents à sa fonction de député (die Statusrechten eines Abgeordneten) ont été violés. Tel fut le cas en 2001, lorsqu'un député soupçonné de fraude fiscale contesta l'autorisation de perquisition donnée par le Bundestag et le fait que ce dernier n'ait pas demandé la suspension de la procédure pénale. Son recours a été rejeté 15 ( * ) par la Cour constitutionnelle fédérale au motif que l'immunité n'est pas un droit individuel propre conféré aux parlementaires, bien que ces derniers aient droit à ce que le Bundestag ne se fonde pas sur des motifs subjectifs ou arbitraires lorsqu'il lève une immunité. En l'espèce, le tribunal a jugé que la décision de l'assemblée n'était ni incohérente ni disproportionnée.

d) Possibilité de suspendre des poursuites déjà engagées

En vertu de l'article 46-4 de la Loi fondamentale, toute procédure pénale intentée ou engagée selon l'article 18 contre un député, toute détention ou limitation de sa liberté personnelle doivent être suspendues lorsque le Bundestag le demande.

e) Renonciation

Le parlementaire ne peut pas renoncer à son immunité.


* 12 Note explicative du 20 janvier 2014 aux membres du Bundestag sur le droit d'immunité.

* 13 Les fins de semaine et les jours fériés ne sont pas pris en compte dans son calcul.

* 14 Cette expression, issue de la pratique juridique et non d'une loi, renvoie aux infractions pénales délictuelles pour lesquelles la faute du prévenu est considérée comme faible, dans le cas où il n'existe pas d'intérêt public particulier à poursuivre.

* 15 Cour constitutionnelle fédérale, Ronald Pofalla contre le Bundestag et son président, 2 BVe 2/00 du 17 décembre 2001, paragraphes 1 à 98.

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