NOTE DE SYNTHESE
La
loi 82-213 du 2 mars 1982
relative aux droits et libertés des
communes, des départements et des régions a
supprimé la
tutelle administrative exercée
a priori
sur les actes des
collectivités territoriales.
En règle générale, les actes des autorités
communales, départementales et régionales sont maintenant
exécutoires de plein droit dès que les formalités de
publicité qui leur sont propres (publication ou notification selon qu'il
s'agit d'actes réglementaires ou individuels) sont accomplies, et que
leur transmission au représentant de l'Etat dans le département
ou dans la région est effectuée. Celui-ci peut alors, le cas
échéant, les déférer au
tribunal administratif
pour qu'il en apprécie la légalité
.
Ce système fait l'objet de quelques critiques. Ainsi, la proposition de
loi déposée à l'Assemblée nationale le 14 novembre
1996 par plusieurs députés de la majorité se propose de
rétablir un contrôle de légalité
a priori
sur les actes des collectivités territoriales
.
Pour apprécier la portée de cette proposition, il a paru
nécessaire d'analyser le mécanisme de contrôle des actes
des collectivités territoriales chez plusieurs de nos proches voisins :
l'
Allemagne
, l'
Angleterre
et le
Pays de Galles
,
l'
Espagne
, l'
Italie
, les
Pays-Bas
et le
Portugal
.
*
* *
I - L'AUTORITE CHARGEE D'APPRECIER LA LEGALITE DES ACTES DES COLLECTIVITES LOCALES.
1) L'Espagne est le seul pays qui a confié le contrôle de la légalité des actes des collectivités territoriales aux tribunaux.
La loi espagnole de 1985 sur le régime local a confié le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales aux tribunaux. Pour permettre l'exercice de ce contrôle, elle prescrit aux collectivités de remettre aux administrations de l'Etat et des communautés autonomes une copie ou un extrait de leurs actes. L'administration peut alors demander à la collectivité l'annulation d'un acte qu'elle estime illégal. Elle peut aussi en saisir le tribunal administratif, seul juge de la légalité des actes des collectivités locales.
2) Dans les autres pays étudiés, l'administration exerce le contrôle des actes des collectivités territoriales.
a) En
Allemagne, c'est le ministère de l'intérieur
du Land qui
exerce le contrôle de légalité sur les actes des
collectivités territoriales.
En effet,
le droit des collectivités locales ne relève pas de
la compétence de l'Etat fédéral,
mais de celle des
Länder
. Les lois des
Länder
sur l'organisation des
collectivités précisent donc quelle est l'entité
responsable du contrôle des actes de celles-ci. La situation varie d'un
Land
à l'autre mais,
en général, il s'agit
du
ministère de l'intérieur du
Land
.
b) En Angleterre et au Pays de Galles, le contrôle est essentiellement
exercé par le ministère de l'environnement.
Bien qu'il n'existe pas une administration unique chargée d'exercer le
contrôle de légalité général des actes des
collectivités territoriales, le
rôle
prépondérant
du ministère
de
l'environnement
doit être souligné. Au sein du
gouvernement, c'est lui qui est chargé de la supervision de
l'administration locale en Angleterre (Au Pays de Galles, ce rôle est
dévolu au ministère chargé des affaires galloises). En
outre, il agit également par l'intermédiaire de
l'Audit
Commission for
Local Authorities,
créée en 1982 par la
loi sur les finances locales. Les membres de cette commission, nommés
par le ministre de l'environnement, s'acquittent de nombreuses fonctions que
les autres pays réservent à leurs organes de contrôle.
c) En Italie, les actes des régions sont contrôlés par
l'administration de l'Etat, tandis que ceux des provinces et des communes sont
contrôlés par un organe régional.
Les
lois des régions
sont contrôlées par le
commissaire du gouvernement
, représentant du gouvernement dans la
région. Les
actes administratifs régionaux
le sont par un
organe spécialisé, la
commission nationale de
contrôle
, constituée dans chaque région. Quant aux
actes
des provinces et des communes
, ils sont
contrôlés par un organe créé par chaque
région, le
comité régional de contrôle
.
d) Aux Pays-Bas, les actes des provinces sont contrôlés par le
ministère de l'intérieur et ceux des communes par l'organe
exécutif de la province.
e) Les actes des collectivités portugaises sont contrôlés
par le gouverneur civil, représentant du gouvernement dans le
district.
Toutefois, la sanction la plus grave (déchéance du mandat
électif ou dissolution, selon que le coupable est un individu ou un
organe collégial) ne peut être prise que par le tribunal
administratif.
II - LA NATURE DU CONTROLE
Le contrôle de légalité exercé a posteriori constitue la règle dans tous les pays, sauf en Angleterre et au Pays de Galles.
1) Le contrôle d'opportunité et le contrôle de légalité a priori présentent un caractère exceptionnel en Allemagne, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas et au Portugal.
a) Le
contrôle de légalité a priori est très circonscrit
et tend à se restreindre.
•
En Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas et au Portugal, le
contrôle
a priori
est limité aux actes pris dans
certains domaines.
C'est par exemple le cas en Allemagne pour les plans d'occupation des sols,
pour certains emprunts et certaines aliénations immobilières. Il
en va de même en Espagne pour les aliénations immobilières
les plus importantes, pour certains emprunts et pour la tarification des
services locaux, aux Pays-Bas pour les budgets locaux, dans la seule
hypothèse où ils ne sont pas en équilibre, pour la
création des syndicats de communes et pour les plans d'occupation des
sols, et au Portugal pour les principaux contrats et pour les plans
d'occupation des sols.
En outre, les cas où le contrôle
a priori
est possible
tendent à se réduire. Cette évolution est
particulièrement nette en Allemagne depuis les années 70. De
même, l'entrée en vigueur des lois néerlandaises de 1992
sur les communes et sur les provinces s'est accompagnée d'une
quasi-disparition des contrôles
a priori
.
•
En Italie le contrôle a priori peut s'exercer uniquement sur
les lois régionales.
Le contrôle
a priori
qui s'exerçait sur les actes des
provinces et des communes a été supprimé en 1990.
b) Le contrôle d'opportunité est encore plus limité,
voire inexistant.
La
Constitution
portugaise
prescrit que "
la tutelle
administrative sur les collectivités locales
consiste en une
vérification que les collectivités observent la loi
".
Elle exclut donc tout contrôle d'opportunité.
En
Espagne
, le
Tribunal constitutionnel
s'est prononcé sur
ce point en 1981 lorsqu'il a déclaré inconstitutionnelle la
réglementation sur la tutelle des actes des collectivités
locales, qui était antérieure à la Constitution de 1978.
Il a alors estimé que le principe d'autonomie locale était
compatible avec l'exercice d'un contrôle de légalité,
à condition que de dernier soit exercé de façon
ponctuelle. En revanche, il a exclu tout contrôle d'opportunité.
En
Allemagne
, le contrôle d'opportunité est limité
aux cas où les collectivités n'exercent pas leurs propres
compétences, mais agissent par délégation, pour le compte
de l'Etat fédéral ou du
Land
.
L'
Italie
ne prévoit de contrôle d'opportunité que
sur les lois régionales : le commissaire du gouvernement doit s'assurer
qu'elles ne heurtent ni les intérêts de l'Etat, ni ceux des autres
régions.
Aux
Pays
-
Bas
, le champ du contrôle d'opportunité
peut sembler moins restreint. En effet, la Constitution, de même que les
lois sur les provinces et les communes, prévoient que les
décisions des provinces et des communes peuvent être
annulées par décret royal non seulement lorsqu'elles sont
illégales, mais aussi lorsqu'elles sont contraires à
l'"
intérêt
général
". En
pratique, le contrôle d'opportunité n'est pas
exercé.
2) En Angleterre et au Pays de Galles, le contrôle des actes des collectivités territoriales est exercé essentiellement a posteriori et constitue bien davantage un contrôle d'opportunité qu'un contrôle de légalité.
Cette tendance s'est beaucoup accentuée depuis la fin des années 1970, notamment avec la création en 1982 de l' Audit Commission for Local Authorities. Les moyens dont celle-ci dispose (contrôles sur pièces et sur place, demande de contrôle judiciaire sur toute décision ou absence de décision d'une collectivité...) sont en effet utilisés non pas pour vérifier la légalité des actes, mais pour s'assurer que les collectivités assurent les meilleures prestations au moindre coût.
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* *
De
manière générale, il apparaît donc que :
- le contrôle d'opportunité est exercé de manière
exceptionnelle dans les pays qui le permettent encore ;
- le champ du contrôle de légalité
a priori
s'est
beaucoup réduit depuis une vingtaine d'années.
Le contrôle sur les actes des collectivités territoriales consiste
dès lors essentiellement en un contrôle de légalité
a posteriori
. Par ailleurs, l'activité de contrôle
s'accompagne en général de nombreux échanges d'information
entre les collectivités et les organes chargés de leur
contrôle.
L'Angleterre et le Pays de Galles constituent cependant un cas particulier
puisque le contrôle des actes des collectivités territoriales y
est particulièrement important et que l'on y privilégie le
contrôle d'opportunité.