Les ressources minérales marines profondes : nodules polymétalliques, encroûtements et sulfures hydrothermaux

Brésil - États-Unis - Îles Cook - Îles Fidji - Nouvelle-Zélande -
Papouasie-Nouvelle-Guinée

Cette note a été réalisée à la demande de la Délégation sénatoriale à l'Outre-mer

Les notes de la division de Législation comparée reposent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe 1.

Elles présentent de façon synthétique l'état du droit dans les pays où existe un dispositif législatif spécifique. Elles n'ont donc pas de portée statistique.

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

RESSOURCES MINÉRALES MARINES PROFONDES :
NODULES POLYMÉTALLIQUES, ENCROÛTEMENTS ET SULFURES HYDROTHERMAUX

NOTE DE SYNTHÈSE

Cette note examine le régime applicable à l'exploration et à l'exploitation des ressources minérales marines profondes : nodules, encroûtements et sulfures hydrothermaux dans six États (Brésil, États-Unis, Îles Cook, Îles Fidji, Nouvelle-Zélande, Papouasie-Nouvelle-Guinée) qui sont, hormis les États-Unis, membres de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM).

Les nodules polymétalliques « connus dans toutes les océans sous toutes les latitudes à partir de fonds de 4 000 mètres et dans des zones caractérisées par une faible sédimentation [...] sont surtout composés d'hydroxydes de manganèse et de fer » 1 ( * ) .

Les sulfures hydrothermaux sont « le résultat de la circulation d'eau de mer dans la croûte océanique sous l'effet de forts gradients thermiques. On les trouve sur toutes les structures sous-marines d'origine volcanique. [...] [ils] se caractérisent par de forts enrichissements en métaux de base [...] [leur] inventaire reste très incomplet [...] ».

Les encroûtements d'oxydes ferromanganèsifères « ont été répertoriés dans tous les océans dans des environnements où la combinaison de courants et de faibles taux de sédimentation ont empêché le dépôt de sédiments pendant des millions d'années [...]. Ils varient de quelques centimètres à 25 centimètres d'épaisseur et couvrent des surfaces de plusieurs kilomètres carrés. [...]. Ils sont tous constitués d'oxydes de fer et de manganèse, et en moyenne trois fois plus riches en cobalt et souvent fortement concentrés en platine [...] ».

La rareté des législations spécifiquement applicables aux substances minières sous-marines résulte, en premier lieu, de l'état lacunaire des connaissances relatives à l'étendue et à la nature du domaine exploitable. En effet, si les ressources en nodules polymétalliques disponibles - les plus prometteuses - de la zone de Clarion-Clipperton polarisent l'attention de plusieurs explorateurs, la cartographie des sulfures hydrothermaux et celle des encroûtements semble encore très incomplète. De même les techniques d'exploitation industrielles de ces minéraux ne sont-elles pas, pour le moment, opérationnelles, de sorte que le droit peine à régir un objet dont les contours concrets ne sont pas clairement identifiés.

Certes, plusieurs États estiment qu'existent, dans leur législation, des normes qui conviennent pour régir tant les activités dans la ZEE et sur le plateau continental que celles des entreprises qu'ils pourraient patronner ou patronnent d'ores et déjà dans la Zone internationale placée sous la sauvegarde de l'Autorité internationale du fonds des mers, dite la « Zone ». Soulignons cependant que nombre de ces législations ne sont pas spécifiquement consacrées à ces activités apparues récemment ou à des substances découvertes après leur entrée en vigueur.

Faute de pouvoir s'appuyer sur des compétences techniques pour lever tout doute sur ce point, la présente note s'attache à présenter l'« état d'avancement » des réformes législatives et réglementaires qui sont survenues dans plusieurs des États qui sont dotés de ressources potentielles ou qui manifestent un intérêt pour les recherches en la matière.

Elle évoque, pour mémoire, le régime applicable à la « Zone » internationale, sans détailler l'état de la législation de chacun des pays étudiés, que celui-ci résulte de normes adoptées par l'AIFM ou de législations propres aux États qui n'ont pas ratifié la convention de Montego Bay.

1. Régime général

• Zone économique exclusive et plateau continental

La convention des Nations-Unies sur le droit de la mer, conclue le 10 décembre 1982 à Montego Bay, reconnaît aux États côtiers la faculté d'exercer des droits souverains sur la ZEE, d'une part, et sur le plateau continental, d'autre part.

La ZEE est, selon les articles 55 à 57 de la convention, « une zone située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci » qui ne s'étend pas au-delà des 200 2 ( * ) milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée l'étendue de la mer territoriales. L'État côtier y a « des droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol [...] ».

Aux termes de la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone économique et à la zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République, la ZEE française s'étend jusqu'à 188 milles marins au-delà de la limite des eaux territoriales, elle-même fixée à 12 milles marins, soit 22,224 kilomètres à compter des lignes de base. La France y exerce des droits souverains en ce qui concerne l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux surjacentes.

Les articles 76 et 77 de la convention des Nations-Unies sur le droit de la mer, dite « convention de Montego Bay », précisent que le plateau continental d'un État côtier comprend : « les fonds marins et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l'étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet État jusqu'au rebord externe de la marge continentale ou jusqu'à 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve à une distance inférieure ». L'État côtier y exerce « des droits souverains [...] aux fins de son exploration et de l'exploitation de ses ressources naturelles » qui sont « exclusifs au sens que si l'État côtier n'explore pas le plateau continental ou n'en exploite pas les ressources naturelles, nul ne peut entreprendre de telles activités sans son consentement exprès ».

• La « Zone » soumise à l'Autorité internationale des fonds marins

En vertu des articles 1, 139 et 153 de la convention de Montego Bay, les fonds marins et leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale constituent la « Zone » 3 ( * ) . Celle-ci couvre au moins la moitié des fonds marins de la planète, soit 260 millions de kilomètres carrés 4 ( * ) . Les activités qui s'y déroulent sont organisées, menées et contrôlées par l'Autorité internationale des fonds marins 5 ( * ) (AIFM) dont le siège est à Kingston, en Jamaïque, pour le compte de l'humanité tout entière. À cette fin, ces activités sont actuellement mises en oeuvre, en association avec cette autorité, par les États eux-mêmes ou par les entreprises qu'ils patronnent, dans le respect des règlements adoptés par l'AIFM sur la prospection et l'exploration dans la Zone des nodules polymétalliques, d'une part, et des sulfures polymétalliques, d'autre part. En vertu de ces textes, la prospection ne confère au prospecteur aucun droit sur les ressources.

Les articles 2 et 3 de l'Annexe III de la même convention précisent que l'exploration et l'exploitation de la Zone ne sont effectuées que lorsque le prospecteur s'est engagé par écrit à respecter la convention dans des secteurs spécifiés par des plans de travail approuvés par l'Autorité.

Les États qui patronnent des activités d'exploration sont en outre tenus de prendre les « mesures raisonnablement appropriées » afin d'assurer le « respect effectif » des obligations qui résultent de la convention sur le droit de la mer par les cocontractants qu'ils patronnent dans l'activité d'exploration et d'exploitation de la Zone, soit au-delà des eaux qui sont soumises à leur juridiction, sauf à voir leur responsabilité engagée du fait des dommages qui peuvent survenir 6 ( * ) .

La Commission juridique de l'AIFM a, du reste, proposé l'établissement d'une législation-type pour « aider les États parrainant des activités à honorer leurs obligations », le Conseil de l'Autorité décidant ensuite de faire réaliser un rapport sur les lois, règlements et dispositions administratives concernant les activités dans la Zone adoptés par les « États patronnant ». Selon ce rapport, publié au printemps 2012, dix États avaient, à cette époque, communiqué des renseignements concernant leurs législations respectives 7 ( * ) .

• Le régime applicable en vertu du code minier et dans les collectivités d'outre-mer

Le régime applicable à l'exploration et à l'exploitation des substances minières sous-marines résulte de divers textes.

Aux termes de l'article L.123-2 du code minier, « la recherche [...] de l'ensemble des substances minérales ou fossiles contenues dans le sous-sol du plateau continental [...] ou dans le fond de la mer et le sous-sol de la zone économique dite "exclusive" [...], ou existant à leur surface, [est] soumis[e] au régime applicable en vertu du présent livre aux substances de mine ».

En ce qui concerne les collectivités d'outre-mer (COM) qui sont régies par l'article 74 de la Constitution, leur statut fixé par une loi organique peut prévoir que l'adoption d'un tel régime relève de leur compétence. À titre d'exemple, la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, portant statut d'autonomie de la Polynésie française, prévoit que cette COM « réglemente et exerce le droit d'exploration et le droit d'exploitation des ressources naturelles biologiques et non biologiques [...] du sol, du sous-sol et des eaux surjacentes de la mer territoriale et de la zone économique exclusive dans le respect des engagements internationaux ».

En application de l'article 671-1 du code minier national, la compétence en matière d'exploration et d'exploitation des matières premières stratégiques ne relève toutefois pas de la Polynésie française.

2. État d'avancement de l'exploration des ressources minières sous-marines

On distingue, pour les nodules polymétalliques d'une part, les sulfures hydrothermaux d'autre part et enfin pour les encroûtements d'oxydes ferromanganésifères les permis d'exploration délivrés par les États côtiers dans leur ZEE ou sur leur plateau continental de ceux attribués par l'Autorité internationale des fonds marins dans la Zone.

• Les permis délivrés par des États côtiers

En matière d'exploration, on retiendra que plusieurs États ont attribué des permis concernant des zones sous-marines, à l'instar des Fidji, qui en décembre 2011 avaient délivré 17 permis, et de la France, qui a délivré le 20 juillet 2010 une autorisation de prospection préalable de substances minérales ou fossiles dans les fonds marins de la ZEE des îles de Wallis et Futuna à l'Institut français de recherche pour l'exploration de la mer et aux sociétés de la Compagnie française de mines et métaux, ERAMET et BRGM SA, pour une durée de deux ans à compter du 24 juillet de la même année.

En matière d'exploitation, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a délivré, en janvier 2011, un permis d'exploitation dénommé « Solwara 1 » à la société Nautilus Minerals Inc. pour une zone située à 1 600 mètres de profondeur, dans la mer de Bismarck, laquelle contient des gisements de sulfures massifs riches en cuivre et en or 8 ( * ) .

• Les titres délivrés par l'Autorité internationale des fonds marins

L'AIFM a d'ores et déjà conclu des contrats avec des partenaires qui explorent des espaces situés dans la Zone. Le contractant y a le droit exclusif d'explorer un secteur dont la superficie initiale peut atteindre 150 000 kilomètres carrés. Huit ans après la signature du contrat, la moitié de ce secteur doit être restituée. Six de ces secteurs d'exploration sont situés dans le sud du Pacifique central et au sud-est d'Hawaï et le septième au milieu de l'océan Indien. Ces contrats ont été conclus avec :

- le Gouvernement indien (2002) ;

- l'Institut français de recherche pour l'exploration de la mer et l'Association française pour l'étude de la recherche des nodules (IFREMER/AFERNOD) (2001) ;

- Deep Ocean Resources Development Company (DORD) , société japonaise (2001) ;

- Yuzmorgeologiya , entreprise publique russe (2001) ;

- l'Association chinoise de recherche-développement concernant les ressources minérales des fonds marins (COMRA) (2001) ;

- l'Organisation mixte Interoceanmetal , consortium formé par la Bulgarie, Cuba, la Fédération de Russie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie (2001) ;

- le Gouvernement de la République de Corée (2001) ;

- et l'Institut fédéral des géosciences et des ressources naturelles de la République fédérale d'Allemagne (2006).

Le conseil de l'AIFM a également approuvé :

- en juillet 2011, des plans de travail pour l'exploration de la Zone parrainés par Nauru Ocean resources , d'une part, et Tonga Offshore Mining Limited (TOML) 9 ( * ) ;

- en juillet 2012, des plans de travail présentés par la République de Corée, l'IFREMER, l' UK Seabed Resources , Marawa Research and Exploration Ltd et G-TEX Minerals Resources NV .

3. Observations résultant de l'analyse des législations étrangères

L'analyse des six législations précitées permet de constater que :

- les nodules, encroûtements et sulfures hydrothermaux demeurent des objets juridiques assez mal identifiés ;

- le besoin de règles en matière d'exploitation minière sous-marine se fait sentir quelles que soient les difficultés rencontrées pour concevoir ces normes ;

- le respect de l'environnement s'avère une préoccupation partagée ;

- un besoin de coopération internationale se fait sentir pour éviter vides juridiques et « moins disant législatif ».

• Les nodules, encroûtements et sulfures hydrothermaux : des objets juridiques mal identifiés

Parmi les législations étudiées, celles des États-Unis dans les fonds marins hors plateau continental et des Îles Cook dans leur ZEE font explicitement référence aux « nodules polymétalliques ». La prospection et l'exploitation de ces éléments ne sont pas encore bien appréhendées par le droit en vigueur, alors même que l'exploitation des ressources minérales de la ZEE et du plateau continental semble devenir une préoccupation partagée par plusieurs. Il est, du reste, parlant que le Brésil et la Nouvelle-Zélande aient récemment consacré des rapports détaillés à ce sujet.

• Besoin de règles et difficultés à les concevoir

L'analyse des six législations permet de constater, en premier lieu que le besoin de règles en matière de prospection et d'exploitation minières sous-marines se fait sentir. Alors que l'AIFM travaille à faire mieux prendre en compte le principe de responsabilité des États en la matière, pour ce qui concerne la « Zone » plusieurs des États étudiés ont entamé un processus de réflexion à l'instar des Fidji et de la Nouvelle-Zélande. Les Îles Cook font, sous cet angle, figure d'exception en ayant d'ores et déjà modifié leur législation dans la perspective d'une intensification des recherches sous-marines de minéraux solides.

Deux des États considérés (Brésil et Papouasie-Nouvelle-Guinée) estiment que la législation minière en vigueur permet de faire face aux besoins qui sont, du reste, encore mal connus puisque si les recherches semblent progresser en ce qui concerne la localisation des gisements de ressources minérales, une inconnue demeure quant à leur « exploitabilité » au point de vue de l'existence de méthodes industrielles d'extraction et de l'assurance de la rentabilité de la production. Cette question, soulignée par les autorités néozélandaises en 2005 dans le document qu'elles ont consacré à la gestion des effets environnementaux des activités offshore dans la ZEE 10 ( * ) , est d'autant plus importante que le recours à une méthode d'extraction plutôt qu'à une autre pourrait avoir des effets plus ou moins importants sur l'environnement.

• L'environnement, préoccupation partagée

Toutes les législations étudiées accordent une place importante à l'environnement dont on constate que des défenseurs - mais ce point n'est pas développé dans la présente note - s'avèrent hostiles à l'exploitation minière en eaux profondes.

• Un besoin de coopération internationale pour éviter vides juridiques et « moins disant législatif »

Les initiatives repérées montrent l'intérêt de la coopération internationale, qu'il s'agisse de l'action de l'AIFM ou de celles d'organisations régionales dont la préoccupation semble être de définir des règles communes qui éviteraient toutes formes de « moins disant législatif ».

RESSOURCES MINÉRALES MARINES PROFONDES :
NODULES POLYMÉTALLIQUES, ENCROÛTEMENTS ET SULFURES HYDROTHERMAUX


* 1 IFREMER, Les ressources minérales profondes. Synthèse d'une étude prospective à l'horizon 2030 , Paris 2011. Les citations suivantes proviennent de la même publication.

* 2 Soit 370,4 kilomètres. Un mille marin égale 1 852 mètres.

* 3 Une carte mondiale de la Zone et des ZEE figure en Annexe 1. L'Annexe 2 présente l'extension des ZEE dans le Pacifique.

* 4 Didier Ortolland, Jean-Pierre Pirat, Atlas géopolitique des espaces maritimes , Paris Technip, 2010, p. 262.

* 5 165 États sont membres de l'AIFM au 8 janvier 2013.

* 6 Article 4-4 de l'Annexe III de la convention de Montego Bay.

* 7 Allemagne, Chine, Guyana, Îles Cook, Mexique, Nauru, République tchèque, Royaume-Uni, Tonga et Zambie. Des renseignements ont en outre été communiqués par la Division géosciences et technologies appliquées du Secrétariat général de la Communauté du Pacifique (SOPAC).

* 8 « Environmental Management Needs for Exploration and Exploitation of deep Sea Minerals », ISA Technical Study n° 10, p. 4.

* 9 « Environmental Management Needs for Exploration and Exploitation of deep Sea Minerals », ISA Technical Study n° 10, p. 4.

* 10 Ministry for the environment, Offshore options. Managing Environmental Effects in New Zealand's Exclusive Economic Zone , 2005, p. 45.

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