Mars 2012

NOTE

sur

La procédure de reconnaissance
du droit d'asile

_____

Allemagne - États-Unis - Italie - Pays-Bas - Royaume-Uni - Suède

_____

Cette note a été réalisée à la demande de
M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président de la commission des Lois,
dans le cadre des travaux confiés à
MM. Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte, sénateurs,
co-rapporteurs de la mission d'information
sur les conditions d'exercice du recours en matière de droit d'asile

LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DU DROIT D'ASILE

NOTE DE SYNTHÈSE

Cette note relative à la procédure de droit commun pour la reconnaissance de l'asile dans cinq États de l'Union européenne (Allemagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède) et aux États-Unis présente également quelques traits des procédures d'autorisation d'entrée sur le territoire en vue de demander l'asile.

Ces six États figurent parmi ceux qui, dans le monde, ont enregistré au cours de la période 2006-2010, le plus de demandes d'asile selon l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, comme l'indique le tableau suivant :

ÉVOLUTION DU NOMBRE CUMULÉ DE DEMANDES D'ASILE, 2006-2010

États

Nombre
de demandes d'asile
en valeur absolue

% du
nombre total
des demandes d'asile

Rang d'après
le nombre
de demandes d'asile par 1 000 habitants dans le monde 1 ( * )

États-Unis

(1 er ) 256 710

15 %

24 ème

France

(2 è ) 185 450

11 %

15 ème

Canada

(3 è ) 144 560

8 %

11 ème

Suède

(4 è ) 141 050

8 %

3 ème

Royaume-Uni

(5 è ) 140 700

8 %

17 ème

Allemagne

(6 è ) 131 260

7 %

18 ème

Grèce

(7 è ) 83 460

5 %

8 ème

Italie

(8 è ) 80 510

5 %

21 ème

Belgique

(9 è ) 72 090

4 %

9 ème

Suisse

(10 è ) 66 630

4 %

6 ème

Autriche

(11 è ) 64 950

4 %

7 ème

Pays-Bas

(12 è ) 63 210

4 %

12 ème

Source: UNHCR, Asylum levels and trends in Industrialized Countries 2010 , p. 15

Elle examine successivement :

- la nature des entités chargées d'instruire les demandes d'asile ;

- les modalités du dépôt de la demande ;

- l'attention portée à l'information du demandeur ;

- le déroulement de l'audition de celui-ci ;

- la forme et les délais de la décision de l'administration ;

- et le régime des recours en première instance et en appel.

Elle évoque enfin :

- les procédures accélérées ;

- et la place reconnue aux organisations de défense des demandeurs d'asile.

1. La nature des entités chargées d'instruire les demandes d'asile

Les entités chargées d'instruire les demandes d'asile sont, hormis dans le cas de l'Italie, des administrations fédérales ou nationales.

L'examen des dossiers est effectué par un office fédéral en Allemagne et aux États-Unis, une administration nationale aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suède, et enfin des commissions territoriales composées d'un membre du corps préfectoral, de diplomates et d'élus locaux en Italie.

Le dispositif américain est cependant spécifique car si l'administration y examine tous les dossiers, accorde l'asile et délivre elle-même les autorisations de séjour, elle renvoie dans la majeure partie des cas les personnes qui se trouvent en situation irrégulière, dont elle estime que la demande n'est pas fondée, devant un juge spécialisé qui instruit une procédure d'éloignement à leur encontre.

2. Les modalités du dépôt de la demande

La demande peut être présentée soit à la frontière soit, une fois le demandeur entré sur le territoire, dans un centre spécialisé situé à l'intérieur du pays. En Allemagne, les demandeurs qui ne disposent pas d'un titre de séjour sont systématiquement orientés vers un centre qui les met en relation avec l'Office fédéral chargé de l'instruction des dossiers d'asile.

Le dépôt de la demande nécessite la présence physique de l'étranger dans les cinq États européens. C'est l'occasion d'effectuer des mesures d'identification de la personne (photos, empreintes digitales 2 ( * ) ), voire d'opérer un « filtrage » des demandes manifestement irrecevables au Royaume-Uni.

La procédure de dépôt se limite, en revanche, à l'envoi d'un formulaire accompagné de justificatifs et de photos aux États-Unis où les opérations d'identification de la personne ont lieu dans un service spécialisé de l'administration dans les 21 jours suivant la réception de ce document par celle-ci.

Cette toute première phase de la procédure est expressément limitée à 2 jours aux Pays-Bas, délai qui constitue un objectif au Royaume-Uni où l'on communique de surcroît au demandeur le nom de la personne chargée du suivi de son dossier.

3. L'information du demandeur, une préoccupation variable

Bien qu'elle survienne à des stades divers de la procédure, l'information du demandeur sur les droits qui lui sont ouverts, les obligations auxquelles il est soumis et le déroulement de la procédure est une préoccupation clairement partagée par les législations d'Italie, de Suède, des Pays-Bas et du Royaume-Uni. Dans ces deux derniers États, le responsable du dossier convoque le demandeur une première fois pour lui expliquer la procédure, lui préciser ses obligations, l'informer des conséquences de son manque de coopération, voire l'aider à trouver un avocat.

Les législations allemandes et américaines ne contiennent en revanche pas de dispositions spécifiques à cette matière.

4. L'audition du demandeur, un point de passage obligé

Les six procédures prévoient une audition du demandeur spécifiquement consacrée au fond de la requête et aux motivations de celle-ci.

L'audition a lieu le plus tôt possible en Allemagne, au bout de 9 jours aux Pays-Bas (délai de 6 jours après l'inscription + 3 jours), une semaine après la première rencontre au Royaume-Uni, dans les 30 jours de la demande en Italie et au plus tard 45 jours après celle-ci aux États-Unis.

Le demandeur est explicitement soumis à une obligation de loyauté dans ses réponses par la loi britannique. En vertu des lois allemandes et italiennes, il a le devoir de coopérer à l'établissement des faits le concernant et des raisons qui motivent sa demande.

Il peut être accompagné d'un avocat ou d'un conseil en Allemagne, en Italie, au Royaume Uni, aux États-Unis et en Suède.

S'il ne parle pas la langue du pays d'accueil, un interprète est fourni :

- par l'administration en Italie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Suède ainsi qu'en Allemagne où le demandeur peut recourir à un autre traducteur à ses frais ;

- et par le demandeur lui-même aux États-Unis où l'administration a la faculté de solliciter un autre interprète pour contrôler le travail du premier.

Le demandeur :

- a droit à une aide juridique publique dès cette phase de la procédure en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suède ;

- prête serment tout comme les personnes qui l'accompagnent aux États-Unis.

L'administration n'est pas tenue d'organiser l'audition en cas de décision positive, ou encore lorsque l'étranger n'a, sans motif valable, pas répondu à la convocation à une audition en Allemagne et en Italie, ou bien lorsque sa demande est manifestement infondée ou qu'il accomplit des manoeuvre dilatoires au Royaume-Uni.

5. Les formes et délais de la décision

La décision, motivée, est rendue le quatorzième jour suivant le dépôt de la demande aux Pays-Bas et au plus tard :

- dans les 3 jours ouvrables suivant l'audition du demandeur en Italie ;

- dans les 30 jours à compter de l'enregistrement de la demande au Royaume-Uni ;

- dans les 3 mois suivant la demande en Suède ;

- dans les 180 jours à compter du dépôt de la demande aux États-Unis (le délai est de 2 semaines après l'audition dans les cas les plus simples) ;

- et sans qu'un délai ne soit précisé par la loi en Allemagne où environ 45 % des demandes sont traitées en moins de 6 mois.

L'administration peut faire part de son intention d'opposer un refus à la demande pour permettre au demandeur de fournir d'autres informations aux États-Unis et aux Pays-Bas. Ce dernier pays a recours à un dispositif de droit commun très « minuté » dont l'organisation est contraignante et rapide puisqu'elle est mise en oeuvre, une fois passés les deux jours du dépôt de la demande et les six jours qui suivent celui-ci, dans un délai total de huit jours au terme duquel est rendue la décision.

6. Le régime des recours

On distinguera :

- les décisions insusceptibles de recours ;

- les décisions susceptibles d'un recours contentieux en première instance ;

- et l'appel de la décision contentieuse de première instance.

• Les décisions insusceptibles de recours

Sont insusceptibles de tout recours les décisions de refus d'accorder l'asile rendues par l'administration américaine à l'encontre d'une personne en situation régulière (dans la mesure où elle peut séjourner sur le territoire américain à un autre titre).

• Les décisions susceptibles d'un recours contentieux en première instance

Les décisions sont susceptibles d'un recours suspensif en première instance :

- devant le tribunal administratif, dans le délai de 1 ou 2 semaines à compter de la notification à l'intéressé en Allemagne ;

- dans les 30 jours de la date de la décision du juge américain saisi d'une procédure d'éloignement par l'administration fédérale, devant une instance juridictionnelle spécialisée ;

- dans un délai compris entre 5 et 28 jours à compter de la notification au Royaume-Uni, devant une instance juridictionnelle spécialisée ;

- dans les 30 jours de la notification de la décision devant le tribunal civil du chef-lieu du ressort de la cour d'appel en Italie, délai ramené à 15 jours si le demandeur est hébergé dans un centre d'accueil ou de rétention ;

- dans les 21 jours de la notification de la décision auprès de l'administration suédoise qui, après avoir examiné ce recours gracieux, transmet automatiquement à un juge spécialisé de première instance la demande d'appel si elle maintient sa décision de refus.

Sont susceptibles d'un recours non suspensif en première instance les décisions :

- de l'administration néerlandaise, dans les 4 semaines suivant leur notification ;

- des commissions italiennes qui rejettent comme irrecevable une demande manifestement infondée ayant pour seul objet d'éviter une mesure d'éloignement, ainsi que celle formulée alors que le demandeur a été placé dans un « centre d'accueil » (centro di accoglienza) où il doit loger la nuit après avoir tenté d'échapper aux contrôles, été arrêté en situation irrégulière ou s'être éloigné sans motif d'un tel centre d'accueil ;

- rendues au Royaume-Uni à l'encontre des demandes manifestement infondées assorties d'une mesure de détention (procédure dite d'appel non suspensif avec détention).

Le demandeur peut bénéficier de l'aide juridictionnelle en Allemagne dans les mêmes conditions que les nationaux ainsi qu'en Italie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suède (sauf si sa demande est infondée ou doit être formulée devant un autre État pour ce dernier pays).

• Appel de la décision de première instance

La décision du juge de première instance peut être contestée par voie d'appel à caractère suspensif :

- en Suède après autorisation de la cour de l'immigration de Stockholm laquelle n'accepte d'examiner que les questions importantes qui ont une portée de principe (à l'exclusion des décisions des tribunaux concernant le refus d'entrée sur le territoire imposé à un étranger par la police).

- après autorisation de la juridiction spécialisée de premier niveau, exclusivement sur le fondement de l'erreur de droit devant l'instance supérieure spécialisée au Royaume-Uni ;

- et lorsque la demande n'est pas irrecevable ou manifestement infondée, dans le délai de 1 mois en Allemagne, et sous réserve de l'autorisation de la requête par l'équivalent de la cour administrative d'appel qui la délivre si une question significative de droit est en jeu, cette décision pouvant faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

La décision du juge de première instance peut faire l'objet d'un appel non suspensif :

- dans la semaine suivant la décision du juge administratif devant le Conseil d'État aux Pays-Bas ;

- dans les 10 jours de sa notification devant la cour d'appel laquelle peut faire l'objet d'un recours en cassation dans les 30 jours de sa notification en Italie (où la cour peut cependant ordonner le sursis à exécution) ;

- et dans les 30 jours devant la juridiction spécialisée d'appel, le Board of Immigration Appeals (BIA) aux États-Unis.

7. La procédure accélérée

Parmi les États qui mettent en oeuvre une procédure d'autorisation d'entrée sur le territoire en vue de déposer une demande d'asile figurent le Royaume-Uni, où elle ne dépasse pas 14 jours, et les États-Unis. Dans ce dernier pays, le service chargé des douanes et de la protection des frontières, et non les services de l'immigration, notifie aux personnes qui tentent d'entrer illégalement sur le sol américain un avis de renvoi accéléré motivé, assorti d'une interdiction d'entrée sur le territoire. Les intéressés ne peuvent bénéficier de l'assistance d'un avocat et sont renvoyés immédiatement sans pouvoir exercer de recours devant un juge.

En Allemagne, une procédure particulière (dite « de l'aéroport ») permet d'examiner dans la zone de transit d'un aéroport la demande d'asile des personnes dépourvues de document d'identité en règle et de leur refuser éventuellement l'entrée sur le territoire. Un avocat assiste le demandeur qui peut intenter un recours juridictionnel contre une décision de refus d'entrée sur le territoire.

8. L'intervention des organisations de défense des demandeurs d'asile

Selon les différentes législations examinées, la défense des droits des demandeurs d'asile revêt des formes diverses qui passent parfois par le recours à des associations spécialisées.

En Allemagne, la loi n'accorde pas de place spécifique à ces associations dans la procédure.

Aux États-Unis, en revanche, elle précise que lors de l'audition le demandeur peut se faire accompagner du représentant d'une organisation à but non lucratif accréditée par la juridiction qui statue en appel dans le contentieux de l'asile.

En Italie, l'étranger reçoit, lors du dépôt de sa demande, une brochure où figurent les coordonnées des principales associations de protection des demandeurs d'asile.

Enfin au Royaume-Uni, les autorités tiennent à jour une liste des consultants qui satisfont aux exigences d'une bonne pratique en matière d'aide aux demandeurs d'asile.

LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DU DROIT D'ASILE


* 1 Les dix premières places sont occupées par : Chypre, Malte, la Suède, le Lichtenstein, la Norvège, la Suisse, l'Autriche, la Belgique et le Luxembourg.

* 2 Les pays européens soumis au règlement « Dublin II » utilisent le système EURODAC.

Page mise à jour le

Partager cette page