LES FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
Cette note a été réalisée à la demande de Mme Annie David, sénatrice, Présidente de la commission des Affaires sociales
NOTE DE SYNTHÈSE
Cette note a pour objet de comparer la situation de trois États d'Europe qui ont créé un dispositif public d'indemnisation des victimes de l'amiante : la Belgique, l'Italie et les Pays-Bas.
Elle rappelle également, pour mémoire, que d'autres États comme l'Allemagne et le Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles), n'ont pas institué un tel fonds, les victimes de l'amiante y étant indemnisées dans le cadre de la législation sur les maladies professionnelles.
Elle présente, en premier lieu, les caractéristiques du dispositif existant en France avant de formuler, en second lieu, quelques observations sur l'organisation des trois fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante qui sont décrits dans les monographies ci-après.
Elle n'examine pas l'évolution de la législation sur l'indemnisation antérieure à la création de ces fonds.
1. L'indemnisation des victimes de l'amiante en France
L'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale et le décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 relatif au fond d'indemnisation des victimes de l'amiante déterminent les conditions dans lesquelles il est possible, en France, d'obtenir réparation d'un préjudice consécutif à une pathologie liée à l'amiante (asbestose, cancer broncho-pulmonaire, mésothéliome et plaques pleurales, notamment).
Peuvent obtenir réparation intégrale d'un préjudice :
- les personnes dont la législation française de sécurité sociale, celle d'un régime assimilé ou la législation applicable aux pensions civiles et militaires reconnaît la maladie professionnelle ;
- les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement d'une exposition à l'amiante sur le territoire de la République (par exemple les victimes qui, exposées dans le cadre de leur travail, ne bénéficient pas d'un régime de prise en charge afférent à la maladie professionnelle : artisans ou professions libérales) ;
- et leurs ayants droit.
Un établissement public national à caractère administratif, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) est chargé de réparer ces préjudices. Si un dixième des victimes choisissent d'obtenir réparation par le biais d'une saisine directe des juridictions, les neuf dixième recourent au FIVA.
Celui-ci vérifie que les conditions posées par la loi pour l'indemnisation sont réunies. Valent justification de l'exposition à l'amiante :
- la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par ce minéral au titre de la législation française ;
- le fait d'être atteint d'une maladie provoquée par l'amiante qui figure sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du Travail et de la Sécurité sociale.
Le fonds est tenu de présenter une offre d'indemnisation au demandeur. Il y précise l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice. L'acceptation de cette offre par le demandeur vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute action ultérieure en réparation.
L'indemnisation versée, le fonds est subrogé à due concurrence de son montant dans les droits du demandeur contre le responsable du dommage et contre les organismes chargés d'en assurer la réparation totale ou partielle.
Les décisions du FIVA peuvent être contestées devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle est situé le domicile du demandeur.
Depuis sa création, en 2002, le FIVA a enregistré 66 418 demandes d'indemnisation de victimes et 66 556 autres demandes (d'ayants droit et d'indemnisations complémentaires à la suite d'une aggravation). Les dépenses cumulées y afférentes se sont élevées à 2,782 milliards d'euros dont 385,72 millions au titre de l'exercice 2010. Les ressources du FIVA, qui proviennent du budget de l'État, lui sont attribuées chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale.
Le délai de présentation des offres d'indemnisation s'est établi à 9 mois et 3 semaines au cours de la même année. Les délais de paiement sont de 2 mois et 1 semaine en moyenne (1 mois pour les victimes directes).
2. Observations sur les différentes législations étudiées
Cette note étudie successivement pour chacun des trois pays qui ont institué un fonds spécifique :
- le régime de ce fonds ;
- les conditions de dépôt d'une demande d'indemnisation ;
- la procédure d'indemnisation ;
- le contentieux des décisions du fonds d'indemnisation ;
- et l'existence éventuelle d'autres procédures.
Il résulte de cette comparaison que :
- les trois États ont en commun de dresser une liste similaire des affections susceptibles d'ouvrir droit à une indemnisation et de disposer d'un fonds dont la gestion est paritaire et le financement en partie public ;
- leur approche se distingue, en ce qui concerne le type d'indemnisation, par la place faite à la responsabilité de l'entreprise à l'origine du dommage et par la faculté ouverte ou non aux ayants droit de saisir le fonds d'une demande ;
- les montants des indemnités ne peuvent être comparés qu'au cas par cas compte tenu de la disparité de leurs modes de calcul ;
- et que les principales difficultés repérées quant à la mise en oeuvre de ces trois dispositifs tiennent au sort réservé : aux victimes « non professionnelles » ; à celles qui ne peuvent se retourner contre l'entreprise à l'origine du dommage quant elle a disparu et aux ayants droit d'une victime qui n'aurait pas déposé de demande d'indemnisation avant son décès.
• Les trois États considérés
ont en commun de dresser une liste voisine des affections susceptibles d'ouvrir
droit à une indemnisation et de disposer d'un fonds dont la gestion
est paritaire et le financement en partie public
Le mésothéliome figure parmi les maladies susceptibles d'être indemnisées dans les trois cas. S'y ajoutent l'asbestose en Belgique et les pathologies asbesto-corrélées liées à la fibre « fiberfax » en Italie.
Les dommages occasionnés par ces maladies sont pris en charge par un fonds dont la gestion réunit dans les trois cas l'État et les partenaires sociaux et, en outre, les victimes tant en Italie qu'aux Pays-Bas, ainsi que les assureurs, par surcroît, dans ce même pays.
Les trois dispositifs sont financés pour partie par des fonds publics auxquels s'ajoutent soit des cotisations prélevées sur toutes les entreprises (Belgique et Italie) soit des indemnités versées directement aux victimes par les entreprises responsables ou leurs assureurs (Pays-Bas).
• Leurs approches se distinguent en ce qui concerne tant la place faite à l'entreprise responsable du dommage que la faculté ouverte aux ayants-droit de saisir le fonds d'une demande
Les trois systèmes se distinguent parce que :
- l'Italie a choisi de verser une indemnisation additionnelle à celle des maladies professionnelles tandis que les deux autres États ont recours à une indemnisation spécifique dont l'obtention n'est pas conditionnée par l'indemnisation d'une telle maladie ;
- les Pays-Bas ont institué un dispositif dans lequel le fonds - interlocuteur unique des victimes créé par un accord de l'État, des partenaires sociaux, des représentants des victimes et de ceux des assureurs -, verse un acompte sur la somme qui sera, finalement, après sa médiation, allouée par l'entreprise responsable ou son assureur, s'il est possible de les identifier ;
- seule la Belgique permet aux ayants droit d'une victime de saisir le fonds dans les six mois de la disparition de cette personne alors qu'aux Pays-Bas il est nécessaire que la victime ait elle même déposé une demande avant son décès pour que ses ayants droit puissent en bénéficier et qu'en Italie les ayants droit ne peuvent déposer de demande d'indemnisation.
• Le montant des indemnisations, assez substantiellement différent, ne peut être comparé qu'au cas par cas
Les trois mode de calcul retenus sont très différents en ce qui concerne
- les victimes :
indemnisation annuelle additionnelle à la rente perçue au titre des maladies professionnelles en Italie,
rente mensuelle de 1 500 euros pour le mésothéliome et indemnité mensuelle de 15 € par pourcent d'incapacité physique pour l'asbestose en Belgique,
versement d'un acompte de 18 626 € par le fonds puis d'un capital de 56 536 € par l'entreprise ou son assureur aux Pays-Bas ;
- et leurs ayants droit :
reversion de la rente additionnelle que percevait la victime en Italie,
perception d'un capital compris entre 15 000 et 30 000 € pour le mésothéliome et entre 7 500 et 15 000 € pour l'asbestose en Belgique,
et versement identique à celui dont bénéficie la victime décédée aux Pays-Bas, si celle-ci a déposé une demande d'indemnisation.
• Les principales difficultés repérées concernent le sort : des victimes « non professionnelles » , de celles qui ne peuvent se retourner contre l'entreprise à l'origine du dommage et de certains ayants droit
Les principales lacunes observées dans ces trois dispositifs concernent :
- les victimes :
« non professionnelles » qui ne peuvent pas intenter de recours non plus que les personnes qui ont partagé le domicile des victimes qui étaient, elles, soumises à une exposition à l'amiante dans un cadre professionnel dans le même pays (Italie),
qui, ne pouvant se retourner contre l'entreprise à l'origine du dommage si celle-ci a disparu, doivent donc se contenter de l'acompte qui leur est versé par le fonds (Pays-Bas),
- et les ayants droit d'une victime :
qui n'aurait pas reçu l'indemnisation additionnelle à la rente perçue au titre des maladies professionnelles (Italie),
et qui n'aurait pas déposé de demande d'indemnisation avant son décès (Pays-Bas).
LES FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE