SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Octobre 2008)
NOTE DE SYNTHESE
Le diagnostic préimplantatoire est une forme précoce de diagnostic prénatal. Effectué à partir d'une ou deux cellules prélevées sur l'embryon issu d'une fécondation in vitro au troisième jour suivant la fusion des noyaux, il permet en effet de dépister d'éventuelles anomalies chromosomiques ou génétiques, et donc de n'implanter que les embryons indemnes.
La nature du diagnostic préimplantatoire - il suppose un prélèvement de matériel biologique - et ses conséquences - il entraîne une sélection des embryons - justifient que cette pratique soit encadrée de façon très stricte . En France, son régime juridique est principalement défini par les articles L. 2131-4 et L. 2131-4-1 du code de la santé publique , introduits respectivement par la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative à l'utilisation des éléments et des produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, et par la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique. La première loi a légalisé la pratique du diagnostic préimplantatoire. La seconde a précisé les circonstances dans lesquelles le diagnostic préimplantatoire peut être mis en oeuvre et élargi les possibilités de recours à cette technique.
Actuellement, le code de la santé publique autorise le diagnostic préimplantatoire « à titre exceptionnel » lorsque « le couple, du fait de sa situation familiale, a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d'une maladie génétique d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ». La réalisation du diagnostic préimplantatoire est subordonnée à l'identification préalable « chez l'un des parents ou l'un de ses ascendants immédiats dans le cas d'une maladie gravement invalidante, à révélation tardive et mettant prématurément en jeu le pronostic vital, [de] l'anomalie ou [d] les anomalies responsables d'une telle maladie » . En outre, le diagnostic préimplantatoire ne peut avoir pour objet que la recherche de l'affection considérée et les moyens de la prévenir ou de la traiter.
La loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique a autorisé une seconde forme d'utilisation du diagnostic préimplantatoire. Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, le diagnostic préimplantatoire peut en effet être conduit « à titre expérimental » en vue de la sélection d'un embryon sain et génétiquement compatible avec un frère ou une soeur souffrant d'une grave pathologie qui pourrait être traitée grâce à une greffe de cellules prélevées sur l'enfant conçu grâce au diagnostic préimplantatoire.
Si l'on met à part cette application, réalisée en vue de la recherche de l'immunocompatibilité d'un enfant à naître avec un enfant déjà né et couramment dénommée « bébé-médicament », le diagnostic préimplantatoire est essentiellement utilisé en France pour mettre en évidence la présence chez l'embryon des anomalies responsables de très graves affections, telles la mucoviscidose, la maladie de Huntington, l'hémophilie ou certaines formes de myopathies, et dont l'apparition est certaine.
Une controverse a commencé à se développer il y a quelques mois autour de l'utilisation du diagnostic préimplantatoire pour rechercher la prédisposition à certaines affections cancéreuses . Le 28 mars 2008, l'Agence de la biomédecine, prenant acte des conclusions d'un rapport qui avait été commandé, a approuvé l'extension du recours au diagnostic préimplantatoire pour détecter les formes héréditaires des cancers les plus graves. Cette décision a été prise à titre transitoire, jusqu'à la révision de la loi de bioéthique, prévue pour 2009.
Dans ces circonstances, il a semblé pertinent d'analyser les dispositions qui régissent le diagnostic préimplantatoire à l'étranger , en particulier afin de savoir si les règles en vigueur permettent la mise en oeuvre de cette technique pour détecter les anomalies responsables de certains cancers .
Neuf pays, choisis pour leur diversité d'approche des questions bioéthiques, ont été retenus : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suisse.
L'examen des dispositions étrangères montre que :
- le diagnostic préimplantatoire est encore interdit en Allemagne, en Autriche, en Italie et en Suisse ;
- les pays qui l'admettent , c'est-à-dire la Belgique, le Danemark, l'Espagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, en élargissent progressivement le champ d'application, mais sans nécessairement en prévoir l'emploi pour détecter des prédispositions cancéreuses.
1) La pratique du diagnostic préimplantatoire est interdite en Allemagne, en Autriche, en Italie et en Suisse
Cette interdiction résulte de la loi en Suisse, en Allemagne et en Autriche, mais pas en Italie, où la situation pourrait prochainement évoluer.
La loi suisse qui régit l'assistance médicale à la procréation prohibe expressément le diagnostic préimplantatoire. En revanche, les lois allemande et autrichienne ne comprennent aucune interdiction explicite, mais plusieurs de leurs dispositions sont incompatibles avec cette pratique.
En Italie, la loi du 19 février 2004 sur la procréation médicalement assistée peut être interprétée comme n'empêchant pas le recours au diagnostic préimplantatoire, mais les directives prises en juillet 2004 par voie réglementaire pour son application excluaient sans ambiguïté cette pratique. Comme de nouvelles directives, publiées en avril 2008, ont supprimé cette interdiction, le diagnostic préimplantatoire, qui était réalisé avant l'entrée en vigueur de la loi de 2004, pourrait prochainement être à nouveau proposé aux couples touchés par certaines maladies génétiques.
2) La Belgique, le Danemark, l'Espagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni étendent peu à peu le champ d'application du diagnostic préimplantatoire, mais sans nécessairement y inclure la détection des affections cancéreuses
Ces cinq pays, qui légitiment le recours au diagnostic préimplantatoire, en définissent le champ d'application par voie législative ou réglementaire.
L'extension du champ d'application du diagnostic préimplantatoire se traduit essentiellement par la légalisation de la pratique du « bébé-médicament », admise en Belgique, au Danemark, en Espagne et au Royaume-Uni, mais pas aux Pays-Bas. Cette utilisation du diagnostic préimplantatoire, acceptée au Royaume-Uni depuis 2001, a été légalisée plus récemment au Danemark (2004) et en Espagne (2006). En Belgique, elle était possible avant même l'adoption de la loi de 2007 qui régit l'assistance médicale à la procréation.
En revanche, la définition des anomalies qu'il est possible de détecter grâce au diagnostic préimplantatoire n'évolue guère. En règle générale, le diagnostic préimplantatoire est réservé au dépistage des anomalies génétiques ou chromosomiques responsables de pathologies incurables et qui apparaissent précocement, la situation familiale devant laisser présumer l'existence d'un risque important pour l'embryon . Afin de ne pas stigmatiser les malades, aucun texte n'établit la liste des anomalies qu'il est légitime de détecter grâce au diagnostic préimplantatoire. Ce sont les établissements autorisés à effectuer des diagnostics préimplantoires ou les autorités qui les habilitent à réaliser ces examens qui déterminent les cas dans lesquels le recours au diagnostic préimplantatoire est justifié.
En pratique, l'agence anglaise qui veille à l'application de la loi régissant l'assistance médicale à la procréation autorise l'emploi du diagnostic préimplantatoire pour détecter des anomalies génétiques responsables de l'apparition de certains cancers. De même, l'Hôpital royal de Copenhague a inclus ces anomalies dans la liste des pathologies que le diagnostic préimplantatoire permet de mettre en évidence.
Dans les trois autres pays, la Belgique, l'Espagne et les Pays-Bas, il semble que les établissements autorisés à réaliser des diagnostics préimplantatoires aient eu recours à cette pratique pour mettre en évidence la possibilité qu'un enfant à naître développe un cancer, mais de manière exceptionnelle. Il convient par ailleurs de souligner que le gouvernement néerlandais s'est récemment exprimé contre la réalisation du diagnostic préimplantatoire pour déceler des maladies dont la transmission par voie héréditaire n'est pas absolument certaine.