SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (septembre 2005)
DANEMARK
La première loi reconnaissant aux étrangers le droit de bénéficier d'une formation linguistique leur permettant de prendre part au fonctionnement de la société danoise remonte à 1986. Plusieurs textes se sont succédé depuis lors. Le dernier en date est la loi du 28 mai 2003 sur l'enseignement du danois aux adultes étrangers , entrée en vigueur le 1 er janvier 2004. Elle oblige les communes à offrir aux étrangers dûment enregistrés et qui résident sur leur territoire une formation linguistique d'une durée maximale de trois ans. Pour certains étrangers, cette formation linguistique constitue une obligation, car elle fait partie du programme d'introduction à la société danoise prévu par la loi sur l'intégration des étrangers. Les dispositions de la loi du 28 mai 2003 sur l'enseignement du danois aux adultes étrangers ont été précisées par plusieurs textes réglementaires, en particulier par le règlement du 10 décembre 2003 du ministre de l'intégration sur l'enseignement du danois aux adultes étrangers et par la directive du 1 er juin 2004 sur le programme d'introduction à la société danoise prévu par la loi sur l'intégration des étrangers. |
1) L'objectif de la formation linguistique
Après les élections législatives de novembre 2001, le gouvernement a décidé de limiter l'immigration tout en améliorant l'intégration sociale des étrangers, celle-ci devant s'effectuer essentiellement grâce au marché du travail .
C'est pourquoi la loi du 28 mai 2003 sur l'enseignement du danois aux étrangers se fixe trois objectifs , qui font l'objet de son article premier :
- contribuer à donner aux étrangers les compétences linguistiques ainsi que les connaissances de la culture et de la société danoises leur permettant de participer et de contribuer au fonctionnement de la société au même titre que les autres citoyens ;
- contribuer à ce que les étrangers soient capables, le plus rapidement possible après avoir obtenu un titre de séjour au Danemark, de comprendre et d'utiliser la langue danoise, et acquièrent la connaissance du marché du travail qui leur donne la possibilité de trouver un emploi et d'être en mesure de subvenir à leurs propres besoins ;
- favoriser l'utilisation active de la langue danoise et contribuer à ce que les étrangers acquièrent les connaissances et les capacités utiles pour l'emploi et la formation, ainsi que pour la vie de citoyen dans une société démocratique.
La loi actuelle insiste sur le fait que la formation linguistique doit contribuer à l'intégration la plus rapide possible des étrangers au marché du travail . C'est du reste pour cette raison qu'elle a déjà été modifiée, de même que plusieurs autres textes récents sur l'immigration. La dernière réforme date de juin 2005. Elle subordonne notamment l'octroi des permis de séjour au titre du regroupement familial à un engagement écrit des étrangers qui résident déjà au Danemark de tout faire pour favoriser l'apprentissage de la langue par la personne dont la venue est sollicitée.
À la différence de la loi du 28 mai 2003 sur l'enseignement du danois aux étrangers, le texte précédent, c'est-à-dire la loi du 25 octobre 2000 sur l'enseignement du danois comme seconde langue aux adultes étrangers, se fixait comme objectifs :
- l'amélioration de la connaissance de la culture danoise et des valeurs démocratiques, afin de favoriser la participation active à la société danoise ;
- l'acquisition des conditions générales nécessaires à la poursuite de la formation, ainsi que l'obtention des connaissances et aptitudes utiles pour la vie professionnelles et susceptibles de renforcer la participation active au fonctionnement de la société danoise.
2) Les bénéficiaires de la formation linguistique
Les nouveaux arrivants ont l'obligation de suivre des cours de danois, tandis que les étrangers déjà installés bénéficient du droit de recevoir une formation linguistique.
a) Les étrangers obligés de suivre la formation linguistique
D'après la loi sur l'intégration des étrangers, tous les étrangers en situation régulière sont obligés de suivre le programme d'introduction à la société danoise, et donc les cours de langue, à moins que leurs connaissances en danois n'apparaissent « suffisantes ».
Les ressortissants de certains pays (pays scandinaves, pays de l'Union européenne, pays qui ont signé des accords avec l'Union sur l'exemption de visas, etc.) ne sont pas inclus dans le champ d'application de cette loi. Ils ne sont donc pas concernés par l'obligation.
Les cours doivent commencer au plus tard un mois après que les intéressés se sont installés dans leur commune de résidence.
Dès son admission au cours, l'étranger est informé des conséquences de son manque d'assiduité : son allocation d'intégration (4 ( * )) peut être réduite, voire supprimée.
Par ailleurs, dans le cadre de la lutte contre le chômage, plusieurs mesures ont été prises pour faciliter le retour à l'emploi des chômeurs de longue durée. Ainsi, la loi du 10 juin 2003 sur l'engagement actif en faveur de l'emploi prévoit qu'une formation à la langue danoise peut être imposée aux chômeurs bénéficiaires de prestations en espèces (allocations de chômage ou autres). Les intéressés doivent alors commencer leur formation dans le délai d'un mois.
b) Les autres étrangers bénéficiaires de la formation linguistique
La loi du 28 mai 2003 sur l'enseignement du danois aux étrangers prévoit que tous les étrangers en situation régulière ont le droit de bénéficier d'une formation à la langue danoise , qu'ils aient ou non un emploi et quel que soit le motif de leur séjour au Danemark (immigration économique, regroupement familial, asile, etc.).
Au plus tard un mois après avoir manifesté leur intérêt pour les cours, les intéressés doivent recevoir de la part des autorités de la commune les références d'un organisme de formation linguistique.
Le droit à formation est valable pendant trois ans à partir du moment où les étrangers auraient pu commencer les cours, qu'ils l'aient fait ou non, à moins qu'ils n'aient été empêchés de mettre à profit la proposition de cours faite par la commune, par exemple à cause d'une maladie ou d'une grossesse.
Le délai de trois ans a été introduit par la loi de 2003, pour inciter les étrangers à se prévaloir de leur droit le plus rapidement possible, et le point de départ du délai a été modifié par la réforme de juin 2005 : le délai ne commence plus à courir au début des cours mais au moment où les cours auraient pu commencer, afin de dissuader les étrangers de refuser les propositions qui leur sont faites.
Les communes sont libres d'offrir des cours aux étrangers qui n'ont pas commencé ou pas achevé l'apprentissage de la langue danoise dans le délai légal de trois ans. C'est par exemple le cas de personnes qui en ont été empêchées, à cause de leurs activités professionnelles.
3) La nature de la formation linguistique
a) Le contenu des cours
La loi du 28 mai 2003 sur l'enseignement du danois aux étrangers dispose que la formation linguistique doit pouvoir être achevée en trois années, que les intéressés doivent pouvoir la suivre pendant leur temps libre et qu'elle correspond à un enseignement à temps plein d'une durée de 1,2 année (ce qui équivaut, d'après les travaux préparatoires à la loi, à un total de 2 042 heures , incluant le travail personnel en dehors des cours).
Le contenu des cours est adapté à la formation générale que les intéressés ont reçue dans leur pays d'origine, la loi distinguant trois cursus (destinés respectivement aux personnes dont le niveau de scolarisation est très faible, moyen ou supérieur). Chaque cursus est subdivisé en six modules . Un texte réglementaire définit les objectifs et le contenu de chacun des modules.
Le prestataire des cours et l'étranger doivent établir un programme personnalisé . Lorsque la participation au cours de langue est obligatoire, dans le cadre de la loi sur l'intégration ou en application de la loi sur l'engagement actif en faveur de l'emploi, ce programme personnalisé doit prendre en compte les objectifs du contrat individuel d'intégration ou du plan de retour à l'emploi.
b) Le suivi des participants
Les communes reçoivent des comptes rendus des organismes prestataires des cours. Le cas échéant , elles indiquent aux intéressés les conséquences de progrès insuffisants.
À l'intérieur de chaque cursus, le passage d'un module au suivant suppose que les objectifs du précédent ont été atteints, des tests étant organisés.
Quel que soit le cursus dans lequel ils ont été affectés, les étrangers passent un examen final, qui a lieu deux fois par an. S'ils ne le réussissent pas, mais s'ils ont été assidus, ils peuvent obtenir une attestation .
La réussite à l'examen conditionne l'octroi d'un titre de séjour d'une durée illimitée, ainsi que l'obtention de la naturalisation.
La détention de l'attestation d'assiduité, et a fortiori la réussite à l'examen, permet à l'étranger de ne payer que 27 079 couronnes (soit environ 3 600 €), au lieu de 54 158, à titre de garantie pour faire venir son conjoint au titre du regroupement familial.
4) L'organisation et le financement
a) L'organisation
Les communes (au nombre de 273) sont responsables de l'organisation de l'intégration des étrangers, et en particulier des cours de danois. Elles peuvent organiser elles-mêmes les cours ou s'adresser à un prestataire, public ou privé, avec lequel elles ont conclu une convention. Elles peuvent aussi signer un accord avec d'autres communes pour l'organisation conjointe des cours.
Les étrangers qui ont l'obligation de suivre la formation linguistique ne peuvent choisir leur organisme. Les autres peuvent choisir, à condition toutefois que les tarifs du prestataire entrent dans les limites des barèmes fixés au niveau national.
b) Le financement
Sous l'empire de la législation précédente, la formation linguistique était gratuite pour tous les étrangers. Désormais, les cours ne sont gratuits que pour les étrangers qui ont l'obligation de les suivre . Leur coût est pris en charge par les communes, auxquelles l'État octroie des subventions en contrepartie.
Les modalités de calcul de ces subventions sont assez complexes. Elles visent à encourager les communes à fournir des prestations de qualité. Ainsi, une subvention de 20 992 couronnes (soit environ 2 800 €) est versée lorsqu'un étranger réussit son examen de danois avant l'expiration du délai de trois ans et une autre, de 31 487 couronnes (soit environ 4 200 €), lorsque l'intéressé trouve un emploi.
En principe, les coûts correspondant à un module ne sont pris en charge qu'une fois. En cas de redoublement d'un module, l'intéressé assume donc les frais de sa formation linguistique, sauf cas particulier.
Les communes peuvent exiger des étrangers qui n'ont pas l'obligation de suivre la formation linguistique une contribution financière, dont le montant maximal, fixé par voie réglementaire, varie entre 500 et 5 000 couronnes (5 ( * )) (soit entre 67 € et 670 €) selon la catégorie à laquelle les intéressés appartiennent.
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D'après le ministère chargé de l'immigration, le nombre d'étrangers qui suivent des cours de danois est constant depuis le début des années 80 : il oscille autour de 45 000. Cette stabilité résulte de deux phénomènes : le renforcement de l'effort de formation et la baisse de l'immigration. En 2003, chaque personne a suivi en moyenne 313 heures de cours, soit 6,8 heures par semaine.
* (4) L'allocation d'intégration est versée aux étrangers sans ressources pendant la durée du programme d'introduction à la société danoise. Compte tenu des restrictions à l'immigration, les bénéficiaires de cette allocation sont essentiellement les étrangers sans emploi venus au titre du regroupement familial, ainsi que les réfugiés.
* (5) 500 couronnes pour les étrangers qui peuvent séjourner de façon illimitée (les ressortissants d'un pays de l'Union européenne par exemple), 1 000 couronnes ou 5 000 couronnes pour les autres, le montant de la contribution variant en fonction du motif du séjour au Danemark (études, emploi, au pair, etc.).