SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (juillet 2004)
NOTE DE SYNTHÈSE
Dans le cadre des réflexions actuellement menées sur les aides publiques à la presse, il a semblé opportun d'analyser les régimes étrangers, en particulier ceux des pays où le recul de la presse écrite face aux autres médias est moindre qu'en France.
Les mesures en vigueur dans dix pays européens, l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse , ont été étudiées. Seuls, les dispositifs de soutien à la presse écrite sont exposés, sans aucune appréciation de leur impact économique.
Pour chacun des pays sous revue, après un bref rappel des principaux indicateurs relatifs à la diffusion de la presse quotidienne payante, les aides directes et les principales aides indirectes sont présentées. Cette analyse permet de mettre en évidence :
- l'absence d'aides directes à la presse en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni et en Suisse ;
- la similitude des dispositifs d'aides indirectes.
1) L'Allemagne, l'Espagne, le Royaume-Uni et la Suisse sont les seuls pays étudiés où la presse ne bénéficie d'aucune aide directe
a) L'absence d'aides directes à la presse en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni et en Suisse
L'introduction d'un système d'aides directes à la presse est cependant envisagée en Suisse , où le Conseil national a adopté en septembre 2003 une proposition de modification de la Constitution fédérale tendant à l'insertion d'un nouvel article sur l'encouragement apporté par la Confédération à la diversité et à l'indépendance des médias. Cet article pourrait constituer le fondement constitutionnel d'un nouveau régime d'aides sélectives à la presse, qui devrait alors être défini par voie législative.
Par ailleurs, en Espagne , où la loi de finances pour 2001 a supprimé les aides directes accordées par l'État, dans certaines communautés autonomes, la presse bénéficie de financements publics au titre de la promotion des langues régionales.
b) Les autres pays ont introduit des systèmes d'aides directes à la presse plus ou moins sélectifs
En Autriche, en Belgique, au Danemark, au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Suède, la presse bénéficie d'aides directes . En Belgique, comme les aides directes relèvent de la compétence des communautés, il existe trois régimes distincts.
Les dispositifs d'aide à la presse de ces six pays peuvent être regroupés en quatre catégories selon qu'ils prévoient des subventions non affectées et destinées à l'ensemble de la presse, des aides sélectives réservées aux publications les plus fragiles sur le plan économique, le financement de projets spécifiques, ou qu'ils combinent plusieurs caractéristiques.
• Au Luxembourg, c'est l'ensemble de la
presse qui bénéficie de fonds publics et, jusque
récemment, la situation était la même dans la
communauté française de Belgique
Au Luxembourg, les six quotidiens perçoivent chaque année une subvention identique, à laquelle s'ajoute une subvention par page rédactionnelle . Le nombre des pages rédactionnelles subventionnées n'est plus plafonné depuis 1999, de sorte que les petites publications ont perdu l'avantage relatif dont elles bénéficiaient auparavant.
Dans la communauté française de Belgique, l'ensemble de la presse a bénéficié de fonds publics jusqu'au 31 décembre 2003 , d'une part, au titre de la loi de 1979 tendant à maintenir la diversité dans la presse quotidienne d'opinion et, d'autre part, au titre de la compensation des revenus publicitaires de la télévision. Le système vient toutefois d'être réformé : un décret de la communauté française du 31 mars 2004 a précisé les conditions d'octroi des aides à la presse, qui sont devenues plus sélectives.
• La Suède a mis en place un
régime sélectif d'aide à la presse
Le système suédois repose principalement sur deux dispositions : une subvention de fonctionnement est attribuée aux titres secondaires et une aide est versée aux journaux distribués par abonnement.
La subvention de fonctionnement, dont quelque 80 titres bénéficient actuellement, est réservée aux journaux dont le taux de diffusion est limité, c'est-à-dire a priori aux titres dont les recettes publicitaires sont faibles. Le montant de la subvention dépend du tirage, mais il est plafonné, afin de favoriser les petites publications.
Par ailleurs, une aide spécifique est réservée aux journaux distribués par abonnement. Versée aux messageries, qui la reversent aux éditeurs, elle dépend du nombre d'exemplaires distribués, selon un barème dégressif.
• Au Danemark, aux Pays-Bas et dans la
communauté flamande de Belgique, l'aide à la presse est
liée à la réalisation de projets particuliers
L'Institut danois pour le financement de la presse quotidienne et le Fonds néerlandais pour le fonctionnement de la presse contribuent au financement de projets spécifiques. L'Institut danois pour le financement de la presse quotidienne est une fondation créée en 1970 par les organes de presse et financée à la fois par ces derniers et par l'État, tandis que le Fonds néerlandais pour le fonctionnement de la presse, créé en 1974 sous forme de fondation, a été transformé en 1987 en personne morale de droit public.
Ces deux organismes soutiennent essentiellement des opérations d'investissement , le premier par des cautions apportées aux emprunteurs et des subventions, le second par des prêts et des subventions.
De même, dans la communauté flamande de Belgique , où le gouvernement et le secteur de la presse sont liés par un protocole sur les modalités d'octroi des aides directes , les fonds publics alloués à la presse permettent le financement de projets particuliers : développement du multimédia dans le cadre du premier protocole, signé en 1998, et amélioration de la qualité rédactionnelle dans le cadre du deuxième, conclu en 2003.
• Le système autrichien d'aide
à la presse et le régime récemment mis en place par la
communauté française de Belgique combinent les
caractéristiques de tous les dispositifs précédents
En Autriche, tous les quotidiens d'information générale bénéficient de la même subvention et des aides sélectives complètent cette subvention générale : les publications dont le tirage est inférieur à 100 000 exemplaires perçoivent des aides supplémentaires, qui correspondent à la moitié des crédits budgétaires en faveur de la presse.
De plus, une troisième ligne budgétaire permet aux organes de presse d'obtenir des subventions pour couvrir diverses dépenses liées à l'amélioration de la qualité de leurs publications (frais de formation des journalistes, recrutement de correspondants étrangers...).
De la même façon, d'après le récent texte de la communauté française de Belgique, une partie des aides est attribuée aux publications disposant de faibles ressources publicitaires et une autre permet de financer des projets spécifiques (recrutement de journalistes, adaptations technologiques...).
2) Les dispositifs d'aides indirectes sont très comparables d'un pays à l'autre
Ils reposent principalement sur la TVA et les tarifs postaux.
Dans tous les pays étudiés - y compris au Royaume-Uni, où la presse est considérée comme une activité économique normale -, la presse bénéficie d'un régime de TVA favorable . Partout, le taux applicable à la vente de journaux est réduit, voire nul.
Les tarifs postaux préférentiels constituent la seconde des principales formes d'aide indirecte à la presse. Toutefois, cette mesure n'est pas généralisée. De plus, elle apparaît moins importante que dans le passé, car, dans tous les pays membres de l'Union européenne, la libéralisation des services postaux s'est accompagnée d'une augmentation des tarifs appliqués à la presse.
Il convient de souligner le cas de la Suisse, où les tarifs postaux favorables constituent la principale forme de soutien à la presse , même si ce régime n'a été reconduit que de façon transitoire, pour les années 2004 à 2007.
* *
*
L'examen des régimes étrangers fait apparaître le cas très particulier de notre pays, où la presse bénéficie de multiples aides publiques.