SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (juin 2004)

ÉTATS-UNIS

Si les rapports entre créanciers et débiteurs ainsi que les voies d'exécution individuelles sont régis par les lois des États, la Constitution fédérale autorise le Congrès à adopter des « lois uniformes en matière de faillite ». Il existe donc une loi fédérale sur la faillite depuis 1898.

La loi actuellement en vigueur est la loi de 1978 sur la faillite , plusieurs fois amendée depuis son entrée en vigueur, le 1 er octobre 1979.

Cette loi a été codifiée et forme le titre 11 du code fédéral . Le titre 11 est divisé en huit chapitres . Les dispositions des chapitres 1, 3 et 5 sont communes à toutes les procédures collectives, tandis que celles des cinq chapitres 7, 9, 11, 12 et 13 s'appliquent aux deux procédures principales : la liquidation et le redressement.

Le chapitre 7, relatif à la liquidation judiciaire, est applicable à toutes les personnes physiques et morales de droit privé. En revanche, les procédures de redressement définies par les chapitres 9, 11, 12 et 13 sont respectivement réservées aux collectivités publiques, aux entreprises - y compris individuelles -, aux particuliers et aux agriculteurs.

Les mesures applicables aux sociétés figurent donc essentiellement dans les chapitres 7 et 11. Le chapitre 7 organise la répartition entre les créanciers du produit de la vente des biens du débiteur, tandis que le chapitre 11 s'applique à la réorganisation, c'est-à-dire à l'accord entre le débiteur et les créanciers sur les modalités de remboursement des dettes. Cet accord ne s'inscrit pas nécessairement dans le cadre d'une réorganisation en profondeur de l'entreprise en vue de son sauvetage, car le plan peut organiser la liquidation et la disparition de l'exploitation.

1) Les critères de déclenchement des procédures collectives

Les deux procédures de liquidation et de réorganisation peuvent être engagées aussi bien par le débiteur, dans le cadre d'une faillite volontaire , que par les créanciers, dans le cadre d'une faillite involontaire . En pratique, l'initiative revient au débiteur dans plus de 90 % des cas.

Les critères de déclenchement ne dépendent pas de la procédure choisie, mais du demandeur, qui dépose au tribunal une requête tendant à l'application soit du chapitre 7 soit du chapitre 11.

Comme le droit de la faillite relève du droit fédéral, les tribunaux compétents sont les district courts , c'est-à-dire les juridictions civiles fédérales de droit commun au niveau du district, au nombre de 94.

a) La faillite volontaire

La qualité de débiteur est la seule condition requise pour une mise en faillite volontaire. Le code ne subordonne pas l'introduction d'une requête en faillite à l'existence de difficultés financières ou économiques. Il faut seulement que l'entreprise ait des dettes, à l'égard d'un ou plusieurs créanciers.

La seule prise en compte de la qualité de débiteur explique que les tribunaux considèrent comme recevables des demandes émanant d'entreprises financièrement saines.

b) La faillite involontaire

Le code fixe certaines conditions relatives au nombre des créanciers et au montant des créances. Il exige également que les créanciers demandant une mise en faillite apportent la preuve de la dégradation générale de la situation financière du débiteur , à moins que ce dernier ne conteste pas ses difficultés.

La requête n'est donc acceptée que si le débiteur « ne paie généralement pas l'ensemble de ses dettes lorsque celles-ci sont échues ». Cette condition est remplie dès que l'arrêt des paiements est établi. La jurisprudence a précisé cette notion, qui est appréciée, selon les circonstances, en fonction de différents critères comme le nombre et le montant des créances impayées, la proportion de dettes impayées, les délais habituels de paiement, etc.

D'après le code, la situation financière dégradée du débiteur peut également résulter de l'existence de mesures d'exécution, les créanciers pouvant mettre en avant le fait que, dans les 120 jours précédant leur requête, une procédure de mise sous séquestre ou d'administration contrôlée des biens du débiteur a été déclenchée.

2) Les principales caractéristiques de la réorganisation

a) La suspension immédiate des poursuites

Dès qu'une demande de faillite est déposée, il y a, indépendamment de toute décision du tribunal, suspension automatique des poursuites pour les créanciers dont les créances sont nées avant le dépôt de la demande. La procédure est en effet ouverte dès que la requête est enregistrée , de sorte que les créanciers l'ignorent généralement pendant plusieurs jours.

Le code définit l'étendue de la suspension. Le champ d'application de la suspension automatique est très vaste , de façon à interdire pratiquement toute tentative de recouvrement. Ainsi, le remboursement des emprunts bancaires est arrêté.

Les tribunaux disposent de larges pouvoirs pour faire appliquer la règle : ils peuvent notamment imposer des dommages et intérêts aux personnes qui tentent une action en recouvrement intentionnelle et causent ainsi un préjudice au débiteur. La plupart des violations de la suspension automatique sont réalisées de bonne foi et ne sont sanctionnées que par la nullité de l'acte.

Les créanciers munis de sûretés peuvent cependant demander une levée de la suspension des poursuites. De telles requêtes sont fréquentes en début de procédure, mais les juges ne peuvent les satisfaire que dans certaines conditions, précisées par le code. Ainsi, lorsque les biens concernés sont essentiels à la réorganisation envisagée, la demande des créanciers ne peut pas être acceptée. Les règles de délai sont toutefois assez favorables aux créanciers : la suspension des poursuites cesse trente jours après qu'ils ont déposé une demande d'exemption, à moins que le tribunal n'ait décidé le contraire.

La suspension automatique permet au débiteur non seulement de faire cesser la pression des créanciers, mais aussi de renforcer sa position dans la perspective d'une réorganisation et d'inciter des créanciers à accepter certaines concessions.

La suspension des poursuites ne cesse que lorsque le tribunal clôt la procédure ou rejette la demande de faillite.

b) L'administration par le débiteur

Dans la procédure de la liquidation, un administrateur est nommé. En revanche, dans une réorganisation, le débiteur conserve en principe la gestion de l'entreprise. Il devient alors debtor in possession . Sous ce nouveau titre, il défend l'intérêt collectif des créanciers et exerce les pouvoirs d'un administrateur. Les créanciers peuvent certes demander la désignation d'un administrateur, mais, compte tenu du coût d'une telle opération, c'est surtout en cas de fraude ou d'incompétence que le tribunal opte pour cette solution.

À défaut d'administrateur, le tribunal peut nommer un inspecteur, dont les pouvoirs sont plus limités. En règle générale, l'inspecteur contrôle les actes du débiteur et réalise les opérations que ce dernier n'a pas le droit de faire. La nomination d'un inspecteur ne peut avoir lieu que lorsque le montant total des dettes dépasse 5 000 000 dollars (soit environ 4 200 000 €).

Le débiteur non dessaisi est contrôlé par un ou plusieurs conseils de créanciers . Seule, la constitution du conseil des créanciers chirographaires détenteurs des sept créances les plus importantes est obligatoire. Ce conseil détient de larges pouvoirs d'investigation et peut contrôler tous les actes du débiteur. Il participe à l'élaboration du plan et peut recruter des experts, dont les rémunérations sont, dans certaines limites précisées par le code, prises en charge par l'entreprise. Le tribunal peut décider de créer d'autres conseils (représentant les créanciers munis de sûretés, les salariés, les actionnaires...) s'il l'estime nécessaire.

Si le débiteur continue à assumer la gestion courante, les opérations qui ne se situent pas dans « le cadre ordinaire des affaires » ne peuvent être conclues qu'avec l'assentiment du tribunal, après que les créanciers ont été entendus. Ainsi, le débiteur peut obtenir seul de nouveaux crédits non garantis destinés à être utilisés dans le cours normal des affaires, mais a besoin de l'accord du tribunal pour obtenir des crédits non garantis à des fins sortant de ce cours normal ou des crédits garantis.

c) Le plan de réorganisation


L'initiative du plan

Le plan de réorganisation peut être proposé par le débiteur ou par toute autre partie intéressée, mais les règles en vigueur empêchent la mise en concurrence de plusieurs plans. En général, le plan adopté est celui du débiteur.

Le débiteur , même s'il n'est pas à l'origine de la procédure, a un droit exclusif de proposition pendant les 120 jours qui suivent le début de la procédure . Ce délai peut être prolongé par le tribunal, sans que le code limite la durée de la prolongation ou précise les circonstances autorisant une telle prolongation, de sorte qu'il peut arriver que le tribunal accepte des prolongations de plusieurs mois, voire de plusieurs années lorsque le débiteur se montre persuasif. Le droit exclusif de proposition est limité à 100 jours dans la procédure simplifiée applicable aux petites entreprises (1 ( * )) .

Inversement, les créanciers peuvent demander au tribunal de raccourcir le délai d'exclusivité du débiteur.

Lorsque le débiteur perd son droit d'exclusivité, « toute partie ayant un intérêt à agir » peut proposer un plan. C'est par exemple le cas des créanciers, des actionnaires ou de l'administrateur judiciaire. Ces plans ne sont recevables qu'après l'écoulement d'un délai supplémentaire de deux mois, nécessaire pour organiser la consultation sur le plan du débiteur.


Le contenu du plan

Le plan ne confie pas nécessairement la réorganisation de l'entreprise au débiteur. Il peut aussi prévoir la cession, globale ou non, à un ou à plusieurs repreneurs, la fusion avec une autre entreprise, voire la liquidation.

Le plan doit identifier les différents groupes de créances, définir celles qui feront l'objet d'un traitement défavorable et proposer un traitement équitable à l'intérieur de chaque groupe.

La réunion des créances dans un même groupe n'est autorisée par le code que pour des créances « substantiellement similaires », sans que la notion de similitude soit définie, ce qui engendre de nombreux litiges.

Pour permettre aux intéressés de se prononcer en connaissance de cause, le plan doit être accompagné d'un document d'information présentant la gestion de l'entreprise avant l'ouverture de la procédure, les événements à l'origine des difficultés, les mesures prises depuis l'ouverture de la procédure, un bilan prévisionnel d'activité, la valeur de liquidation des actifs, etc.


L'adoption du plan

À moins d'avoir été voté par les créanciers avant même l'ouverture de la procédure, le plan est présenté au tribunal avant d'être soumis au vote des créanciers. Cette formalité permet au tribunal d'apprécier que le document d'information satisfait aux exigences légales, le contenu de l'information qui doit être fournie étant apprécié de façon discrétionnaire par le tribunal en fonction des circonstances.

Seuls, les créanciers dont la créance est modifiée par le plan participent au vote. Pour être adopté, le plan doit recueillir une double majorité à l'intérieur de chaque groupe : majorité du nombre des créanciers et majorité des deux tiers du montant des créances.

Le plan doit ensuite être homologué par le tribunal . L'homologation permet notamment de vérifier que le plan a été élaboré dans le respect de la loi.

Même lorsqu'il n'a pas été approuvé par les créanciers, le plan peut être homologué par le tribunal. Cette homologation forcée est possible seulement si le plan a été approuvé par au moins un groupe de créanciers autre que le seul groupe des détenteurs de droits sociaux. De plus, un plan ne peut être imposé que s'il ne contient aucune disposition discriminatoire et s'il apparaît juste et équitable, le code prévoyant un traitement minimal des créanciers privilégiés et des créanciers chirographaires.

L'homologation judiciaire emporte libération des dettes antérieures à l'ouverture de la procédure, y compris de celles qui n'ont pas été produites, ainsi que des créances traitées dans le plan. Seuls, les nouveaux engagements souscrits dans le cadre du plan peuvent faire l'objet de poursuites.


L'exécution du plan

Une fois adopté, le plan est opposable à tous, y compris aux créanciers qui n'ont pas participé au vote.

Les créanciers qui n'exécutent pas le plan peuvent être poursuivis, au même titre qu'un contractant qui ne respecte pas un contrat.

Appréciations portées sur le chapitre 11

La procédure du chapitre 11 est souvent décrite comme présentant de nombreux avantages, mais aussi de nombreux inconvénients, qui sont liés les uns aux autres.

Les critères d'ouverture :

Cette procédure accroît les chances de sauver l'entreprise, puisqu'elle permet la réorganisation rapide de celle-ci, avant même l'apparition des difficultés financières . Inversement, certains critiquent la facilité avec laquelle les entreprises en bénéficient, parfois à plusieurs reprises, au détriment des créanciers qui sont pénalisés par les erreurs de gestion.

La suspension immédiate des poursuites :

La suspension automatique des poursuites des créanciers, dès le dépôt de la demande d'application du chapitre 11, protège immédiatement la masse des biens de la faillite , sans qu'il soit besoin d'attendre une décision du tribunal. Elle facilite d'autant plus la sauvegarde de l'entreprise que les créanciers munis de sûretés n'obtiennent quasiment jamais l'exonération de cette suspension lorsque leurs sûretés portent sur des biens qui sont essentiels à la conduite de l'activité professionnelle.

La gestion par le débiteur :

Elle est décrite comme l'élément principal de la réussite de la réorganisation de l'entreprise. Elle permet en effet d' économiser les frais liés à la nomination d'un administrateur judiciaire . Si l'on l'excepte les pouvoirs d'enquête, ce dernier remplit le même rôle que le debtor in possession , mais il doit commencer par prendre connaissance du dossier et se familiariser avec l'entreprise.

Par ailleurs, les pouvoirs donnés au debtor in possession favorisent la continuité de l'entreprise , puisque celui-ci peut, dans le cadre de la poursuite normale de ses activités et sans solliciter l'autorisation du tribunal, utiliser, vendre ou louer les biens de la masse, ainsi qu'emprunter de l'argent.

Aux critiques qui font valoir que le débiteur a conduit l'entreprise aux difficultés qu'elle connaît et a ainsi largement démontré son incapacité, on peut répondre que la législation prévoit de nombreux mécanismes de contrôle .

De plus, les travaux préparatoires de la loi de 1978 sur la faillite repoussaient à l'époque cet argument en faisant remarquer que les problèmes financiers rencontrés par les grandes entreprises étaient rarement le fruit d'actes frauduleux, malhonnêtes ou de grossières erreurs de gestion de la part de leurs dirigeants, et qu'il n'y avait donc pas lieu de sanctionner ces derniers.

Certains auteurs estiment que le debtor in possession a de trop nombreuses responsabilités pour être un administrateur efficace. D'autres lui attribuent un moindre intérêt au sort de l'entreprise lorsqu'il ne détient qu'une petite partie du capital, même si cette dernière remarque est sans objet lorsque des compensations financières sont promises aux dirigeants en cas de réussite du plan de réorganisation.

L'homologation forcée du plan de réorganisation :

L'homologation forcée, possible dans certaines conditions, permet au tribunal d'imposer le plan de réorganisation à un groupe de créanciers qui a voté contre. Elle favorise donc la négociation du plan, en incitant les parties à s'entendre. Elle permet également de renégocier l'ensemble des dettes de l'entreprise et de lier tous les créanciers.

Les conseils de créanciers :

Leur mission principale consiste à contrôler le debtor in possession et à participer à l'élaboration du plan de réorganisation. Toutefois, en pratique, leur constitution est parfois malaisée, faute de volontaires ou parce que l'actif restant ne permet pas de financer la bonne marche d'un tel conseil.

De plus, le fonctionnement d'un conseil composé de créanciers aux intérêts divergents n'est pas toujours facile, tandis que la multiplication des comités représentant différents groupes de créanciers augmente les frais et les risques de conflits, et n'apparaît donc pas non plus comme la solution idéale.

La durée de la procédure :

La procédure du chapitre 11 est surtout critiquée pour sa longueur , son coût et son caractère judiciaire , le tribunal en avalisant chaque étape.

Des études statistiques portant sur les entreprises bénéficiant du chapitre 11 dans les années 90 font apparaître que la durée de la procédure entre le dépôt de la requête et l'homologation du plan de réorganisation par le tribunal est extrêmement variable et peut dépasser quatre années. La durée moyenne de la procédure est d'environ vingt mois . Elle peut être réduite à trois mois, lorsque l'entreprise parvient à négocier à l'avance le plan de réorganisation avec ses créanciers et le dépose devant le tribunal en même temps que la requête initiale, mais dans ce cas, la durée moyenne de la négociation avant l'ouverture du chapitre 11 est de dix-huit mois.

La longueur est d'autant plus critiquée qu'elle est source de coûts supplémentaires et que la procédure se termine souvent par la liquidation de la société avec une masse de biens à partager entre les créanciers bien plus réduite que lors du dépôt de la requête initiale. La plus grande part de ces coûts résulte des honoraires des auxiliaires de justice, avocats, experts et conseillers . Ces professionnels sont en général payés très rapidement, même si c'est avec l'autorisation du tribunal, ce qui apparaît souvent préjudiciable à la survie de l'entreprise. Toutefois, il semble que cet argument ancien des opposants au chapitre 11 ne soit pas totalement fondé, les coûts directs de la procédure n'ayant pas toujours été strictement isolés dans les comptes. Une étude publiée en 2000 estime que le montant moyen de ces coûts directs est relativement modeste et s'élève à 2,5 % des actifs de l'entreprise.

La durée et le coût rendent la procédure peu accessible aux petites entreprises , même si les règles en vigueur comportent quelques dérogations en faveur de ces dernières.

* (1) Ce régime est réservé aux entreprises dont le montant total des dettes n'excède pas un certain montant, actuellement fixé à 2 000 000 $, soit environ 1 700 000 €.

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