colloque Libye 2006



Quelle présence en Libye ? Les secteurs pétrolier et gazier : développements et perspectives

Nicolas SARKIS
Directeur du Centre arabe d'études pétrolières

Nous assistons depuis peu à des bouleversements considérables et un boom très prometteur dans les différents segments de l'industrie pétrolière et gazière, qui se répercutent sur toute l'économie libyenne, en assurant au pays une forte augmentation de ses revenus.

Depuis la guerre en Irak, en 2003, le contexte énergétique mondial est marqué par une très forte augmentation des prix de l'énergie - le prix du baril de pétrole est ainsi passé de 23 dollars en mars 2003 à 78 dollars actuellement. Cette tendance à l'énergie chère se confirme aujourd'hui. Le contexte est aussi marqué par des inquiétudes croissantes quant à la sécurité des approvisionnements mondiaux et à la possibilité de développer à temps l'offre permettant de répondre à l'augmentation prévue de la demande mondiale - qui pourrait croître de 85 millions de barils par jour en 2006 à 120 millions de barils par jour en 2025.

Dans ce contexte incertain, l'évolution de l'industrie de l'énergie en Libye apparaît plutôt rassurante et positive. En effet, après près de 20 ans de tensions et de sanctions internationales, la Libye a normalisé ses relations avec les puissances occidentales, y compris les Etats-Unis, ce qui a conduit à faire tomber les différents obstacles qui empêchaient, jusqu'à présent, le développement de ses richesses en hydrocarbures. Les perspectives ouvertes à l'exploration, la production et l'exploitation de pétrole et de gaz naturel libyens retiennent d'autant plus d'intérêt que la Libye produit un pétrole brut et léger, à faible teneur en soufre. Qui plus est, du fait de sa position géographique, la Libye se trouve en dehors de l'arc de crise du Moyen-Orient.

Il est à noter également que la Libye constitue désormais l'un des rares pays au monde aussi ouvert aux sociétés pétrolières internationales. En effet, l'Arabie Saoudite reste hermétiquement fermée aux nouveaux contrats. Le Koweït, qui évoque depuis une dizaine d'années la possibilité d'ouvrir l'exploitation des gisements aux sociétés étrangères, n'a toujours pas pris les mesures adéquates.

Depuis 2005, 35 nouveaux contrats d'exploitation et de production ont été signés en Libye ; un troisième round d'appels d'offres a également été lancé.

Je signale en outre qu'en Libye, les contrats basés sur le partage de production offrent des conditions avantageuses aux sociétés étrangères.

En vue de mieux cerner le rôle de la Libye sur l'échiquier énergétique mondial, il convient de signaler les points suivants :

· Volume des réserves

Les réserves pétrolières prouvées de la Libye sont estimées à 39 milliards de barils, soit 3,4 % du total mondial. Les réserves dites récupérables sont estimées par les autorités libyennes à 100 milliards de barils. Il est intéressant de souligner que pour ce qui est de la Libye, le volume des réserves prouvées n'est pas contesté. Des études récentes, menées par des instituts indépendants, tendent à montrer que la Libye constitue l'un des pays qui présentent les probabilités de découvertes les plus importantes. Les sous-sols libyens restent largement sous-explorés. D'ici à 2015, la Libye table sur des investissements de l'ordre de 7 milliards de dollars, consacrés à l'exploration.

· Production pétrolière de la Libye

Au cours des cinq dernières années, la production a enregistré une augmentation relativement importante, en passant de 1,3 à 1,6 million de barils par jour. La production actuelle, cependant, représente seulement la moitié du volume atteint au début des années 70, avec un pic à 3,3 millions de barils par jour. Cette chute est essentiellement due au vieillissement des gisements anciens, aux mesures de conservation des gisements visant à éviter leur surexploitation, aux quotas pris par l'OPEP et, surtout, aux sanctions internationales.

Les Libyens pensent pouvoir augmenter la production à 2 millions de barils par jour d'ici à deux ans et à 3 millions de barils par jour d'ici à 2015 ou 2020. L'objectif semble raisonnable, du point de vue des observateurs.

· Exportations pétrolières

Du fait des sanctions américaines, l'Europe occidentale a représenté, au cours des dernières décennies, le principal marché, captant 1,4 million de barils de pétrole libyen par jour. Depuis fin septembre 2005, cependant, les Etats-Unis sont à nouveau redevenus un partenaire important de la Libye, le pétrole de ce pays, au rendement très important au raffinage, étant très recherché.

· Le gaz naturel libyen

L'exploitation de gaz naturel, maintenue à un niveau faible, connaît une évolution à la hausse depuis l'achèvement du Western Libyan Gas Project en octobre 2004. Sur la capacité de production de 10 milliards de mètres cubes par an, 8 milliards sont destinés à l'Italie. Dans cinq à dix ans, les exploitations gazières de la Libye pourraient atteindre 45 à 50 milliards de mètres cubes par an.

En conclusion, la Libye offre des perspectives favorables pour ce qui est du pétrole et du gaz.

Jean-François ARRIGHI DE CASANOVA, Directeur Afrique du Nord, Total

Je souscris entièrement à l'analyse du potentiel libyen par Nicolas Sarkis. Je soulignerai pour ma part la grande stabilité et le respect des contrats qu'a toujours manifesté la Libye. Les investissements que Total consent en matière d'exploration sont extrêmement élevés et nécessitent en retour une stabilité et certaines garanties. En tant que Directeur Afrique du Nord de Total, je suis en mesure de porter à votre connaissance notre expérience très positive de l'attitude libyenne, et ce, même dans les moments les plus difficiles. Dans un avenir proche, Total compte bien renforcer sa coopération avec la Libye et mettre en oeuvre de grands projets dans les domaines pétrolier et gazier.