colloque Libye 2006



Table des matières


Ouverture

Christian PONCELET
Président du Sénat

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Chers collègues, Mesdames et Messieurs,

Le Sénat est heureux d'accueillir aujourd'hui ce colloque économique sur la Libye, organisé en partenariat avec nos amis d'UBIFRANCE et le concours actif du groupe sénatorial d'amitié France-Libye.

Cette rencontre a aussi été préparée en étroite concertation avec la Chambre de commerce franco-libyenne et, bien sûr, notre mission économique à Tripoli.

A tous, j'adresse mes vifs remerciements -et mes compliments- pour avoir enfin pu concrétiser une initiative évoquée à plusieurs reprises mais qui, jusque là, n'avait pu être menée à bien.

Les contraintes de mon emploi du temps ne me permettent pas d'être parmi vous ce matin, mais soyez assurés que j'ai suivi avec attention et beaucoup d'intérêt la préparation de cette rencontre. Cela étant, je sais que le Président du groupe d'amitié, mon collègue et ami André Dulait, animera parfaitement vos travaux qui, j'en suis convaincu, vous permettront de mieux appréhender les réalités économiques d'un pays à propos duquel circulent encore beaucoup d'idées fausses.

Je le remercie encore d'avoir accepté de lire ce discours en mon nom.

Nous le savons tous, les relations franco-libyennes n'ont pas toujours été sereines. Mais au cours des dernières années, la situation a beaucoup évolué, notamment avec la mise en place d'un cadre d'apurement du contentieux du tragique attentat contre le DC10 d'UTA, puis avec la reprise des visites officielles réciproques de haut niveau : une visite en Libye de notre ministre du commerce extérieur en mars 2004, une visite en France du Premier ministre libyen en avril 2004 et la visite officielle du Président Jacques Chirac en Libye les 24 et 25 novembre 2004.

Depuis lors, d'autres rencontres ministérielles ont eu lieu : je pense en particulier à celle de notre ministre des Affaires étrangères au début de cette année, qui a permis de faire un utile bilan d'étape de cette notable relance de nos relations bilatérales.

J'ajoute que nos positions à l'égard de la Libye s'inscrivent, au-delà de leur cadre purement bilatéral, dans une perspective européenne à laquelle la France attache beaucoup d'importance. Nous souhaitons, à cet égard, que la Libye approfondisse ses relations avec l'Union européenne.

Après la levée définitive de l'embargo onusien en 2003, puis des dernières sanctions européennes en 2004, cette ouverture contribuerait à réinsérer la Libye encore plus pleinement dans le jeu normal et pacifié des relations internationales.

J'en veux pour gage l'admission de la Libye comme membre observateur du Partenariat euro-méditerranéen, formalisé par le fameux « processus de Barcelone », ou encore sa participation au « Dialogue 5 + 5 » : ces rapprochements vont dans le bon sens et pourraient s'amplifier encore, si la partie libyenne maintient son cap européen.

Certes, plusieurs contentieux subsistent, mais j'ai bon espoir qu'ils trouvent désormais un aboutissement satisfaisant.

La reprise du dialogue politique a en tout cas permis de relancer efficacement les échanges économiques avec un pays qui, pour reprendre les termes de notre Chef de mission économique, présente une « excellente santé financière ».

Là encore, les choses ont bien évolué depuis trois ans, avec une politique de libéralisation, d'ouverture et de privatisation qui, déjà, porte ses fruits.

Sur le plan structurel, la Libye dispose il est vrai, outre son formidable potentiel touristique, d'un atout capital : ses vastes ressources en hydrocarbures. Elles lui ont déjà permis d'accumuler d'appréciables réserves financières tout en engageant un programme d'investissements lourds, principalement dans deux secteurs : les infrastructures publiques et l'exploitation pétrolière et gazière.

Avec l'ouverture, une part de ces marchés a été confiée à des entreprises étrangères.

Nos entreprises auraient tort de ne pas saisir les opportunités que cette politique de relance peut leur offrir, d'autant que le cadre juridique des affaires s'améliore en Libye, en même temps que se développe un secteur privé dynamique.

Mais je laisse le soin de préciser ces aspects techniques aux spécialistes qui vont se succéder à la tribune toute la matinée.

Pour ce qui me concerne, je préfère insister sur deux points qui me tiennent à coeur :

· le premier concerne l'évolution positive du paysage institutionnel libyen depuis une dizaine d'années avec, en particulier, la promotion d'une certaine décentralisation et l'émergence progressive de pouvoirs locaux. En qualité de représentants constitutionnels des collectivités locales, les sénateurs français ne peuvent qu'être sensibles à ces avancées, même si, pour l'heure, les structures de représentation politique en Libye n'ont encore rien de comparable aux nôtres.

· le second point touche aux relations interparlementaires entre le Sénat français et la Libye.

Le groupe France-Libye du Sénat a été créé à l'initiative du Président Dulait il y a presque exactement dix ans. Même dans des périodes tendues, ce groupe a su établir et maintenir un dialogue régulier avec les autorités libyennes ; il a utilement appuyé, en plusieurs occasions, des initiatives extérieures intéressantes et innovantes comme, par exemple, les réunions au Sénat du Bureau mixte de la Chambre de commerce franco-libyenne.

Avec un effectif d'environ trente sénateurs et une politique de contact suivie, ce groupe travaille dans la discrétion, certes, mais aussi dans la durée et l'efficacité !

Il illustre bien, à mes yeux, le rôle de nos groupes sénatoriaux d'amitié au service de la diplomatie parlementaire.

Je souhaite à chacun d'entre vous d'excellents travaux, en espérant que vous garderez de votre passage au Sénat un très bon souvenir et que vous y reviendrez.

Elsa LOCKE
Directeur, Département Séminaires et Événements multisectoriels, UBIFRANCE

Monsieur le Président du Groupe interparlementaire France-Libye, Monsieur l'Ambassadeur, Mesdames, Messieurs,

J'adresse mes souhaits de bienvenue aux participants et mes remerciements aux intervenants qui nous entretiendront de la progression de la Libye vers la libéralisation économique, des réformes en cours et de ce que vous, entreprises, pouvez en attendre.

L'activité d'UBIFRANCE et des missions économiques s'articule autour de trois grands pôles que sont l'information sur les marchés étrangers, l'accompagnement sectoriel et les actions de promotion à l'étranger, enfin le volontariat international en entreprise pour le déploiement des ressources humaines qualifiées à l'international.

Il s'agit aujourd'hui du troisième séminaire sur la Libye organisé par UBIFRANCE. Je souhaite tout particulièrement saluer et remercier Jean-Luc Sibiude, Ambassadeur de France en Libye ; Patrick Lebrun, chef de la mission économique de Tripoli ; la Chambre de commerce franco-libyenne, son Président Georges Vaillant, son premier Vice-président Michel Casals et son Secrétaire général Ahmad Jalaleddine ; et enfin, Christian Valery, directeur général de BOI.

Pour reprendre votre expression, Monsieur l'Ambassadeur, l'année 2005 a été celle des retrouvailles entre la Libye et la France. L'année 2006 marque la relance du partenariat et de la coopération avec la Grande Jamahiriya : en effet, la convention bilatérale de protection réciproque des investissements est entrée en vigueur et celle de la non double imposition devrait être ratifiée d'ici à janvier 2007. Par ailleurs, en juillet 2006, s'est tenue une réunion d'experts visant à circonscrire les domaines d'une collaboration étroite entre nos deux pays, qui devrait privilégier la santé, la coopération universitaire, la culture -notamment le patrimoine archéologique- et le tourisme.

En 2005, la France était le quatrième fournisseur de la Libye, avec une part de marché de 6 %, derrière l'Italie, l'Allemagne et le Japon. La présence française en Libye est ancienne : actuellement, on dénombre une trentaine d'implantations françaises et 450 expatriés.

Les exportations ont doublé sur le premier semestre 2006, atteignant 264 millions d'euros, contre 128,5 millions d'euros à la même période en 2005. Cependant, les importations de produits libyens étant constituées à plus de 75 % par du pétrole, le déficit commercial de notre pays se creuse : il a évolué de 821 millions d'euros en 2004 à 1,288 milliard d'euros en 2005.

S'agissant de ses relations avec l'Union européenne, la Libye a fait part de son intérêt quant à une adhésion au processus de Barcelone, et assiste déjà aux conférences interministérielles des Affaires étrangères à titre d'observateur. Par ailleurs, la candidature à l'OMC de la Libye a été acceptée en juillet 2004.

Enfin, pour ce qui est des activités d'UBIFRANCE sur la Libye, nous prévoyons la tenue d'un colloque à Tripoli les 13 et 14 novembre prochain, sur la maîtrise du risque technologique dans le secteur énergétique, ainsi qu'un séminaire d'information à Paris sur le thème « Comment travailler avec la National Oil Corporation ? » en décembre 2006. Du 7 au 9 février 2007, se tiendra également un forum MED-ALLIA à Casablanca, qui sera l'occasion de rencontres « B to B ». Je vous signale également la sortie du guide répertoire du secteur BTP en Libye.

Votre présence nombreuse aujourd'hui nous conforte dans notre décision de développer une véritable dynamique d'information et d'accompagnement des entreprises françaises sur le marché libyen.

Enfin, je tenais à saluer la présence parmi nous de Pierre Rosek, nouvellement nommé Président de la Chambre de commerce franco-arabe.

La nouvelle politique économique

André DULAIT
Sénateur, Président du Groupe interparlementaire France-Libye

Le programme de privatisation de l'industrie et du commerce dans lequel la Libye s'est lancée n'est pas encore achevé et repose sur le secteur étatisé de l'énergie, qui représente 95 % des exportations. Les investissements se multiplient dans des domaines variés tels que la santé ou encore les infrastructures urbaines. Les entreprises consolident leur présence dans tous les grands secteurs, comme l'énergie, l'agroalimentaire, les télécoms, ou encore les biens d'équipement et de consommation. Nos exportations ont doublé sur le premier trimestre 2006 pour atteindre 265 millions d'euros. Notons la signature du contrat prévoyant la fourniture par Airbus de 20 avions pour 2 milliards de dollars. Par ailleurs, plus de 120 entreprises françaises ont participé à la dernière Foire internationale de Tripoli, le secteur agricole étant bien représenté via Agro Libya.

L'émergence du secteur privé en Libye s'accompagne d'une concurrence accrue qui nécessitera de la part des entreprises françaises toujours plus de détermination. J'estime que nous avons mené, depuis une dizaine d'années - et ce, malgré les difficultés connues - une politique de bonne diplomatie économique, grâce aux efforts conjoints du Groupe interparlementaire, de l'association d'amitié France-Libye, de la Chambre de commerce franco-libyenne, du Groupe interparlementaire France-Libye de l'Assemblée nationale, de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, de la Chambre de commerce franco-arabe, d'UBIFRANCE, de notre Ambassade à Tripoli et de sa mission économique.

Enfin, parallèlement aux échanges commerciaux, il semble indispensable que progresse notre coopération en matière de formation, de transferts de technologie et de savoir-faire et d'éducation, entre autres, qui permettra à la France d'accompagner sur le long terme le développement de la Libye.

Une relation bilatérale en mouvement

Son Excellence Jean-Luc SIBIUDE
Ambassadeur de France en Libye

Mesdames et Messieurs, je suis frappé par le nombre de participants dans la salle, qui témoigne de l'intérêt du secteur économique et des Français pour la Libye, et la reconnaissance du travail de ceux qui sont impliqués dans la relation franco-libyenne depuis tant d'années.

La relation franco-libyenne connaît depuis deux à trois ans une dynamique nouvelle. Alors que mes prédécesseurs ont dû gérer la crise, ma principale mission consiste à rebâtir la relation bilatérale, processus en cours. Nous avons recréé un socle commun et avançons sur le chemin du partenariat.

L'année 2005, émaillée de visites ministérielles françaises majeures en Libye et d'échanges entre hauts fonctionnaires, a marqué la reprise du dialogue politique. Les Libyens ont, eux aussi, retrouvé le chemin de Paris avec plaisir. Au-delà des contacts officiels, la société civile s'est également mobilisée. J'ai ainsi reçu la visite du Tribunal de commerce de Nanterre, de l'Ordre des Notaires ou encore de l'école d'Athènes.

Si l'engouement suscité par la Libye a été motivé par une certaine curiosité et un phénomène de mode, je crois cependant que la relation franco-libyenne s'inscrit dans la durée.

Bien évidemment, vous qui représentez le monde de l'entreprise, vous comptez parmi les principaux acteurs de ce processus de bonne diplomatie économique. Je vous remercie à ce titre des efforts accomplis.

Je soulignerai que la relation franco-libyenne est marquée par un nouvel état d'esprit. Je suis frappé par la réelle volonté des partenaires libyens de renouer avec la France, et ce, malgré les vicissitudes passées : c'est en réalité le souvenir des années 70 qui reste dans les mémoires, période durant laquelle la relation franco-libyenne a été particulièrement forte. Notons à cet égard que l'indépendance de notre politique étrangère nous vaut un certain crédit en Libye et constitue un réel atout. Nous faisons partie du cercle relativement fermé des grands pays qui comptent aux yeux de la Libye. Après avoir tourné le dos à l'ex-camp soviétique, la Libye entretient à présent des liens plus forts avec l'Italie - partenaire commercial principal - le Royaume-Uni - qui se pose en partenaire stratégique - l'Allemagne, l'Espagne, les Etats-Unis et, bien sûr, la France.

La France, quant à elle, a tout intérêt à bâtir une relation stable avec la Libye. Observons que la France a la particularité de conduire une vraie politique maghrébine et africaine. Ainsi, tous les pays voisins de la Libye - mis à part le Soudan - entretiennent des relations privilégiées avec nous. Auparavant, d'ailleurs, la Libye ne figurait pas dans cette catégorie, le Tchad et le Niger prenant une place très importante justifiée par une longue tradition d'affinités avec la France.

L'enjeu du dialogue politique que nous entretenons avec la Libye réside dans la définition de la place que ce pays peut avoir dans notre politique maghrébine et africaine. La France a instauré le cadre multilatéral du « 5+5 », support de la relation maghrébine, dans lequel la Libye évolue avec aisance. Pour ce qui est de l'insertion harmonieuse de la Libye dans notre politique africaine, la situation apparaît plus complexe. En effet, l'Afrique sub-saharienne a été le théâtre de notre confrontation passée avec la Libye. Ce pays mène par ailleurs une politique proactive vis-à-vis de ses voisins sub-sahariens. En dépit de ces facteurs de difficulté, la France et la Libye sont déterminées à progresser, en termes de dialogue politique, sur le dossier Afrique. Les deux pays, en effet, visent un objectif commun : la sécurité et la stabilité du continent. Enfin, il est important de souligner que la Libye n'est plus perçue comme un facteur de déstabilisation en Afrique ; en effet, elle souhaite, depuis deux ou trois ans, mener une politique constructive en la matière.

Quant aux Anglais, je suis frappé d'observer qu'ils n'intègrent pas la dimension africaine dans la politique développée à l'égard de la Libye. S'ils évoquent le Darfour, ils se désintéressent du Mali ou du Tchad. Les Américains interviennent, eux, davantage au travers du prisme du terrorisme ; par exemple, la stabilité du régime d'Idris Deby ne semble pas non plus être sujet de préoccupation pour le président Bush, quand il s'agit d'un axe majeur pour la France.

Il est à noter, par ailleurs, que la France et la Libye tentent désormais de gérer le règlement de plusieurs différends et que ces deux pays entretiennent un dialogue constructif en matière de lutte contre le terrorisme et d'aspects sécuritaires.

J'évoquerai le dossier des enfants de Benghazi, dans lequel la France s'implique activement pour trouver une sortie de crise. Ainsi, notre pays accueille actuellement une centaine d'enfants atteints du sida et leurs familles dans ses hôpitaux, processus à l'occasion duquel la Libye a démontré sa bonne volonté. Nous espérons trouver une solution heureuse pour les infirmières bulgares et le médecin palestinien impliqués. Parmi les dossiers politiques ayant connu une forte avancée, citons celui de la coopération nucléaire qui a vu se mettre en place un comité mixte : la phase de coopération en matière de recherche a été initiée et sera certainement suivie pas un partenariat industriel avec une grande entreprise française du secteur de l'énergie.

En matière économique, je signalerai simplement que les deux années passées ont connu la multiplication des échanges et le développement des partenariats.

Je conclurai en observant que notre relation est en évolution constante et, à mes yeux, très positive. Je remercie une nouvelle fois tous les acteurs impliqués dans le processus.

Un cadre bilatéral porteur : politique de crédit, accords bilatéraux

Raphaël BELLO
Chef du bureau Afrique-Maghreb, MINEFI-DGTPE

En tant que chef du bureau Afrique-Maghreb de la DGTPE, je soulignerai qu'en Libye, les contrats se déroulent remarquablement bien : les contentieux restent plutôt rares, contrairement à ce qui semble être la règle pour d'autres pays de cette zone géographique.

La conjoncture et les efforts entrepris par le gouvernement libyen offrent des perspectives favorables aux entreprises françaises. La hausse des cours de l'or noir apporte à la Libye des recettes pétrolières atteignant 29 milliards de dollars et un excédent budgétaire de l'ordre de 33 % du PIB.

Au-delà de ce contexte favorable, il est à noter que le gouvernement libyen déploie des efforts considérables, dans tous les domaines. Ainsi, le pays a réintégré le concert des nations. Le partenariat Euro-Med offre également de réelles perspectives à la Libye et lui a permis de signer un accord bilatéral avec la Tunisie, mettant en oeuvre des accords techniques relatifs au libre échange, aux règles d'origine ou encore à la reconnaissance des normes, lui assurant par là-même une intégration régionale beaucoup plus rapide que celle de certains de ses voisins.

Le règlement des arriérés reflète la volonté de normalisation de la partie libyenne. Ainsi, la Coface a été réglée à hauteur de 44 millions d'euros.

Le pays a par ailleurs connu un tournant en 2003, point d'amorce de la mise en oeuvre de grandes réformes traduisant la volonté de modernisation et d'ouverture des autorités libyennes : ainsi ont été initiées des privatisations partielles, dans le secteur pétrolier, des ciments et du tourisme, notamment. Dans ce cadre, 360 sociétés auraient été privatisées, 55 d'entre elles admettant les capitaux étrangers. La diversification de l'économie semble par ailleurs en bonne voie.

La formation professionnelle permettra d'accélérer le transfert des technologies, et constitue donc un gage de réussite de la transition vers la modernisation. Il est à noter que, malheureusement, les Français ne semblent pas toujours avoir les moyens institutionnels et économiques d'y répondre, les Britanniques s'étant emparé du créneau.

Le développement des infrastructures s'inscrit également dans le mouvement de modernisation entamé. La loi de finances initiale 2006 prévoyait 8 milliards de dollars d'investissements dans les municipalités, les routes, le développement urbain, les logements sociaux ou encore le traitement des eaux, autant de domaines dans lesquels les entreprises françaises sont compétentes.

De manière générale, l'environnement des affaires constitue un axe de modernisation pour le gouvernement libyen qui a opéré la diminution des subventions internes aux prix, la baisse des barrières douanières, la diminution du taux de base bancaire, la création d'une bourse de valeurs et d'une loi bancaire, le plafonnement des impôts et l'allègement des procédures d'enregistrement. Le FMI a salué ces politiques tout en soulignant la lenteur de leur mise en oeuvre.

Force est de constater que les fondamentaux de la Libye sont très favorables. Il convient d'ailleurs de souligner que malgré les réserves et la rente pétrolière, l'inflation reste contenue. La croissance, située entre 3,5 et 5 %, commence aussi à être tirée par le domaine non pétrolier.

Dans ce contexte, la relation bilatérale économique avec la France est bien orientée et soutenue par un cadre juridique moderne et favorable. Je mentionnerai, au titre des accords bilatéraux, celui portant sur la promotion de la protection des investissements, qui stabilise les investissements étrangers réalisés sur le territoire libyen en accordant le traitement national, met en place une clause de la nation la plus favorisée et offre la possibilité de mettre en oeuvre des procédures d'arbitrage. Citons également l'accord de non-double imposition, signé en 2005, qui clarifie les perspectives et le climat juridique.

S'agissant de la politique de crédit, la Libye est aujourd'hui classée en catégorie 7 par l'OCDE. Cette note n'est certes pas très favorable mais résulte essentiellement de la politique passée du pays. Les réserves de la Libye sont telles, cependant, que ce classement - appelé à évoluer, très certainement - ne devrait pas tellement affecter le pays.

Dans le cadre de ces accords, les échanges franco-libyens progressent. Ainsi, les importations françaises, constituées à 96 % de pétrole et indexées sur les valeurs pétrolières, ont explosé en valeur. Les exportations françaises ont également connu un boom au premier semestre 2006 et pourraient atteindre 500 millions d'euros d'ici à la fin de cette année.

Ce flux tient compte des positions françaises en devenir. Il est à noter, par ailleurs, que nos ventes sont fortement dépendantes des grands contrats passés par Airbus ou encore SIDEM. Les flux ainsi créés sont irréguliers mais ne reflètent pas complètement le décollage exceptionnel des affaires et l'évolution de l'environnement. Il est intéressant de noter en outre que l'explosion récente des exportations concerne également les biens de consommation courante, d'équipement et intermédiaires, ce qui annonce une pérennisation et une consolidation des relations au-delà des grands contrats.

La France reste le cinquième fournisseur de la Libye avec 6 % de parts de marché ; elle se positionne loin derrière l'Italie, qui détient 21 % des parts, le Japon, le Royaume-Uni et l'Allemagne, et peut donc exploiter un potentiel fort d'augmentation.

Les perspectives semblent encore plus intéressantes pour ce qui est des investissements. Toutes les entreprises françaises disposent d'une représentation commerciale en Libye, semblant prête à saisir les opportunités à venir. L'évolution de la législation devrait permettre à un mouvement d'investissements plus profond de se dessiner.

Le contexte est donc éminemment favorable au renforcement de la relation bilatérale. Signalons que la Libye porte des préoccupations relatives à la « libyanisation » de la main d'oeuvre, la formation de sa population et l'enrichissement de la croissance localement, ce qui, pour autant, ne paraît pas incompatible avec le développement des échanges et partenariats franco-libyens et même euro-libyens.

La Libye : conjoncture et opportunités pour les entreprises françaises

Patrick LEBRUN
Chef de la mission économique de Tripoli

Je soulignerai avant toute chose que l'implication croissante des entreprises françaises dans le marché libyen résulte d'un travail d'équipe et de réseau. Je remercie donc tous les partenaires impliqués dans le processus.

Depuis peu, la Libye a rejoint la communauté internationale, les dernières sanctions américaines ayant été levées. Cette normalisation facilite la très vive reprise des investissements publics et privés dans un pays riche en hydrocarbures.

I. Le cadre économique

Le cadre économique offert par la Libye est optimal. Ainsi, la croissance du PIB atteint 5 %, avec une inflation maîtrisée. Le pays n'a pas de dette extérieure. L'exportation des hydrocarbures a rapporté à la Libye 29 milliards de dollars en 2005, soit 68 % du PIB.

Depuis trois ans, le cadre législatif s'est considérablement amélioré : sont concernés aussi bien le droit des sociétés, le droit du travail et celui de la propriété que le droit fiscal. Les autorités ont publié la loi sur les investissements n°5 et ont également procédé à une simplification des taxes et du régime d'importation.

II. Les opportunités d'affaires

2006 s'annonce comme l'année de la reprise des investissements. Ainsi, en 2005, les investissements directs étrangers atteignaient 1 milliard de dollars dans le domaine pétrolier, et 1,4 milliard de dollars en 2004-2005, s'agissant du domaine non-pétrolier. Le plan de développement 2005-2015 vise la production de 3 millions de barils de pétrole par jour et nécessiterait 30 milliards de dollars d'investissements, dont 7 milliards seraient consacrés à l'exploration seule. De nombreux projets de modernisation et d'extension de raffineries voient également le jour. Une enveloppe de 1,7 milliard d'euros doit être consacrée à l'ANOC en 2006 ; de nombreuses réformes sont en cours dans ce secteur porteur.

Un troisième round a été lancé. Le nombre de 40 opérateurs étrangers implantés dans le pays est donc appelé à croître.

Il est à noter que le secteur pétrolier n'est pas le seul à connaître une vague d'investissements. Ainsi, l'Etat investit massivement dans les infrastructures et le domaine social ; il y consacre 4,5 milliards d'euros en 2007, sur un budget total de 7 milliards d'euros. Le logement social et les routes sont concernés. La mission économique a édité un guide répertoire sur le BTP, secteur qui connaît un véritable boom en Libye. Il est à noter par ailleurs que c'est 1 milliard de dinars qui seront consacrés aux hôpitaux. GECOL prévoit d'investir 10 milliards de dollars dans les infrastructures, dans les quinze ans à venir. Des projets de développement de six ports et trois aéroports sont également lancés. S'agissant des télécommunications, GPTC achève ses négociations avec des constructeurs chinois. Enfin, l'agriculture a été relancée au plus haut niveau cette année, domaine dans lequel la France a un rôle certain à jouer.

III. Le contexte de la privatisation : rapport public/privé

L'arrivée d'un nouveau Premier ministre au mois de mars dernier a permis un renouvellement des équipes, qui ont fait montre, depuis, de leur grande compétence et de leur résolution à faire aboutir les projets dans les meilleurs délais et termes. En vue de favoriser les investissements étrangers, le Premier ministre a également mis en oeuvre un rabaissement du seuil des investissements de 50 milliards de dollars à 3 millions d'euros, via la loi n°5. Néanmoins, la tendance est à la « libyanisation » : le gouvernement veille légitimement à ce que le développement du pays serve ses propres citoyens. Ainsi, les sociétés étrangères se doivent de recruter des Libyens tout autant que des non ressortissants. La formation de la population est également mise en avant. A titre d'exemple, notons également que les directeurs ou directeurs adjoints des bureaux de représentation et des filiales doivent être de nationalité libyenne.

Les privatisations sont en cours. Ainsi, la Libyan Arab Airlines a fait l'objet d'une telle évolution. Pour ce faire, le gouvernement a choisi le portage par une société privée à capitaux d'origine étatique (National Investment Corporation), qui prend la majorité dans les secteurs privatisés, avec un portage complémentaire de banque. Le gouvernement semble par ailleurs avoir la volonté de développer une épargne populaire. D'autres domaines devraient bientôt être concernés par les privatisations.

Il semble également que désormais, tous les projets d'investissement, quelle que soit leur nature, s'effectueront au travers de grands fonds d'investissement et de manière rapide. En 2006 a été créé le nouveau fonds d'investissement africain-libyen, doté de 5 milliards de dollars d'actifs ; les autorités libyennes appellent fortement à associer des investisseurs français à leurs projets en Afrique. Au nombre des fonds d'investissement majeurs, signalons également la National Investment Corporation, dotée de 1,2 milliard de dinars ou encore le Fonds de développement économique et social dont le capital initial équivaut à 2,5 milliards de dollars, ce à quoi s'ajouteront 4 milliards de dollars supplémentaires du fonds pétrolier : il s'agira d'investir et de réserver aux 1,2 millions de Libyens les plus pauvres les revenus de ces investissements. Ajoutons la National Development and Real Estate and Tourism Investment and Price Co ou encore LINAS qui portent des projets d'investissement importants, dans le domaine hôtelier ou commercial. La Real Estate Investment Corporation et le Conseil national d'investissement immobilier comptent également au nombre de ces fonds d'investissement.

Enfin, le Commandant Saadi, l'un des fils du Guide, a récemment annoncé la création d'une zone franche à la frontière tunisienne, qui permettra d'investir dans des projets immobiliers, des centres commerciaux et touristiques. Une loi d'extraterritorialité s'appliquerait alors.

Le secteur informel privé reste également très dynamique. La ville de Tripoli voit fleurir les petits commerces et on assiste à la réfection de nombreux de ses bâtiments et logements. C'est un micro-capitalisme qui éclot : chaque jour, les commerçants font jouer les échanges avec l'Extrême et le Moyen-Orient, avec la Tunisie ou la Turquie. Nous assistons à la naissance d'une classe de jeunes entrepreneurs libyens formés à l'étranger, qui connaissent une réussite remarquable.

L'évolution que connaît la Libye apparaît donc extrêmement favorable. Pour autant, certaines difficultés persistent. Ainsi, l'environnement des affaires demeure imprécis : par exemple, les dates d'entrée en vigueur des lois restent mal connues. L'administration fait encore preuve de lenteur. Enfin, il convient de prendre en compte l'imprévisibilité des interlocuteurs libyens, tout en gardant à l'esprit, cependant, que les projets, s'ils connaissent une évolution lente, ont toutes les chances d'aboutir : il faut donc avant tout faire preuve de patience.

La Libye offre des opportunités aux entreprises françaises. Rappelons ainsi les contrats importants passés par SIDEM, pour une valeur de 230 millions d'euros, et ceux qu'AREVA T&D a conclus en l'espace de trois ans, pour une valeur de 500 millions d'euros.

Les relations bilatérales entre la France et la Libye n'ont jamais été aussi bonnes. De nombreuses coopérations ont été nouées dans le domaine des sciences, du droit, de la santé, de l'aéronautique, du tourisme ou encore de l'agriculture. Ce sont avant tout les notions de partenariat, de transfert partiel de technologies et de formation que doit privilégier un investisseur en Libye, tout en faisant preuve de prudence et d'une présence attentive. La concurrence est en effet rude. Quoi qu'il en soit, la construction de l'avenir du pays se joue dès maintenant.

Débat

Moncef KDHIR, professeur de droit, IEP de Lyon

Je souhaite faire remarquer que le droit international général, via la disposition du standard minimum, prévoit un traitement plus favorable pour l'investisseur étranger dans quelque pays que ce soit. Il ne semble donc pas si avantageux de signer un accord qui prévoirait de réserver à l'étranger un traitement au moins équivalent à celui des nationaux libyens.

Je rendrai également un hommage appuyé à la politique étrangère de la France, qui n'est pas - comme on le dit souvent - pro-arabe, mais conforme à la légalité internationale et en faveur de la justice.

Enfin, je souhaiterais que la France réponde souvent plus favorablement aux demandes de visas exprimées par des étudiants maghrébins qui, imprégnés du modèle d'enseignement français, souhaitent vivement venir étudier dans votre pays.

André DULAIT

La problématique des visas préoccupe les Sénateurs : la formation des Libyens passera par l'ouverture de la France aux étudiants de ce pays, qui ne présente aucun risque d'afflux massif d'immigrés.

Philippe BOHN, Directeur Afrique EADS

Quid de l'évolution de la réglementation relative à la propriété foncière en Libye ?

Patrick LEBRUN

Depuis 2004, les Libyens ont acquis le droit de propriété. Sa gestion n'est cependant pas simple, en raison du système tribal qui demeure. Si le droit de propriété est réservé aux Libyens, la loi n°5 reconnaît cependant son usage pour la durée d'un projet, dans la limite de 50 ans.

Jean Paul ILLY, Calyon Libye

Quand interviendra vraisemblablement le rehaussement de la note OCDE pour la Libye ?

Raphaël BELLO

La notation fait l'objet d'examens réguliers de la part de l'OCDE. Il semble que le prochain examen ne doive pas intervenir avant six mois.

Patrick LEBRUN

J'ajoute qu'au moins cinq pays européens n'ont pas vu se régler le problème de la dette extérieure de la Libye. Je presse cependant le mouvement, afin que le rating du pays soit rapidement amélioré et qu'il soit possible d'avoir accès à des financements internationaux à des taux raisonnables.

Daniel POUYLEAU, Vice-président de l'ADEPTA

Le secteur agroalimentaire se privatise en Libye. La nouvelle législation devant interdire l'importation de semences en Libye verra-t-elle le jour ?

Patrick LEBRUN

Le Guide a effectivement évoqué cette loi, qui serait en préparation. Si celle-ci devait entrer en vigueur, un assouplissement serait néanmoins prévisible, le pays n'étant pas autosuffisant. Les importations continueront donc vraisemblablement.

L'environnement des affaires en Libye

Georges VAILLANT
Président de la Chambre de commerce franco-libyenne et Président d'honneur du CNCCEF

Monsieur l'Ambassadeur, mes chers amis, je souhaite remercier chaleureusement le Président Dulait d'accueillir une réunion consacrée à la promotion des échanges franco-libyens et à l'information sur le marché libyen. Depuis plus de dix ans, le groupe interparlementaire France-Libye ne cesse de soutenir les actions visant à favoriser le rapprochement économique des deux pays et d'appuyer les projets des entreprises françaises. La manifestation de ce jour nous permettra de mesurer les évolutions intervenues sur le marché libyen depuis notre dernière rencontre, il y a 18 mois.

Les relations bilatérales France-Libye ne cessent de s'améliorer. Les entreprises françaises savent profiter de cet environnement favorable. Après l'année 2005 de la consolidation du partenariat, il semble que nos exportations pourraient atteindre, en 2006, jusqu'à 500 millions d'euros. Les prises de commandes se situent d'ores et déjà à un niveau élevé. Je remercierai avant tout nos entreprises françaises qui ont su s'imposer face à une concurrence de plus en plus vive : elles ont su mettre à profit leurs compétences, leur dynamisme, leur persévérance et leur compétitivité.

Evolution actuelle du système bancaire libyen

Jean-Paul ILLY
Représentant général, Calyon Libye, Conseiller du commerce extérieur de la France

Talal EL KEILANY
Deputy General Manager Arab World, UBAF

I. Le système bancaire libyen : état des lieux et perspectives
1. Les acteurs

Le système bancaire libyen est dominé par l'omniprésence de la Banque centrale : celle-ci est régulateur, gestionnaire des réserves et actionnaire de 90 % du système bancaire libyen. Elle accorde également les licences de représentation aux banques étrangères et les licences bancaires au secteur privé ; elle interprète la loi bancaire et joue également le rôle de banquière traditionnelle.

La Libyan Foreign Bank constitue le deuxième acteur principal du paysage bancaire : il s'agit d'une banque offshore, détenue dans son intégralité par la Banque centrale. Elle dispose d'un personnel anglophone et francophone, ce qui facilite les échanges avec les investisseurs étrangers. Sa licence la limite aux devises étrangères.

Les banques commerciales publiques sont au nombre de cinq. La Banque centrale en est l'actionnaire historique à 100 %. La Sahara Bank et la Wahda Bank sont cependant en cours de privatisation. La Gumhouria Bank, la NCB et la UMMA Bank sont en ce moment même auditées en vue d'une privatisation. L'on trouve un sixième acteur plus atypique, la banque Sahélo-saharienne, détenue à 40 % par la Libye et à 55 % par les Etats du Sahel : celle-ci est dédiée au développement et constitue le bras d'investissement de la politique africaine du Colonel Kadhafi. La banque Sahélo-saharienne vient d'inaugurer la Waha Bank en Libye. De manière générale, les investisseurs étrangers trouvent peu aisé de traiter avec les banques d'Etat libyennes.

Au nombre des banques privées, l'on trouve la Bank of Commerce and Development, qui compte entre 2 000 et 4 000 actionnaires, et qui est gérée de manière commerciale. L'Aman Bank, plus récente, compte un actionnaire dominant, qui semble offrir un service en adéquation avec les besoins du marché ; elle est particulièrement appréciée par les immigrés en Libye. Enfin, l'on trouve la National Banking Corporation, structurée en différentes caisses régionales.

Les banques spécialisées, telles que la Housing Bank, l'Agriculture Bank ou la Development Bank, sont présentes également sur le marché.

Enfin, les banques étrangères, comme la British Arab Commercial Bank, ABC Bank, Bank of Valetta ou encore Calyon, ne sont présentes à Tripoli qu'au travers de leurs bureaux de représentation.

2. Réglementation et environnement

La loi bancaire de 2005 prévoit la création de banques privées et la participation de banques étrangères sous forme d'agences, de joint-venture ou de banques commerciales. Si la volonté politique d'accueillir les banques étrangères ne fait aucun doute, certains grands acteurs semblent faire preuve de réticence, ce qui explique les difficultés d'application de la loi.

3. Cas d'école

Les banques libyennes viennent d'être autorisées à prêter de l'argent aux banques étrangères. Calyon a ainsi pu monter, cette année, une opération internationale pour un montant de 200 millions de dollars, consistant dans le financement de trois Aframax, pétroliers aux capacités incroyables, pour le compte de la compagnie d'Etat de navigation. Il s'agit d'une opération complexe, qui a pu être menée à bien en Libye, sans encombre majeure, avec la participation de la Development Bank, notamment, qui a apporté du capital.

II. Les garanties et les lettres de crédit en Libye

L'UBAF - détenue à 47,32 % par Calyon et à 9 % par la Libyan Foreign Bank (LFB) - émet des garanties classiques (soumissions, restitutions d'acomptes, retenue des garanties...) par l'intermédiaire de la LFB, sous forme de Standby Letter of Credit (SBLC), uniquement en devises étrangères. L'UBAF fait également appel à la Bank of Commerce and Development pour ce qui est des devises et monnaies locales ainsi qu'aux autres banques commerciales libyennes (Sahara Bank, Wahda Bank).

Pour ce qui est de l'émission de garanties, toutes les banques libyennes sont régies par la circulaire 180 du 23 juillet 1977. La loi libyenne sur les marchés publics n'interdit pas les garanties ou SBLC directes. Dans ce cas, l'UBAF soumet les garanties à la loi française et, dans la mesure du possible, au RU Publication ICC 458. Les SBLC sont soumises aux Règles et Usances Uniformes de la CCI relatives aux crédits documentaires (publication n°500). Les émissions directes restent cependant rares. Mais la plupart des émissions de garantie passe par l'intermédiaire des banques locales.

Les dates de validité sont obligatoires et respectées, dans le cadre de la SBLC ou de garanties classiques. Elles peuvent faire l'objet de demande de prorogation. A noter que la pratique de dépôt de garantie de 25 % cash est révolue.

S'agissant des garanties de découvert local, elles sont souvent destinées à payer les droits d'enregistrement des contrats, ou à rémunérer en monnaie locale les ouvriers. Le taux de découvert est actuellement de l'ordre de 6 à 6,5 %.

Dans la circulaire 180 du 23 juillet 1977, il est précisé que le contre-garant (la banque étrangère qui demande une émission à une banque libyenne) s'interdit d'opposer à la banque libyenne émettrice toute éventuelle décision de justice faisant défense de payer en cas d'appel. Cette disposition conduit les contre-garants, et l'UBAF, notamment, à obtenir un engagement identique de la part des donneurs d'ordre. A présent, la Libyan Foreign Bank exige cette pratique.

Les conditions de commissions qui sont facturées par le client libyen sont répercutées sur les frais de notre client ; ils s'établissent généralement à 0,15 % par mois, soit 1,8 % par an. Ces frais s'ajoutent aux commissions perçues au titre de notre engagement. La LFB réclame généralement d'avance ses commissions, à l'émission, pour toute la durée de la SBLC ; il convient cependant de négocier. Les autres banques facturent également d'avance, selon une périodicité trimestrielle ou semestrielle. Les banques libyennes facturent un forfait de 0,5 %, couvrant les frais divers et de timbres fiscaux. Désormais, la lettre de crédit est ouverte nette ; elle ne comprend plus les frais de timbres fiscaux, qui sont déduits auparavant.

Pour ce qui est des crédits documentaires, il n'existe pas encore de financement à moyen terme sur la Libye (sauf dans le cas de l'opération des Aframax). Le mode de règlement quasi exclusif est la lettre de crédit à vue ou à 30 jours de vue. Il n'y a théoriquement pas de limitation de durée ou de montant. Les LCs ne sont généralement pas transférables. Ils sont ouverts par la Banque centrale, la Libyan Foreign Bank ou par l'une des banques commerciales. De plus en plus, pour des raisons budgétaires, les marchés importants font l'objet de lettres de crédit revolving. Dans ce cas, il convient d'être attentif au fait qui déclenche le revolving. Jusqu'à présent, les montants de lettres de crédit ont toujours été payés ; nos relations avec les banques libyennes sont excellentes. La capacité de l'UBAF à confirmer les lettres de crédit et à organiser une syndication pour les montants élevés est importante.

Cadre juridique : comment être présent en Libye ?

Maître Mohamed I. AL-KILANI
Managing Partner, Al Kilani Law Firm

I. La présence directe

Il est possible d'assurer une présence directe en Libye en ouvrant un bureau de représentation selon le décret n°8 de 2005 ou en créant une filiale, soit conformément au décret n°3 de 2005, soit dans le cadre de la loi n°5 encourageant les investissements étrangers en Libye, soit dans le cadre de la loi n°7 de 2004 sur le tourisme, ou encore dans le cadre de loi n°9 de 2000 sur les zones franches.

Le bureau de représentation permet d'assurer une présence légale, sans toutefois faire d'affaires : il n'est pas possible de signer des contrats ou de facturer localement. Les procédures sont simplifiées et très peu de documents sont requis. Le capital devra être limité à 30 000 euros ; la responsabilité sera limitée également.

Une filiale est l'équivalent d'une société anonyme établie en Libye. Il existe une dizaine d'activités que les filiales de sociétés étrangères créées en Libye sont autorisées à exercer. Il s'agit de l'architecture et des travaux publics, l'électricité, le pétrole, les télécommunications, l'industrie, l'informatique, la consultation et les études techniques, le bâtiment et le secteur de la santé.

Les procédures d'enregistrement d'une filiale d'une société étrangère sont plus lentes que celles qui prévalent pour les bureaux de représentation. Les compétences et les pouvoirs ne sont pas les mêmes.

Selon les conditions requises (décret n°3 de 2005), le dossier (principalement la décision du Conseil d'administration précisant l'activité principale de la branche et le transfert de 150 000 dinars libyens, soit 100 000 euros) doit contenir le formulaire provenant directement du Siège social et légalisé par l'ambassade libyenne implantée dans le pays de la maison mère.

Conformément aux nouvelles conditions du décret 223 de 2006, la société étrangère doit être anonyme ou à responsabilité limitée. Le directeur ou son adjoint doit être de nationalité libyenne. Des certificats d'expérience seront également exigés. Enfin, après remise du dossier au Ministère de l'Economie, le délai d'enregistrement sera de quatre à six semaines et de cinq années renouvelables.

II. La présence indirecte

Il est possible d'ouvrir une agence commerciale dans le cadre du Code de commerce et de la loi n°6 de 2004.

D'après les critères retenus, l'agent doit être libyen (loi n°6 de 2004) ; un contrat local devra être rédigé et enregistré auprès du Ministère de l'Economie. L'agent doit être inscrit sur le registre, être en mesure d'assurer un service-après-vente, de distribuer des certificats de garantie et de respecter la réglementation des prix.

La décision 83 de 2006, entrée en vigueur récemment, définit les conditions particulières des agents commerciaux en fonction des marchandises importées. Ainsi, la première catégorie comprend les équipements lourds, les équipements urbains, les voitures, les camions, les autocars, les équipements agricoles et médicaux. La deuxième catégorie comprend les équipements de bureau, les matériels électriques, ménagers et électroniques, les matériaux d'électricité et pour atelier, les bois préfabriqués, les équipements agricoles, les équipements médicaux, les produits sanitaires, les couches jetables pour bébé, les équipements de photo, les équipements de plongée sous-marine, les chalutiers et équipements de pêche et les équipements de boulangerie-pâtisserie. Enfin, la troisième catégorie concerne tous les autres équipements.

A chaque catégorie correspondent également certaines conditions. Ainsi, s'agissant de la première catégorie, la Société Anonyme (SA) devra réserver au minimum 40 % de ses actions aux particuliers ; elle devra ne représenter qu'une seule société étrangère ; les administrateurs se verront imposer des obligations de présence en Libye et d'exclusivité.

Pour ce qui est de la deuxième catégorie, la SA n'aura pas d'obligation d'ouverture de son capital ; elle pourra représenter jusqu'à trois sociétés étrangères ; enfin, les administrateurs se verront imposer des obligations de présence en Libye et d'exclusivité.

Enfin, pour ce qui est de la troisième catégorie de marchandises, l'agent pourra être une personne physique ; il n'y aura pas nécessité d'enregistrement particulier.

Jean-Michel NICOLAI, Datastream

Les sociétés de services peuvent-elles recourir à un agent de représentation ? Existe-t-il des contraintes pour l'importation de biens immatériels comme les services ?

Maître Mohamed I. AL-KILANI

Nous vous apporterons une réponse hors séance.

Quelle présence en Libye ? Les secteurs pétrolier et gazier : développements et perspectives

Nicolas SARKIS
Directeur du Centre arabe d'études pétrolières

Nous assistons depuis peu à des bouleversements considérables et un boom très prometteur dans les différents segments de l'industrie pétrolière et gazière, qui se répercutent sur toute l'économie libyenne, en assurant au pays une forte augmentation de ses revenus.

Depuis la guerre en Irak, en 2003, le contexte énergétique mondial est marqué par une très forte augmentation des prix de l'énergie - le prix du baril de pétrole est ainsi passé de 23 dollars en mars 2003 à 78 dollars actuellement. Cette tendance à l'énergie chère se confirme aujourd'hui. Le contexte est aussi marqué par des inquiétudes croissantes quant à la sécurité des approvisionnements mondiaux et à la possibilité de développer à temps l'offre permettant de répondre à l'augmentation prévue de la demande mondiale - qui pourrait croître de 85 millions de barils par jour en 2006 à 120 millions de barils par jour en 2025.

Dans ce contexte incertain, l'évolution de l'industrie de l'énergie en Libye apparaît plutôt rassurante et positive. En effet, après près de 20 ans de tensions et de sanctions internationales, la Libye a normalisé ses relations avec les puissances occidentales, y compris les Etats-Unis, ce qui a conduit à faire tomber les différents obstacles qui empêchaient, jusqu'à présent, le développement de ses richesses en hydrocarbures. Les perspectives ouvertes à l'exploration, la production et l'exploitation de pétrole et de gaz naturel libyens retiennent d'autant plus d'intérêt que la Libye produit un pétrole brut et léger, à faible teneur en soufre. Qui plus est, du fait de sa position géographique, la Libye se trouve en dehors de l'arc de crise du Moyen-Orient.

Il est à noter également que la Libye constitue désormais l'un des rares pays au monde aussi ouvert aux sociétés pétrolières internationales. En effet, l'Arabie Saoudite reste hermétiquement fermée aux nouveaux contrats. Le Koweït, qui évoque depuis une dizaine d'années la possibilité d'ouvrir l'exploitation des gisements aux sociétés étrangères, n'a toujours pas pris les mesures adéquates.

Depuis 2005, 35 nouveaux contrats d'exploitation et de production ont été signés en Libye ; un troisième round d'appels d'offres a également été lancé.

Je signale en outre qu'en Libye, les contrats basés sur le partage de production offrent des conditions avantageuses aux sociétés étrangères.

En vue de mieux cerner le rôle de la Libye sur l'échiquier énergétique mondial, il convient de signaler les points suivants :

· Volume des réserves

Les réserves pétrolières prouvées de la Libye sont estimées à 39 milliards de barils, soit 3,4 % du total mondial. Les réserves dites récupérables sont estimées par les autorités libyennes à 100 milliards de barils. Il est intéressant de souligner que pour ce qui est de la Libye, le volume des réserves prouvées n'est pas contesté. Des études récentes, menées par des instituts indépendants, tendent à montrer que la Libye constitue l'un des pays qui présentent les probabilités de découvertes les plus importantes. Les sous-sols libyens restent largement sous-explorés. D'ici à 2015, la Libye table sur des investissements de l'ordre de 7 milliards de dollars, consacrés à l'exploration.

· Production pétrolière de la Libye

Au cours des cinq dernières années, la production a enregistré une augmentation relativement importante, en passant de 1,3 à 1,6 million de barils par jour. La production actuelle, cependant, représente seulement la moitié du volume atteint au début des années 70, avec un pic à 3,3 millions de barils par jour. Cette chute est essentiellement due au vieillissement des gisements anciens, aux mesures de conservation des gisements visant à éviter leur surexploitation, aux quotas pris par l'OPEP et, surtout, aux sanctions internationales.

Les Libyens pensent pouvoir augmenter la production à 2 millions de barils par jour d'ici à deux ans et à 3 millions de barils par jour d'ici à 2015 ou 2020. L'objectif semble raisonnable, du point de vue des observateurs.

· Exportations pétrolières

Du fait des sanctions américaines, l'Europe occidentale a représenté, au cours des dernières décennies, le principal marché, captant 1,4 million de barils de pétrole libyen par jour. Depuis fin septembre 2005, cependant, les Etats-Unis sont à nouveau redevenus un partenaire important de la Libye, le pétrole de ce pays, au rendement très important au raffinage, étant très recherché.

· Le gaz naturel libyen

L'exploitation de gaz naturel, maintenue à un niveau faible, connaît une évolution à la hausse depuis l'achèvement du Western Libyan Gas Project en octobre 2004. Sur la capacité de production de 10 milliards de mètres cubes par an, 8 milliards sont destinés à l'Italie. Dans cinq à dix ans, les exploitations gazières de la Libye pourraient atteindre 45 à 50 milliards de mètres cubes par an.

En conclusion, la Libye offre des perspectives favorables pour ce qui est du pétrole et du gaz.

Jean-François ARRIGHI DE CASANOVA, Directeur Afrique du Nord, Total

Je souscris entièrement à l'analyse du potentiel libyen par Nicolas Sarkis. Je soulignerai pour ma part la grande stabilité et le respect des contrats qu'a toujours manifesté la Libye. Les investissements que Total consent en matière d'exploration sont extrêmement élevés et nécessitent en retour une stabilité et certaines garanties. En tant que Directeur Afrique du Nord de Total, je suis en mesure de porter à votre connaissance notre expérience très positive de l'attitude libyenne, et ce, même dans les moments les plus difficiles. Dans un avenir proche, Total compte bien renforcer sa coopération avec la Libye et mettre en oeuvre de grands projets dans les domaines pétrolier et gazier.

Quelle présence en Libye ? Les grands contrats

Philippe BOHN
Directeur Afrique, EADS (aéronautique)

Je souhaiterais faire part de la reconnaissance du Groupe EADS pour le soutien sans faille que lui ont témoigné l'Ambassadeur de France en Libye, Patrick Lebrun et la mission économique : cette aide nous a été précieuse pour la signature de contrats importants.

L'expérience de notre Groupe en Libye ne se limite pas à notre filiale Airbus et compte de nombreux projets. Notre Groupe avait de nombreux a priori sur la manière dont se conduisent les affaires en Libye. En août 2005, nous avons finalement pris la décision d'ouvrir un bureau à Tripoli. La Libye constitue, au même titre que l'Afrique du Sud, un véritable partenaire stratégique pour EADS en Afrique. Elle se situe au carrefour des pays européens et du continent africain, pour lequel le Guide mène une politique qui suscite une forte adhésion. Ajoutons qu'il s'agit aujourd'hui de construire des partenariats : les Libyens, et Sayf Al-Islam, l'un des fils du Guide, ont apprécié la composante formation aux métiers de l'aéronautique que proposait notre projet. Ce contrat a d'ailleurs été signé par l'African Fund, doté de 5 milliards de dollars et présidé par le Directeur de cabinet du Guide qui nous a beaucoup soutenus.

La Libye présente donc un terrain très favorable, du point de vue d'EADS. Les affinités humaines y sont importantes. L' affectio societatis est majeur à Tripoli ; nous sommes très présents sur le terrain, avec nos partenaires, à tous les niveaux de décision, ce qui nous a permis de conclure rapidement des contrats importants.

Aujourd'hui, EADS a le sentiment que la diversification économique du pays est en bonne voie. La création d'une zone économique franche est significative à cet égard.

En conclusion, je préciserai qu'EADS n'a jamais connu de problèmes de corruption : les interlocuteurs auxquels elle s'adresse affichent leur volonté de conformité avec la convention de l'OCDE. Les autorités libyennes nous ont clairement fait savoir qu'il n'était absolument pas nécessaire de recourir à des intermédiaires. EADS travaille avec les Libyens, pour les Libyens, mais également au bénéfice de l'industrie européenne.

Un intervenant

Avez-vous dû faire face à une concurrence féroce de la part des Américains pour ce qui est de la vente d'avions ? Pouvez-vous nous communiquer des éléments chiffrés pour ce qui est du montant du contrat ? Quelles sont les perspectives futures ?

Philippe BOHN

Nous avons vendu 20 Airbus, essentiellement des avions mono couloir et long-courrier. Bien entendu, nous avons dû affronter la concurrence américaine : il me semble que c'est l'approche partenariale et la force de la relation humaine qui ont joué en notre faveur, tout comme le soutien que nous avons reçu de la part des représentations diplomatiques française, espagnole et allemande. Signalons par ailleurs que la position de la diplomatie française, au regard de la situation du Proche-Orient et de la crise au Liban, a contribué à faciliter la négociation. Sur le plan commercial, EADS a bien entendu dû faire un certain nombre de concessions, tant elle considère la Libye comme un partenaire stratégique.

Pierre ROSEK, Président de la Chambre de commerce franco-arabe

Les commandes d'Airbus en Libye sont-elles associées à des obligations offset ?

Philippe BOHN

Les contrats ne comprennent pas d'obligations offset au sens strict du terme. Il s'agit davantage d'une nécessité impérieuse de mettre en oeuvre des programmes d'accompagnement, de formation ainsi que des partenariats industriels et dans le domaine des services. En effet, la jeune élite est très attachée au fait que le pays puisse s'ouvrir tout en profitant de formations et d'une élévation du niveau de qualification de la main d'oeuvre. La jeune génération est consciente des forces de la Libye, dont elle veut faire un pays moderne, inscrit dans le concert des Nations.

Thomas DOGNON
Global Contract Manager, Alcatel (télécommunications)

Alcatel est présent en Libye depuis plus de trente ans ; nous sommes spécialisés dans le domaine des centraux téléphoniques privés, de la transmission par fibre optique terrestre ou marine, des faisceaux hertziens ou encore de la téléphonie mobile, entre autres. L'entreprise intervient en Libye dans les trois domaines d'activité suivants :

· la télécommunication fixe et mobile auprès de GPTC et de sa branche mobile Al-Madar : Alcatel doit par exemple mettre en place une liaison par câble sous-marin, le long de la côte libyenne, permettant de relier les principales villes ;

· les télécommunications satellites : Alcatel est impliqué dans le projet de satellite panafricain RASCOM qui doit permettre, via un accès à bande large, des applications comme la télémédecine ou l'enseignement à distance ;

· l'énergie : Alcatel créé un système complet de communication pour Agip Gas, entre autres, permettant de relier les champs de production à la raffinerie et aux implantations offshore.

Alcatel est présent sous forme de succursale et enregistré depuis 1996. La structure est issue du regroupement de plusieurs entités et héberge les activités commerciales ainsi que les services exécutés localement. Alcatel compte 50 salariés en Libye, dont 70 % de Libyens.

La succursale offre certains avantages. Cette forme juridique correspond pleinement à l'activité d'Alcatel dans le pays et lui donne le droit d'exercer une activité commerciale et opérationnelle et de payer et facturer localement. L'obtention de visas pour les missions et le suivi du processus administratif sont aussi plus aisés. L'implantation d'une succursale limite également les problèmes liés à la logistique locale, permet l'importation et la réexportation temporaire d'équipement pour effectuer des tests, par exemple, ou encore l'obtention de « desert pass » pour circuler dans le pays. Cette structure est donc en quelque sorte gage d'efficacité.

La forme juridique de succursale présente cependant certaines complexités. Ainsi, il convient de procéder à un enregistrement annuel auprès des services de l'immigration et au renouvellement du « Form B ». L'entreprise doit également se réenregistrer tous les cinq ans auprès du Ministère de l'Economie. Il convient aussi de veiller à ce que le paiement des taxes à la signature du contrat ne devienne pas pénalisant, notamment en cas d'entrée en vigueur tardive. Le paiement de l'impôt sur les sociétés et l'audit des comptes de la succursale peuvent être effectués sans limite de date, ce qui oblige à une tenue scrupuleuse des comptes. Enfin, il convient de se conformer à l'obligation de traduire tous les documents localement.

Jean-Marie JAY
Directeur Département Haute Tension, Nexans France (câbles électriques)

La société Nexans est présente en Libye depuis un certain nombre d'années. La concrétisation de notre présence a pris du temps mais s'est révélée fructueuse. Nexans a signé un contrat de réalisation d'une infrastructure pour un montant de 120 millions d'euros pour le compte de GECOL. Il s'agit de fournir et d'installer 230 kilomètres de câbles haute tension à Tripoli et à Benghazi. Dans le cadre de ce projet, Nexans gère des équipes multinationales locales et d'expatriés de différentes nationalités.

La période de pénétration du marché a été longue. De1994 et 1997, Nexans a connu une période dite exotique, en raison de l'absence de transport aérien, notamment. De 2000 à 2004, l'environnement s'est simplifié, ce qui a permis à Nexans de conclure un premier contrat et d'oeuvrer à l'établissement d'une succursale, qui constitue une bonne formule pour réaliser des contrats clé en main et facturer. Nexans se prépare actuellement à conclure des contrats plus importants.

De manière générale, si les périodes de préparation se révèlent particulièrement longues, un investissement intensif peut faire espérer des retours importants. Si la mise en place d'instruments financiers tels que les cautions et les lettres de crédits est parfois difficile, les mécanismes en demeurent cependant assez fiables. Les paiements s'effectuent dans des délais rapides ; les décisions collégiales sont certes peu rapides mais interviennent in fine . Les relations contractuelles sont pragmatiques et jamais conflictuelles. Les règles relatives aux taxes, certes fluctuantes, sont faciles à mettre en oeuvre. La mise en place de succursales peut s'avérer longue. A noter les contraintes importantes en matière d'emploi et de formation du personnel libyen. Enfin, on observe une amélioration pour ce qui est de l'obtention des visas d'affaires et pour résidents.

S'agissant des évolutions à venir, il est possible qu'il faille désormais obtenir des garants pour la mise en place de succursales, ce qui ne semble toutefois pas devoir poser de problèmes majeurs. Les exigences en matière d'emploi et de formation des nationaux sont amenées à s'accroître, reste que le personnel adéquat n'est pas toujours disponible. Enfin, les délais de sortie de douane tendent à augmenter pour ce qui est des importations, ce qui traduit certainement l'accroissement de l'activité économique.

En conclusion, Nexans France mettrait au rang des atouts garantissant le succès commercial en Libye la patience, l'emploi de personnel hautement qualifié, la prise en compte de la particularité des prix du pays, des exigences de formation et d'emploi des nationaux. « Chasser en meute » - pour reprendre une expression utilisée par le Président de la République française en visite à Tripoli - s'avère capital : il s'agit de collaborer et d'échanger sur les particularités du pays, entre habitués. Enfin, notons que les Libyens font généralement preuve de reconnaissance : les entreprises françaises, si elles savent se montrer coopératives et rendre service, peuvent attendre des retours d'ascenseurs.

Arnaud DE LA SERRAZ, EADS branche Défense et Sécurité

Nexans France rencontre-t-il en Libye des problèmes d'entrée en vigueur des contrats, relatifs au transfert de l'acompte ?

Jean-Marie JAY

Hormis des délais relativement longs, qui peuvent atteindre plus de deux ans entre la signature du contrat et l'ouverture de la lettre de crédit, nous ne rencontrons pas de problèmes particuliers : il est possible de se faire payer à l'acompte, avec la lettre de crédit. La longueur des délais tend à se réduire, cependant.

Jérôme BARTHE, Director Sales AREVA

Je confirme les propos de Jean-Marie Jay. AREVA est présent depuis 1974 en Libye, dans le domaine de la fourniture des postes électriques et de contrôle des réseaux. Il convient effectivement de se montrer patient : il se peut qu'il s'écoule jusqu'à deux ans entre la signature du contrat et son entrée en vigueur, matérialisée par le paiement de l'acompte. Il convient de tenir compte de ce paramètre dans la négociation des prix.

J'ajouterai que c'est sur des relations de confiance que se bâtissent les contrats. Il apparaît en outre absolument capital que les industriels français échangent leurs informations.

Michel CASALS

Michel Burel, pouvez-vous nous faire part des succès que vous avez remportés récemment dans le domaine du dessalement de l'eau ?

Michel BUREL, Directeur commercial SIDEM

Je vous livrerai un message optimiste. SIDEM a en effet signé cet été trois contrats importants, déjà en vigueur. Nous avons, entre autres, signé un contrat relatif à la ville de Zaouia (80 000 mètres cubes/jour) et un autre concernant la ville de Soussa (40 000 mètres cubes/jour). Ces trois contrats représentent environ 300 millions d'euros ; les lettres de crédit sont en place, signe que les délais tendent à se réduire.

Par ailleurs, au premier semestre 2006, SIDEM a réceptionné son usine de Zuara. D'autres projets sont en cours : de nombreux contrats visant à raccorder les villes aux usines de dessalement ont été signés.

Michel CASALS

Parmi les entreprises françaises ayant également signé des contrats importants en Libye, je citerai Vinci, Thalès et Areva, entre autres.

Quelle présence en Libye ? Vendre - Secteur public - Secteur privé

Manuel MAIRE
Responsable internationalisation, Société INZO (produits vétérinaires)

INZO est une société rattachée au groupe Union InVivo, actif dans le secteur des semences, le négoce international de céréales et leur stockage, dans la grande distribution spécialisée grand public, dans l'agrofourniture et, enfin dans la branche nutrition et santé animale. INZO, spécialisée dans ce dernier domaine, constitue une firme de services apportant une solution aux fabricants d'aliments du bétail et aux éleveurs.

L'implantation d'INZO en Libye s'inscrit dans le plan de développement sur le Maghreb. Pour autant, la conquête du marché libyen s'est effectuée plus rapidement que prévu. En effet, INZO avait répondu à un premier appel d'offres, qu'elle n'a pas remporté, mais qui lui a permis de s'intéresser au marché libyen de manière anticipée. A cette occasion, des contacts ont été pris avec les opérateurs libyens. INZO a ensuite répondu à de nombreux appels à projets dans le domaine de la nutrition animale, ce qui lui a permis de découvrir le fonctionnement du secteur public libyen. INZO a par ailleurs initié une démarche visant à lister les différents opérateurs du pays et à comprendre leur mode de fonctionnement. INZO travaille désormais avec un partenaire libyen issu du secteur privé. Il est à noter que la notion de lien humain est déterminante en Libye. La société en question a même embauché des francophones, afin de simplifier les échanges avec INZO. Aujourd'hui, la société française considère que le marché libyen présente un potentiel réel, à terme. Il convient bien entendu de rester patient, la courbe de signature des contrats étant réellement erratique. Il faut d'ailleurs accepter le fait que les Français et les Libyens ne partagent pas la même conception du temps. J'ajouterai qu'INZO a reçu un réel soutien de la part de la mission économique à Tripoli. Enfin, INZO est présente au salon Agro Libya, ce qui lui permet de nouer des contacts avec les opérateurs privés et les acteurs politiques, en vue de la conclusion de nouveaux contrats.

L'arrivée d'un VIE à partir de janvier 2007 facilitera notre compréhension du fonctionnement de l'élevage en Libye et de sa structuration, les informations recueillies devant permettre à terme d'étudier l'opportunité pour INZO d'une implantation industrielle sur place.

Eric BABIN
Directeur de SEMA (traitement de l'eau)

SEMA compte actuellement douze salariés et réalise un chiffre d'affaires de 2 millions d'euros. Elle intervient dans le domaine de l'électricité industrielle, du câblage informatique et du traitement de l'eau.

SEMA a choisi d'exporter son savoir-faire en Libye, pays en pleine expansion. La croissance attendue du tourisme et de l'industrie laisse penser que se développeront les infrastructures et offres commerciales de ce pays. SEMA compte s'adresser aux secteurs public et privé. Sa participation à la foire de Tripoli lui apporte de nombreux contacts. Divers projets sont d'ores et déjà en cours, dans les domaines du pompage, de la filtration et de la piscine.

SEMA emploie actuellement un agent commercial en Libye, qui lui transmet toutes les offres à chiffrer. SEMA signera son premier contrat avec un partenaire privé libyen au mois de novembre prochain.

Manuel MAIRE

Je souhaite également insister sur la nécessité de « chasser en meute ». Il me semble que les sociétés françaises restent trop individualises : il convient d'échanger les informations sur le marché libyen. Il convient de créer des réseaux et de mutualiser les charges, ce qui permettrait notamment de proposer aux Libyens des offres globales, ce que font déjà nos concurrents danois ou néerlandais : il convient de ne pas segmenter l'offre selon nos spécialisations mais de proposer des solutions globales.

Michel CASALS

Nous pourrions donc affirmer que le processus d'implantation des entreprises françaises en Libye devra observer la règle des quatre P : Présence, Prudence, Pugnacité et Partenariat.

Quelle présence en Libye ? Commerce courant : le rôle de l'argent

Ali GADDAH
Directeur, Carmode Vehicle Company (secteur automobile)

Je vous entretiendrai aujourd'hui de l'aspect concret des agences de commerce. Nous avons signé un contrat il y a dix ans, afin de pratiquer l'import/export. Le gouvernement libyen a été poussé à publier la loi régissant les agences de commerce car, pendant de nombreuses années, les biens étaient importés sans protection pour le consommateur : aucune garantie n'était prévue, ni service après-vente. En ce qui concerne PSA, nos usines en Libye ont commencé à se conformer à la loi de manière anticipée. Nous offrons donc déjà les garanties requises par les textes législatifs : ainsi, nous prévoyons un service après-vente et des garanties. A nos yeux, la loi libyenne relative aux agences de commerce ne soulève aucune difficulté. Le seul inconvénient réside dans le fait que notre activité dépend de la catégorie 1 (voitures) et que nous devons donc ouvrir 40 % du capital au public. En effet, le gouvernement vise une distribution équitable des richesses pour les Libyens. En conclusion, j'indiquerai donc que les compagnies françaises n'auront aucune difficulté à se conformer à la loi libyenne sur les agences de commerce : elles répondent déjà à des obligations similaires en Europe.

De la salle

Les entreprises trouvent-elles dans la population étudiante libyenne les compétences nécessaires ?

Jean-Marie JAY

Nous éprouvons certaines difficultés à embaucher les cadres dont nous aurions besoin, ceux-ci étant très sollicités, du fait de l'exigence d'emploi des Libyens formulée par les autorités.

De la salle

Bien souvent, les ingénieurs que nous recrutons parlent peu anglais : nous devons donc les former pour faciliter la communication.

Daniel POUYLEAU

J'aimerais faire remarquer que les PME ne disposent pas des mêmes moyens que les grands groupes français : nous portons donc des projets plus modestes et visons les partenariats.

Monsieur le Conseiller

J'aimerais signaler que nous sommes engagés dans une relation bilatérale très constructive avec le gouvernement libyen, et le Ministère de l'Agriculture en particulier. Une mission impliquant deux experts et débutant au mois de novembre devrait permettre d'identifier les besoins et filières en matière d'élevage, d'irrigation et de mise en valeur des sols. La prochaine édition d'Agro Libya devrait donc se révéler particulièrement riche.

Jean-Luc SIBIUDE

Les témoignages exprimés sont passionnants et correspondent à la réalité du terrain. Il convient avant tout de ne pas négliger les principes relatifs à la patiente et au contact humain. Aucune règle commune ne s'applique en matière de marchés : tout dépend principalement du client et de sa manière de fonctionner. Le succès tient surtout à la combinaison heureuse de différents éléments. La Libye offre de réelles opportunités pour les entreprises françaises, à condition que celles-ci sachent se montrer réactives et fassent preuve de flexibilité.

Michel CASALS

Rappelons les informations essentielles de cette journée. La Libye offre un environnement favorable pour la France : les sociétés françaises y bénéficient de vraies opportunités, malgré une concurrence rude. Ainsi, les entreprises que sont SIDEM, Alcatel, EADS, Nexans ou encore AREVA et le domaine agroalimentaire remportent des succès incontestables en Libye. Il est à noter à cet égard les retombées bénéfiques de notre diplomatie économique. L'évolution amorcée sur le marché libyen se poursuit, à un rythme mesuré certes. Force est de constater que le secteur privé se développe. Les partenaires libyens, au-delà du simple développement des échanges commerciaux, expriment une réelle demande de coopération, dans le domaine de l'énergie, notamment.

Certaines difficultés subsistent. Elles sont principalement liées aux changements d'organigramme fréquents dans certaines entreprises publiques, ce qui complique le suivi. La « libyanisation » pose également problème, tout comme certaines tracasseries administratives.

Enfin, il semble plus que jamais essentiel de partager l'information et de profiter des services offerts par UBIFRANCE, les missions économiques et les chambres de commerce. Des gains de parts de marché sont encore possibles.

Georges VAILLANT

C'est euphoriques que nous sortons d'une réunion comme celle-ci !

Partenaires publics et privés, il nous appartient, dans la conjoncture décrite, de poursuivre et d'amplifier nos efforts sur le marché libyen, en développant plus particulièrement les actions ciblées. Les missions maintenance, organisées depuis quatre ans par la Chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence, la mission économique et la Chambre de commerce franco-libyenne, ont été un succès à rééditer.

Du 2 au 7 décembre prochains, nous préparons avec la Chambre de commerce franco-arabe une mission santé et équipement hospitalier. Je vous invite à y participer.

BOI, organisateur du pavillon français de la Foire de Tripoli, nous offre un bel exemple de persévérance et professionnalisme.

Comment anticiper ou accompagner sa présence en Libye ? Le foire de Tripoli et Agro Libya 2007

Christian VALERY
Directeur général, Bureau des Opérations internationales (BOI), Conseiller du commerce extérieur de la France

Je vous rappelle, en 2007, la participation du pavillon français de la Foire de Tripoli, manifestation la plus importante sur le plan économique en Libye. A l'occasion de cet événement, nous nous positionnons chaque année juste derrière les Italiens, partenaires historiques de la Libye.

Je remercie, outre l'Ambassade, la Chambre de commerce et la mission économique, Ali Gaddah, qui, au sein de l'association des hommes d'affaires libyens, se montre très disponible pour renseigner les entreprises françaises. L'année 2007 sera marquée par le renforcement des relations entre les Ministères de l'Agriculture libyen et français. Un salon spécifique, Agro Libya international, se tiendra au mois de juin 2007.

Toute l'équipe de BOI se tient à votre entière disposition pour vous renseigner sur ces deux manifestations. J'ajoute enfin, que nous organisons le pavillon français à la Foire internationale de Khartoum en janvier prochain.

Michel CASALS

Je remercie les organisateurs, participants et intervenants à ce colloque. Enfin, j'adresse également mes remerciements chaleureux au Président Dulait et au groupe interparlementaire France-Libye.