Colloque "Les Phares de la Caspienne : Azerbaïdjan, Géorgie, Kazakhstan, Ouzbékistan (30 avril 2009)



La Géorgie, terre de conquêtes ?

Éric FOURNIER,
Ambassadeur de France en Géorgie

Pourquoi est-il si difficile pour les investisseurs français de prendre le chemin de la Géorgie alors que ce pays offre de nombreuses opportunités ?

La Russie est arrivée dans le pays en 1801 à la demande de la monarchie géorgienne qui subissait les assauts d'autres conquérants. Était-ce alors les débuts d'une fusion entre ces deux voisins de cultures proches ?

En 1921, les bolcheviks prennent le pouvoir en Géorgie et poussent une partie des hommes politiques et des intellectuels à fuir vers la France. Au cours des 70 années suivantes, le Caucase est « agité » par d'autres types de conquêtes et se voit soumis aux déplacements de populations orchestrés par le régime stalinien.

En 2007-2008, les nouvelles manoeuvres russes aux frontières suscitent des interrogations, hormis chez quelques Européens qui ne croient pas à une agitation durable dans la région, considérant que l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) était ouvert et que les questions stratégiques du Caucase étaient réglées.

En juin 2008, les trains russes ont repris leur trafic en Abkhazie et on observe alors des luttes clandestines pour le contrôle du chemin de fer qui constitue un enjeu colossal. Dans ce domaine, l'UE a envisagé la restauration de la voie qui va de Sotchi à Tbilissi puis à Erevan afin de faciliter le commerce entre les états du Caucase mais ce projet est paralysé par l'indépendance de l'Abkhazie. Les infrastructures routières et ferroviaires constituent un enjeu majeur pour les investisseurs et représentent la clé du désenclavement de cette région.

Pourquoi investir dans un pays instable qui connaît des guerres, la convoitise du voisin russe et accueille des réfugiés à la suite du dernier conflit ?

Les réticences sont légitimes mais si vous souhaitez vendre des produits, la Géorgie regorge de promesses. Le pays a été dévasté par les guerres et par 70 ans de communisme : tout reste ainsi à faire, notamment en termes d'infrastructures et de tourisme. De plus, si nous n'investissons pas, les autres le feront.

La frilosité française tient au fait que la Géorgie n'est pas une priorité de notre politique étrangère. Ce raisonnement est faible dans la mesure où les priorités en politique étrangère sont soumises au cours des événements. Or la Géorgie comporte des enjeux de sécurité essentiels pour l'Europe.

Par ailleurs, il n'existe pas de représentation économique à Tbilissi. Nous avons toutefois créé le Club Français des Affaires pour combler ce manque. Pour la première fois depuis l'indépendance, un ministre du pôle de Bercy, Anne-Marie Idrac s'est rendue à Tbilissi pour signer un protocole financier dans le cadre des programmes « régime pays émergents ». La Géorgie figure depuis un mois sur la liste des pays éligibles au crédit RPE.

Enfin, les manifestations fréquentes qui ont lieu en Géorgie effraient et laissent à penser que la démocratie mal installée ne garantit pas la stabilité du pays. En réalité, la Géorgie est instable parce qu'elle est le seul État de la région qui a entamé un réel processus démocratique. La démocratie se stabilisera seulement avec le développement économique.

L'Azerbaïdjan doit éviter la Russie afin de préserver son indépendance et la Turquie (qui entend devenir un pays hub pour le gaz) afin d'éviter les surcoûts. Le projet White Stream permettrait à l'Azerbaïdjan d'exporter son gaz sans qu'aucun pays ne le contrôle (hormis la Géorgie qui restera un pays de transit). Les Iraniens qui ont intérêt à emprunter d'autres voies que la Turquie pourraient en profiter. Enfin, l'avenir de la Géorgie se joue avec l'Iran et la Russie et non contre eux.

Aymeri de MONTESQUIOU

Le gaz, produit historiquement régional est devenu un produit international avec le gaz liquide. Or la France est le leader mondial de ce secteur.