L'encadrement financier du processus électoral
L'apport de la mission Mazaud sur le financement électoral
Jean-Claude COLLIARD,
Président de l'Université Panthéon Sorbonne Paris I,
ancien membre du Conseil constitutionnel
Notre législation en matière de financement politique a désormais 22 ans, mais des imperfections sont apparues au fil des années, justifiant plusieurs retouches. Elle n'est pas parfaite, mais s'avère de qualité en comparaison d'autres, et elle fonctionne de façon satisfaisante. Le poids de l'argent sur les élections s'est réduit et le remboursement généreux des campagnes presque indépendamment des résultats permet de mener une campagne uniquement sur des fonds publics. La législation française s'avère également originale par la sanction lourde d'inéligibilité qu'elle prévoit. Paradoxale, cette sanction frappe peu le candidat non élu et ne vaut que pour l'élection en cause, ce qui laisse impunis des cas graves de fraude électorale.
Cette sanction a suscité l'émotion sur quelques cas particuliers de disproportion avec la faute commise. L'affaire HOGUET puis l'affaire FENECH, reposant sur le paiement de 8 % des dépenses de campagne hors mandataire, ont ainsi entraîné la constitution de la mission MAZAUD. En effet, alors que l'esprit de la loi vise à faire respecter le fond, c'est-à-dire l'honnêteté des dépenses électorales, les sanctions portent essentiellement sur la forme.
L'idée initiale de plafonnement des dépenses électorales a disparu, tant les cas de dépassement sont devenus rares. Il en va de même des dons irréguliers. Les aides en nature des collectivités se multiplient en revanche, grâce à une jurisprudence permissive effaçant la faute en cas de remboursement. La mission MAZAUD pointe 20 points d'amélioration, répartis en 3 axes :
· Le périmètre du contrôle
Il conviendrait d'étendre la législation sur le financement des campagnes électorales aux élections sénatoriales. Bien qu'indirectes, elles génèrent souvent des frais de bouche importants.
Les représentants des Français de l'Etranger doivent voir leurs plafonds de campagne revus au regard des frais de transport qu'ils supportent.
La place des tierces parties doit être clarifiée car il est possible d'intervenir dans une campagne pour porter une idée ou un enjeu mais sans devenir candidat.
La période considérée pour le contrôle des dépenses, d'un an, est trop longue. Elle pourrait être réduite à 6 mois car une campagne ne débute le plus souvent qu'à la rentrée précédant l'élection.
L'article R. 38 du Code électoral ne fait plus sens. Il distingue en effet deux types de remboursements alors que la condition des 5 % vaut pour les deux. Il existe là un risque de confusion non justifié.
Il conviendrait également de supprimer l'interdiction de distribuer des tracts et de procéder à des affichages durant la campagne officielle. Dans les faits, ces pratiques existent et sont largement remboursées.
Enfin, les candidats réalisant moins de 1 % des suffrages législatifs ne devraient sans doute pas être contrôlés. Une éventuelle sanction ne pèserait pas sur le financement public des partis politique ou sur les élections à venir, mais le travail de la Commission se trouverait allégé d'un tiers des comptes de campagnes. Une exception pourrait toutefois être maintenue en cas de dons, afin de vérifier leur déductibilité fiscale.
· Les formes du financement
La Commission approuve l'interdiction des de personnes morales et accepte de la part du candidat des dépenses directes faibles et négligeables.
Il est proposé de faire de la désignation du mandataire une condition de recevabilité de la candidature afin de rendre cohérent le droit en la matière. Le couple candidat/mandataire pourrait également constituer une personne différente, avec droit au compte bancaire.
Le délai de dépôt, variable en fonction du moment où l'élection a été acquise, pourrait également être unifié. Il s'achèverait au plus tard le 9 ème vendredi à partir du deuxième tour.
Le texte de loi prévoit la présentation des comptes par un expert comptable, mais non leur certification. La Commission nationale et l'Ordre des experts comptables pourraient établir un référentiel dans ce domaine.
· Le contrôle
Il a été proposé de compléter la composition de la CNCCFP par la nomination de membres de l'opposition et de la majorité. L'idée de la consultation du compte s'avère plus intéressante. Alors que la contestation de l'élection par le vaincu ne vaut que pendant 10 jours, le vainqueur a 2 mois pour déposer son compte. En cas d'accusation de fraude, il dispose donc de temps pour maquiller les faits. Il serait intéressant d'introduire un droit de consultation des comptes d'une durée de 10 jours après leur publication, qui ne serait ouvert qu'aux candidats ayant préalablement introduit un recours en annulation.
Enfin, la mission MAZAUD s'est concentrée sur la question de la bonne foi. Le Conseil d'Etat peut relever un candidat de son inéligibilité en raison de sa bonne foi depuis 1996 mais le Conseil constitutionnel ne le peut car les textes dont il assure la mise en oeuvre sont de nature organique. On assiste de ce fait à la mise en place d'un droit électoral à deux niveaux, alors que dans ce domaine une harmonisation serait aisée. La définition de la bonne foi repose essentiellement sur le principe selon lequel l'argent ne doit pas influer sur la sincérité du scrutin. Lorsqu'une anomalie du compte ne joue pas sur les résultats, elle ne devrait pas entraîner une inéligibilité.
Quelques autres réflexions de bon sens ont été émises, sur le délit de déclaration mensongère du patrimoine ; l'articulation Outre-mer/Métropole, qui permet des failles ; l'augmentation du plafond pour les conseillers généraux ; l'apparition des conseillers territoriaux ; et la vérification du nombre total de candidats, qui ne doit pas excéder celui des 577 circonscriptions.