2. Formation continue
Depuis l'instauration, en 1972, de la loi sur la
formation des enseignants, l'importance de la formation continue commence
à être reconnue. Les enseignants de français
bénéficient de cette formation organisée
régulièrement par le Bureau de Coopération Linguistique et
Educative (BCLE), en collaboration avec le Ministère de l'Education
Coréen. Elle comprend des séances de travail pendant
l'année et un stage de perfectionnement en Corée et en France
pendant les vacances.
Animées par l'attaché linguistique et son assistant,
les
séances de travail
consistent à améliorer la
connaissance du français chez les professeurs coréens. Les
professeurs de Séoul se réunissent toutes les semaines au Centre
Culturel Français, qui abrite le BCLE, pour deux heures de
perfectionnement linguistique, ceux des grandes villes de province ont une
séance sur place par mois.
Afin de faciliter le travail, les participants sont divisés en deux
groupes : le groupe A, ceux qui maîtrisent relativement bien la langue,
et le groupe B, ceux qui éprouvent des difficultés à
s'exprimer en français.
Pour le premier, la présentation de films suivie d'un débat est
une forme de travail ordinaire. Les participants à ce groupe ont
assisté préalablement à la séance hebdomadaire de
projection. La séance de travail portera sur une partie du film, puis
une série de questions est posée pour animer le débat
pendant la réunion. Il est souvent demandé de résumer le
film. Chacun y participe, apporte son appréciation, reconstruit
éventuellement le scénario.
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Le trajet de la formation, Dunod, 1983, p. 29.
Pour le groupe B, des courts métrages à valeur didactique sont
le plus souvent utilisés. En cas de présentation de longs
métrages, le débat s'oriente davantage vers l'observation de
scènes, notamment par le repérage des réactions
typiquement françaises en comparaison avec les habitudes
coréennes. La discussion et le commentaire sont moins riches dans ce
groupe, mais ses membres apprécient de participer au débat,
beaucoup plus vivant que l'apprentissage purement linguistique.
L'animateur français peut, en outre, participer aux cours dans les
lycées, à la demande des professeurs. Il s'agit de donner une
leçon en français à partir du manuel utilisé dans
l'établissement. Cette expérience n'est malheureusement pas bien
accomplie, en raison du sureffectif des classes, de la méthode
centrée sur la grammaire et de l'attitude réservée des
élèves.
Les enseignants participent, tous les quatre ou cinq ans,
au stage de
perfectionnement en Corée
de deux semaines lors des vacances
d'été, et de la même durée pendant les vacances
d'hiver. Ils travaillent sept heures par jour, du lundi au vendredi. Les
objectifs principaux sont de développer la compétence orale et d'
améliorer leurs méthodes d'enseignement.
Chaque formateur prépare son dossier de travail en rapport avec le
niveau général des enseignants coréens. Si chaque dossier
est généralement bien préparé, l'éclatement
des thèmes de chaque séance rend le contenu difficile à
suivre pour les enseignants coréens, qui doivent en permanence faire
déjà beaucoup d'efforts pour comprendre le français. Une
présentation préalable par un formateur coréen, pour
annoncer le déroulement du stage et le résumé du contenu
de chaque séance, faciliterait beaucoup leur participation.
Par ailleurs, en vue de l'élaboration d'un contenu plus
cohérent, il ne faudrait pas laisser à la seule initiative du
formateur la préparation de son dossier ; il vaudrait mieux choisir
quelques thèmes, à partir desquels chacun préparerait le
dossier individuel à travers divers documents : sociologiques,
anthropologiques, sémiologiques.
Si les cours de méthodologie peuvent permettre aux enseignants de voir
autre chose et d'appliquer les nouveautés dans leur classe, les cours de
civilisation, réduits à quelques conférences de
littérature, devraient être remplacés par des
séances qui englobent la diversité de la culture française
actuelle, en dépassant largement l'aspect passéiste. Cela est
tout à fait réalisable par les professeurs d'université
coréens choisis pour cette formation, car ils possèdent une
très bonne connaissance de la langue-culture française et surtout
ils parlent la même langue.
En somme, le stage de perfectionnement, organisé par le BCLE, est une
formation complète, suivie de très près par les formateurs
professionnels, dont tous possèdent au minimum une maîtrise de
FLE. Le problème est de savoir comment cette offre est perçue par
les participants coréens et s'ils en tirent un réel profit.
D'après eux, le stage pourrait être qualifié de
" gâteau sur le tableau "
, expression coréenne
qui signifie
" quelque chose de bon mais
d'inaccessible ",
c'est-à-dire qu'ils n'arrivent pas à profiter pleinement de
ce stage et ne peuvent, par conséquent, l'apprécier, le niveau
étant trop élevé.
Une enseignante du Lycée pilote de français de Pusan souligne
les problèmes de communication. Sauf exception, il ne peut
s'établir d'échanges entre les formateurs français et les
enseignants coréens, à cause d'une insuffisante maîtrise
réciproque de la langue. Les cours de conversation sont souvent
monopolisés par ceux qui n'ont pas peur de faire des fautes. S'il est
difficile d'inviter à prendre la parole les prudents ou les timides, il
n'est gère plus facile de faire taire les bavards minoritaires.
Un ancien professeur de français dans la province de Séoul
relève l'absence de formateurs capables d'écouter les enseignants
et de les aider à se former de façon continue. Les animateurs de
stage sont formés en littérature ou en linguistique, mais ont
rarement l'expérience d'enseignant de lycée. Par
conséquent, il leur est difficile d'analyser les besoins des enseignants
et de réfléchir ensemble sur les difficultés qu'ils
rencontrent quotidiennement dans leur classe. Beaucoup de participants
souhaitent l'intervention de leurs confrères du secondaire, en tant que
formateurs, afin de pouvoir discuter et trouver des solutions adéquates.
Le
stage de perfectionnement en France
serait également
perfectible. Le nombre annuel de participants restant limité à
une vingtaine, les candidats sont sélectionnés en fonction de
leur ancienneté, et non en fonction de leur compétence ni de leur
dynamisme.
Ce stage, qui a souvent lieu à Strasbourg, permet avant tout des
contacts directs avec la langue-culture française et améliore
leurs connaissances, ce qui les aide à mieux s'adapter à leur
travail. Sans jamais avoir vu la France, mais seulement à partir d'une
formation académique, il leur est impossible de satisfaire les besoins
et les attentes des élèves, curieux de savoir ce qui s'y passe
à l'heure actuelle. C'est la raison pour laquelle les enseignants
souhaitent partir en plus grand nombre et plus souvent. Ils apprécient
sincèrement ces six semaines de séjour qui leur permettent de se
mettre enfin dans le bain linguistique et culturel, car
" mieux
vaut
voir une fois que d'entendre cent fois "
selon un dicton
coréen. C'est aussi une reconnaissance de leur métier, non
seulement vis-à-vis d'eux-mêmes, mais surtout à
l'égard de leurs collègues et de l'Institution.