B. LES QUESTIONS POSÉES PAR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
1. Le rapport de la mission commanditée par l'UNESCO
En juillet 2008 a été examiné à Québec, lors de la 32 ème session du comité du patrimoine mondial, un rapport de mission de MM. Giovanni Boccardi et William Logan, respectivement représentants du Centre du Patrimoine Mondial et de l'ICOMOS 5 ( * ) , sur la ville de Luang Prabang (rapport des 27 et 28 novembre 2007).
Ce rapport concluait que, malgré l'excellent travail réalisé les douze années passées par les autorités lao, et particulièrement par la Maison du Patrimoine, la pression croissante du développement économique faisait peser des risques significatifs pour l'avenir de la ville et avait déjà conduit à la détérioration de l'état de conservation du patrimoine, au regard notamment de sa composante traditionnelle lao.
Plusieurs projets de développement, notamment le nouvel aéroport et la nouvelle ville sur la rive droite du Mékong, auraient un impact négatif sur le patrimoine, en termes d'intégrité visuelle et de pollution sonore. Dans le centre de la ville, des activités de construction illégales incluant la démolition et la reconstruction de bâtiments classés, la densification du tissu urbain et l'utilisation de matériaux inappropriés ont été constatés. Les structures traditionnelles lao, les jardins et mares seraient de ce fait menacés. La mission a constaté une altération de l'esprit local qui pourrait compromettre à long terme la viabilité même des monastères de Luang Prabang qui subsistent traditionnellement grâce aux offrandes de la population.
Les recommandations portaient sur le respect immédiat et la stricte application du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), un moratoire pour les projets les plus problématiques et une révision du plan urbain au niveau du district afin d'établir une zone tampon qui préviendrait les effets négatifs du développement urbain sur le site du patrimoine mondial.
La mission estimait même que si l'héritage traditionnel lao continuait de décliner, la ville de Luang Prabang pourrait se trouver dans une situation justifiant son inscription sur la liste du patrimoine mondial en danger.
2. La réaction des autorités lao
Le rapport de la mission de l'UNESCO a provoqué un vif émoi chez les autorités laos. Perçu comme un véritable signal d'alarme, ce rapport a amené les autorités laos à réagir et à réaffirmer leur détermination à préserver la ville de Luang Prabang.
Le Comité national pour le patrimoine mondial est désormais dirigé directement par le Vice-Premier Ministre, M. Songsavat Lengsavad. Le ministre de l'information et de la culture M. Mounkèo Olabun en est le vice-président. Un conseiller spécial a été spécialement désigné par le Vice-Premier Ministre pour suivre l'évolution du dossier.
Le Comité national a étudié les observations de la mission et tenu une réunion d'urgence afin de répondre aux observations la réunion au Québec.
Les autorités laotiennes ont rappelé que la loi de protection du patrimoine de Luang Prabang avait été approuvée le 10 novembre 2005 et elles ont réaffirmé leur volonté de respecter ce dispositif législatif, en prenant des exemples de décisions prises en faveur de la protection de la ville (ex : projet de transformation de l'école des Beaux Arts de la ville en hôtel refusé par les autorités lao, rénovation de l'école primaire de la ville en tuiles traditionnelles etc).
Lors de nos entretiens à Vientiane, M. Songsavat Lengsavad, s'est voulu rassurant. Sur le projet de création d'un pont sur la Nham Khan, le Vice-Premier Ministre a rappelé qu'il existait par le passé une passerelle en bois qui était installée pendant la saison sèche et retirée pendant la saison des pluies, mais il a affirmé que les autorités étaient intervenues pour éviter la construction d'une passerelle en fer. Il s'est montré déterminé à éviter de reproduire le développement urbain extravagant de la ville de Siem Reap au Cambodge, d'autant que le contexte n'est pas le même pour les deux villes : à Siem Reap, c'est le périmètre d'Angkor qui est protégé, pas la ville qui est à côté, à Luang Prabang, c'est le périmètre urbain lui-même qui est protégé.
Le Vice-Premier Ministre a souhaité faire une claire distinction entre le patrimoine vivant qui existe à Luang Prabang et, par exemple, le patrimoine du Vat Phu, site archéologique remarquable mais qui ne comprend pas d'habitants.
Il a enfin reconnu que se posait la question de l'organisation de la Maison du patrimoine elle-même afin qu'elle puisse remplir correctement son mandat. La Maison du patrimoine a été fondée en 1996 dans l'ancienne maison des douanes. Elle a acquis en 2001 le statut d'établissement public. Il s'agit désormais de reconstituer une équipe dynamique. Des architectes laotiens ont été formés, mais ils sont partis : il y a donc une nécessité de renouveler et surtout de garder les cadres.
* 5 Conseil international des monuments et des sites, organisation non-gouvernementale qui oeuvre à la conservation des monuments et des sites historiques dans le monde.