III. ENTRETIEN AVEC LA COMMISSION PERMANENTE DE L'ASSEMBLEE DU PEUPLE TIBETAIN EN EXIL
M. Louis de Broissia :
Le Prof. Samdhong Rinpoché nous a fait part de son espoir de pouvoir fixer un calendrier précis et proche de discussion avec la Chine. Nous croyons que la diplomatie parlementaire peut appuyer la diplomatie d'État. Par exemple, nous avons rencontré l'ambassadeur de Chine à Paris pour lui parler du Tibet.
En tant que parlementaires tibétains, êtes vous sollicités pour accompagner les efforts du Dalaï Lama à l'égard de la Chine ? Que pouvons nous faire pour aider votre propre diplomatie parlementaire ?
Mme Dolma Gyari, vice-présidente :
Les pays où existe une diplomatie parlementaire sont très nombreux. Il est parfois évident que le Congrès des Etats-Unis pense différemment que le président américain sur le sujet du Tibet. En France, il y a la politique de l'État et celle du Parlement.
Ce qui nous a semblé important, c'est d'appliquer les principes de la démocratie dès l'arrivée en exil. Mais ce n'est qu'à partir de 1990 qu'il y a eu une vraie participation de la population tibétaine à la démocratie. La Charte des Tibétains en exil de 1991 est notre Constitution. A cette époque, nous n'avions pas de gouvernement élu au suffrage universel direct. Toutefois, le pouvoir législatif était déjà considéré comme le pouvoir le plus important.
Il est prévu que toute la politique du Gouvernement en exil doit être menée selon les souhaits du Parlement en exil. Le Kashag est responsable de l'application des décisions du Parlement. C'est une responsabilité colossale des élus tibétains.
Il n'y a pas de répartition entre opposants et partisans du Gouvernement. Les députés sont sans parti politique. C'est pourquoi, lorsqu'un point important lui est soumis par le Kashag, le Parlement le soutient d'office le plus souvent. Toutefois, si ce point est sujet à controverse, nous faisons attention à ce qu'il puisse être débattu au Parlement.
Pour nous, le seul gouvernement légitime est celui dirigé par le Dalaï Lama.
La politique de la « voie médiane » est débattue et soutenue par le Parlement. Nous avons de grands espoirs de trouver une solution en nous appuyant sur cette « voie médiane ». Toutefois, si notre sincérité ne s'avère pas payante, il faudra bien remettre en question notre approche.
Dans cette démarche, nous savons pouvoir compter sur votre soutien.
M. Louis de Broissia :
Les parlementaires français ne sont pas seuls dans cette avancée vers l'autonomie. Il existe un intergroupe au Parlement européen, des groupes aux parlements anglais, allemands, américains... L'ensemble du monde occidental est d'accord pour vous accompagner, et souhaite que cela aille vite.
M. Philippe Nogrix :
Quelles sont vos relations avec le Gouvernement indien ? Quelle loi vous est applicable : l'indienne, ou la tibétaine ?
Un membre de la Commission permanente :
Les relations entre l'Inde et le Tibet sont très anciennes. Lors de notre arrivée en exil, nous avons connu des difficultés d'adaptation. Mais le Gouvernement indien a été très généreux. Le Parlement tibétain en exil fonctionne, le Gouvernement tibétain en exil fonctionne. La presse indienne nous fait l'amitié de donner à notre chef de cabinet le titre de Premier ministre. L'Inde nous a tout facilité. Mais nous ne pouvons pas anticiper pour l'avenir.
Un membre de la Commission permanente :
A la base, nous sommes assujettis à la législation indienne. Mais nous avons en plus notre propre administration et nos propres élus. Nous appliquons le droit tibétain, sauf en matière pénale et d'acquisition de terrains, où c'est le droit indien qui prévaut.
Mme Elisabeth Lamure :
Quel type d'informations reçoivent les Tibétains du Tibet ? Par ailleurs, votre Gouvernement les encourage-t-il à quitter le Tibet ?
Mme Dolma Gyari, vice-présidente :
De 1959 à 1979, on ne savait rien sur ce qui se passait au Tibet. Depuis 1979, nous avons commencé à avoir des relations avec les Tibétains « de l'intérieur ». Ceux-ci sont autorisés à sortir du Tibet, avec un passeport provisoire et à condition de déposer une caution. Mais d'autres fuient purement et simplement.
Depuis 1990, il existe une radiodiffusion en tibétain : Voice of America , Radio Free Tibet . Les autorités chinoises ont tenté de brouiller les ondes et les Tibétains doivent se cacher pour les écouter.
Le Gouvernement chinois veut brouiller aussi internet. Nous avons écrit au président Chirac pour évoquer cette grave question, car nous avons appris que c'est une société française qui fournirait l'équipement pour le brouillage. L'accès libre aux informations, quel qu'en soit le mode, est extrêmement important.
Nous n'avons jamais incité les Tibétains à l'exil. Certains très jeunes sont confiés au Dalaï Lama par leurs parents. Mais il ne faut pas oublier que la vie est difficile en Inde aussi. Des terrains nous ont été alloués par le Gouvernement indien en 1959-1960. Mais ils ne sont pas extensibles. Les Tibétains partent en exil à cause des difficultés rencontrées dans leur pays.
Un membre de la Commission permanente :
Les Tibétains quittent le Tibet à cause de la répression religieuse, des difficultés d'éducation, pour des raisons économiques enfin.