LA HONGRIE EUROPEENNE : UN PARTENAIRE SEDUISANT POUR LA FRANCE |
FRANCE - HONGRIE
Compte-rendu de la mission effectuée en Hongrie du 19 au 21 avril 2005 par une délégation du Groupe sénatorial interparlementaire France-Hongrie.
COMPOSITION DE LA DELEGATION DU GROUPE INTERPARLEMENTAIRE FRANCE-HONGRIE |
- M. Robert DEL PICCHIA, Président du groupe interparlementaire, Sénateur représentant les Français établis hors de France, Vice-Président de la Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, Membre de la Délégation parlementaire pour l'Union européenne,
- M. André LARDEUX , Sénateur de Maine-et-Loire, Membre de la Commission des Affaires sociales du Sénat, Secrétaire du groupe interparlementaire,
- M. François MARC , Sénateur du Finistère, Membre de la Commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation du Sénat, Vice-Président du Conseil général du Finistère, Vice-Président du groupe interparlementaire,
- M. Pierre MARTIN , Sénateur de la Somme, Secrétaire de la Commission des Affaires culturelles du Sénat, Vice-Président du Conseil général de la Somme, Président de la Communauté de communes d'Hallencourt, Vice-Président du groupe interparlementaire.
La délégation était accompagnée de Mme Gabrielle WATRIN , rédacteur des débats principal au Sénat, Secrétaire exécutif du groupe.
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Les membres de la délégation tiennent à remercier vivement leurs interlocuteurs hongrois de leur disponibilité et de leur accueil, ouvert et chaleureux.
Ils souhaitent également rendre un hommage appuyé au soutien constant de S. Exc. M. Philippe ZELLER , et saluer l'action déterminante du Chef de la Mission économique de Budapest, M. Jean-René COUGARD, et de son équipe.
Ils expriment enfin leur reconnaissance à tous ceux qui ont contribué à la réussite de la mission, notamment à S. Exc. M. André ERDÖS, Ambassadeur de Hongrie en France.
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Mardi 19 avril
9h45 Départ de Roissy - Charles-de-Gaulle pour Budapest.
11h55 Arrivée à l'aéroport de Budapest. Accueil par S. Exc. M. Philippe ZELLER, Ambassadeur de France en Hongrie, et par M. Zoltan ROCKENBAUER, député FIDESZ, Président du groupe interparlementaire Hongrie-France de l'Assemblée nationale de Hongrie, ainsi que par M. Jean-Marc GRAVIER, Premier conseiller à l'Ambassade de France.
13h00 Arrivée au Lycée Français de Budapest. Accueil par M. Serge PSAUME, Proviseur. Visite des locaux. Déjeuner avec le proviseur, la direction et des représentants de l'équipe pédagogique.
15h30 Entretien avec M. Henrik AUTH, Vice-Gouverneur de la Banque centrale, M. Istvan HAMECZ et Mme Katalin BARATOSSY, Directeurs.
16h45 Entretien avec M. Almos KOVACS, Secrétaire d'Etat adjoint au Ministère des finances.
19h30 Dîner offert par l'Ambassadeur de France en l'honneur de la Délégation, en présence de membres du groupe interparlementaire Hongrie-France de l'Assemblée nationale de Hongrie et de représentants de diverses institutions hongroises.
Mercredi 20 avril
8h00 Petit-déjeuner avec les représentants de la communauté d'affaires française en Hongrie, à l'hôtel Sofitel-Atrium.
9h15 Entretien avec M. Istvan SALGO, Secrétaire d'Etat adjoint au Ministère des Finances.
11h00 Entretien avec M. Zoltan ROCKENBAUER, Président, et les membres du groupe interparlementaire Hongrie-France de l'Assemblée nationale de Hongrie.
12h00 Déjeuner offert par M. Gabor HARS, Député MSZP, Président du groupe hongrois de l'Union interparlementaire, et par M. Zoltan ROCKENBAUER, Président du groupe interparlementaire Hongrie-France de l'Assemblée nationale de Hongrie.
14h00 Entretien avec M. Peter HARRACH, député FIDESZ, Vice-Président de l'Assemblée nationale de Hongrie.
15h00 Entretien avec Mme Agnes VARGHA, Secrétaire d'Etat adjointe au Ministère des Finances.
16h30 Accueil par M. Jean-Pierre DEBAERE, Conseiller de coopération et d'action culturelle, Directeur de l'Institut français de Budapest. Visite de l'Institut français et des services de coopération et d'action culturelle.
19h00 Soirée à l'Opéra à l'invitation de M. Zoltan ROCKENBAUER, Président du groupe interparlementaire Hongrie-France de l'Assemblée nationale de Hongrie.
21h30 Dîner offert par M. Jean-Pierre DEBAERE, Conseiller de coopération et d'action culturelle, Directeur de l'Institut français de Budapest.
Jeudi 21 avril
8h30 Départ pour Veszprém (Nord-Balaton)
10h00 Entretien avec M. Csaba KUTI (MDF), M. Zoltan KOVACS, Député FIDESZ, maire de Papa, Président de la Commission des collectivités locales et ancien président de la Commission à l'intégration européenne de l'Assemblée nationale de Hongrie, M. Tamas CSABAI, Directeur de la Chambre de commerce et d'industrie de Veszprém, et M. Ferenc KAPROS, entrepreneur.
12h30 Déjeuner offert par M. Csaba KUTI, Président du Conseil général du département de Veszprém.
14h30 Entretien avec M. Gabor NEMETH, Directeur général de VALEO. Visite du site de production.
19h25 Départ pour Paris.
21h45 Arrivée à Roissy - Charles-de-Gaulle.
INTRODUCTION
Le présent rapport fait suite au déplacement en Hongrie d'une délégation du groupe sénatorial interparlementaire France-Hongrie, du 19 au 21 avril 2005, dans le cadre de ses relations d'amitié avec le groupe interparlementaire hongrois et, tout particulièrement, de l'année de l'économie hongroise en France.
La précédente mission du groupe s'était située à la veille du référendum d'adhésion qui s'est tenu le 12 avril 2003 et par lequel 83,9 % des votants ont voté « oui » et ainsi confirmé le soutien de la population hongroise à l'adhésion de la Hongrie à l'Union européenne, donnant au Premier ministre un mandat pour signer le traité d'adhésion, à Athènes, le 16 avril 2003. Entrée dans l'Union européenne le 1 er mai 2004, la Hongrie est le deuxième pays, après la Lituanie, à avoir ratifié le Traité établissant une Constitution pour l'Europe par vote du Parlement, le 20 décembre 2004, à une écrasante majorité de 322 sur 385 députés.
Beaucoup d'événements s'étant déroulés depuis, l'objectif de notre mission était de s'informer de la situation de la Hongrie, un an après son intégration au sein de l'Union européenne, plus particulièrement sur le plan économique, à la faveur d'entretiens accordés par de nombreuses personnalités hongroises, et de faire le point des relations franco-hongroises, notamment sous l'angle économique, dans la perspective de donner un nouvel élan à nos relations bilatérales.
Même s'il importait, pour faciliter la compréhension des débats, de resituer cette visite dans un cadre un peu plus large, ce rapport n'a pour ambition ni de dresser un tableau exhaustif des ressorts et des faiblesses de l'économie hongroise, ni d'évaluer les mérites relatifs de la Hongrie au sein des nouveaux Etats membres. C'est pourquoi ses sources proviennent pour l'essentiel des échanges entre la délégation française et ses interlocuteurs hongrois et, pour partie, d'informations complémentaires s'inscrivant dans le droit-fil des sujets qui ont été soulevés. Dans le souci de montrer la continuité des travaux du groupe d'amitié figurent également quelques emprunts aux précédents rapports, à titre de rappel historique.
La délégation française a estimé à son retour que les objectifs de cette visite, courte mais dense, avaient été atteints. Ses différents interlocuteurs se sont exprimés avec chaleur et clarté et ont montré une liberté de parole très appréciée. Elle a pu vérifier que ce pays avait accompli des efforts intenses, sautant des étapes, dans son désir ardent et passionné de rejoindre l'Union européenne, comme l'aboutissement d'un rêve qui mettrait un terme aux angoisses du passé.
Cette mémoire collective douloureuse est présente dès la salle d'accueil du bâtiment du Conseil général de la ville de Veszprém, où figurent onze cartes géographiques pour illustrer les multiples changements de frontières du pays au cours de l'histoire. Avec l'Europe, la Hongrie peut espérer au moins la stabilité en ce domaine.
Notre délégation a également entendu des craintes qui concernent assez largement l'évolution de la société hongroise, le changement du modèle familial et des valeurs, l'irruption peut-être trop brutale de revendications de libertés diverses qui ne trouvent pas toujours de contreparties dans le respect des règles sociales. Mais l'inquiétude la plus vive réside dans l'effondrement démographique, qui constitue une réelle menace pour l'économie, mais aussi pour l'avenir de la Hongrie. Comment se réjouir du nombre élevé d'étudiants en université, si celui-ci est supérieur à celui des enfants en maternelle ?
En outre, nos interlocuteurs hongrois ont manifesté une réelle lucidité sur la situation actuelle de la Hongrie. Le sentiment prévaut que l'effort important consenti pour répondre aux exigences de l'intégration doit maintenant se trouver relayé par une véritable course de fond qui n'exclut pas les sacrifices. Chacun reconnaît que le pays est dans une phase d'apprentissage, que l'économie hongroise n'est pas préparée à affronter la concurrence et qu'il lui faut augmenter sa compétitivité. M. Zoltan ROCKENBAUER , président du groupe interparlementaire hongrois, le souligne : " A l'heure actuelle, le niveau de vie des nouveaux Etats membres est très faible. Il faut faire de gros efforts pour l'élever. Cela prendra des décennies."
La Hongrie sait qu'elle devra mobiliser son énergie et compter beaucoup sur elle-même. La question du niveau de son déficit budgétaire et de son endettement est naturellement au coeur des débats, car elle renvoie aussi bien à l'exigence de la rigueur et de la réforme du service public, et donc à un risque de fissure dans le consensus politique, qu'au sentiment parfois d'incompréhension, voire d'injustice, de la part d'une Europe jugée dure à l'encontre du pays.
Parallèlement, la Hongrie attend beaucoup des soutiens extérieurs, qu'il s'agisse de la solidarité communautaire, des investissements directs des entreprises étrangères pour prolonger ceux des grandes multinationales, ou de relations bilatérales telles celles qui se sont établies avec la France, où les aspects économiques se mêlent aux liens privilégiés dans les domaines politique et culturel.
Les relations économiques entre la France et la Hongrie ont connu un développement important après la transition politique. Aujourd'hui, elles ne s'accroissent plus guère. Pourtant, les opportunités pour les développer existent, les Hongrois en sont persuadés. Les PME françaises sont encore largement absentes, laissant le terrain aux voisins, notamment allemands ou autrichiens. Pour franchir le seuil, nos entreprises ont probablement besoin d'être informées et convaincues du marché important que représente la Hongrie et des vrais atouts dont le pays dispose. C'est probablement d'une meilleure connaissance des réalités économiques et sociales hongroises et des initiatives prises par le pays d'accueil pour encourager les investisseurs que dépendra le nouvel élan.
Formons le voeu que cette mission du groupe d'amitié, ainsi que la réalisation du présent rapport, contribuent, même de façon modeste, à renforcer le désir de nos deux pays de travailler plus et mieux ensemble.
La Hongrie a parfaitement réussi le parcours qu'elle s'était tracé pour atteindre son objectif d'adhésion à l'Union européenne. Le défi désormais pour elle est de parvenir rapidement à prendre toute sa place au sein de l'Union. Pour ce faire, il lui faudra préserver un fragile équilibre entre le maintien du cap économique et le consensus politique et social qu'avait suscité l'adhésion.
I. L'ADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE : UN PARCOURS RÉUSSI
Ces dernières années, toute la vie politique et économique a été tournée vers l'adhésion. Depuis la transition politique, les différents gouvernements en place, malgré la répétition des alternances, ont tous eu en ligne de mire l'adhésion à l'Union européenne. Le consensus qui s'est dégagé à cet égard a bien reflété l'enthousiasme exprimé par le pays lors du référendum du 12 avril 2003 en faveur de l'adhésion : les 83,9 % en faveur du « oui » ont confirmé l'attachement au projet européen de l'opinion hongroise traditionnellement favorable à l'adhésion pour une large majorité.
A. UNE TRANSITION POLITIQUE DANS LA STABILITÉ
La Hongrie s'est rapprochée de l'Europe en se dotant d'institutions politiques démocratiques. Elle a largement amendé sa Constitution de 1949 , héritée de la période communiste, et a opté pour un régime parlementaire monocaméral, marqué par la prépondérance du Premier ministre. Ce dernier est renforcé au regard du Parlement par la règle de la « défiance constructive », qui contraint l'Assemblée nationale à désigner son successeur dans l'hypothèse où elle voudrait le renverser, tandis que le Président est cantonné dans un rôle d'arbitre.
Une « table ronde nationale » associant toutes les forces politiques du pays (ancien pouvoir et nouveaux partis) a mis au point un mode d'élection mixte, mêlant un scrutin uninominal à deux tours et deux scrutins proportionnels (départemental et national) et fixant à 5 % le seuil à atteindre pour être représenté dans le cadre du scrutin proportionnel.
Ce système qui, dans l'esprit de ses concepteurs, avait vocation à n'être utilisé qu'une seule fois pour les premières élections libres de 1990, a été conservé en raison des mérites qui lui sont reconnus. C'est notamment un facteur de stabilité, car il a toujours permis de dégager des majorités nettes et d'éviter une trop grande fragmentation des forces politiques.
C'est ainsi que les trois gouvernements respectivement issus des élections législatives de 1990, 1994 et 1998 ont accompli leur mandat jusqu'au terme de leur législature, à l'issue de laquelle une alternance politique est intervenue régulièrement : en 1990, le parti de centre-droit, le Forum démocratique hongrois (MDF), a remporté la victoire ; en 1994, c'était au tour d'une coalition de gauche conduite par M. Gyula HORN . Les élections de 1998 ont donné la majorité à une coalition de droite et de centre-droit dirigée par M . Viktor ORBAN .
Les élections des 7 et 21 avril 2002 ont donné la victoire à l'opposition de gauche, dirigée par M. Peter MEDGYESSY : sur 386 sièges, la gauche en a obtenu 198 (178 pour le MSZP - Parti socialiste hongrois -, 20 pour le SZDSZ - Alliance des démocrates libres), contre 188 pour la coalition dirigée par M. ORBAN (164 pour le FIDESZ - Alliance des jeunes démocrates -, 24 pour le MDF - Forum démocratique hongrois).
Ces dernières élections législatives ont accentué la bipolarisation du paysage politique hongrois. Les suffrages des électeurs se sont massivement portés sur les deux grandes formations - MSZP (parti socialiste hongrois) et FIDESZ (alliance des jeunes démocrates) et la législature ne compte plus que 4 partis parlementaires, contre 6 dans la précédente.
Une nouvelle alternance pourrait émerger des prochaines élections qui auront lieu en 2006.
Le 7 juin 2005, M. Laszlo SOLYOM, ancien président du Conseil constitutionnel, a été élu Président de la République, succédant à M. Ferenc MADL . L'élection a eu lieu au Parlement. C'est le candidat soutenu par l'opposition FIDESZ et MDF qui l'a emporté de 3 voix (185 contre 182) sur Mme Katalin SZILI , présidente du Parlement, candidate du parti socialiste MSZP.
Sur l'ensemble de ces développements, il est possible de se référer au rapport de mars 2003 du groupe interparlementaire.