CONCLUSION
L'un des
traits caractéristiques du système régional italien est
son adaptation à la diversité des situations, sans souci excessif
d'uniformité. Ainsi, la variété de la taille des
régions, qui va des 200.000 habitants du Val d'Aoste aux
6 millions d'habitants de la Lombardie, épouse au plus près
les réalités géographiques et historiques de l'Italie. De
même, la diversité des statuts régionaux en cours
d'élaboration est une éventualité admise, puisque chaque
région est libre de voter le sien différemment de celui de ses
voisines.
Les Italiens se sont également efforcé d'apporter une
réponse aux particularismes les plus marqués, en créant
cinq régions à statut spécial avant même que soient
effectivement mises en place les régions ordinaires. Il y avait une
urgence particulière à agir en Sicile, qui se trouvait en 1946 en
situation pré-insurrectionnelle. Certains de nos interlocuteurs nous ont
d'ailleurs poliment laisser entendre qu'ils ne comprenaient pas pourquoi la
France n'avait pas depuis longtemps réglé le problème de
la Corse en lui accordant un statut de large autonomie. Mais, aujourd'hui, face
à l'évolution des régions ordinaires vers plus
d'autonomie, les régions à statut spécial ont le sentiment
de perdre progressivement ce qui faisait leur spécificité.
L'Italie demeure un État unitaire mais, pour reprendre l'expression de
l'un de nos interlocuteurs, elle semble « sur le chemin vers le
fédéralisme ». De fait, tous les partis politiques
italiens adoptent désormais des positions fédéralistes,
à l'exception de Refondation communiste. L'un des signes que
l'organisation régionale italienne obéit à une inspiration
de nature fédérale est le fait que les régions sont
dotées d'un pouvoir législatif. Les compétences exclusives
de l'État font l'objet d'une liste nominative, tandis que les
régions, au-delà d'une liste de compétences
partagées pour lesquelles l'État fixe les principes
généraux, détiennent de manière résiduelle
la compétence législative générale. En
complément logique de ce partage des compétences, les
régions ont la possibilité de contester devant la Cour
constitutionnelle les lois de l'État qui empièteraient sur leurs
propres compétences. De même, les régions ont la charge de
transposer les directives communautaires intervenant dans leurs domaines de
compétence.
Le régionalisme italien se caractérise aussi par une certaine
personnalisation du pouvoir. Une réforme récente a prévue
l'élection du Président de région au suffrage universel
direct. Et les autres membres de la Junte, le gouvernement régional,
procèdent du Président. Auparavant, les exécutifs
régionaux étaient faibles et ne duraient que neuf mois en moyenne.
Sans être dans un système fédéral, la participation
des régions au processus de décision étatique est
assurée. En effet, elles sont représentées au sein de la
Conférence unitaire, dont les avis font autorité. Il existe par
ailleurs au sein du Parlement une commission bicamérale pour les
affaires régionales, composée de 20 députés et 20
sénateurs, avec la possibilité d'une participation des
représentants des régions et des autres collectivités
locales. Par ailleurs, le Gouvernement de M. Silvio Berlusconi défend un
projet de représentation des régions au sein de la Cour
constitutionnelle, ainsi qu'un projet de réforme du Sénat, qui
dispose aujourd'hui de prérogatives identiques à celles de la
Chambre des députés. Dans une logique très
fédéraliste, celui-ci serait transformé en Chambre des
régions, basée sur trois circonscriptions : Nord, Centre et
Sud.
Enfin, comme en France, ce sont les finances qui constituent le nerf de la
guerre de la réforme régionale. Les régions italiennes se
sont vu transférer le produit d'impôts d'État perçus
sur leur territoire, et accorder la possibilité de créer des
impôts nouveaux. Malgré tout, leurs recettes ne semblent pas
croître au rythme de leurs charges. Dans ce domaine, le point de vue des
régions les plus riches n'est pas celui des régions les plus
pauvres. L'écart Nord Sud ne s'est pas résorbé en Italie,
et plusieurs de nos interlocuteurs ont souligné la
nécessité de concilier le fédéralisme et le
principe de solidarité.