TABLE RONDE 4 -
GABON DES
SERVICES (TRANSPORT, LOGISTIQUE, NUMÉRIQUE)
Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique
Ont participé à cette table ronde :
M. Justin NDOUNDANGOYE, Ministre des Transports et de la Logistique de la République gabonaise
M. Christian MAGNI, Adjoint Directeur général, SETRAG
M M. François TARTARIN, Sales Manager Africa & Asia, CIM GROUPE
M. Jean-François OLLIVIER, Directeur général, BOLLORE TRANSPORT & LOGISTICS Gabon
M. Frédéric DESCOURS, Directeur Général, AIR FRANCE KLM Afrique Centrale
M. Arnaud FLEURY - Monsieur le Ministre, quelles sont les priorités de votre action ? Nous savons que les infrastructures sont un enjeu essentiel pour faire du Gabon un pays émergent et diversifié. Beaucoup de travail reste à faire, notamment sur les routes. Des actions ont été menées sur le ferroviaire et le portuaire avec la rénovation du Transgabonais.
M. Justin NDOUNDANGOYE - Le premier axe de développement est la réhabilitation totale du chemin de fer, qui est l'outil essentiel de transport et d'évacuation de matières premières (bois, manganèse), mais aussi du fret et des passagers. Le deuxième axe est la restructuration du département ministériel Transport par la mise en place d'un cadre réglementaire adapté, la réorganisation des différentes directions, la construction d'un nouvel aéroport, de gares routières et de stations maritimes.
M. Arnaud FLEURY - En matière routière, beaucoup reste à faire. Ce frein est souvent mis en avant dans le mauvais classement du Gabon pour ce qui est de l'environnement des affaires.
M. Justin NDOUNDANGOYE - Dans l'approche définie lors de l'accession au pouvoir du président de la République, nous pensions avoir les capacités de développer l'infrastructure routière. Avec la chute brutale des cours, nous repensons des partenariats public-privé (PPP) pour développer cette infrastructure.
Nous réhabilitons également l'ensemble des régies de travaux publics, installées dans les neuf provinces du Gabon, pour les redynamiser.
M. Arnaud FLEURY - Vous avez cité les PPP, dont plusieurs se font avec des Chinois. Comment faire en sorte qu'il y ait davantage de Français ?
M. Justin NDOUNDANGOYE - Effectivement, les Chinois sont majoritaires aujourd'hui, mais n'oublions pas que Colas a sa part de marché et est engagé dans la réhabilitation de l'ensemble des réseaux urbains de Libreville et Franceville. Un financement de la Banque mondiale nous accompagne.
M. Arnaud FLEURY - La construction du nouvel aéroport de Libreville est-elle certaine ?
M. Justin NDOUNDANGOYE - Elle est en phase de lancement, sur un site de 4 500 hectares situé dans la zone nord de Libreville, à 30 km de la ville. Ce site abritait une douzaine de villages. Les populations ont été déplacées et dédommagées. Nous avons également déplacé 112 tombes. Nous développons un partenariat avec le Ministère de l'Environnement, puisque le Président de la République attache un grand prix à ces questions. Une convention est en cours de signature. Nous pourrons ensuite commencer la déforestation.
M. Arnaud FLEURY - Combien représente cet investissement ?
M. Justin NDOUNDANGOYE - C'est un important projet pour le pays mais le montage financier n'est pas achevé, je ne peux donc pas me prononcer sur un chiffre.
M. Arnaud FLEURY - Là aussi, les Français semblent insuffisamment représentés.
M. Justin NDOUNDANGOYE - Notre partenariat avec le gestionnaire Aéroport de Libreville (ADL) a pris fin en 2018, après 30 ans. Il était irréprochable. Pour le nouvel aéroport, nous discutons avec Egis et Thalès. L'objectif est de mettre en place un écosystème et de faire intervenir tous les spécialistes. On a tendance à dire qu'Olam est en tête, mais Olam ne crée qu'un écosystème où les intervenants sont de différentes nationalités.
M. Arnaud FLEURY - Vous avez raison de le souligner. Egis est-il concessionnaire de l'aéroport actuel ?
M. Justin NDOUNDANGOYE - Nous avons mis un terme à ce contrat, mais Egis se retrouve dans nos projets de futur aéroport.
M. Arnaud FLEURY - Quel message souhaitez-vous transmettre à la salle ? Nous avons toujours l'impression que les transports passent en dernier, mais ils sont essentiels pour le développement du pays.
M. Justin NDOUNDANGOYE - Tout ce qui a été évoqué durant ce colloque ne peut se faire sans les transports. Ce département ministériel est un support à l'activité économique, qu'il facilite. C'est pourquoi nous tenons à jouer notre rôle dans le changement en cours, en créant des infrastructures modernes qui permettront d'écouler facilement la production et assurer la mobilité des personnes.
M. Arnaud FLEURY - Combien coûte cette remise à niveau des infrastructures ?
M. Justin NDOUNDANGOYE - Je ne peux pas m'avancer sur les chiffres, car les infrastructures relèvent d'un ministère spécifique. Je ne porte que la politique Transport. Nous avons organisé un atelier de travail pour réglementer tous les projets que nous avons dans le bail. Nous procéderons ensuite aux modèles économiques et études de faisabilité.
M. Arnaud FLEURY - Les transports publics sont souvent laissés pour compte. Le métro pourrait-il être développé à Libreville ? Pourrait-il y avoir un train express régional (TER) comme à Dakar ?
M. Justin NDOUNDANGOYE - La société gabonaise des transports est en pleine restructuration. Nous révisons le cadre même de création de cette entité. Nous professionnalisons son mode de fonctionnement et de gestion.
Le grand Libreville englobe deux communes voisines, Akanda et Owendo. Le futur aéroport est situé à 50 km de ces deux villes. Nous envisageons donc un TER. Nous étudions actuellement les données pour monter ce projet.
M. Arnaud FLEURY - Le Transgabonais est marquant pour les esprits. Il s'enfonce sur 650 km dans la forêt pour rapporter du manganèse et des grumes. Un gros projet de remise à niveau de l'entreprise est en cours, pour 315 millions d'euros. En quoi cela peut-il intéresser l'offre française ?
M. Christian MAGNI - Le Transgabonais a été construit à la fin des années 1970 et achevé à la fin des années 1980. Les 100 premiers kilomètres de réseau ont connu des problèmes lors de leur construction, en raison de l'instabilité du sol et de la sous-maintenance. Le niveau de développement du pays a amené l'État et la Setrac à consentir à un investissement, qui permettra la remise en état de la plate-forme sur ces 100 km.
Nous travaillons avec des entreprises françaises, au premier rang desquelles Setec, qui a étudié toutes les solutions géotechniques. Colas met en oeuvre ce programme de traitement des zones instables. La remise à niveau de la voie sera effectuée par l'entreprise ETF, qui posera des traverses en béton. Enfin, la SNCF réalise l'audit de cette remise en état.
M. Arnaud FLEURY - Il faut aussi renouveler les wagons et locomotives, la maintenance, les technologies de signalisation et numériser les postes de contrôle. Le projet est imposant et varié.
M. Christian MAGNI - La capacité actuelle de transport est limitée à sept millions de tonnes en raison des problèmes de la plate-forme, et des modes de gestion concentrés sur l'homme, qui limitent le nombre de trains envoyés. En outre, la cohabitation avec les riverains pose problème, notamment dans les trente premiers kilomètres autour de Libreville. Nous investissons donc dans la sécurisation des passages à niveau, qui seront informatisés, et dans la numérisation du mode de gestion.
M. Arnaud FLEURY - Est-il facile de numériser la signalisation et le contrôle ? Avez-vous besoin d'une expertise française ?
M. Christian MAGNI - Tous ces projets sont menés avec plusieurs entreprises, dont certaines sont françaises. Pour la numérisation et les passages à niveau, nous travaillons avec Systra.
M. Arnaud FLEURY - Que faut-il savoir d'autre sur le Transgabonais ? D'autres développements sont-ils possibles ? Si la mine de fer de Bélinga, à la frontière camerounaise, se développait, une jonction ferroviaire deviendrait-elle prioritaire ?
M. Christian MAGNI - Oui. Le périmètre actuel de la Setrag est limité aux 650 km, mais l'Etat gabonais souhaite développer avec d'autres partenaires l'exploitation des mines de Bélinga, le minerai de Maboumine, et peut-être un autre projet vers Port-Gentil. Le ferroviaire serait probablement le moyen le plus simple d'évacuer les produits vers le port.
M. Justin NDOUNDANGOYE - Le Transgabonais est un chemin de fer monovoie. Nous étudions la possibilité de voies de contournement, pour faciliter la fluidité et les croisements, et d'embranchements partant de zones telles que Bélinga ou Maboumine. Nous réalisons des études de faisabilité technique de l'ensemble de ce projet pour que le chemin de fer desserve la totalité du Gabon en fonction de ses potentialités minières.
M. Arnaud FLEURY - Vous portez, a priori , un regard positif sur l'expertise française sur le ferroviaire.
M. Justin NDOUNDANGOYE - Contrairement à ce que l'on peut penser, dans l'ensemble des domaines où nous intervenons, nous travaillons déjà avec plusieurs entreprises françaises. Pour l'aéroport, nous avons travaillé avec Thalès et Egis. Nous sommes disposés à aller plus loin.
M. Aranud FELURY - A-t-on abordé tous les aspects de la Setrag ?
M. Christian MAGNI - Concernant la responsabilité sociale (RSE), plusieurs villages et villes proches de la voie ferrée sont alimentés en électricité par la Setrag, car le réseau national ne les couvre pas tous.
M. Arnaud FLEURY - Monsieur Tartarin, Cim est une belle PME française située en Essonne. Vous pratiquez le négoce de pièces détachées et représentez de gros acteurs ferroviaires mondiaux pour des pays assez éloignés. Quelle est la stratégie d'une PME comme la vôtre sur les problématiques ferroviaires d'un pays comme le Gabon, qui a de gros investissements en perspective ?
M. François TARTARIN - Cim n'est pas un acteur très connu, sauf dans le secteur ferroviaire. J'ai découvert le Gabon il y a une quinzaine d'années, lorsque je travaillais pour les services économiques, ce qui m'a conféré une approche multisectorielle. Cette zone est très accueillante et très riche sur de nombreux plans. Cet aspect est important, car pour participer au développement et à la diversification d'un pays, il faut aussi être en contact avec la zone et la population.
Nous vendons du matériel roulant, puisque nous représentons la marque de locomotives américaine EMD, ainsi que Comilog et Setrag.
M. Arnaud FLEURY - La maintenance est essentielle dans un pays aux conditions climatiques telles qu'au Gabon et sur un projet aussi lourd que le Transgabonais.
M. François TARTARIN - La maintenance est essentielle partout, puisque dès qu'un train est arrêté, il bloque toute la circulation, d'autant plus que la voie est unique.
Pour accompagner le développement, nous installons sur place un magasin de pièces détachées pour approvisionner l'ensemble des acteurs. Ils sont de plus en plus nombreux avec l'arrivée des zones économiques spéciales (ZES).
M. Arnaud FLEURY - Etes-vous intéressés par la ZES, par une participation à l'amélioration des infrastructures, puisque les entreprises s'y implantent ?
M. François TARTARIN - Exactement. Nous sommes présents au Gabon depuis plus de cinquante ans, comme chez tous les opérateurs d'État ou miniers d'Afrique. Notre but est d'accompagner le développement et de fournir tout ce qui est nécessaire, de la conception de la voie, puisque nous possédons les ressources en interne, jusqu'à la fourniture du contrat de maintenance et de l'atelier.
M. Arnaud FLEURY - L'idée est d'ouvrir une structure à Libreville.
M. François TARTARIN - Oui. Nous souhaitons être au plus près et diminuer les temps logistiques, qui sont très longs dans le ferroviaire. Nous voulons participer à l'efficacité du transport logistique, point essentiel du développement économique.
M. Arnaud FLEURY - Cim a aussi lancé une deuxième activité, Cim Projects, qui participe à des projets de construction de lignes de métro et tramway. Y a-t-il à terme un potentiel en transports légers au Gabon ? La croissance exponentielle de Libreville pose problème et nécessitera une planification urbaine et de transport collectif.
M. François TARTARIN - Le transport durable est une nécessité. Nous avons fait partie de consortiums pour réaliser des lignes de tramways et métros en Amérique latine et centrale. L'Afrique étant notre domaine d'application depuis l'origine de la société, nous espérons faire partie de tous les projets à l'étude en Afrique, ce qui est très ambitieux. Nous participons au TER de Dakar et à la maintenance à Abidjan. Nous tentons de nous placer sur des projets très récents comme celui de Nairobi et nous avons entendu avec beaucoup d'attention évoquer le projet de Libreville.
La circulation dans Libreville a récemment été désengorgée par de nouvelles routes. Beaucoup d'améliorations ont été faites. Comme dans de nombreuses villes africaines, l'urbanisation est galopante et un transport urbain durable sera nécessaire.
M. Arnaud FLEURY - Monsieur Ollivier, Bolloré est présent dans les concessions portuaires, le transit maritime et aérien, la vente de fret, etc. Quelle est sa stratégie au Gabon ?
M. Jean-François OLLIVIER - Notre politique est très claire et très engagée sur l'Afrique, notamment sur le Gabon. Elle vise en permanence à l'amélioration de la fluidité de la logistique, ce qui passe par plusieurs critères : intégration de la logistique aérienne et maritime, création de plates-formes intermédiaires, etc. La spécificité africaine est que les ports sont souvent partie intégrante des villes. Il faudra trouver des solutions intermédiaires de ports secs pour éviter les goulets d'étranglement à la sortie des ports. Nous visons également la diminution des coûts de passage des marchandises et l'optimisation des cadences de chargement et déchargement.
M. Arnaud FLEURY - Vous possédez la concession sur les conteneurs. Que peut-on dire du port de Libreville par rapport à d'autres villes africaines ?
M. Jean-François OLLIVIER - Nous opérons également au Congo et au Cameroun. En 2018, nous avons revu notre politique tarifaire, la baissant de 40 % sur les produits de première nécessité et globalement de 25 %. Nous avons réduit les tarifs de transport de 15 %, à la demande du Ministère. L'export a aussi fait l'objet de discussions et d'une baisse de 15 % en raison de la montée en puissance des exportations de grumes.
Il faudrait recentrer le débat. Nous avons souvent été mis à l'index de par des situations monopolistiques sur les conteneurs. Le passage portuaire que nous gérons représente environ 4 % du prix de la marchandise. Nous avons effectué d'importantes remises, bien que ces tarifs datent de plus de dix ans et malgré l'inflation. Malheureusement, les retombées sur le « « panier de la ménagère » n'ont pas été conséquentes. Tous les acteurs de la chaîne doivent se recentrer pour y parvenir.
M. Arnaud FLEURY - Vous parvenez à mieux vous faire entendre des douanes, bien que ce ne soit pas simple en raison des importations parallèles et du récent trafic de bois. Quel est votre regard sur les douanes et quel conseil donneriez-vous à un exportateur français ?
M. Jean-François OLLIVIER - Il vaut mieux prévenir que guérir. C'est valable dans tous les pays, y compris la France. Il est préférable de se renseigner en amont et étudier le sujet avec les douanes. Leur écoute vis-à-vis des opérateurs s'est nettement améliorée.
M. Arnaud FLEURY - Est-il long de dédouaner ?
M. Jean-François OLLIVIER - Les délais sont variables. Sur l'import, ils vont de cinq à huit jours. L'objectif est de les réduire.
M. Arnaud FLEURY - Quelle est la stratégie de Bolloré dans les nouveaux métiers de la chaîne d'approvisionnement ( supply chain ) : aller jusqu'au dernier kilomètre ?
M. Jean-François OLLIVIER - Notre groupe nous permet de travailler de bout en bout sur la destination Gabon. Nous diversifions toute la chaîne d'approvisionnement et la gestion de stocks. Nous avons monté un hub pour fluidifier de la montée et la descente des bois transformés conteneurisés. Les descentes s'effectuent directement sur le terminal ; à terme, les déclarations de douane seront incluses.
M. Arnaud FLEURY - Quelle est la stratégie globale du groupe sur le Gabon ? Vous êtes très présents en Afrique de l'Ouest, entre autres. Ce pays n'est pas le plus important de la zone, mais a du potentiel et un niveau de vie élevé.
M. Jean-François OLLIVIER - Je ne me permettrai pas de répondre concernant les médias. Nous sommes déjà présents à travers Canal et Havas et sur la fibre optique aérienne via Vivendi. Je resterai sur mon domaine de la logistique. La politique du groupe est globale en Afrique, comme nous l'avons démontré l'année dernière avec l'achat d'infrastructures portuaires importantes. Nous continuerons à nous développer en Afrique et particulièrement au Gabon, peut-être sur Port-Gentil qui sera redynamisé par son désenclavement.
M. Arnaud FLEURY - Il n'y a pas que les hydrocarbures à Port-Gentil. On peut y mettre des conteneurs.
M. Jean-François OLLIVIER - Nous avons remis nos structures portuaires aux normes internationales. Le Gabon n'a donc pas à rougir par rapport à ce qui se pratique dans le monde. Les autres projets, comme au Cameroun, sont menés en parallèle, sans confusion, mais avec des synergies à terme. Une plate-forme importante comme celle du Cameroun permettrait une desserte plus rapide du Gabon, avec des navires plus petits. Lorsque j'ai commencé au Gabon, il y a une dizaine d'années, la référence était les bateaux de 1 000 conteneurs. Nous sommes aujourd'hui à 6 000.
M. Arnaud FLEURY - Constatez-vous une reprise du trafic de conteneurs ?
M. Jean-François OLLIVIER - Sur ces trois dernières années, les importations ont augmenté de 2 %, et l'exportation de 42 %.
M. Arnaud FLEURY - Monsieur Descours , Air France KLM Afrique Centrale est basé à Libreville. Avec la reprise économique, constatez-vous la reprise du trafic de passagers et de fret sur le Gabon ?
M. Frédéric DESCOURS - Air France est un partenaire historique du Gabon, où nous opérons depuis 72 ans. Nous sommes la plus ancienne compagnie aérienne sur place. Effectivement, le trafic reprend, notamment grâce à la baisse tarifaire qu'Air France met en place depuis 2018. Avec un vol quotidien vers la France en Boeing 777, nous créons un véritable pont aérien entre le Gabon et Paris, ainsi qu'une ouverture vers le monde. Partant de Libreville à 23 heures, le passager arrive à 6 heures à Charles-de-Gaulle, d'où il accède à plus de 1 000 destinations grâce à Air France et ses partenaires.
M. Arnaud FLEURY - Vous êtes la seule ligne directe sur la France. Port-Gentil était un aéroport international avant la chute du pétrole. Souhaiteriez-vous y revenir s'il remontait durablement ?
M. Frédéric DESCOURS - Ce n'est pas d'actualité. Nous avions étudié cette option en 2014, lorsque le prix du baril atteignait des sommets. Toutefois, nous avons toujours une agence à Port-Gentil, outre nos deux agences à Libreville et son aéroport.
M. Arnaud FLEURY - Que dire du fret ?
M. Frédéric DESCOURS - Le fret est important également. Air France transporte 130 000 passagers par an et a importé 6 000 tonnes de fret en 2018. Nous possédons environ 43 % de part de marché. Nous importons toute sorte de produits.
M. Arnaud FLEURY - Comment Air France investit-il au Gabon ? Participe-t-il à l'économie gabonaise en termes de RSE, d'aide aux entrepreneurs, de création d'une filière aéroportuaire ?
M. Frédéric DESCOURS - Nous avons installé notre direction générale d'Afrique centrale à Libreville parce que nous nous y sentons bien professionnellement et personnellement. Il est facile d'y faire des affaires, même si certains aspects sont à améliorer. La présence d'Air France ne concerne pas que les emplois directs, mais plus de 1 000 emplois indirects et 500 fournisseurs. Le Gabon est aussi une destination privilégiée pour le groupe. En 2015, nous y avons mis l'une des premières nouvelles cabines Air France. Nous continuerons à investir. Je ne connais pas beaucoup de pays à deux millions d'habitants qui bénéficient d'un vol quotidien vers la France. Toute la flotte d'Air France sera connectée au WIFI et les vols vers le Gabon le seront dès le 31 mars. Nous pensons rénover nos agences pour offrir une meilleure expérience à nos clients gabonais.
M. Arnaud FLEURY - Vous recevez toute la clientèle du pétrole.
M. Frédéric DESCOURS - Oui. Il est important, pour nos passagers loisirs comme pour les entreprises, qu'Air France soit présent sur cette ligne et le reste.
M. Arnaud FLEURY - Le Gabon est sur la liste noire de l'Union européenne et de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Aucune compagnie gabonaise ne peut donc aller vers l'Europe et les partenariats sont difficiles à créer. Je crois que le Gabon a de bons espoirs d'en sortir. Qu'est-ce que cela changerait pour Air France ?
M. Frédéric DESCOURS - Je sais que le Ministre des Transports travaille fortement pour changer cette situation. Cela permettrait de continuer à améliorer les infrastructures aéroportuaires au Gabon et l'attractivité des aéroports, notamment par un soulagement des taxes pour les compagnies aériennes. Cela permettrait aussi d'aller vers la numérisation des infrastructures (paraphe aux douanes, bornes d'enregistrement, etc.). Air France participe à certains comités sur ces sujets.
M. Justin NDOUNDANGOYE - Effectivement la sortie du Gabon de ces listes noires améliorerait son image à l'international. Elle permettrait aussi d'enregistrer le retour du pays dans l'aviation civile internationale. Nous figurons sur cette liste depuis 2008, mais le contrôle que l'OACI a effectué il y a quelques mois est très encourageant. Nous obtiendrons d'ici quelques jours une note qui pourrait être historique dans le domaine de l'aviation civile internationale. Nous sommes très confiants.
Nous avons mis en place une commission technique pour analyser le processus de l'ensemble des taxes aéroportuaires : TVA sur les vols internationaux, passages aux pôles pétroliers, marges et taxes municipales. Nous réalisons des études pratiques pour lever certaines de ces taxes. Ce comité regroupe l'administration du budget et des douanes, mais aussi des opérateurs comme Air France.
M. Arnaud FLEURY - La priorité reste la route et le dernier kilomètre, n'est-ce pas ?
M. Jean-François OLLIVIER - C'est un véritable enjeu. Nous ne sommes pas très présents sur le transport vers le hinterland, car notre spécificité est la livraison urbaine. Nous travaillons beaucoup avec la Setrag sur les transferts de conteneurs de bois travaillé. La route fait partie du désenclavement futur.