G. RENCONTRE AVEC LE DR NABIL MOHAMED AHMED, MINISTRE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
Rencontré lors d'un dîner privé organisé par M. Serge Mucetti, ambassadeur de France à Djibouti, M. Nabil Mohamed Ahmed a pu avoir avec la délégation un échange soutenu qui a porté, en particulier, sur la coopération universitaire et sur le développement de l'université de Djibouti comme pôle régional francophone en liaison avec l'Université d'Addis-Abeba.
H. VISITE DES FORCES FRANÇAISES À DJIBOUTI : ENTRETIEN AVEC LE GÉNÉRAL, COMMANDANT DES FFDJ, M. PHILIPPE MONTOCCHIO
Lors de cette visite, la question de la fermeture de l'hôpital Bouffard a été évoquée avec le médecin général Nguyen, directeur interarmées du service de santé des FFDj. Cette fermeture programmée en 2015 par le traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti, signé à Paris le 21 décembre 2011, suscite en effet l'inquiétude tant de la communauté française que des autorités djiboutiennes auxquelles devrait être rétrocédée l'emprise de l'hôpital médico-chirurgical Bouffard.
Le médecin général An Nguyen-Tu a garanti que le service offert actuellement par l'hôpital continuera à être assuré dans une nouvelle implantation de la base aérienne française.
L'Hôpital Médico-chirurgical Bouffard est une formation des Forces Françaises stationnées à Djibouti (FFDj) composée de personnel médical du service de santé des armées (SSA) françaises. Sa mission principale est le soutien santé des membres des FFDj et de leurs familles. L'HMC Bouffard assure également une mission complémentaire de soutien du personnel des Forces Armées djiboutiennes (FAD) et de la gendarmerie locale. Selon les disponibilités, elle soigne aussi la population djiboutienne dans le cadre de l'aide médicale aux populations. Pour l'année 2014, ce sont plus de 7 500 journées d'hospitalisation en médecine, chirurgie et réanimation qui ont été réalisées sur plus de 2 000 patients. Le service des urgences a accueilli, quant à lui, environ 4 400 patients. Enfin, les domaines spécialisés (soins dentaire, chirurgie, ORL, psychiatrie, anesthésie) totalisent près de 10 000 consultations. La majorité des interventions se sont faites au profit des militaires et civils djiboutiens (88 % des journées d'hospitalisation et 61 % des consultations). Par ailleurs, l'HMC Bouffard contribue à la formation des futurs médecins djiboutiens en les accueillant pour des périodes de stage au sein de ses différents services. En 2015, 30 externes djiboutiens ont ainsi été formés. En 2016, l'HMC Bouffard sera rétrocédé à l'État djiboutien, selon le traité de coopération en matière de défense en vigueur entre la France et Djibouti. Le soutien médical des FAD sera alors pris en compte par le nouvel hôpital militaire djiboutien. En conformité avec le traité de coopération de défense signé en 2011 avec la République de Djibouti, les FFDj constituent une base opérationnelle avancée en Afrique de l'Est. A ce titre, elles participent au dispositif militaire français prépositionné permettant de disposer d'un réservoir de forces pouvant être projetées rapidement en cas de crise. Les personnels du SSA disposent également de deux antennes à Monclar et à Arta Plage. La mission des personnels de santé français, chirurgiens, infirmiers et auxiliaires sanitaires est d'assurer un soutien médical aux militaires français des FFDJ et à leurs familles, aux soldats djiboutiens et à leurs familles, ainsi que de projeter une aide médicale pour les opérations Atalante, Eucap Nestor, Ocean Shield et Enduring Freedom. Les personnels du SSA doivent également permettre à la population locale djiboutienne de bénéficier de traitements médicaux de pointe. La vétérinaire en chef, Mme Marie-Antoinette Freulon, met en oeuvre un soutien vétérinaire au sein de ce dispositif du SSA implanté à Djibouti. « Nous assurons une sécurité alimentaire, une vigilance sur la qualité de l'eau ou encore la bonne santé des animaux domestiques, tels que les chiens et les chats susceptibles d'être atteints de la rage », assure-t-elle. Source : ministère de la Défense |
Le général Philippe Montocchio a rappelé les deux crises qui ont marqué la relation bilatérale franco-djiboutienne :
• La crise entre les Afars et les Somalis
(1991-1994)
Une rébellion armée s'était déclenchée en 1991 dans le Nord du pays peuplé par les Afars qui accusaient le gouvernement de favoriser les Issas. Le gouvernement de M. Hassan Gouled Aptidon se résout à faire des concessions. Une nouvelle Constitution est adoptée en 1992, qui introduit le multipartisme, et un accord de paix est signé en 1994 entre le Gouvernement et le Front pour la restauration de l'unité et de la démocratie (FRUD). Un nouvel accord est conclu entre le gouvernement et la fraction armée du FRUD le 12 mai 2001. Celui-ci prévoit le désarmement des combattants du FRUD et leur réintégration dans la vie civile et militaire, l'introduction du multipartisme intégral et des mesures de décentralisation. Source : MAEDI - www.diplomatie.gouv.fr |
• Les combats transfrontaliers avec
l'Érythrée créent, depuis 2008, une situation de crise
persistante
Après des conflits frontaliers mineurs dans les années 1990, les relations entre l'Érythrée et Djibouti se sont dégradées en 2008, lorsque l'Érythrée a déployé ses troupes dans la zone contestée du Doumeira -le promontoire, Ras Doumeira, et l'île, Jazira Doumeira, situés en territoire djiboutien. Ce déploiement a conduit à trois jours d'affrontements armés du 10 au 13 juin 2008 et à la mort d'une cinquantaine de soldats djiboutiens et d'une centaine de soldats érythréens. Ce différend a été porté, à la demande djiboutienne, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies. La résolution 1862 condamne l'action militaire conduite par l'Érythrée contre Djibouti, exige le retrait érythréen ainsi que la coopération d'Asmara avec Djibouti, le Secrétaire général des Nations Unies et l'Union africaine en vue du règlement du conflit frontalier entre les deux pays. Face aux réticences érythréennes, le Qatar a entrepris depuis le 11 avril 2010des efforts de médiation entre les deux pays. La médiation a connu une première avancée, le 28 mai 2010, lorsque les Erythréens ont accepté de retirer leurs troupes du Ras Doumeira et permis l'envoi d'observateurs militaires qataris à la frontière. Néanmoins, la médiation a très peu progressé depuis. L'obtention d'un accord sur le fond -la démarcation de la frontière entre les deux pays- se heurte principalement à la question des prisonniers de guerre que Djibouti voudrait voir évoquée en amont de toute discussion (lors des combats de juin 2008, 19 militaires djiboutiens et 21 soldats érythréens ont en effet été faits prisonniers). Alors que Djibouti est longtemps resté sans nouvelle de ses soldats, deux d'entre eux se sont échappés d'une prison érythréenne en septembre 2011. Il n'y a eu depuis aucune avancée. Source : MAEDI www.diplomatie.gouv.fr |
Dans les deux cas, le rôle de la France a été incompris par les autorités gouvernementales.
Le Général Montocchio a souligné l'environnement particulièrement instable dans lequel les FFDj interviennent. Les forces françaises se situent en effet sur l'axe du terrorisme fondamentaliste qui s'étend de la Mauritanie à l'Afghanistan. Les forces s'inscrivent donc au sein du dispositif avancé des forces françaises engagées contre le terrorisme et participent aux opérations extérieures en cours, notamment Barkhane et Chammal mais aussi Sangaris en République Centre-Afrique (RCA). La disponibilité des matériels est également obérée par l'opération Sentinelle en métropole.
Les effectifs des FFDj représentent aujourd'hui 1 700 militaires. Ils doivent être ramenés à 1 350 d'ici 2017 comme le prévoit l'actualisation de la loi de programmation militaire. M. Louis Duvernois a souligné que c'était la commission des Affaires étrangères et de la défense du Sénat qui, lors de l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM), adoptée en juillet 2015, avait inscrit par amendement dans le rapport annexé, la consolidation de la présence militaire française à Djibouti. Celle-ci figure désormais inscrite dans la LPM avec les trois composantes : air, terre, mer.
Sur les 1 700 militaires stationnés à Djibouti, 1 000 sont en mission de longue durée de deux à quatre ans, et 700 en mission de courte durée de quatre mois. Le « poids économique » des 4 000 personnes installées sur place (familles et civils compris) est de l'ordre de 100 millions d'euros par an.
Outre les implantations à Djibouti qui sont centrées sur deux pôles stratégiques -le port et l'aéroport- les FFDj ont également des implantations à Arta (commandos et DIRISI) ainsi que le centre d'entraînement en milieux désertiques et la zone de manoeuvre interarmées complétée par les champs de tir de Koron et Qaïd, qui sont des outils essentiels de l'entraînement des troupes françaises. Par ailleurs, il existe une piste d'aviation secondaire dite de « Chabelley » qui est actuellement prêtée aux forces américaines pour leurs escadrons de drones.
Les FFDj ont développé une importante coopération opérationnelle au niveau régional. Celle-ci inclut notamment la crise somalienne et la lutte contre les milices d'Al-Shabaab. Elle concerne également la coopération franco-américaine, la défense des intérêts français au Yémen (comme l'a montré l'évacuation de nos ressortissants par le BPC Dixmude), et naturellement l'application du traité de défense franco-djiboutien.
Les actions entreprises concernent la formation, l'entraînement et le soutien des forces armées djiboutiennes, mais aussi la mise en condition opérationnelle de contingents de pays engagés en Somalie au sein de l'African Union Mission to Somalia (AMISOM), notamment l'Ouganda, Djibouti et le Burundi.
Compte tenu de la « concurrence » en matière de présence militaire à Djibouti, la délégation a suggéré une forte accentuation des actions de formation des forces armées djiboutiennes.
La délégation a pu également se rendre compte de l'avancement des grands projets d'infrastructures (port de Djibouti, port commerciaux chinois, nouvelle ligne de chemin de fer Djibouti - Addis-Abeba) en survolant la région en hélicoptère.
Sur le tarmac de l'aéroport militaire de Djibouti -
MM. Pierre-Yves Collombat,
Louis Duvernois, le général
Philippe Montocchio et le colonel Millot
Elle s'est en particulier intéressée à la présence chinoise en République djiboutienne. Outre l'extension du port de Djibouti et la création d'un port permettant l'évacuation des ressources en sel du lac Assal, pour laquelle le groupe a fait part de ses craintes d'aboutir à un désastre écologique, la création d'une implantation militaire à Doraleh a retenu l'attention de la délégation.
Cette implantation, a priori limitée à ce stade à un quai et une présence de 200 hommes, constitue néanmoins un pas supplémentaire préoccupant vers la banalisation de la présence française des FFDj. Après les bases militaires américaine et japonaise, la Chine sera la quatrième puissance à installer des effectifs militaires dans une zone éminemment stratégique pour les intérêts français. Cette présence viendra s'ajouter à une emprise économique de plus en plus dominante de la Chine sur le territoire. Ce pays investit massivement dans les infrastructures et les réseaux (il détient le principal opérateur de téléphonie et de réseau Internet). Le refus des autorités de Djibouti de prendre en compte les extrêmes réticences des États-Unis à cette implantation est sans doute à mettre en corrélation avec le niveau d'endettement du pays vis-à-vis de la Chine.
Enfin, la délégation a pu également rencontrer des éléments des forces spéciales à l'entraînement.