2. Les handicaps et les aléas
a) La question agricole
L'agriculture constitue en Lituanie un secteur sensible. La
privatisation de ce secteur économique et la désorganisation qui
s'en est suivie est d'ailleurs l'une des raisons de l'accession au pouvoir en
1992 du parti de M. Brazauskas.
Troisième secteur de l'économie lituanienne, l'agriculture
représente 9 % du PIB, 24 % de la population active, 18 %
des exportations totales et 9 % des importations totales.
La population rurale représente 32 % de la population totale et le
nombre d'agriculteurs est équivalent à 10 % de la population
totale.
Signalons, en outre, que la surface utile est de 3.513.000 hectares : 2.958.300
hectares en cultures, 495.900 hectares de pâturages et
58.800 hectares de vergers.
Au 10 janvier 1996, 962.000 hectares étaient occupés
par les sociétés agricoles, 958.000 hectares par les
exploitations indépendantes et 833.000 hectares pour les lopins.
Près de 60 % des terres agricoles sont exploitées dans le
cadre d'exploitations individuelles ou de parcelles privées de type
familial. La privatisation des terres et la réorganisation du
système d'économie agricole se poursuivant, le nombre de
sociétés agricoles et de lopins diminue tandis que le nombre et
la taille des exploitations indépendantes augmentent.
Un accord de libre échange avec l'Union européenne est
entré en vigueur depuis le 1er janvier 1998. Ce dernier
prévoit un traitement préférentiel des échanges
agricoles entre la Lituanie et l'Union européenne, avec une
période de transition de 6 ans pour la libéralisation des
échanges. Par ailleurs, en juin 1996, les Premiers ministres des
trois pays Baltes ont signé un accord de libre échange portant
sur les produits agricoles.
Les principaux problèmes de l'agriculture lituanienne sont les
suivants :
*
L'apparition et l'existence de stocks
dus à des
difficultés à l'exportation et à des coûts de
production élevés. Au début 1997, la Lituanie
possédait en stock : 5.000 tonnes de viande de boeuf, 4 millions de
boîtes de viande en conserve, 5.300 tonnes de fromage invendus et
6 millions de boîtes de lait concentré en conserve. La crise
russe pourrait accentuer ce phénomène.
* Jusqu'à présent la politique des Gouvernements successifs
a privilégié les producteurs agricoles et les industries
agro-alimentaires (IAA). Ces derniers se voient donc octroyer des subventions
pour la production et des subventions à l'exportation. Ainsi, le nouveau
Gouvernement lituanien vient d'augmenter les subventions pour la production de
lait de 20 à 50 Litas par tonnes. Le ministre de l'Agriculture
prévoit d'allouer de nouveaux fonds pour encourager l'exportation du
fromage invendu, du lait concentré et de la viande en stock
actuellement. Le secteur agricole reste donc largement subventionné.
*
L'existence pour les principaux produits agricoles de prix de soutien
minimum
.
*
Les normes vétérinaires et phytosanitaires sont encore
insatisfaisantes.
Rares sont les sociétés agricoles et de
l'IAA à être agréées par l'Union européenne.
*
La situation financière des agriculteurs et des
sociétés agricoles
accroît ces difficultés. En
effet, de nombreuses sociétés et agriculteurs sont
endettés ou en cessation de paiements. Même dans les secteurs
traditionnels de l'IAA tels que les filières lait et viande la situation
financière est préoccupante. Ainsi 18 des 40 plus grandes
entreprises du secteur laitier travaillaient à perte en 1997.
*
L'excédent de capacité en aval
, en particulier dans
les installations de transformation où l'on estime que seulement
35 % des capacités sont utilisées.
Ainsi l'obstacle majeur à l'adhésion de la Lituanie à
l'Organisation Mondiale du Commerce reste le secteur agricole qui n'est
toujours pas ajusté aux conditions du marché mondial.
D'après le groupe d'experts de l'OMC, qui s'est rendu en Lituanie en
octobre 1997, le problème le plus difficile à
résoudre pour la Lituanie est l'ensemble des engagements que le pays
doit mettre en oeuvre dans le secteur agricole. En effet, une adhésion
à l'OMC impliquerait la suppression de certains droits de douane qui
bloquent l'accès au marché lituanien, la réduction de
certaines subventions aux agriculteurs nationaux ainsi qu'à
l'exportation.
Lors des différentes réunions dans les Ministères
concernés, outre le domaine agricole, furent abordées les
difficultés posées par d'autres secteurs relevant aussi bien du
commerce intérieur qu'extérieur.
L'entrée dans l'OMC qui, on peut l'espérer, pourra avoir lieu en
1998 ou 1999 est l'un des objectifs primordiaux de la Lituanie en terme de
politique économique extérieure. En effet, le statut de membre de
l'OMC serait à la fois la confirmation et la concrétisation des
efforts mis en oeuvre par la Lituanie pour s'intégrer dans
l'économie mondiale. Par ailleurs, son adhésion serait
également une première étape pour participer aux
négociations d'entrée dans l'Union européenne et un atout
pour rejoindre l'Association de Libre Echange d'Europe Centrale.
b) Le déficit des finances publiques
La question des finances publiques est le problème essentiel auquel la coalition de droite doit s'attaquer. En 1998, le Gouvernement lituanien a poursuivi sa politique d'assainissement. Il lui faut modérer la demande interne en favorisant l'épargne. C'est dans ce contexte que le Gouvernement s'est fixé comme objectif de réduire le déficit budgétaire (2,4 % du PIB en 1996 ; 1,9% en 1997 ; 1,6% prévu en 1998). Toutefois, le projet de présenter un budget équilibré en 1999 paraît peu réaliste. La levée des impôts reste en effet problématique, compte tenu de l'importance de l'économie souterraine, et le Gouvernement a été obligé d'indemniser les victimes de la faillite bancaire. Des mesures ont dû être prises en 1996 pour diminuer le déficit : réduction de 5 % des dépenses publiques, augmentation des prix de l'énergie et des taxes sur le pétrole et l'alcool.
c) La difficile appréhension du chômage
Le taux
de chômage s'élève officiellement à 6,7 %. Il
serait même tombé à 6,2 % au début de
l'été 1998.
Cependant, il ne prend en compte ni le chômage technique dû au
développement rapide de l'économie de marché, ni
l'importance de l'économie souterraine. Il se distribue aussi d'une
manière inégale sur le territoire, plus élevé en
zones rurales qu'en zones industrielles.
Si le Ministère du Travail et de la Sécurité sociale
recense 122.800 chômeurs au 1er mai 1998, on estime le
taux de chômage à environ 12 %.
Rappelons que le salaire moyen mensuel était de 249 USD en mai 1998.
Il est à craindre que les conséquences de la crise russe
provoque une augmentation du taux de chômage en Lituanie dans les mois
à venir.
d) Le problème énergétique
Le
système d'approvisionnement énergétique de la Lituanie est
caractérisé par une absence de réserves significatives en
carburants fossiles (pétrole, gaz) qu'elle doit donc importer et par
l'existence d'une centrale nucléaire de type RBMK (Tchernobyl) qui lui
fournit l'essentiel de sa consommation électrique. Il s'agit de la
centrale d'Ignalina.
Selon l'Agence Internationale de l'Energie Atomique, 81,5% de l'énergie
produit en Lituanie est ainsi d'origine nucléaire.
La Lituanie est par ailleurs dotée d'une raffinerie à Mazeikiai
qui était considérée à l'époque
soviétique comme une des plus modernes de l'Union. Elle est enfin
grevée, comme tous les pays ex-communistes, par un appareil industriel
et un système de chauffage hautement gaspilleurs d'énergie.
Tout le thermique classique est au fuel ou au gaz, importé actuellement
de Russie.
Le pétrole est dirigé par oléoduc vers la raffinerie de
Mazeikiai qui a une capacité de 12 millions de tonnes par an.
Quelques grandes compagnies pétrolières se partagent actuellement
la distribution d'essence pour automobile, acheminée par voie terrestre
: Shell, Statoil, Nestlé, Lukoil ainsi que la compagnie nationale
Lietuvos Kuras.
Les principaux projets lituaniens dans le domaine énergétique
ont pour objet essentiel de s'affranchir de la dépendance
russe :
- création d'un terminal pétrolier sur la côte
baltique à Butingé et construction d'un oléoduc
jusqu'à Mazeikiai ;
- remplacement de la centrale d'Ignalina dont le carburant
nucléaire ne peut être fourni que par les Russes et dont
l'insécurité a fait planifier sa fermeture pour 2010 ;
- interconnexion des réseaux électriques avec la Pologne et
l'Europe occidentale ;
- lancement d'un programme d'économies d'énergie avec
relèvement des tarifications (équipement des bâtiments en
compteurs individuels à gaz et électricité).
L'établissement par la Lituanie d'un système
énergétique rentable, efficace et indépendant est un
défi majeur auquel son économie sera confrontée dans les
années qui viennent.
Signalons que la position de la Commission européenne sur la fermeture
de la Centrale d'Ignalina est un sujet de vive préoccupation entre
l'Europe et la Lituanie.
En 1998, la Lituanie pourrait exporter plus de 6 milliards de Kwh
d'électricité après la mise en place de la ligne
électrique en direction de l'Europe et de l'Ouest, soit entre 80 et
90 % de sa production électrique.
Jusqu'à maintenant, les marchés les plus importants sont la
Biélorussie, l'enclave russe de Kaliningrad, la Lettonie, la Pologne et
la Slovaquie. En 1997, les exportations d'électricité se sont
montées à 3,76 milliards de Kwh soit une baisse de plus de
30 % par rapport à 1996.
En conclusion, la délégation considère que la situation de
l'économie lituanienne est satisfaisante, même si, par ailleurs,
certaines interrogations persistent : le plan de " restitution
de l'épargne " (indemnisation des épargnants dont les
dépôts ont été réduits à néant
par la transformation de la VEB soviétique) risque d'être
particulièrement coûteux ; la situation des comptes de
la sécurité sociale risque, à terme, d'être
préoccupante ; le système bancaire, malgré son
assainissement et sa concentration, connaît des difficultés
persistantes (les établissements déficients n'ont pas
été recapitalisés). Enfin, le FMI juge préoccupante
la situation de la balance des paiements (déficit des transactions
courantes supérieur à 10 %). Souhaitons que la crise
actuelle aux frontières lithuaniennes ne viennent pas perturber les
secteurs fondamentaux globalement positifs de l'économie de cette
République balte.