2. Une alternance réussie
a) La première alternance de 1992-1993
Après avoir connu une équipe dirigeante
composée de nationalistes dirigée par le Président V.
Landsbergis qui conduisit le pays à l'indépendance, les
Lituaniens ont rappelé au pouvoir les anciens communistes
indépendantistes, aujourd'hui " travaillistes " avec à
leur tête M. Brazauskas. Lors des élections
législatives de 1992, 73 des 141 sièges du Seimas sont
revenus au Parti démocratique du travail (ancien parti communiste
lituanien qui a changé de nom en décembre 1990). Ce
revirement, confirmé par l'élection présidentielle de
février 1993, remportée par M. Brazauskas, aurait
été dû pour une bonne part à la lassitude de
l'électorat devant la crise économique persistante et les
difficultés rencontrées en matière de politique agricole.
Ce Gouvernement social-démocrate s'est d'abord caractérisé
par son pragmatisme dans le domaine économique. Converti à
l'économie de marché et au libéralisme, il a mis la
poursuite, voire dans certains cas l'accélération des
réformes au centre de sa politique. Ce faisant, il a su rapidement
obtenir l'appui et la confiance des organismes financiers internationaux comme
le FMI.
A la fin de 1995, la Lituanie a été secouée par une grave
crise bancaire révélée par la faillite de deux importantes
banques. En février 1996, la Diète a voté à
une large majorité la défiance du Premier ministre,
impliqué dans ce qui a dégénéré en un
imbroglio politico-bancaire. C'est M. Stankevicius, jusqu'alors vice
premier ministre et ministre des réformes administratives et des
collectivités locales qui a été nommé pour devenir
chef du Gouvernement qui n'a pas été profondément
remanié.
b) La seconde alternance de novembre 1996 et la " cohabitation " de 1996-1998
Les élections législatives du
20 octobre et
du 10 novembre 1996 ont vu l'arrivée des conservateurs
dirigés par M. V. Landsbergis alliés aux chrétiens
démocrates (parti fondé en 1904 auquel appartiennent
MM. Saudargas et Sankevicius notamment).
Cette coalition a obtenu une large majorité avec 86 sièges.
Ainsi le premier parti post-communiste à avoir reconquis le pouvoir en
Europe de l'Est dès 1993 a été également le premier
à en être évincé.
Notons que ces élections ont vu seulement cinq grands partis franchir la
barre fatidique -pour être représenté au Seimas- des
5 %.
Cette situation originale pour la Lituanie avec un Président de la
République M. Brazauskas, ancien responsable du PDT, et une
majorité - conservateur chrétiens démocrates- a
ouvert la voie à une cohabitation entre un Gouvernement de la
majorité parlementaire dirigée par M. Gediminas Vagnorius
(Conservateur) et le Président de la République. Par ailleurs,
M. V. Landsbergis a été élu Président du
Seimas.
Les élections locales de mars 1997 ont permis à la coalition
au pouvoir de consolider l'avance confortable acquise aux élections
municipales de 1995.
Durant cette période de cohabitation, le Président Brazauskas a
disposé d'une faible marge de manoeuvre : en effet, le droit de
veto suspensif sur les lois votées par le Seimas dont il dispose n'a
qu'une portée symbolique puisqu'il suffit d'un second vote à la
majorité absolue pour le surmonter. En outre, même si la
Constitution reconnaît formellement au président la
prééminence en matière de diplomatie et de défense,
M. Landsbergis, deuxième personnage de l'Etat, a multiplié
les contacts internationaux et n'a jamais manqué de s'exprimer sur les
questions de politique étrangère, qui ont sa prédilection.
Cette cohabitation a pris fin avec les élections
présidentielles de décembre 1997 et janvier 1998.
Ces élections présidentielles ont vu s'opposer le
21 décembre 1997, pour le premier tour, sept
candidats :
|
1er tour - le 21 décembre |
M. Valdas ADAMKUS |
27,6 % |
M. Arturas PAULAUSKAS |
44,7 % |
M. Vytautas LANDSBERGIS |
15,7 % |
M. Vytenis ANDRIUKAITIS (1) |
5,6 % |
M. Kazys BOBELIS (2) |
3,9 % |
M. Rolandas PAVILIONIS (3) |
0,8 % |
M. Rimantas SMETONA (4) |
0,3 % |
(1) :
Candidat social-démocrate
(2) : Ancien président de la commission des affaires
étrangères, américano-lituanien rallié aux
travaillistes en 1992 et dirigeant de l'Union
chrétienne-démocrate très peu fournie (et à ne pas
confondre avec le Parti chrétien-démocrate).
(3) : Recteur de l'Université de Vilnius, candidat indépendant.
(4) : Petit neveu du dictateur d'avant-guerre, dirigeant de l'Union
nationaliste mais surtout décrit par la presse lituanienne comme
"l'eurosceptique ".
M. Brazauskas n'avait pas souhaité se représenter pour un second
mandat et M. Adamkus a, dans un premier temps, été
écarté par la commission électorale au motif qu'il
n'était pas Président permanent en Lituanie depuis un minimum de
trois années.
La participation a été forte avec 71,4 % au premier tour.
M. Adamkus n'était soutenu au premier tour que par le parti
centriste qui participait au Gouvernement sans être formellement membre
de la majorité.
A l'issue de ce premier tour, l'ensemble des candidats -excepté
M. Paulauskas- se sont désistés en faveur de
M. Adamkus. Ce dernier a remporté l'élection
présidentielle avec 49,87 % des suffrages contre 49,31 % pour
son adversaire.
Actuellement, M. Adamkus, en sachant se situer au centre du débat
politique, continue de bénéficier d'un soutien de la population.
La quasi-absence de conflit inter-ethnique et les bons résultats
économiques sont certainement, pour partie, à l'origine de cette
stabilité.