CHAPITRE II - LES INVESTISSEMENTS FRANÇAIS EN HONGRIE
I. UN CADRE FAVORABLE AUX INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS .
Pour apprécier pleinement l'environnement économique dans lequel les investisseurs français doivent évoluer, il est utile d'établir le profil du consommateur hongrois, de définir les atouts et les contraintes caractéristiques du marché hongrois, notamment à travers le point de vue des investisseurs étrangers et de rappeler les conditions pratiques et fiscales de l'activité des entreprises étrangères en Hongrie.
A. LE CONSOMMATEUR HONGROIS 13 ( * )
La Hongrie représente un marché d'un peu plus de 10 millions de consommateurs fortement concentrés à Budapest (20 % de la population) où ils ont un niveau de vie supérieur à la moyenne nationale.
Avant 1989, la population hongroise était très homogène. Depuis cette date, les écarts de revenus se sont creusés entre quatre groupes sociaux dont la consommation est bien différenciée. Actuellement, l'écart de revenus entre le décile supérieur et le décile inférieur de la société est de 8 à 1 contre 4 à 1 il y a dix ans.
1- Le premier groupe social a profité de l'augmentation de la part de l' "économie grise" dans le Produit intérieur brut, passée de 22 % en 1992 à 30 %, voire à 40 % en 1996. Un enrichissement important, rapide et remarqué d'une petite minorité (quelques milliers de personnes) a été constaté.
Les produits de luxe trouvent dans ce groupe leur clientèle.
2 - Un deuxième groupe social est constitué par les cadres hongrois des sociétés occidentales implantées en Hongrie et par les "menedzser" (managers) -environ 800.000- qui ont créé leur propre entreprise.
Ces deux catégories, dont les revenus sont sensiblement les mêmes, consomment les produits de l'ouest (voitures occidentales, voyages en Europe de l'Ouest) et manifestent une sensibilité aux marques et aux modes).
3- Le troisième groupe forme la classe moyenne (enseignants, fonctionnaires, salariés des ex-entreprises d'État) qui a presque réussi à maintenir son niveau de vie d'avant 1989 surtout grâce à une seconde activité non déclarée, mais qui a subi une érosion de son pouvoir d'achat du fait de l'inflation.
Le niveau de consommation de cette population est assez faible.
4- Enfin, le quatrième groupe, rassemble les personnes qui n'ont pu s'adapter aux changements survenus depuis 1989 (petits fonctionnaires, salariés des entreprises d'État qui ont fait faillite, retraités, chômeurs).
Beaucoup de ces personnes occupaient sous le régime communiste de petits emplois, sans qualification, uniquement justifiés par la politique de plein-emploi apparent.
La consommation de ce groupe est très faible et orientée vers les produits de première nécessité.
Il ressort de cette classification que les deux premiers groupes qui ne représentent qu'un peu moins de 30 % de la population effectuent l'essentiel de la consommation.
En conséquence, « la classe moyenne telle qu'on la trouve dans les pays riches d'Europe de l'ouest ou aux États-Unis, c'est-à-dire les 80 % de la population qui a des revenus identiques à plus ou moins 20 % près, n'existe pas en Hongrie à l'heure actuelle. Or c'est sur cette classe moyenne que repose la consommation de masse » .
Les dix millions de consommateurs hongrois sont donc très loin de constituer un marché homogène. De plus, les marchés qui coexistent n'atteignent que des dimensions relativement réduites, que ce soit du fait de l'effectif limité des consommateurs ou à cause de la faiblesse de leur niveau de consommation.
B. L'APPROCHE COMMERCIALE DU MARCHÉ HONGROIS 14 ( * ) .
La Hongrie offre de multiples opportunités d'affaires, qu'il s'agisse d'établir des courants commerciaux ou de réaliser des investissements commerciaux ou industriels.
Le tableau suivant présente de manière synthétique les principaux atouts et contraintes qui caractérisent le marché hongrois. On observera que l'environnement politique, économique et juridique y est particulièrement favorable, mais qu'il ne faut pas négliger les difficultés que l'on peut rencontrer dans tout pays "en transition".
Atouts :
- Climat politique et social stable.
- Tradition d'ouverture.
- Position géographique centrale.
- Mesures incitatives pour les investissements étrangers.
- Développement d'un tissu de petits entrepreneurs depuis dix ans,
- Protection de la propriété privée.
- Cadre juridique de type occidental.
- Exonération fiscale.
- Main-d'oeuvre peu onéreuse et qualifiée.
Contraintes :
- Récession économique.
- Marché restreint.
- Infrastructures peu développées (transport, télécommunications).
- Difficulté d'obtention de crédits à moyen et long terme.
- Difficulté de recrutement de personnel bilingue ou trilingue.
- Faible productivité.
- Nécessité de formation du personnel.
Au cours de l'été 1998, la crise financière russe qui a entraîné un repli de 50 % des valeurs de la Bourse de Budapest a été l'occasion d'apprécier l'importance relative des traits de l'économie hongroise qui ont conduit, ou non, les investisseurs à se désengager de Hongrie.
Parmi les facteurs négatifs qui caractérisaient l'économie hongroise à cette époque figuraient :
- un ratio dette extérieure PIB élevé (53 %) ;
- un lourd déficit public (4,8 %) ;
- un taux d'inflation (18,3 %) nettement supérieur à ceux de l'Europe occidentale.
En revanche, une série de facteurs positifs étaient de nature à inspirer confiance :
- un déficit courant relativement faible (environ 2 % du PIB) ;
- un excédent budgétaire primaire ;
- des réserves internationales abondantes (quatre mois d'importations) ;
- un secteur exportateur très compétitif, avec une expansion rapide des parts de marché à l'exportation ;
- un secteur bancaire sain (amples réserves, peu de créances douteuse) ;
- une absence de bulles spéculatives sur les actifs.
Au total, si les investisseurs internationaux ont redéployé leurs portefeuilles en réaction à la crise russe, il s'est agi davantage d'un rapatriement ponctuel de capitaux que d'une défiance à rencontre de l'économie hongroise.
II. LES INITIATIVES FRANÇAISES 15 ( * )
Les entreprises françaises ont répondu de manière très active à la politique de privatisation hongroise à l'instar de l'ensemble des investisseurs internationaux qui ont en effet plébiscité la Hongrie, où ils ont investi près de la moitié du total des capitaux transférés depuis 1990 dans l'ensemble de l'Europe centrale et orientale.
A. LA PRESENCE DES ENTREPRISES FRANÇAISES DANS L'INVESTISSEMENT ÉTRANGER EN HONGRIE
1. Les ordres de grandeurs
Les quelques 220 à 240 filiales d'entreprises françaises (auxquelles doivent être ajoutés près de cinquante bureaux de représentation) représentent un stock d'investissement estimé à environ 2 milliards de dollars, soit 11,4 milliards de francs à la fin de 1998.
D'après un recensement réalisé en 1997, les filiales françaises employaient plus de 40.900 salariés dont seulement 200 expatriés français et réalisaient un chiffre d'affaires de 679 milliards de forints, soit plus de 21 milliards de francs (supérieur donc aux exportations françaises directes). Le chiffre d'affaires n'était que de 187 milliards de forints en 1995, soit environ 1,8 milliards de dollars.
Avec 650 millions de dollars jusqu'à fin 1998, la France représentait près de 11,4 % du total des investissements directs en Hongrie.
En 1998, une dizaine d'opérations ont été réalisées par des entreprises moyennes, ainsi que trois importants investissements : Air liquide à Kazincbarcika, le rachat par Hachette Distribution Services des sociétés régionales de distribution de presse, la création d'une filiale de la Société Générale.
Ainsi, la France représente, au début de 1999, une part supérieur à 11 % des investissements directs étrangers en Hongrie, ce qui lui permet de se situer à la troisième place, à un rang équivalent à celui de l'Autriche, même si elle se trouve loin derrière l'Allemagne (un tiers des investissements) et les États-Unis d'Amérique (un quart des investissements).
2. Les caractéristiques de l'investissement français
Cet investissement très concentré (avec plus de 11 % des capitaux investis, les sociétés françaises représentent moins de 1 % des 25.000 sociétés à capitaux étrangers), a été effectué par de grands groupes et surtout à l'occasion des privatisations. Les États-Unis d'Amérique, au contraire, ont surtout opéré par création de nouvelles sociétés, ce que les Français commencent à faire (grande distribution, Société générale), les privatisations se raréfiant.
Initialement, l'investissement français était surtout industriel et agro-alimentaire avec une forte majorité d'investissements de production (les filiales d'importations étant minoritaires). On peut ainsi relever une forte présence dans l'industrie pharmaceutique, le sucre, les huiles alimentaires.
L'investissement français s'est progressivement diversifié vers le secteur financier (les trois principales banques françaises sont présentes sous des formes variées) et les services avec l'arrivée d'ACCOR, de SODEXHO, de la Compagnie générale des eaux (branche télécommunications notamment), de la Lyonnaise des eaux et maintenant d'EDF et de GDF.
Par région, la majorité des investissements s'est réalisée à Budapest et dans ses environs, mais deux autres pôles forts doivent être mentionnés : Szeged et le Comitat de Csongrád, où le gaz, le téléphone, l'eau et l'électricité sont exploités par des sociétés à capitaux français. On y trouve également des investissements dans le matériel électrique (Legrand), la porcelaine (Table de France) et, très prochainement, l'utilisation industrielle des rafles de maïs.
Actuellement, six secteurs concentrent les trois-quarts de l'investissement, près des deux-tiers du chiffre d'affaires et plus de la moitié des effectifs :
Investissement (MF) |
Chiffre d'affaires (Mds HUF) |
Effectifs |
|
Energie |
2870 |
170 |
7324 |
Pharmacie |
2200 |
68 |
5234 |
Télécoms |
970 |
21 |
1391 |
Agro-alimentaire |
885 |
114 |
4319 |
Eau-assainissement |
834 |
32 |
4269 |
Grande distribution |
800 |
28 |
548 |
La concentration par groupe investisseur est très forte elle aussi :
Part dans l'investissement total |
Part dans le chiffre d'affaires |
Part dans tes effectifs |
|
Cinq premiers investisseurs |
48,6 % |
36,9 % |
37 % |
Dix premiers investisseurs |
72,8 % |
58,6 % |
51 % |
3. Les principaux investissements français en Hongrie
a) Par secteur d'activité
ENTRETIEN DU GROUPE SÉNATORIAL D'AMITIÉ FRANCE-HONGRIE
Mardi 21 septembre 1999, SZEGED -- Entretien avec les dirigeants de la S.A. DÉMÁSZ (filiale d'E.D.F.), en présence de M. László BARTHA, maire de Szeged, au siège de la S.A. DÉMÁSZ.
Les dirigeants de la société ont présenté l'évolution du système de propriété, dans le domaine de distribution d'énergie et le processus de privatisation en Hongrie.
Puis, ils ont rappelé l'évolution des participations dans la Société DÉMÁSZ, ancienne société d'État : en 1992, les collectivités locales en possédaient 2 %, l'État, 98 % ; en 1997, EDF en possédait 48 %, puis 50 % en 1998, et les investisseurs financiers 35 % (après l'introduction en Bourse).
La société DÉMÁSZ est une des six sociétés de distribution d'énergie en Hongrie. Le contrat passé avec la ville de Szeged est basé sur les termes suivants : durée indéterminée et exclusivité.
L'état du réseau de Szeged est considéré comme bon ainsi que la rentabilité de l'entreprise qui a toujours dégagé des bénéfices depuis sa création.
Cependant, la société devrait subir jusqu'en l'an 2000 une restructuration entraînant des licenciements ou des départs à la retraite, afin d'atteindre l'effectif de 6.500 personnes en 2002,
M. Gérard LARCHER, Président de la délégation, s'est interrogé sur l'existence d'une autorité de régulation dans le domaine de l'énergie et sur l'avenir du nucléaire en Hongrie.
Le directeur de la S.A. DÉMÁSZ a répondu qu'une loi était en préparation concernant l'autorité de régulation et qu'il n'existait aucun projet de nouvelle centrale nucléaire en Hongrie, celle de PAKS, très sûre, devant rester la seule.
M. László BARTHA, maire de Szeged, a évoqué la possibilité d'achat par la municipalité de chaleur résiduelle issue d'une coopération éventuelle de la S.A. DÉMÁSZ avec MOL.
* 13 Établi à partir de la note sur « Le consommateur hongrois » rédigée par le Poste d'expansion économique à Budapest.
* 14 Source : « Un marché : Hongrie », Les Éditions du Centre français du commerce extérieur, 1995. C. L'APPROCHE FINANCIÈRE DU MARCHÉ HONGROIS
* 15 `S ource : Ambassade de France en Hongrie. Poste d'expansion économique. Janvier 1999.