DEUXIÈME PARTIE
L'AUSTRALIE ET LA FRANCE : UNE RELATION
PARTICULIÈRE
La
France et l'Australie entretiennent une relation
« spéciale », particulière et paradoxale. La
France est à la fois aimée, enviée, et parfois peu
appréciée. Cette situation tient en partie au legs de
l'héritage britannique et à la présence française
dans le Pacifique.
Interrompues en 1995 et 1996, par la reprise des essais nucléaires, les
relations entre la France et l'Australie ont connu depuis un rapide
développement. Notre participation à l'opération de
Timor-Est, de septembre 1999 à janvier 2000, au sein de l'Interfet, sous
commandement australien, a été couverte d'éloges à
Canberra et a constitué un événement important dans les
relations entre les deux pays.
I. LA NORMALISATION DES RELATIONS BILATÉRALES
A. LA RELANCE DU DIALOGUE POLITIQUE
L'amélioration des relations franco-australiennes qui s'était déjà confirmée en 1998, avec un net changement d'ambiance dans les contacts officiels, s'est poursuivie en 1999.
1. La fin du contentieux lié aux essais nucléaires
Les
relations politiques franco-australiennes ont connu, au cours de la
dernière décennie, des fortunes diverses qui se sont souvent
traduites par des perturbations passagères, liées notamment
à l'évolution de la situation en Nouvelle-Calédonie, aux
critiques australiennes à l'égard de la politique agricole
commune ou aux négociations entreprises dans le cadre du GATT (où
l'Australie défendait les intérêts des pays du " groupe de
Cairns ").
Mais les essais nucléaires français dans le Pacifique sud ont,
sans conteste, constitué, pendant une trentaine d'années, la
principale hypothèque pesant sur les relations franco-australiennes. La
crise des années 1995-1996, aujourd'hui close, fut à la fois la
dernière et la plus rude
6(
*
)
.
Les réactions hostiles et disproportionnées de l'Australie
à notre ultime série d'essais nucléaires (annoncée
en juin 1995 et terminée en janvier 1996) ont, par leur dureté de
ton sans précédent, sérieusement affecté les
relations politiques bilatérales.
La précédente délégation du groupe
sénatorial France-Australie, qui s'était rendue en Australie en
mars 1995, soit peu de temps avant la reprise des essais nucléaires par
la France, avait pu constater l'importance qu'attachait à cette question
le peuple australien.
« Ne reprenez pas les essais
nucléaires à Mururoa »
: tel avait
été, en substance le message le plus insistant qu'ait reçu
la délégation tout au long de son séjour.
Pour M. Downer, que la délégation avait rencontré alors
qu'il n'était encore que le ministre des Affaires
étrangères du cabinet « fantôme », la
reprise des essais nucléaires par la France allait créer
« un climat détestable à son encontre en Australie
mais aussi dans tout le Pacifique Sud. »
Ce message très
net avait été relayé par la quasi-totalité des
responsables politiques que la délégation avait eu l'occasion de
rencontrer.
La vigueur de la réaction australienne à l'annonce par la France
de la reprise des essais nucléaires n'a donc pas constitué une
réelle surprise.
Après s'être progressivement estompé au fil des mois, le
mouvement de protestation australien s'est quasiment éteint avec
l'arrêt des essais début 1996.
L'arrêt définitif des essais français a été
accompagné de la signature par Paris -très importante pour
l'Australie et la Nouvelle-Zélande- des protocoles au traité de
Rarotonga relatifs à l'instauration d'une zone exempte d'armes
nucléaires dans le Pacifique sud, puis de la signature du CTBT
(traité d'interdiction complète des essais) et du
démantèlement de nos sites de Mururoa et Fangataufa.
Le nouveau gouvernement australien -dirigé par M. John Howard à
la tête d'une coalition libérale-nationale et constitué en
mars 1996- a alors pris l'initiative de la normalisation des relations
franco-australiennes.
Après la rencontre des deux ministres des Finances à Paris, en
marge de l'OCDE, dès le mois de mai 1996, les ministres australiens des
Affaires étrangères -M. Downer- et de la Défense -M. Mc
Lachlan- ont effectué des visites en France, successivement en septembre
et décembre 1996, qui ont marqué deux étapes essentielles
du réchauffement des relations bilatérales.
2. Un courant de sympathie réel pour la France
Après la normalisation des années 1996 et 1997,
la
France a bénéficié depuis 1998 d'un
large courant de
sympathie né de la conjonction de différents
événements qui ont mis en évidence les points forts de nos
relations bilatérales.
L'annonce par M. Jean-Pierre Masseret, lors de sa visite en avril 1998, de
l'attribution de la Légion d'Honneur à tous les anciens
combattants survivants de la Première Guerre Mondiale a
été chaleureusement accueillie dans l'opinion publique
australienne, très attachée à ses
« poilus » (appelés
« diggers »).
La signature, le 14 juillet 1998, d'un accord supprimant les visas de
court séjour entre les deux pays ainsi que l'effet Coupe du Monde ont
également contribué à faire du mois de juillet un moment
fort de notre relation bilatérale.
L'entretien, en marge de la signature des accords de Nouméa en mai 1998,
entre M. Lionel Jospin et le Président de la Chambre des
représentants qui représentait le Premier ministre australien, a
marqué cette relance du dialogue politique qui s'est prolongée
par la brève visite en France, au mois de mai 1999, du Vice-Premier
ministre et ministre du Commerce extérieur, M. Fischer.
La venue en septembre 1999 du Président de l'Assemblée nationale,
M. Laurent Fabius, a permis de satisfaire les Australiens qui regrettaient
l'absence de visite de haut niveau et de relancer le dialogue politique
bilatéral. L'engagement français à Timor au sein de
l'Interfet aux côtés des Australiens a été mis en
valeur et a valu un accueil particulièrement chaleureux à
M. Laurent Fabius.
Dans l'autre sens, on peut citer les visites à Paris, en novembre 1999,
du ministre de la Défense, M. Moore, qui s'y est entretenu avec M. Alain
Richard, et celle du Ministre des Affaires étrangères,
M. Alexander Downer en Nouvelle-Calédonie (Nouméa et
Province Nord), en décembre de la même année.
Les premiers mois de l'année 2000 ont vu une heureuse succession de
visites en France de personnalités australiennes : visite en janvier du
Speaker de la Chambre des Représentants, M. Neil Andrew, visite
début février du ministre des Affaires étrangères,
M. Alexander Downer, et, enfin, visite en avril du Premier ministre, M.
John Howard.
Ces visites ont été l'occasion pour les Australiens de
remercier la France pour sa participation à l'opération
Interfet à Timor-Est.
En effet,
la présence de notre pays dans cette intervention a
constitué un autre événement de très grande
importance pour les relations bilatérales.
L'Australie qui
était soucieuse de bénéficier de la participation d'autres
pays, avait sollicité notre aide, au motif notamment de notre
présence dans le Pacifique. Notre réponse positive, même
limitée, a été accueillie à Canberra avec une
très grande satisfaction.
La délégation sénatoriale a pu ainsi mesurer combien reste
fort en Australie le souvenir de la fraternité d'armes qui a uni nos
deux pays dans les combats menés en commun pour la liberté. Comme
l'a souligné le ministre des Affaires étrangères, M.
Downer, lors de son entretien avec la délégation :
« le XX
ème
siècle a commencé par
une collaboration militaire entre la France et l'Australie ; il
s'achève par la même collaboration ».
La finale de la Coupe du Monde de rugby et celle de la coupe Davis en 1999,
où les deux pays se sont retrouvés, ont également beaucoup
fait parler de la France et ont confirmé la valeur sportive qu'elle
avait démontrée en football l'année
précédente, ce qui est particulièrement important dans ce
pays où la place faite au sport est considérable. Ceci a
donné d'elle une
image jeune et positive
, malgré ou
peut-être à cause de nos défaites.
Pour l'opinion
publique australienne, le temps des querelles est passé.
Même s'il reste des sujets de discorde, notamment sur la PAC, les
relations bilatérales franco-australiennes sont donc aujourd'hui
excellentes.
On remarquera d'ailleurs qu'à l'exception du dossier agricole,
l'Australie et la France ont souvent des intérêts communs dans les
négociations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). La position
française visant à défendre une exception culturelle est
bien comprise en Australie où l'on est conscient des menaces qui
pèsent sur la capacité australienne à produire ses propres
films et où l'on évoque volontiers le souci d'une
« diversité culturelle ».