IV. UNE SOCIÉTÉ MULTICULTURELLE
Depuis
plus de 20 ans, les gouvernements australiens encouragent une
politique
d'immigration fondée sur la non-discrimination
: en 1998-99,
l'Australie a accueilli des immigrés en provenance de plus de 150 pays.
Toutefois, sous l'influence d'une opinion publique plus réservée
à l'égard de l'immigration, le gouvernement libéral
élu en mars 1996 a pris des mesures visant à opérer une
sélection plus rigoureuse des personnes autorisées à
s'établir en Australie.
A. DE L'AUSTRALIE « BLANCHE » AU MULTICULTURALISME
1. Un pays d'immigration
Au
XIX
ème
siècle, même si la majorité des
immigrants était anglo-irlandais, d'autres nationalités
s'étaient également installées, leur présence
provoquant parfois des réactions de rejet : Chinois attirés
par la ruée vers l'or, Afghans (chameliers) participant à la
construction du centre du pays, Japonais contribuant à l'essor de
l'industrie perlière et Canaques travaillant dans les plantations de
canne à sucre du Queensland.
Sous l'effet conjugué de l'hostilité des travailleurs australiens
à l'immigration - par crainte d'une concurrence déloyale - et des
préoccupations de sécurité quant au
« péril jaune »,
l'Australie se dote en 1901
d'une législation restrictive empêchant l'immigration en
provenance de pays non européens.
La première moitié
du XX
ème
siècle se caractérise en outre par un
état d'esprit plutôt malthusien qui ne favorise pas une politique
migratoire active.
La seconde guerre mondiale amène un bouleversement des
mentalités. Le bombardement de Darwin et les incursions japonaises dans
le Nord du pays, très peu peuplé, inspirent à Arthur
Calwell, ministre de l'immigration en 1945, le slogan :
« peupler ou périr ».
Outre les considérations de sécurité, la pénurie de
main-d'oeuvre est un facteur contribuant à la mise en place d'une
politique d'immigration à grande échelle dont l'objectif
était d'atteindre une croissance de la population à un taux de
2 % par an.
Depuis 1945, l'Australie a ainsi accueilli près de 6 millions de
personnes, et
la population totale de l'Australie pendant cette même
période est passée de 7 à 18,7 millions d'habitants
en 1997
.
Dans l'immédiat après-guerre, cette immigration à large
échelle a été facilitée par la conclusion d'accords
avec certains pays européens et avec le Commissariat des Nations-Unies
pour les personnes déplacées par la guerre.
L'abolition progressive entre 1966 et 1973 de la politique de
« l'Australie blanche » a permis ensuite l'arrivée
d'un nouveau type d'immigrants, en provenance notamment des pays asiatiques.
La part des asiatiques dans l'immigration totale est ainsi passée de
15 % en 1977 à 32 % en 1997-98 (après un pic de
51 % en 1991-92).
Lors du recensement de 1996, un Australien sur quatre était né
dans un pays non-anglophone ou avait au moins un parent originaire d'un tel
pays. Toutefois, la population asiatique ne représentait que 5,3 %
de la population australienne qui restait très majoritairement
anglo-saxonne et blanche puisque 74 % de la population étaient
d'ascendance anglo-celte et 19 % originaires d'autres pays d'Europe.
2. L'affirmation d'une identité multiculturelle
A partir
du milieu des années 1970, les Gouvernements australiens prirent
conscience de la diversité ethnique du pays et prônèrent
résolument
le caractère multiculturel de la
société australienne
5(
*
)
.
Dans un premier temps, cette politique multiculturelle consista à
encourager l'expression culturelle des minorités en déclarant
celle-ci légitime et en la faisant bénéficier du soutien
des autorités. Divers programmes gouvernementaux (stations de radio et
de télévision destinées aux minorités ethniques,
services d'interprétariat, enseignement renforcé de l'anglais
pour les non-anglophones...) furent mis en place pour que les immigrés
non britanniques puissent vivre en Australie comme des citoyens à part
entière.
L'objectif était l'intégration et non plus
l'assimilation.
Néanmoins, on s'aperçut bientôt que cela ne suffisait pas
à faire disparaître les handicaps dont souffraient ces
minorités. Aussi la politique multiculturelle fut-elle infléchie
pour lui permettre de remédier aux inégalités qui
empêchaient les immigrés de s'intégrer pleinement et
équitablement dans la société australienne.
Le multiculturalisme est aujourd'hui présenté comme une grande
réussite de la politique sociale australienne : le pays a
tiré un trait sur son racisme de naguère pour devenir l'une des
nations les plus tolérantes du monde.
Cette politique multiculturelle a reçu l'appui des principaux partis. Le
30 octobre 1996, le premier ministre, M. John Howard, a ainsi proposé
que la Chambre des Représentants réaffirme son engagement :
(1) à veiller à ce que tous les Australiens jouissent des
mêmes droits et soient traités avec le même respect, sans
distinction de race, couleur, religion ou origine ;
(2) à maintenir une politique d'immigration non-discriminatoire en
raison de race, couleur, religion ou origine ;
(3) à poursuivre le processus de réconciliation avec les
aborigènes et les habitants des îles du détroit de
Torrès, dans le cadre des efforts pour remédier aux
préjudices sociaux et économiques considérables qui leur
ont été portés ;
(4) à maintenir une société australienne ouverte,
tolérante et faisant preuve de diversité culturelle, unie par un
engagement profond envers notre nation et ses institutions et valeurs
démocratiques ; et
(5) dénonce toute forme d'intolérance raciale
considérée comme inconciliable avec le genre de
société que l'Australie est et veut être.
Le chef de l'opposition, M. Kim Beazly, a appuyé cette proposition qui
été votée à l'unanimité.
Toutefois, l'affirmation d'une identité multiculturelle de l'Australie
ne fait pas l'unanimité dans le pays. Certains, parmi la majorité
anglo-saxonne, y voient un encouragement au séparatisme, ainsi que
cadeaux dispendieux et inutiles faits aux minorités ethniques.