B. UNE POLITIQUE DE DÉFENSE PLUS AUTONOME
1. Une nouvelle doctrine militaire
Depuis
la proclamation officielle du Commonwealth d'Australie en 1901 et jusqu'au
début des années 70, l'Australie s'est placée sous la
protection de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, aux côtés
desquels elle s'est successivement engagée dans les deux conflits
mondiaux, en Corée et au Vietnam.
La décision des Britanniques d'intégrer le marché commun
et de retirer leurs troupes à l'ouest de Suez, puis un certain doute
quant à l'engagement régional des Etats-Unis, l'ont incité
à conduire
une politique de défense autonome.
Dictée par la géographie, cette politique s'est longtemps
articulée autour du principe de
« défense dans la
profondeur »
pour la seule protection du territoire national.
Sans évoquer ouvertement une
« stratégie de
l'avant »
qui serait mal perçue par ses voisins,
l'Australie considère aujourd'hui que la défense du territoire ne
commence pas sur son littoral mais doit être prise en compte bien
au-delà de ses limites
(outward looking)
.
L'
Australia's Strategic Policy
, publié en décembre 1997,
identifie
deux facteurs principaux
qui concourent à la
modification de l'environnement stratégique de l'Australie. Il s'agit
d'une part, du taux de croissance des pays du sud-est asiatique qui leur a
permis de développer les capacités de leurs forces armées
à un rythme que l'Australie est incapable de soutenir et, d'autre part,
de l'évolution de l'équilibre des pouvoirs entre les principaux
acteurs de la sécurité régionale (Chine, Etats-Unis,
Japon).
Sans cesse réaffirmée,
l'alliance avec les Etats-Unis reste
à la base de la politique de défense australienne.
Si
l'Australie n'attend pas un soutien automatique des Etats-Unis en cas de crise,
cette alliance lui assure un soutien logistique et lui ouvre l'accès au
renseignement (installations de Nurrungar et de Pine Gap) et aux technologies
nouvelles.
Par ailleurs, le souci d'éviter des conflits d'intérêts en
Asie du sud-est, en particulier dans le domaine maritime, a clairement
démontré la
nécessité d'un engagement
régional
. Déjà établi par le maintien d'un
système d'alliance multilatéral, à l'exemple du
FPDA
4(
*
)
, cet engagement a
entraîné l'établissement d'un réseau
complémentaire de relations bilatérales avec plusieurs
états d'Asie du sud-est. Ainsi, les Australiens assurent le
« commandement de la défense aérienne
intégré » du FPDA, situé en Malaisie et
admettent l'installation sur leur territoire, de bases de formation et
d'entraînement pour les forces armées singapouriennes.
L'Australie entend également continuer à exercer une influence
majeure dans le Pacifique sud avec le maintien
d'une alliance étroite
avec la Nouvelle-Zélande
(Closer Defence Relations)
, la
poursuite de son programme d'aide économique et de coopération
militaire avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée
(Defence Cooperation
Program)
et le maintien de son assistance technique aux forces des
micro-Etats insulaires.
Pour sa défense, l'Australie a déterminé deux zones :
une zone d'intérêt militaire immédiat
qui englobe le
territoire national et ses approches et dans laquelle l'Australie pourrait se
trouver engagée seule, mais dans des conflits de basse intensité,
et une
zone d'intérêt stratégique prioritaire
comprenant l'Océan indien, le sud-est asiatique et le Pacifique sud et
dans laquelle l'Australie pourrait se trouver impliquée aux
côtés de ses alliés.
Dans ce contexte, les forces armées ont pour mission de contrer toute
attaque prononcée contre un territoire désormais
sanctuarisé, d'assurer la défense des intérêts
régionaux de l'Australie et d'apporter leur concours à la
stabilité régionale. Les approches nord de l'Australie
(Sea
Air Gap)
font l'objet d'une attention particulière qui implique des
moyens accrus de surveillance de l'espace aéro-maritime (radar
transhorizon JORN
,
acquisition d'avions de type AWACS, modernisation des
P-3C Orion
)
, une amélioration de la mobilité des moyens
aéroterrestres et le renforcement du déploiement militaire dans
le nord du pays.
2. Un effort de défense soutenu
L'Australie a également le souci de garantir sur le long
terme
l'avance technologique de ses forces armées par rapport aux
pays voisins
(technological edge)
et notamment de conserver une
supériorité marquée dans le domaine de l'information et du
renseignement.
Il en résulte un effort de défense soutenu, avec un budget annuel
de l'ordre de 40 milliards de francs (1,8 % du PIB) dont 10 milliards
consacrés aux acquisitions, une armée de 53.000 hommes et femmes,
et une volonté d'impliquer et de développer son industrie de
défense.
La Défense s'est par ailleurs engagée dans
une réforme
en profondeur de ses forces armées
(Defence Reform Program)
qui a pour ambition d'économiser 4 milliards de francs par an dans le
soutien non opérationnel pour financer un accroissement des
capacités opérationnelles des forces. Les structures des
états-majors ont été profondément modifiées
pour éviter les duplications entre les trois services et favoriser
l'inter-armisation. L'ensemble du soutien non opérationnel des forces
est en cours de privatisation.
Cette politique mise en oeuvre par le gouvernement libéral fait
l'objet de nombreuses critiques.
De nombreux commentateurs font observer que l'
Australia's Strategic
Policy
a été rédigé avant l'avènement de
la crise asiatique et que depuis lors l'environnement stratégique de
l'Australie s'est fortement dégradé : déstabilisation
de l'Indonésie, crises au Timor oriental et dans tout l'arc
mélanésien, recrudescence des trafics illégaux et de
l'émigration clandestine.
Dans ce contexte, le budget actuel de la défense ne pourrait soutenir
à la fois la mise à niveau technologique, que la crise
économique rendrait moins nécessaire, les interventions dans le
voisinage immédiat (comme à Timor où la force australienne
comptait plus de 5.000 hommes) et la lutte contre les menaces nouvelles
(trafics, terrorisme...). En outre, le budget de la défense, à
son niveau actuel, ne permettra vraisemblablement pas de couvrir les
dépenses d'équipement pour assurer le remplacement des
matériels qui arriveront en fin de vie à l'horizon 2010 et le
développement de capacités nouvelles d'action.
Certains responsables politiques et militaires demandent donc un
accroissement de la part du PIB réservé à la
défense à partir de 2001
, afin de permettre le remplacement
d'un grand nombre d'équipements majeurs :
- remplacement de sa flotte d'intercepteurs et d'avions d'assaut (73 F18
et 36 F-111) ;
- acquisition d'une vingtaine d'hélicoptères de combat ;
- modernisation puis remplacement de six frégates FFG7 et le
remplacement de trois destroyers lance-missiles ;
- amélioration des sous-marins Collins et construction probable de
quatre autres unités ;
- programme d'acquisition de torpilles lourdes et légères.
L'industrie d'armement française est aujourd'hui en mesure de prendre
une part de ce marché en proposant des matériels
compétitifs et surtout des mesures d'accompagnement. Le marché
australien reste ouvert malgré une forte concurrence essentiellement
américaine et britannique, mais aussi suédoise et
israélienne.
L'ouverture et le savoir-faire de la France en matière de
coopération internationale, ainsi que ses compétences
technologiques, sont reconnus en Australie. La signature à l'automne
1997 d'un arrangement relatif à la coopération bilatérale
dans le domaine de la recherche et de la technologie de défense, ainsi
que celle en février 1999 d'un arrangement administratif relatif
à la coopération dans le domaine de l'armement nous font
maintenant disposer de deux outils importants qui devraient permettre de
concrétiser de manière effective cette volonté de
coopération.