Procès verbal de la première séance du Sénat, le 8 mars 1876
Discours de M. Gaulthier de Rumilly, doyen d’âge
La séance est ouverte à deux heures et demie.
M. le Président prononce l’allocution suivante, fréquemment interrompue par les marques d’approbation de l’assemblée :
" Messieurs les Sénateurs,
Appelé comme doyen d’âge, à la Présidence provisoire du Sénat, j’accomplis un devoir qui devient un grand honneur à la fin de ma longue carrière parlementaire. Car cette assemblée réunit des hommes éminents, dont les noms chers à nos armées, aux sciences, aux lettres, à l’agriculture, à l’industrie, à la magistrature, au barreau, attestent, l’expérience, le savoir et les services rendus au pays.
Issu, par le choix d’une grande Assemblée et de toutes les communes de France, au sein de la Nation, le Sénat nouvellement élu reçoit par son origine même une puissance que ne pouvaient obtenir les assemblées sénatoriales précédentes qui n’émanaient que du pouvoir d’un seul.
La France, rassemblée deux fois dans ses comices électoraux, vient avec la résolution, la fermeté et avec le calme qui caractérise la constance de la volonté, de consacrer de nouveau par ses votes la Constitution républicaine, devenue la base solide du Gouvernement de M. le Maréchal de Mac Mahon, le Président constitutionnel de la République légalement organisée.
La France a parlé.
La République est fondée.
La Constitution est une vérité.
Le Gouvernement du pays est assuré, et désormais le pouvoir trouvera une direction sûre par l’appui de majorités certaines.
Modérateur des pouvoirs publics par les hautes attributions qui lui sont confiées, le Sénat, gardien fidèle de la Constitution, sera aussi l’interprète expérimenté et vigilant des besoins réels du pays, des progrès nécessaires et de leur opportunité reconnue.
Je salue donc en ce jour d’inauguration des deux grandes Assemblées nouvelles, une ère d’apaisement, de paix, de sécurité, pour tous les intérêts, et de prospérité publique durable.
Après avoir traversé des temps souvent difficiles, quelquefois désastreux, j’entrevois pour notre chère patrie des jours plus heureux et un avenir rassurant, par la prudence et le dévouement de M. le Maréchal de Mac Mahon, Président de la République, par la sagesse des deux Assemblées, par l’utile harmonie de ces trois pouvoirs qui, par l’union de leurs sentiments patriotiques, sauront consolider la paix au dedans comme au dehors, réparer les fautes commises, et feront reprendre à la France le rang légitime qui lui appartient, après s’être relevée noblement des blessures qu’elle a supportées avec autant de courage que d’honneur. "