Les réunions de la délégation du Sénat pour l'Union européenne

3 février 1999


Politique agricole et de la pêche

Communication et proposition de résolution de M. James Bordas sur la proposition d'acte communautaire E 1134 relative à l'organisation commune du marché vitivinicole

Politique économique

Communication et proposition de résolution de M. Marcel Deneux sur la proposition d'acte communautaire E 1159 relative à l'activité des institutions de monnaie électronique

Politique de coopération

Communication de M. Michel Barnier sur la proposition d'acte communautaire E 1206 relative à la prorogation des protocoles financiers conclus avec Chypre et Malte


Politique agricole et de la pêche

Communication et proposition de résolution de M. James Bordas sur la proposition d'acte communautaire E 1134 relative à l'organisation commune du marché vitivinicole

En 1994, la Commission européenne avait présenté un premier projet de réforme de l'Organisation commune de marché (OCM) vitivinicole. Ce projet n'a pas été adopté par le Conseil. De fait, les prévisions alarmantes de la Commission sur l'apparition d'excédents considérables, prévisions qui sous-tendaient le projet de 1994, n'ont pas été confirmées. La réduction de la superficie viticole de la Communauté - qui est passée de 4 millions à 3,4 millions d'hectares - ainsi que l'utilisation croissante (notamment dans le sud de la France) de cépages de meilleure qualité, au rendement plus faible, a entraîné une réduction de l'offre ; parallèlement, la baisse de la consommation s'est ralentie, une consommation accrue de vins de qualité tendant à compenser la diminution, qui se poursuit, de la consommation de vins de table.

Constatant ce rééquilibrage - qui laisse cependant subsister une inadaptation persistante de la production à la demande dans certaines régions de la Communauté - la commission a présenté un nouveau projet de réforme de l'OCM vitivinicole qui a été soumis aux assemblées sous le numéro E 1134.

Les objectifs mis en avant sont les suivants :

" Maintenir sur le marché communautaire un meilleur équilibre entre l'offre et la demande, en donnant ainsi aux producteurs la possibilité d'exploiter les marchés en expansion ;

Permettre au secteur de devenir durablement plus compétitif ;

Abolir l'utilisation de l'intervention comme débouché artificiel pour la production excédentaire ;

Continuer à maintenir l'ensemble des débouchés traditionnels de l'alcool de bouche et des produits de la vigne ;

Prendre en compte la diversité régionale ;

Officialiser le rôle potentiel des groupements de producteurs et des organisations interprofessionnelles (ou équivalentes) ;

Simplifier considérablement la législation".


Pour atteindre ces objectifs, la Commission prévoit notamment :

- une allocation très limitée de droits de plantation supplémentaires (1 % sur 10 ans), ainsi que la constitution de réserves régionales de droits de plantation (les droits non utilisés au niveau régional étant affectés à une réserve nationale) ;

- une durée maximale de cinq ans pour l'utilisation des droits de replantation obtenus en contrepartie d'un arrachage de vignes ;

- le maintien des règles relatives aux pratiques oenologiques ;

- une reconnaissance du rôle des " groupements de producteurs et des organisations (interprofessionnelles ou équivalentes) représentatives du secteur ".

Par ailleurs, la proposition prévoit un transfert de compétences du Conseil vers la Commission pour une partie notable de la réglementation.

Enfin, s'agissant du régime des échanges, elle prévoit de lever l'interdiction d'importer des moûts de raisin à des fins de vinification.

* * *

Les orientations générales de la proposition E 1134 paraissent satisfaisantes sur plusieurs points : l'idée d'un " équilibre dynamique de marché ", la volonté d'éliminer la production n'ayant pour débouché que l'intervention, la poursuite de l'effort de restructuration des vignobles pour améliorer la compétitivité européenne, le principe d'une reconnaissance des interprofessions...

Cependant, certains aspects sont, à des degrés divers, préoccupants et justifient la vigilance du Sénat.

Tout d'abord, l'accroissement autorisé (1 % au total sur 10 ans) de la superficie du vignoble est insuffisant. Il est en effet indispensable que la production européenne soit à même de prendre part à l'expansion du marché mondial. Une marge de croissance insuffisante risquerait de pousser les prix européens à la hausse et d'entraîner ainsi la perte de parts de marché, compte tenu de l'intensité accrue de la concurrence sur un marché international où les pays concurrents de l'Europe ne pratiquent aucun encadrement de la production et imposent à celles-ci des normes bien moins strictes. Elle entraverait par ailleurs l'installation de jeunes agriculteurs et l'adaptation de leurs exploitations.

Dans le même sens, il convient de s'opposer à la levée de l'interdiction d'importer des moûts de raisin à des fins de vinification. L'autorisation de procéder à ce type d'importation irait directement à l'encontre des efforts pour garantir l'équilibre du marché et pour préserver la confiance du consommateur dans la production européenne. Au demeurant, cette mesure n'est pas actuellement justifiée par une demande de l'OMC. On peut d'ailleurs faire valoir que la réglementation vitivinicole de la Communauté est loin de constituer une entorse criante aux normes de l'OMC : le marché communautaire est largement ouvert aux vins étrangers, qui acquittent des droits faibles ; les restitutions à l'exportation sont très réduites (moins de 50 millions d'euros par an) et la proposition prévoit d'ailleurs de les supprimer. En outre, les mesures envisagées en contrepartie de l'autorisation d'importer des moûts à des fins de vinification, à savoir des conditions d'étiquetage très contraignantes, pourraient se trouver tout autant contestées à l'OCM que l'actuelle interdiction d'importation.

Par ailleurs, s'il est satisfaisant de voir la Commission s'orienter vers une reconnaissance de l'utilité des interprofessions, les modalités retenues à cet effet par la proposition ne paraissent pas satisfaisantes : mêlant les groupements de producteurs et les interprofessions, et transposant à l'OCM vitivinicole les règles retenues par l'OCM fruits et légumes, ces modalités sont au surplus mal adaptées à la diversité des situations nationales. Il serait bien préférable, dans un esprit de subsidiarité, de poser seulement dans le règlement le principe de la reconnaissance du rôle des interprofessions, en laissant le soin aux Etats membres d'en préciser le cas échéant les modalités.

Il paraît également souhaitable que le règlement retienne en toute clarté le principe du maintien en vigueur des normes concernant les pratiques oenologiques, rien ne justifiant une modification des équilibres actuels.

Enfin, le transfert à la Commission d'une partie notable des compétences réglementaires, tel qu'il est prévu par la proposition E 1134, porte atteinte dans des proportions excessives aux pouvoirs du Conseil. Celui-ci, notamment dans l'optique des futures négociations commerciales internationales, doit pouvoir conserver son contrôle sur certaines questions apparemment techniques, mais comportant en réalité des enjeux économiques importants. En particulier, les règles concernant l'étiquetage des vins doivent rester de sa compétence.

On peut ajouter que, dans le contexte actuel des négociations sur la réforme de la PAC, il ne paraît pas opportun de chercher à associer à tout prix la réforme de l'OCM vitivinicole aux autres aspects de ces négociations. Le marché vitivinicole forme un ensemble spécifique, qui n'a pas de lien économique avec les autres productions agricoles, et dont l'impact sur le budget communautaire est réduit. Il n'est donc pas indispensable de l'intégrer dans une réforme concernant pour l'essentiel les grandes cultures et les productions animales. Or, une telle intégration pourrait conduire à ce que les questions vitivinicoles soient abordées en méconnaissance de leurs exigences propres.

Sur proposition de M. James Bordas, et compte tenu des observations de M. Denis Badré et de Mme Marie-Madeleine Dieulangard, la délégation a approuvé le dépôt de la proposition de résolution suivante :

Proposition de résolution

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition d'acte communautaire E 1134 : proposition de règlement (CE) du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole (COM (1998) 370 final)

Demande au Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour obtenir :

- que les contraintes portant sur la croissance du vignoble soient assouplies afin, d'une part, de permettre aux producteurs européens de répondre à une demande internationale en expansion et, d'autre part, de favoriser l'installation de jeunes viticulteurs et l'adaptation de leurs exploitations ;

- que l'interdiction d'importer des moûts à des fins de vinification soit maintenue ;

- que les règles concernant l'organisation de la filière vitivinicole permettent, conformément au principe de subsidiarité, de préserver le régime et le rôle du système français d'interprofession ;

- que les normes en vigueur concernant les pratiques oenologiques soient préservées ;

- que la réglementation de l'étiquetage des vins reste de la compétence du Conseil ;

- que les négociations sur la réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole soient considérées comme dissociables de celles portant sur la réforme des autres organisations communes de marché.

La proposition de résolution de M. James Bordas a été publiée sous le n° 196 (1998-1999).


Politique économique

Communication et proposition de résolution de M. Marcel Deneux sur la proposition d'acte communautaire E 1159 relative à l'activité des institutions de monnaie électronique

Le gouvernement a saisi le Parlement, en application de l'article 88 alinéa 4, sous le numéro E 1158 de deux propositions de directives. La première concerne l'accès à l'activité des institutions de monnaie électronique et son exercice, ainsi que la surveillance prudentielle de ces institutions. La seconde modifie la directive 77/780/CEE visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédits et son exercice.

Ces deux propositions s'inscrivent dans le cadre des travaux menés par les banques centrales de l'Union européenne depuis 1993 sur la monnaie électronique et qui ont fait l'objet d'un premier rapport de l'Institut monétaire européenne en mai 1994, puis d'un rapport de la banque centrale européenne publié le 31 août 1998. Dans une communication d'avril 1997 intitulée "Une initiative européenne pour le commerce électronique", la Commission avait pris par ailleurs l'engagement de mettre en place un cadre de surveillance approprié pour la monnaie électronique.

Ces propositions s'inscrivent également dans le cadre du suivi de la communication de la Commission de juin 1997 intitulée "Services financiers: renforcer la confiance des consommateurs" et de l'exécution du mandat que le Conseil européen de Cardiff avait donné à la Commission pour présenter un "cadre d'action" pour l'amélioration de la législation communautaire sur les services financiers.

Les deux propositions de directive sont présentées au Conseil de ministres de l'Union et au Parlement européen en vue de leur adoption dans le cadre de la procédure de codécision ; le Parlement européen ne devrait pas adopter son rapport avant le mois de mars prochain ; leur examen en plénière n'est pas envisagé avant le mois d'avril.

Si les rapports des banques centrales ont directement inspiré les propositions de la Commission européenne, celles-ci s'en écartent cependant suffisamment pour que la Commission des Finances et le Sénat lui-même soient alertés sur certains points qui posent problème.

I. Le rapport de la Banque centrale européenne sur la monnaie électronique

La Banque centrale européenne (BCE) a publié le 31 août 1998 un rapport intitulé "Rapport sur la monnaie électronique".

Ce rapport approfondit la réflexion sur les implications du développement des cartes prépayées qui a été menée par l'Institut Monétaire Européen (IME) en 1994. Il l'étend aux nouvelles formes de monnaie électronique qui reposent uniquement sur un support logiciel et qui se sont développés depuis cette date. Les principaux résultats de l'étude ont déjà été publiés sous la forme d'un avis du Conseil de l'IME sur l'émission de la monnaie électronique, inclus dans le chapitre III du rapport annuel 1997 de l'IME.

Bien que la monnaie électronique ne soit pas un phénomène très répandu à ce jour, son développement est susceptible d'avoir des implications significatives pour la politique monétaire dans l'avenir. Comme les banques centrales l'ont souligné, il convient à cet égard de s'assurer que, en particulier, la stabilité des prix et la fonction d'unité de compte de la monnaie ne sont pas remises en cause.

D'autres préoccupations d'ordre réglementaire concernant la monnaie électronique doivent aussi être prises en compte : l'efficacité du fonctionnement des systèmes de paiement et la confiance dans les instruments de paiement, la protection des consommateurs et des commerçants, la stabilité des marchés financiers et la protection contre la criminalité.

Afin de garantir l'efficacité de la politique monétaire et des conditions équitables de concurrence et également d'intégrer les préoccupations réglementaires visées ci-dessus, la BCE considère comme essentiel que soient satisfaites les conditions minimales suivantes :

- les émetteurs de monnaie électronique doivent être soumis à un contrôle prudentiel ;

- l'émission doit être effectuée dans le cadre d'accords juridiques solides et transparents, être assurée d'une sécurité technique appropriée, d'une protection contre la fraude à caractère criminel et être soumise à la restitution d'informations statistiques sur les flux monétaires ;

- les émetteurs de monnaie électronique doivent être légalement contraints de rembourser la monnaie électronique émise, à la demande de son porteur, à sa valeur nominale et en monnaie de banque centrale ;

- en outre, la BCE doit avoir la possibilité d'assujettir tous les émetteurs de monnaie électronique à la constitution de réserves obligatoires .

En plus de ces conditions minimales, l'interopérabilité des schémas de monnaie électronique et l'adoption de dispositifs de garantie, d'assurance, ou de partage des pertes adéquats, sont deux objectifs qu'il semble souhaitable de poursuivre.

Dans ce contexte, et dans le prolongement des recommandations de l'IME en 1994, la solution la plus naturelle consisterait à réserver l'émission de monnaie électronique aux institutions de crédit, ce qui éviterait de modifier le cadre institutionnel actuel de la politique monétaire et l'activité bancaire. De plus, l'équité concurrentielle serait assurée pour tous les émetteurs de monnaie électronique.

La BCE reconnaît que les "établissements de crédit" sont définis dans la première directive de coordination bancaire comme des institutions qui doivent "recevoir du public des dépôts ou d'autres fonds remboursables et octroyer des crédits pour leur propre compte". La BCE est favorable à ce qu'un amendement à la première directive de coordination bancaire soit recherché en vue d'étendre son application aux institutions émettrices de monnaie électronique qui ne rentrent pas dans la définition actuelle d'"établissement de crédit".

La BCE estime que les pouvoirs publics doivent veiller à ce que les schémas de monnaie électronique remplissent les conditions minimales exposées dans son rapport. Deux fonctions, à savoir la surveillance des systèmes de paiement effectuée par les banques centrales et le contrôle prudentiel, devraient permettre d'atteindre cet objectif.

Etant donné les aspects internationaux de l'émission de monnaie électronique, en particulier celle qui est transférée par des réseaux de télécommunications comme Internet (monnaie électronique sur réseau) et qui présente un risque de délocalisation, la BCE souligne enfin la nécessité d'une coordination internationale dans ce domaine.

II. Les propositions de directive de la commission européenne

La Commission a présenté le 21 septembre 1998 des propositions visant à doter le marché unique d'un cadre réglementaire clair en ce qui concerne la monnaie électronique.

Elle a souligné que, en harmonisant les règles minimales destinées à assurer la stabilité et la solidité des établissements émettant de la monnaie électronique, ces propositions contribueront à renforcer la confiance des entreprises et des consommateurs. Ces règles permettront donc de promouvoir le développement du commerce électronique dans l'Union européenne et offriront aux consommateurs des possibilités accrues d'utilisation de la monnaie électronique : ces derniers pourront réaliser des paiements de faible montant en euros dans d'autres États membres sans avoir à changer leurs monnaies nationales, en particulier au cours de la période précédant l'introduction des billets et pièces en euros.

Selon la Commission, ces propositions permettront en outre d'assurer des conditions de concurrence égales entre les établissements de crédit traditionnels et les autres entreprises émettrices de monnaie électronique et donneront aux institutions de monnaie électronique la possibilité d'offrir leurs services partout dans l'Union européenne sur la base d'un contrôle prudentiel exercé par l'État membre d'origine.

Ces propositions définissent la monnaie électronique comme un montant monétaire stocké sur une carte à microprocesseur (carte prépayée ou "porte-monnaie électronique") ou sur une mémoire d'ordinateur (monnaie de réseau ou de logiciel), montant monétaire qui est accepté comme moyen de paiement par des entreprises autres que l'émetteur

Une première proposition de directive vise à modifier la définition des "établissements de crédit" figurant dans la première directive de coordination bancaire de façon à inclure les institutions de monnaie électronique dans le champ d'application général des dispositions des première et deuxième directives de coordination bancaire (77/780/CEE et 89/646/CEE).

Les entreprises qui émettent de la monnaie électronique, mais qui ne souhaitent pas proposer l'éventail complet des services bancaires, pourraient néanmoins bénéficier de la possibilité d'opérer dans tout le marché communautaire sur la base d'un agrément unique délivré par un seul État membre ; il s'agirait d'un "passeport unique" fondé sur le principe du contrôle par le pays d'origine ; ces entreprises seraient alors placées sur un pied d'égalité avec les établissements de crédit.

Par ailleurs, cette proposition vise à assurer que tous les émetteurs de monnaie électronique - et non seulement les seuls établissements de crédit - pourront être soumis à l'obligation de constituer des réserves que pourrait éventuellement imposer la Banque centrale européenne dans le cadre de ses mesures de politique monétaire

Les émetteurs de monnaie électronique qui ne proposent pas l'éventail complet des services bancaires seraient toutefois exonérés de certaines des autres règles de surveillance prudentielle prévues par les première et deuxième directives bancaires et ne seraient par conséquent soumis qu'aux seules règles spécifiques établies par la proposition sur l'émission de monnaie électronique.

La deuxième proposition de directive définit la monnaie électronique de manière technique et neutre, ainsi que les types d'activités commerciales accessibles aux établissements de monnaie électronique.

Elle définit également un certain nombre de règles concernant:

- l'agrément préalable par les autorités compétentes ;

- le capital initial (500 000 écus au minimum) et les exigences de fonds propres à respecter par la suite, y compris l'obligation de n'investir que dans des actifs fortement liquides et à faible risque ;

- les normes minimales à respecter en matière de compétence et d'honorabilité des gestionnaires ;

- des obligations destinées à assurer une gestion saine et prudente ;

- le contrôle prudentiel permanent ;

- l'application des directives relatives à la surveillance (92/30/CEE) et au blanchiment de capitaux (91/308/CEE).

III. Les questions soulevées par les propositions de la commission européenne

Les propositions de la Commission, directement inspirées du rapport de la Banque centrale européenne, assimilent la monnaie électronique à la monnaie scripturale : selon la Commission, la monnaie électronique est donc remboursable en monnaie de banque centrale. Les fonds stockés, contreparties de la monnaie électronique émise, sont assimilés à des dépôts bancaires. Les propositions de directives posent ainsi les conditions minimales notamment, de surveillance prudentielle et de sécurité technique dont les pouvoirs publics devraient assurer le respect.

Certaines des orientations fixées par la Commission paraissent néanmoins critiquables et ne suivent que très partiellement le rapport de la banque centrale européenne :

la définition de la monnaie électronique semble erronée dans la mesure où ces propositions conduiraient à la création d'un troisième type de monnaie (autre que fiduciaire ou scripturale) ; le fondement juridique de cette nouvelle catégorie monétaire semble peu fiable car, de l'avis de la plupart des professionnels, la monnaie électronique n'est en fait qu'une variété " modernisée " de monnaie scripturale ;

l'objectif de suppression des entraves aux échanges transfrontaliers est privilégié par rapport à toutes les notions de sécurité de transactions pour le grand public ; les exigences dérogatoires de capital initial (500.000 euros) et de ratio de fonds propres pour les émetteurs de monnaie électronique (2 % de l'encours) n'apportent pas la sécurité jugée jusqu'à présent nécessaire ;

les émetteurs de monnaie électronique ne seraient pas soumis aux règles émises par la Commission sur la garantie des dépôts ; règle qui constitue pourtant le fondement de la protection des consommateurs ;

enfin les exceptions à l'application des directives prévues pour les petits émetteurs présenteraient des risques graves sur le plan financier, mais également, sur le plan opérationnel, pour les systèmes de paiement.

Compte rendu sommaire du débat
consécutif à la communication

M. Michel Barnier :

Je remercie M. Marcel Deneux pour sa vigilance sur ce sujet qui avait été porté à votre connaissance par procédure écrite. Il va de soi que, lorsque je vous informe sur le contenu d'une proposition d'acte communautaire dans le cadre d'une procédure écrite, chaque membre de la délégation garde la possibilité de s'exprimer plus au fond pour attirer l'attention du Gouvernement sur certains aspects de ces propositions.

M. Marcel Deneux :

J'ajoute que les milieux bancaires sont maintenant particulièrement attentifs aux risques de faux monnayage que pourrait engendrer la monnaie électronique. Il existe des pirates de cette monnaie que nous n'arrivons pas toujours à prendre en défaut.

M. Jacques Oudin :

La communication des numéros de cartes de crédit dans le cadre du commerce électronique pose la question de la protection des déposants et des consommateurs. La technique semble aller tellement vite que l'insécurité est plus avancée que la sécurité. Faut-il dans ces conditions développer un nouveau système de paiement alors que la sécurité ne suit pas ? La Commission européenne ne devrait-elle pas s'en inquiéter ? J'ajoute que l'intérêt des banquiers et des commerçants ne sont pas identiques sur cette question.

M. Michel Barnier :

La proposition de résolution de notre délégation va être examinée par la commission des finances qui pourra sans doute utilement procéder aux auditions complémentaires pour prendre en compte les préoccupations que vous exprimez.

M. Jean Bizet :

J'aimerais savoir si les réseaux bancaires ont en réserve des moyens de sécurité qui pourraient être mis en oeuvre dans un proche avenir pour régler ces questions de sécurité.

M. Marcel Deneux :

Il existe en France un comité de la sécurité bancaire, qui siège au ministère de l'intérieur et qui s'est jusqu'à présent surtout préoccupé des questions de violences dans les banques (hold-up, détournement de fonds...). Si des progrès ont été fait en matière de protection physique des banques, en revanche nous n'avons pas autant progressé en matière de protection de la monnaie électronique virtuelle. Néanmoins tous les groupes bancaires - comme le Crédit agricole que je connais bien - disposent d'équipes de spécialistes de la sécurité très compétents qui travaillent sur la sécurité bancaire, y compris la sécurité des moyens de paiement électroniques.

A l'issue du débat, la délégation a approuvé le dépôt de la proposition de résolution suivante :

Proposition de résolution

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les propositions de directives de la Commission concernant d'une part, l'accès à l'activité des institutions de monnaie électronique et son exercice, ainsi que la surveillance prudentielle de ces institutions, d'autre part modifiant la directive 77/780/CEE visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédits et son exercice ;

Considérant que les propositions de la Commission, directement inspirées du rapport de la Banque centrale européenne, assimilent la monnaie électronique à la monnaie scripturale, que celle-ci est donc remboursable en monnaie de banque centrale et que les  fonds stockés, contreparties de la monnaie électronique émise, sont assimilés à des dépôts bancaires ;

Considérant que les propositions de directives posent en conséquence les conditions minimales en matière, notamment, de surveillance prudentielle et de sécurité technique, dont les pouvoirs publics devraient assurer le respect ;

Considérant cependant que certaines des orientations fixées par la Commission paraissent critiquables et ne suivent que très partiellement le rapport de la banque centrale européenne :

Demande au gouvernement qu'il obtienne que certaines des orientations proposées par la Commission ne soient pas retenues par le Conseil notamment au regard :

- de la définition de la monnaie électronique qui, dans la proposition de la Commission, conduirait à la création d'un troisième type de monnaie alors que la monnaie électronique n'est en fait qu'une variété " modernisée " de monnaie scripturale ;

- des notions de sécurité de transactions pour le grand public ; les exigences dérogatoires de capital initial (500.000 euros) et de ratio de fonds propres pour les émetteurs de monnaie électronique (2 % de l'encours) n'apportant pas la sécurité jugée jusqu'à présent nécessaire ;

- des émetteurs de monnaie électronique qui ne seraient pas soumis aux règles sur la garantie des dépôts, règle qui constitue pourtant le fondement de la protection des consommateurs ;

- enfin des exceptions à l'application des directives prévues pour les petits émetteurs qui présenteraient des risques graves, non seulement sur le plan financier, mais également, sur le plan opérationnel, pour les systèmes de paiement.

La proposition de résolution de M. Marcel Deneux a été publiée sous le n° 197 (1998-1999).


Politique de coopération

Communication de M. Michel Barnier sur la proposition d'acte communautaire E 1206 relative à la prorogation des protocoles financiers conclus avec Chypre et Malte

Ces deux propositions de décision du Conseil ont pour objet d'étendre la période pendant laquelle les fonds disponibles dans le cadre des quatrièmes protocoles financiers conclus avec Chypre et Malte en 1995 pourront être engagés.

Ces accords, qui avaient déjà été examinés par la délégation lors de leur conclusion, tendent à faciliter le financement d'actions destinées à favoriser la modernisation de l'économie de ces pays dans la perspective de leur adhésion à l'Union.

Pour Chypre, l'aide communautaire s'élevait à 74 millions d'écus pour la période 1995-1998. Pour Malte, cette somme était de 45 millions d'écus.

Les fonds n'ayant pas été intégralement engagés avant la date d'expiration de ces protocoles (fin 1998), la proposition E 1206 prolonge jusqu'au 31 décembre 1999 la possibilité d'engager les fonds restés disponibles.

Le Conseil doit adopter ce texte très prochainement et le Gouvernement a souhaité que nous lui fassions savoir rapidement si la délégation désirait maintenir la réserve d'examen parlementaire.

La proposition E 1206 ne modifie ni le montant, ni la substance des protocoles financiers qui sont simplement prorogés. Elle ne pose donc pas de difficulté particulière.

A l'issue de cette communication, la délégation a décidé de ne pas intervenir à propos de ce texte.