CONCLUSION
La crise économique actuelle présente le paradoxe d'avoir débuté au sein, ou à proximité, de l'un des secteurs apparemment les plus régulés de l'économie, y compris au niveau mondial, à savoir le secteur bancaire .
Elle illustre les limites de tout processus normatif, dès lors que son « esprit » n'est pas partagé par tous : à peine édictées, les règles se heurtent immédiatement aux mutations engendrées par l'innovation, et se créent des stratégies de contournement qui en relativisent la portée, ce qui nécessite un processus d'adaptation continuelle. C'est pourquoi le renforcement des pouvoirs des superviseurs, et l'amélioration des mécanismes de transparence, paraissent nécessaires pour contrer les crises futures que l'ajustement technique des règles applicables ne suffirait probablement pas à prévenir.
La mondialisation financière rend également nécessaire d'élargir le champ de la régulation aux entités et territoires actuellement peu ou pas couverts (hedge funds, paradis fiscaux...). Cet aspect est prioritaire, dans la mesure où toute faille dans le champ d'application de la régulation peut la rendre inopérante . Les années récentes ont en effet témoigné qu'une régulation relativement forte, comme celle existant dans le secteur bancaire, n'avait pas empêché l'émergence progressive de risques majeurs. Les acteurs ont déplacé ces risques vers des structures où ils apparaissaient moins clairement (portefeuilles de négociation, hors-bilan des banques, entités faiblement régulées, paradis fiscaux...).
Or le risque économique global généré par le crédit hypothécaire subprime n'en était pas globalement amoindri , même s'il pouvait sembler l'être pour chaque acteur considéré individuellement. En bref, même si elle n'en constitue pas l'alpha et l'oméga, une supervision microfinancière systématique est indispensable à l'exercice d'une supervision macro-prudentielle efficace.
Dans cette perspective, une désegmentation de la régulation peut également paraître souhaitable , afin que l'ensemble des intervenants soient contrôlés simultanément, selon des règles, certes propres à chaque secteur, mais comportant des principes communs, ce qui rendrait possible une appréciation générale, à la fois internationale et transsectorielle, du niveau de risque dans l'économie .
Le processus Lamfalussy renforcé , tel que préconisé par le rapport de Larosière, est un pas dans cette direction mais est vu par certains comme trop timide. Il tend à donner un rôle directeur à la BCE , et paraît s'orienter vers une fusion des autorités de régulation bancaire, financière et assurancielle. Sa mise en oeuvre sera toutefois un processus lent, fondé sur des coordinations complexes et peu lisibles du grand public, sans suppression de structures existantes et sans incarnation forte du pouvoir de régulation , puisque plusieurs autorités seront en première ligne (Conseil ECOFIN, BCE, SEBC, Conseil européen du risque systémique, système européen de supervision financière...). La même observation pourrait être faite s'agissant de l'échelon mondial de la supervision, même si à ce niveau la complexité est plus facilement justifiable (G20, FMI, Conseil de stabilité financière, Banque Mondiale, Comité de Bâle...).
Donner des pouvoirs propres de réglementation et de sanction à une autorité internationale, qu'elle soit européenne ou mondiale, se heurte en réalité à des questions de légitimité qui, à ce stade, ne sont pas toujours posées . Or le renforcement de la régulation ne nécessite pas seulement la création de structures supplémentaires, l'affectation de moyens conséquents, et l'ajustement technique des normes. Ces mesures devraient s'accompagner d'une réflexion approfondie sur la légitimité et la responsabilité des autorités qui seront chargées de mettre en oeuvre la réforme de la régulation, du moins si l'on souhaite assurer l'efficacité de cette réforme pour prévenir et traiter de futures crises.