F. LA COMPENSATION DES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES
La compensation des transferts de compétences s'effectue selon une procédure désormais bien rôdée : la loi de finances pour 2006 établit le niveau provisoire des compensations pour les compétences transférées en 2006 (articles 37, 40 et 41 de la loi de finances pour 2006) et la loi de finances rectificative pour 2005 prévoit les ajustements en fonction des estimations définitives des charges transférées en 2005 (articles 2, 3 et 4 de la loi de finances rectificative, auxquels on peut ajouter l'article 84). Cette procédure fait intervenir en amont la commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC), présidée par le sénateur de Hauts-de-Seine M. Jean-Pierre Fourcade, et dont l'essentiel des préconisations a été suivi.
Les tarifs de taxe intérieure sur les produits pétroliers (pour les régions) et de taxe spéciale sur les contrats d'assurance (pour les départements) ont ainsi été ajustés pour tenir compte des nouveaux niveaux de charges.
En 2006 (au titre des compétences transférées en 2005 et 2006), ce sont ainsi 643 millions d'euros de ressources nouvelles qui sont transférés aux régions, et 225 millions d'euros pour les départements.
1. Les régions
L'article 40 de la loi de finances pour 2006 est relatif aux régions, il :
- organise les modalités de la compensation financière dont les régions bénéficieront en 2006 au titre des compétences transférées par la loi du 13 août 2004 ;
- ajuste la compensation versée à la région Ile-de-France au titre de son entrée dans le syndicat des transports d'Ile-de-France ;
- compense la suppression de la vignette automobile pour la collectivité territoriale de Corse (voir infra II-F).
La modalité privilégiée de compensation aux régions est un transfert de TIPP, en ventilant entre régions une fraction des tarifs de la taxe.
Un amendement du gouvernement adopté par le Sénat a tiré les conséquences des ajustements du droit à compensation des régions intervenus depuis le dépôt du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale et a également tiré les conséquences du transfert à la région Centre des actions de formation de l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). L'ensemble de ces ajustements représente une majoration de 51,7 millions d'euros du droit à compensation des régions : sous forme de 50,5 millions d'euros supplémentaires de TIPP pour les régions de métropole, et 1,2 million d'euros de dotation générale de décentralisation (DGD) pour les régions d'outre-mer.
Trois amendements du gouvernement adoptés après la commission mixte paritaire (CMP) ont corrigé l'imputation du droit à compensation pour la part « collèges » entre la collectivité territoriale de Corse et les deux départements corses.
Il faut noter que l'article 4 de la loi de finances rectificative donne suite à une proposition émise par l'Observatoire de la décentralisation, à savoir calculer la compensation des régions au titre des formations sanitaires et sociales sur la base des dépenses de l'Etat en 2004, plus avantageuse pour les régions que la moyenne 2002 à 2004. Toutefois, par amendement du gouvernement adopté au Sénat, le calcul de la compensation versée aux régions pour le transfert des formations des personnels paramédicaux sur supports hospitaliers s'effectuera sur la base des budgets annexes que les instituts de formation ont l'obligation de mettre en place depuis l'année 2005, car il n'est pas possible de reconstituer la dépense exécutée en 2004 par l'assurance-maladie.
En conséquence, mais aussi dans le but de compenser les charges liées à l'alignement du montant des bourses sanitaires et sociales sur celles sur critères sociaux de l'enseignement supérieur, cet amendement majore de 4,4 millions d'euros la compensation financière accordée aux régions.
Sur initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale, l'article 108 de la loi de finances pour 2006 rétablit la possibilité qu'avait le syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) avant sa transformation en établissement public local, de placer une partie de sa trésorerie en valeurs d'Etat ou en valeurs garanties par l'Etat.
L'article 84 de la loi de finances rectificative pour 2005 donne aux régions un pouvoir encadré de moduler les tarifs de leur TIPP à compter de 2007. La marge maximale d'augmentation qui leur est offerte s'élève à 665 millions d'euros, à supposer qu'elles l'utilisent toutes (mais elles pourront aussi baisser le tarif).
Enfin, sur amendement du gouvernement au même texte, et afin d'éviter des contentieux potentiellement coûteux, l'article 130 clarifie la rédaction de l'article 1 er de la loi du 13 août 2004 en ce qui concerne le périmètre des aides susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation conclues entre le conseil régional et le préfet de région.
2. Les départements
L'article 41 de la loi de finances pour 2006 actualise pour les départements le montant de la fraction de la taxe sur les conventions d'assurance (TSCA) obtenue en contrepartie des compétences transférées par la loi du 13 août 2004. Il intègre également la compensation de la suppression de la vignette, prévue par l'article 14 de la loi de finances pour 2006 (voir infra II-F).
Un amendement du gouvernement adopté par le Sénat tire les conséquences des ajustements du droit à compensation des départements, intervenus depuis le dépôt du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale.
Comme à l'article 40, trois amendements adoptés après la CMP ont corrigé l'imputation du droit à compensation pour la part « collèges » entre la collectivité territoriale de Corse et les deux départements corses.
S'agissant du revenu minimum d'insertion, la loi de finances rectificative pour 2005 (article 2) prévoit un ajustement ponctuel des tarifs de TIPP de 457 millions d'euros, pour respecter l'engagement pris par l'ancien Premier ministre, aujourd'hui sénateur de la Vienne, M. Jean-Pierre Raffarin, de combler l'écart entre la dépense et la ressource constaté en 2004.
A l'initiative du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, M. Philippe Marini, un fonds de mobilisation de l'insertion, doté de 100 millions d'euros en 2006 et 80 en 2007, a été créé, pour encourager les efforts des départements en faveur de l'insertion des titulaires du RMI, et combler, au moins partiellement, l'écart entre dépenses et ressources encore observé en 2005 (article 37 de la loi de finances pour 2006). Les attributions du fonds seront fonction des actions et des résultats obtenus par les départements en matière de retour des titulaires vers l'emploi. On peut rapprocher cette mesure d'une proposition du sénateur M. Michel Mercier au nom de l'Observatoire de la décentralisation, qui proposait une forme de péréquation entre départements dont un des critères porterait sur l'effort réalisé pour diminuer, par l'insertion, le nombre de titulaires du RMI.
Il peut également être observé que la loi de finances pour 2006 crée un nouveau compte de concours financiers intitulé « avances aux collectivités territoriales », chargé de verser par douzième, et par avance pour l'essentiel, le produit des impositions locales. L'article 46 de la loi prévoit que le compte versera aux départements le produit de TIPP qui leur est dû pour le financement du RMI, ce qui mettra un terme à l'irrégularité de la perception de la TIPP dont souffraient les conseils généraux. Cette demande avait été formulée par la CCEC. En outre, à l'initiative de M. Yves Fréville, l'article 104 de la loi de finances rectificative pour 2005 donne un fondement législatif à la règle selon laquelle l'Etat verse chaque mois aux départements et aux régions le douzième des impositions qu'ils ont votées. Cette règle figurait déjà à l'article L. 2332-2 du code général des collectivités territoriales pour les communes et les établissements publics locaux (y compris les EPCI).
En sens inverse, il convient de mentionner que la recentralisation des actions de prévention sanitaire occasionne une diminution de 41,6 millions d'euros de la DGF des départements, auxquels s'ajoutent 1,2 million d'euros sur amendement du gouvernement au Sénat pour adapter ce montant aux choix les plus récemment exprimés par certains conseils généraux (article 66 de la loi de finances pour 2006).
Il convient de mentionner, hors lois de finances, que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie devrait verser en 2006 environ 520 millions d'euros aux départements pour la nouvelle prestation de compensation du handicap et le lancement des maisons départementales des personnes handicapées.
3. Ajustements destinés à faciliter les transferts de compétences
A l'initiative des sénateurs MM. Eric Doligé (Loiret), Jean-Paul Emin (Ain) et François Trucy (Var), l'article 125 de la loi de finances rectificative permet aux départements, jusqu'au 31 décembre 2010, d'édifier des casernes dans le cadre de baux emphytéotiques administratifs au profit des services départementaux d'incendie et de secours.
L'article 85 de la loi de finances pour 2006 précise les effets dans le temps du droit d'option des personnels transférés dans l'exercice de leur choix entre fonction publique territoriale et maintien en détachement. Si l'option est exercée après le 31 août de l'année n-1, elle ne prend effet que dans l'exercice n+1, de façon à ce que le calcul des compensations soit réalisé dans les meilleures conditions.
A l'initiative de M. François Trucy, sénateur du Var, l'article 72 de la loi de finances rectificative pour 2005 étend l'exonération du prélèvement prévu par l'article 879 du code général des impôts (salaire des conservateurs des hypothèques) à tous les transferts de biens immobiliers prévus par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ou par la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse.
4. Dispositions relatives à des organismes accordant des aides financières aux collectivités locales
En marge de la question des transferts de compétences, des dispositions, parfois importantes, touchent des organismes qui assistent les collectivités locales.
On peut ainsi rappeler que l'article 35 de la loi de finances maintient à 83 millions d'euros le prélèvement opéré par l'Etat sur les agences de l'eau pour financer les compétences qui incombent à ce dernier en la matière. Les agences de l'eau sont désormais les principaux financeurs des collectivités rurales pour leur besoin en adduction et en réseaux.
L'article 53 de la loi de finances crée un nouvel établissement public, le centre national de développement du sport, qui se substitue au fonds national de développement du sport (FNDS), et qui sera doté de 180 millions d'euros. La clé de distinction des dépenses du CNDS ne sera pas sport de masse/sport de haut niveau, mais opération à impact national/ou à impact local. Les collectivités locales et leurs associations sportives satellites seront donc directement concernées par le nouvel établissement.
L'article 63 de la loi de finances crée une société de valorisation des biens fonciers et immobiliers de Réseau Ferré de France, inutiles au service ferroviaire. Cette société sera chargée d'accélérer la mise de ces biens sur le marché, dont beaucoup sont susceptibles d'intéresser les collectivités locales.
Inséré à l'initiative des sénateurs réunionnais M. Jean-Paul Virapoullé et Mme Anne-Marie Payet, l'article 89 du même texte rend les EPCI et les communes de plus de 50 000 habitants de la Réunion éligibles au Fonds d'investissement des routes et des transports (FIRT), au même titre que les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane.
L'article 136 du même texte, inséré à l'Assemblée nationale à l'initiative du gouvernement, élargit le champ d'intervention du fonds de prévention des risques naturels majeurs dans trois domaines :
- ce fonds pourra financer, dans la limite de 16 millions d'euros par an, à compter du 1er janvier 2006 et jusqu'au 31 décembre 2012, les dépenses afférentes à la préparation et à l'élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles et aux actions d'information préventive sur les risques majeurs. Dans ce cas, il prend en charge les trois quarts de la dépense.
- il pourra contribuer, dans la limite de 33 millions d'euros par an, et jusqu'au 31 décembre 2012, au financement des études et travaux de prévention contre les risques naturels dont les collectivités territoriales ou leurs groupements assurent la maîtrise d'ouvrage, dans les communes couvertes par un plan de prévention des risques prescrit ou approuvé. Dans ce cas, le taux d'intervention est fixé à 50 % pour les études et à 25 % pour les travaux.
- il pourra enfin, dans la limite de 35 millions d'euros au total, jusqu'au 31 décembre 2012, contribuer au financement des études et travaux visant à prévenir les conséquences dommageables qui résulteraient du glissement de terrain du site des Ruines de Séchilienne dans la vallée de la Romanche, en Isère. Dans ce cas, le taux d'intervention est fixé à 50 % pour les études et à 25 % pour les travaux.
Enfin, à l'initiative des sénateurs aquitains MM. Jacques Valade, Auguste Cazalet, Gérard César et Xavier Pintat, l'article 118 de la loi de finances rectificative facilite l'indemnisation des tiers autres que l'Etat par le Fonds international d'indemnisation de 1992 pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL), pour les dommages dus au naufrage du Prestige.
L'indemnisation par le FIPOL des dommages subis par des tiers, autres que l'Etat, à la suite du naufrage du Prestige, pourra s'effectuer à partir des créances détenues par l'Etat sur ce fonds au titre des dommages dont il a été également victime du fait de ce même sinistre.