Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
J'excuse l'absence du Premier ministre qui ne peut être présent aujourd'hui. Notre Assemblée lui témoigne toute sa sympathie.
Il m'a confirmé qu'il serait bien présent parmi nous jeudi 7 novembre prochain à 10 h 30 pour participer à la séance de commémoration du 80e anniversaire de la réunion de l'Assemblée consultative provisoire au palais du Luxembourg. Mes chers collègues, je compte donc sur votre présence jeudi prochain.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.
Mercosur (I)
M. Laurent Duplomb . - (Applaudissements et marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains) C'est une première dans l'histoire du Sénat, mais la menace qui pèse sur les agriculteurs le justifie : ma question s'adresse non au Gouvernement, mais au Président la République ! (Murmures à gauche)
Au début de cette année, avant les élections européennes, c'est lui qui promettait la suspension des négociations sur le Mercosur, et nous assurait qu'il y aurait des clauses miroirs. (M. Rachid Temal s'exclame.) Nous avions pourtant rejeté le Ceta pour cette raison.
C'est lui qui a le pouvoir de bloquer cet accord ; en effet, en dépit de la désinformation, la France a encore un droit de veto. Comme l'a dit la ministre Primas le 22 octobre dans la presse, un accord mixte nécessite une approbation à l'unanimité au Conseil de l'Union européenne.
M. Fabien Gay. - Et au Parlement !
M. Laurent Duplomb. - Si la Commission entend contourner ce veto, aucune décision n'a encore été prise sur le fait de scinder l'accord. La France a toute légitimité à s'y opposer. Face à cette attitude méprisante de la Commission, pourquoi, monsieur le Président de la République, n'utilisez-vous pas votre veto ? (Protestations à gauche et sur les travées du RDPI)
Combien de temps allez-vous nous contraindre à regarder périr nos agriculteurs ? La Commission européenne piétine la démocratie ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE-K et du GEST)
Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger . - Je ne vous apprendrai rien : je ne suis pas le Président de la République... (Rires ; « Pas encore ! » à droite)
Le Premier ministre et le Gouvernement dans toutes ses composantes font front face aux bruits qui courent. Depuis 2019, les négociations n'ont pas beaucoup évolué. Nous faisons barrage, car nous souhaitons avant tout que l'accord de Paris soit intégré à l'accord avec le Mercosur. En cas de violation, nous pourrions ainsi le suspendre.
Quant à l'accord d'association, il doit être aligné avec les compétences des États membres. Nous ne voulons pas de scission de l'accord : les parlements doivent être interrogés.
L'accord doit être aligné avec la nouvelle politique de l'Union européenne qui concilie commerce et développement durable, en faveur d'un alignement des normes vétérinaires et phytosanitaires.
Nous connaissons la colère des agriculteurs. Nous en appelons - comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale - à la mobilisation de tous. Chacun d'entre vous, de toutes les travées, peut convaincre les députés européens, les associations environnementales (M. Yannick Jadot s'exclame), les agriculteurs de tous les pays qu'un autre accord est possible. J'appelle à une mobilisation générale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur quelques travées du RDPI et du groupe INDEP)
Black-out en Guadeloupe
M. Dominique Théophile . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Monsieur le ministre, la Guadeloupe a été plongée dans une crise sans précédent, avec un black-out de 48 heures qui a laissé 230 000 foyers sans électricité, livrés à eux-mêmes, à la suite de l'arrêt de la centrale de Jarry. Nos concitoyens ont vécu dans l'angoisse et l'insécurité : pillages, saccages et vandalismes se sont multipliés malgré le couvre-feu imposé par le préfet. Certains ont été jusqu'à attaquer une bijouterie à la pelle mécanique en plein centre-ville !
Imaginez des enfants terrifiés, des malades en détresse dans des hôpitaux fonctionnant sur des générateurs d'urgence à l'autonomie incertaine... Cela a révélé la vulnérabilité de nos territoires face aux tensions sociales et aux crises énergétiques. Comment en 2024 des citoyens peuvent-ils être abandonnés dans le noir et l'impuissance ? Je condamne sans concession ces actes de sabotage injustifiables. Il faut retrouver le chemin du dialogue.
Quelles mesures seront prises pour que de tels événements ne puissent plus se reproduire ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.)
M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer . - Je m'associe à vos propos : nos compatriotes guadeloupéens ont vécu une situation très difficile. Ces violences sont inadmissibles - comme celles qu'ont connues, dans une moindre mesure, la Martinique et La Réunion.
Un accord social était sur le point d'aboutir entre EDF et les salariés. Aucune intrusion forcée au sein des entreprises n'a eu lieu ; ce sont des personnels déjà présents dans l'entreprise qui ont arrêté les moteurs et mis certains de leurs collègues en danger.
Les discussions se sont ouvertes entre les salariés et EDF ; le préfet a immédiatement réquisitionné les personnels pour reprendre la production d'électricité. Le procureur a engagé des poursuites et une plainte a été déposée par EDF.
Nous veillons à ce que le calme revienne. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Désenclavement de la Loire
M. Pierre Jean Rochette . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Toute la France le sait : Lyon ne peut se passer de Saint-Étienne (sourires) : 20 000 voyageurs par jour sur la ligne ferroviaire et des échanges économiques importants, malgré une A47 saturée régulièrement.
Le sujet n'est pas local, mais national. Depuis les inondations, nous vivons au ralenti. Depuis l'abandon de l'A45, il n'y a pas eu de remède miracle. Les mesures compensatoires ne sauraient relever le défi de la mobilité entre Saint-Étienne et Lyon.
J'en appelle à votre sollicitude sur un sujet que vous maîtrisez parfaitement : réunissez les opérateurs, les collectivités territoriales pour proposer un nouveau schéma de mobilité, comme vous l'avez fait parfaitement dans votre département de l'Essonne, avec les cars express.
C'est un sujet important pour les Foréziens : toute la Loire vous écoute ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports . - J'ai d'abord une pensée pour les habitants ayant vécu ces événements, ainsi que pour les agents du service public qui ont travaillé à restaurer les circulations.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour la régénération des infrastructures ferroviaires, mais aussi pour leur adaptation au changement climatique.
À la demande du Premier ministre et de la ministre Catherine Vautrin, j'organiserai au début de l'année prochaine une conférence sur le financement des mobilités qui permettra de trouver plus de moyens. (Mme Cécile Cukierman ironise.)
Sur la route, nous devons mettre plus de monde dans moins de véhicules - c'est l'enjeu du plan Cars express que j'ai l'intention de présenter au début de l'année 2025. J'espère que les débats parlementaires de l'automne permettront de trouver des solutions juridiques et financières pour créer ces solutions rapides à mettre en oeuvre, peu coûteuses, écologiques, pour Lyon, Saint-Étienne et au-delà. (M. Bernard Jomier ironise.)
M. Pierre Jean Rochette. - Nous aurons l'occasion d'en reparler... Je remercie les membres du Gouvernement qui se sont déplacés dans mon département. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER)
Cela ne fait pas tout, bien sûr, mais cela met un peu de baume au coeur ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)
Marseille en grand
Mme Mireille Jouve . - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Nicole Duranton applaudit également.) Le plan Marseille en grand, estimé à 5 milliards d'euros, est une réponse forte de l'État pour rattraper les retards affectant les services structurants à Marseille, tels que l'école, les transports, le logement ou encore la sécurité.
Pourtant, le 21 octobre dernier, la Cour et la Chambre régionale des comptes ont publié un document de 180 pages qui a mis le feu aux poudres. Je ne céderai pas à la critique facile, mais un tel plan est un défi considérable : Marseille est la porte d'entrée de l'Europe vers la Méditerranée. Ne gâchons pas cette chance de renaissance pour la deuxième ville de France, qui rejaillirait sur les communes voisines, la région et toute la France.
Suivrez-vous la préconisation de la Cour des comptes de créer une superstructure de gouvernance accompagnant le versement des 5 milliards d'euros promis par le Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation . - Vous avez raison : Marseille en grand est une vision partagée par le Président de la République pour apporter des réponses à la deuxième ville de France.
Le rapport rendu le 21 octobre dernier date en fait du deuxième semestre 2023 ; j'insiste sur ce point, car il s'est passé beaucoup de choses en dix mois. Je salue l'action des élus et des services de l'État autour du préfet Mirmand, avec un engagement de 90 % des crédits. Six écoles ont été livrées à la rentrée et quatre devraient suivre. Je parlais ce matin encore avec Valérie Létard du logement, pour lequel 600 millions d'euros sont mobilisés.
Une coordination doit être mise en place, sous la conduite du Premier ministre, avec tous les services de l'État et les élus, la région, le département, la métropole et la ville de Marseille.
M. Mickaël Vallet. - Quand même !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - C'est comme cela que nous apportons des réponses pour le quotidien des Marseillais. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Mireille Jouve. - Les communes voisines n'ont pas les reins assez solides pour soutenir la ville centre qu'est Marseille. Nous attendons les financements et une vraie gouvernance. (Applaudissements sur quelques travées du RDSE)
Avenir de la fonction publique
Mme Laurence Rossignol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Grégory Blanc applaudit également.) Monsieur le ministre Kasbarian, vous avez en charge la fonction publique ; aussi pourrait-on imaginer que vous veilliez à son efficacité, que vous vous assuriez par exemple qu'il y ait un enseignant devant chaque élève - dans le Val-de-Marne, on en est loin ! (Murmures à droite)
On pourrait imaginer que vous envisagiez de recruter des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) ou des cadres territoriaux, que vous veilliez à ce que des policiers ne se suicident plus et que les magistrats ne meurent plus d'épuisement en pleine audience, que vous redonniez le goût aux Français de s'engager dans la fonction publique...
Or depuis votre prise de fonctions, vous n'avez que le mépris à la bouche. (M. Guillaume Kasbarian fait non de la tête ; murmures indignés à droite) À coups de fake news sur les arrêts maladie et les prétendus privilèges et de comparaison mensongère entre le privé et le public, vous faites porter aux fonctionnaires la dégradation du service public que vous avez méthodiquement organisée depuis 2017. (Applaudissements à gauche)
Êtes-vous là pour détruire la fonction publique, l'offrir au privé et éteindre derrière vous les lumières de la République ? (Applaudissements à gauche ; « Oh » à droite)
M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique . - Je n'ai jamais eu le moindre mépris pour les fonctionnaires de notre pays. Je salue le travail des 5,7 millions d'agents. (On fait mine de jouer de la flûte à gauche.) Je partage les objectifs que vous avez cités, notamment celui d'offrir le meilleur service aux usagers. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER)
Parmi les différents sujets à traiter figure celui de l'absentéisme : 77 millions de jours d'absence sont comptabilisés, contre 43 millions il y a quelques années.
M. Pascal Savoldelli. - Le Gouvernement a été absent un bon moment, lui aussi !
M. Guillaume Kasbarian, ministre. - Pas moins de 14,5 jours d'arrêt sont comptés pour la fonction publique, contre 11 dans le privé.
J'ai donc présenté un plan de lutte contre l'absentéisme qui va dans le sens d'un alignement sur le privé : passage à trois jours de carence et à 90 % de prise en charge. (Protestations à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Mais il y a aussi des mesures d'accompagnement : ergonomie des postes, lutte contre les risques psychosociaux, contre la bureaucratie qui pénalise parfois les agents eux-mêmes (protestations redoublées à gauche), ou encore amélioration de la protection fonctionnelle. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Mme Laurence Rossignol. - Nous ne parlons pas d'absentéisme, mais d'arrêts maladie. L'absentéisme, ce sont les lycéens qui sèchent... (Applaudissements à gauche ; huées à droite) Vous parlez d'enlever 320 euros brut à chaque fonctionnaire en arrêt maladie de cinq jours. Qu'est-ce que vous les aimez ! (Applaudissements à gauche)
Poids des marchés financiers
M. le président. - Notre collègue Éric Bocquet, sénateur du Nord depuis 2011, a décidé de cesser ses fonctions à compter du 1er novembre prochain afin de laisser la place à une nouvelle génération. Je le remercie pour son engagement au sein du bureau du Sénat en tant que secrétaire, et au sein de la commission des finances, dont il a été un vice-président et un membre reconnu et apprécié.
Il a contribué à de nombreux travaux du Sénat sur les sujets financiers et fiscaux, en particulier en tant que rapporteur de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales. Je lui souhaite le meilleur pour la suite à Marquillies - je connais bien la ville désormais.
Dans le message qu'il nous adresse à tous, il souhaite que le Sénat « poursuive le combat incessant pour nos communes, premier échelon de la République, si utiles dans des temps si incertains. » Nous pouvons le partager. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent longuement.)
M. Éric Bocquet . - Merci monsieur le Président, vous êtes un très bon chauffeur de salle ! (Sourires)
Le 28 octobre 1966, lors d'une conférence de presse, le général de Gaulle eut cette formule célèbre : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille ».
Le débat budgétaire est engagé au Parlement. Sur mon chevet de droite, j'ai Les Échos, et sur celui de gauche, l'excellent journal L'Humanité. (Sourires) Il y a quelques jours, Les Échos titrait : « La France et l'Italie sous la surveillance des marchés et des agences de notation. » Deuxième lame le lendemain : « Michel Barnier se lance dans la bataille politique, sous l'oeil des marchés financiers ».
Madame la ministre, vous êtes membre du Gouvernement, mais est-ce bien vous qui gouvernez ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - C'est un honneur de répondre à votre dernière question d'actualité, après treize ans d'exercice passionné de votre mandat sénatorial. Chacun connaît vos combats contre l'évasion et la fraude fiscale, enjeux essentiels du pacte républicain.
Vous avez évoqué notre souveraineté. Notre dette est certes importante quantitativement, mais elle a pour atout une base extrêmement large : investisseurs privés, banques, assureurs, banques centrales. Une large majorité des prêteurs vient de la zone euro, dont un quart de Français ; le dernier quart est hors zone euro.
N'avoir qu'un seul prêteur est risqué, ce n'est notre cas.
Un titre de dette ne donne aucun droit sur la conduite de la politique de la France, ce n'est pas une action. Le seul droit de l'investisseur est d'être remboursé.
Au nom du Gouvernement, je vous remercie pour votre engagement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Éric Bocquet. - Voilà des décennies que nous subissons le chantage à la dette publique. L'an prochain, vous allez réemprunter 306 milliards d'euros, un record, et verserez 55 milliards d'euros d'intérêts aux marchés financiers. La République est chez Cofidis !
Les gouvernements ont désarmé fiscalement l'État : en supprimant des impôts, nous avons perdu des milliards qui manquent aujourd'hui pour rééquilibrer le budget. Cela fait cinquante ans que cela dure. Il est temps de redonner à la République sa souveraineté fiscale et budgétaire.
La dette, c'est le revolver de la finance qui met en joue les populations ! Comme disait John Adams, le deuxième président des États-Unis : « il y a deux manières de conquérir et d'asservir une nation : l'une est par les armes, la deuxième par la dette. » (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du GEST et sur quelques travées du RDSE et du groupe UC)
Narcotrafic (I)
M. le président. - Je salue Mme Anne-Sophie Patru, c'est sa première question au Sénat.
Mme Anne-Sophie Patru . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Samedi 26 octobre au matin, des rafales sont entendues dans le quartier de Maurepas à Rennes. Alors que des hommes ont été vus armés, un homme de 29 ans, connu de la police, quitte le quartier en voiture. Avec lui, son fils de 5 ans. Une course-poursuite s'amorce, des coups de feu éclatent, les assaillants s'enfuient. L'enfant est touché à la tête, son pronostic vital est toujours engagé. Nos pensées vont à sa famille. Cette fusillade marque un nouveau palier dans la violence et l'horreur du narcotrafic, malgré le travail quotidien des forces de l'ordre et de la justice, auxquelles je rends hommage.
Pour endiguer un tel fléau, les travaux ne manquent pas, notamment la proposition de loi de Jérôme Durain et Étienne Blanc.
Cette guerre, nous devons la mener de façon transpartisane, sans quoi s'imposera l'image d'un pays gangrené par le trafic de drogue.
Combien de temps la CRS 82 sera-t-elle présente en renfort dans notre département d'Ille-et-Vilaine ? Le 8 novembre prochain, annoncerez-vous le parquet national dédié, préconisé par nos collègues ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations . - Ce drame est une tragédie absolue. J'ai à mon tour une pensée émue pour cette très jeune victime et sa famille. Qu'un enfant de 5 ans soit blessé par balle sur fond de règlement de comptes entre narcotrafiquants est insupportable.
Une voix à droite. - Très bien !
M. Othman Nasrou, secrétaire d'État. - Ce drame montre combien le ministre de l'intérieur a raison de dénoncer le narco-banditisme, que l'on peut même qualifier de narco-barbarie. Nous engageons tous les moyens possibles pour lutter contre ce fléau. La proposition de loi Blanc-Durain est une bonne base de travail.
La compagnie CRS 82 a été immédiatement dépêchée sur le terrain, et y restera le temps nécessaire pour assurer la tranquillité. Amaury de Saint-Quentin, nouveau préfet de la région, suit la situation de près. Le ministre de l'intérieur se rendra lui-même à Rennes vendredi prochain.
Il y a un lien entre consommation de drogue et développement des réseaux mafieux. Il faut le dire clairement : acheter de la drogue, c'est armer les trafiquants. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Ce combat prendra du temps, mais nous allons le gagner. (Mêmes mouvements)
Narcotrafic (II)
M. Guillaume Gontard . - (Applaudissements sur les travées du GEST) À Rennes, un enfant de 5 ans a été touché à la tête lors d'une fusillade ; à Grenoble, un jeune de 15 ans a été tué par balles ; à Marseille, un corps calciné a été retrouvé.
Le trafic de drogue s'est généralisé, et la violence avec. Les habitants, terrifiés, exigent la sécurité et y ont droit.
Si nous saluons l'action de la police, la stratégie actuelle est un échec. Les opérations « place nette » mobilisant 50 000 agents font moins bien que les opérations de pilonnage habituelles. Pire, le ministre de l'intérieur se défausse sur les communes, alors que les élus sont en première ligne, comme la maire d'Échirolles qui a courageusement fait évacuer l'immeuble du Carrare pour y démanteler un point de deal. Preuve que la coordination avec les élus locaux donne des résultats.
Le ministre de l'intérieur leur doit de la transparence sur les effectifs de police. À Grenoble, les postes supprimés par Nicolas Sarkozy viennent juste d'être rétablis, mais il en faudrait 110 de plus, et 500 dans le Rhône. La mairie de Lyon doit saisir la commission d'accès aux documents administratifs (Cada) pour connaître les effectifs réels. (Marques d'indignation sur les travées du groupe Les Républicains)
Écoutez les élus locaux ! Il n'y a pas une mais des réponses. Au lieu de diviser, fédérez ! Au lieu de vous agiter, agissez ! (Applaudissements sur les travées du GEST) Sécurité, justice, politique de la ville, prévention, santé et insertion ne s'opposent pas. Allez-vous traiter ce sujet dans sa globalité, faire confiance aux acteurs de terrain et donner des moyens aux collectivités ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice . - Veuillez l'absence du Premier ministre, que je représente.
La criminalité organisée prend une ampleur inquiétante et fait peser une menace forte sur nous tous. C'est vrai aussi bien à l'échelle européenne que nationale et locale. De plus en plus de villes sont touchées. C'est un défi pour tous les élus de la République. Nous devons tous nous mobiliser.
Le Gouvernement s'est d'emblée saisi de la question ; c'est une priorité assumée par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale.
Comme garde des sceaux, c'est mon premier chantier, car la justice doit avoir plus de leviers pour lutter contre ce fléau. Nous ne partons pas de rien : des réflexions ont été menées au sein de mon ministère, et au Sénat avec la commission d'enquête menée par Étienne Blanc et Jérôme Durain. (M. Jacques Grosperrin s'impatiente.) La proposition de loi qui en découle contient de nombreuses pistes.
Je travaille en lien étroit avec le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau : nous agissons en complémentarité. (On ironise à droite.) La réponse passera forcément par un renforcement des moyens de l'État, en associant étroitement les élus locaux. Nous nous rendrons ensemble à Marseille le 8 novembre pour présenter des mesures. Je vous assure de la pleine détermination du Gouvernement pour lutter contre ce fléau. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Directive Retour
M. André Reichardt . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Au Maroc, le ministre Bruno Retailleau a conclu un accord sur le retour des déboutés du droit d'asile vers ce pays, tandis que Mme von der Leyen a annoncé une nouvelle directive Retour. Rapporteur du pacte européen sur la migration et l'asile pour la commission des affaires européennes, j'estime ces annonces importantes.
En 2023, 490 000 étrangers en situation irrégulière ont reçu l'ordre de quitter un État membre de l'Union européenne, mais seuls 90 000 d'entre eux ont fait l'objet d'un éloignement effectif - moins de 20 % ! Quel message délétère ! Poser le pied sur le sol européen, c'est quasiment être assuré de pouvoir s'y maintenir, nonobstant les décisions de justice. Nos concitoyens ont le sentiment que les États ont perdu le contrôle.
La politique de retour est un angle mort du pacte asile-migration. En matière d'éloignement, la France est loin du peloton de tête. Elle doit faire respecter ses frontières, les actes de son administration et les décisions de sa justice. Comment la France entend-elle entrer dans ces négociations, et avec quelles lignes de force ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations . - Les lignes ont enfin bougé à l'échelle européenne sur la question des flux migratoires, nous l'avons vu lors du dernier Conseil Justice et affaires intérieures. Bien malin celui qui aurait pu distinguer les positions d'un ministre social-démocrate de celles d'un conservateur : tous ont insisté sur la nécessité de maîtriser les flux migratoires. C'est la feuille de route du ministre de l'intérieur, décidée par le Premier ministre.
La révision de la directive Retour est une excellente nouvelle, et sera inscrite à l'ordre du jour du 1er semestre 2025.
Nous travaillerons sur le délai incompressible du départ volontaire d'un étranger en situation irrégulière, et sur la nécessité de recueillir son accord pour être reconduit dans un pays où il est légalement admissible. Nous le devons à nos concitoyens. Le ministre de l'intérieur est déterminé à faire bouger les lignes. Nos concitoyens nous le demandent, nous le ferons.
M. Jacques Grosperrin. - Très bien !
M. André Reichardt. - Le fichier AGDREF (Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France) est inefficace ; vu son coût, le soutien aux associations d'aide aux migrants mériterait d'être évalué. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Accès aux soins
Mme Annie Le Houerou . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Hier, les personnels de santé et du médico-social vous ont demandé un plan d'urgence pour l'accès aux soins de tous et toutes.
Les hôpitaux évaluent à 6 % l'augmentation nécessaire de l'Ondam, mais vous ne proposez dans le PLFSS que la moitié... Alors que le secteur du grand âge chiffre à 1,4 milliard d'euros la simple survie des structures actuelles, les crédits prévus sont très insuffisants et la loi de programmation prévue par la loi Bien vieillir se fait attendre.
Les professionnels hospitaliers sont épuisés, au plan physique comme au plan moral. Les ratios soignants/patients qui garantiraient une bonne prise en charge ne sont pas assurés, l'investissement dans le service public est insuffisant et la financiarisation de la santé progresse. Délais d'attente toujours plus longs, prises en charge tardives, fermetures des services de proximité : notre système de santé publique s'effondre sous nos yeux.
Le coup de rabot prévu dans le PLFSS ne met-il pas à mal le principe même de notre sécurité sociale : chacun y contribue selon ses moyens et en bénéficie selon ses besoins ? Que répondez-vous au cri d'alarme des soignants et des patients ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins . - Je trouve vos propos quelque peu excessifs. (Exclamations ironiques à gauche)
M. Franck Montaugé. - Ils traduisent la réalité !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - L'Ondam augmente cette année de 9 milliards d'euros et, depuis 2019, la hausse est de 60 milliards. L'Ondam hospitalier se situera autour de 109 milliards d'euros, contre 80 milliards en 2017.
C'est un fait : nous avons progressivement augmenté toutes les dépenses de santé, pour faire face aux besoins liés notamment au vieillissement et au développement des maladies chroniques et de longue durée.
L'accès aux soins est pour moi une priorité. Il concerne l'hôpital, mais aussi la médecine de ville et toute l'organisation qui se met en place autour des communautés territoriales de praticiens et des services d'accès aux soins. La poursuite de cette construction est budgétée dans l'Ondam. Elle assurera un accès aux soins de premier recours, l'accès aux soins de deuxième recours étant assuré à l'hôpital.
Non, il n'y a pas de coup de rabot.
Mme Émilienne Poumirol. - C'est pour ça que les personnels se mobilisent...
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - L'augmentation de 9 milliards d'euros est notable.
M. Mickaël Vallet. - L'inflation, c'est tout !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - À nous d'utiliser cet argent le mieux possible, au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe INDEP)
Mme Annie Le Houerou. - Non, tout ne va pas si bien. Le service public de santé a besoin d'un plan d'urgence et d'une loi de programmation. Mais le Gouvernement préfère faire payer les fonctionnaires, les retraités et précariser les étudiants et les plus vulnérables. Sans compter que votre PLFSS ne prévoit rien pour la santé mentale ni pour la prévention. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
Fusion des aides aux collectivités
M. Laurent Somon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Dhersin applaudit également.) Le Premier ministre nous a demandé de faire beaucoup avec peu et en partant de presque rien, sinon l'héritage d'un large endettement. Le défi est colossal : désendetter notre pays sans obérer son attractivité ni oublier les plus fragiles.
Les collectivités territoriales, qui assurent les services du quotidien et réalisent 60 % de l'investissement public, ont un rôle capital à jouer. Elles ne représentent que 8 % de l'endettement public, mais, pour leur permettre de garder une épargne brute suffisante, l'aide de l'État leur est nécessaire, via notamment la DETR, la DSIL et le fonds vert.
Pour faire face au covid, à l'inflation ou reconstruire Notre-Dame-de-Paris, le Gouvernement a su trouver des moyens pour accélérer les investissements et simplifier les normes et le circuit de décision. Cette méthode doit être reprise dans les circonstances actuelles.
Dans un rapport de 2021, la Cour des comptes a recommandé de simplifier le paysage institutionnel, les procédures et les normes, de mieux évaluer et mieux contrôler. L'architecture de la Lolf, fondée sur des programmes verticaux mettant en oeuvre des politiques nationales, entraîne des contraintes pour la territorialisation des crédits budgétaires. C'est ce que soulignent Charles Guené et Claude Raynal dans leur rapport de juillet 2022.
La fongibilité des dotations d'investissement en une seule enveloppe à disposition des services départementaux de l'État permettrait de soutenir l'investissement des collectivités et d'accélérer les projets, ce dont bénéficieront les entreprises locales.
Envisagez-vous de faire plus vite avec moins en partant d'une nouvelle organisation des moyens de l'État dans les territoires ? Êtes-vous favorable à la suppression des agences surnuméraires et à la fongibilité des crédits d'investissement, pour une répartition plus rapide et plus souple ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation . - Les différentes dotations versées aux collectivités sont importantes. En ce qui concerne le fonds vert, les crédits consommés en 2023 se montent à 1,7 milliard d'euros. Le gel intervenu au début de cette année n'a pas permis d'atteindre les 2,4 milliards d'euros initialement envisagés. Quand nous commencerons à travailler sur ces questions, il conviendra de partir des crédits exécutés en 2024.
Je souscris totalement à la nécessité de simplifier, car les différents dossiers à monter sont sources d'une lourde complexité pour les maires ruraux. Mais nous n'allons pas changer l'ensemble des dotations du jour au lendemain. Travaillons sur le sujet avec les associations d'élus et sur la base du rapport Ravignon. Regardons la norme par son coût et décidons ensemble de ce qui peut être supprimé. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)