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Table des matières
Commissions (Démission et candidature)
Commissions (Appel à candidatures)
Conséquences de la sécheresse de 2003
Avenir de l'industrie du raffinage en France (Question orale avec débat)
SÉANCE
du jeudi 1er avril 2010
84e séance de la session ordinaire 2009-2010
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
Secrétaires : Mme Anne-Marie Payet, M. Daniel Raoul.
La séance est ouverte à 9 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Commissions (Démission et candidature)
M. le président. - J'ai reçu avis de la démission de M. François Fortassin comme membre de la commission de l'économie. Le groupe intéressé a fait connaître à la Présidence le nom du candidat proposé en remplacement. Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du Règlement.
Commissions (Appel à candidatures)
M. le président. - J'informe le Sénat que le groupe socialiste a fait connaître à la Présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires sociales en remplacement de Jacqueline Chevé, décédée, et le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission de l'économie à la place laissée vacante par M. François Fortassin, démissionnaire. Ces candidatures vont être affichées et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du Règlement.
Conséquences de la sécheresse de 2003
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur les conséquences de la sécheresse de 2003, organisé à la demande de la commission des finances.
M. Éric Doligé, au nom de la commission des finances. - Après certaines catastrophes naturelles, passés le choc du moment et le désespoir, on ne peut retenir sa colère face à l'échec de la prévention et de l'indemnisation orchestrées par l'État. La catastrophe Xynthia vient encore de démontrer l'échec des politiques de prévention des inondations, tant du côté de l'État que des collectivités locales et de la société civile.
Les conséquences de la sécheresse de 2003 n'ont pas été traitées, notre société reste sourde et temporise sans prendre les décisions de sauvegarde les plus élémentaires. Gouverner, c'est prévoir, plutôt que repousser les problèmes ! Nous avons tous reçu des appels au secours, nous savons la détresse de ceux qui n'ont pas obtenu réparation. Notre commission des finances a constitué un groupe de travail, nos collègues Mme Keller et M. Frécon ont rédigé un rapport, intitulé « Un passé qui ne passe pas » et qui analyse la réforme Catnat et les leçons à retenir de la sécheresse de 2003.
La sécheresse de 2003 a provoqué 138 000 sinistres, son coût est évalué à plus d'un milliard d'euros, sa prise en charge n'est pas allée sans difficultés. Les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ont dû être progressivement adaptés, sous peine de n'indemniser qu'une poignée de foyers sinistrés, mais seulement la moitié des 8 000 communes qui la demandaient ont obtenu cette reconnaissance. Vous ne nous ôterez pas de l'idée, monsieur le ministre, que le « recalibrage » progressif des critères a reposé sur des considérations budgétaires !
Le zonage météorologique « Aurore », faute de données scientifiques et techniques suffisantes, a traité différemment des communes aux caractéristiques géologiques similaires et qui avaient connu des conditions météorologiques identiques en 2003, la différence s'expliquant par le seul fait qu'elles étaient rattachées à des stations météorologiques différentes !
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est vrai !
M. Éric Doligé, au nom de la commission des finances. - La procédure exceptionnelle d'indemnisation décidée en 2005, par souci de diligence, a indemnisé sur la base de devis, qui se sont avérés souvent en dessous des travaux nécessaires.
Au total, la sécheresse de 2003 a causé un désarroi profond et durable. La pérennité de collectifs d'élus ou de sinistrés, les saisines fréquentes dont nous faisons l'objet, ou encore les recours juridictionnels des victimes ou des communes, démontrent que la situation n'est pas soldée.
Monsieur le ministre, des circonstances cruelles veulent que nous débattions de cette sécheresse alors que la France déplore la perte de vies humaines et des dégâts matériels considérables à la suite de la tempête Xynthia. Nous n'établissons pas de hiérarchie entre ces deux catastrophes, la solidarité nationale doit se manifester avec une égale diligence.
Certes, la sécheresse n'est pas la tempête, mais combien de familles éprouvent encore de graves difficultés parce que leur maison, fruit de l'investissement de toute une vie, est désormais invendable ou nécessite des travaux de confortement qu'elles n'ont pas les moyens de payer ? La tempête est soudaine, brutale et spectaculaire, alors que la sécheresse est dispersée, sourde, progressive et, en cela, moins sujette à la médiatisation qui suscite les grands élans de compassion nationale. Est-ce une raison d'oublier que, sept ans après, elle fait encore des victimes ?
Le 16 mars dernier, à La-Roche-sur-Yon, le Président de la République a prononcé un discours auquel je n'ai pas un seul mot à retrancher et qui augure une mobilisation importante de ressources publiques pour indemniser les sinistrés et pour prévenir les catastrophes naturelles. Le Président de la République a évoqué la mobilisation du fonds d'aide au relogement d'urgence, une nouvelle extension du champ d'intervention du fonds « Barnier », l'indemnisation des pertes non assurables des agriculteurs et ostréiculteurs, un soutien exceptionnel aux collectivités territoriales ou encore le financement de la rénovation des digues.
Cette mobilisation est nécessaire, elle démontre que des moyens exceptionnels peuvent être dégagés quand la situation l'exige. Monsieur le ministre, quels moyens l'État compte-t-il mobiliser ? J'ignore quelle enveloppe serait nécessaire pour solder définitivement le dossier de la sécheresse de 2003, mais je doute fort que les ordres de grandeur soient sensiblement supérieurs.
Comme le disait le Président de la République à propos de Xynthia, l'enjeu n'est pas seulement financier, car il s'agit, pour les victimes, de retrouver un toit. Les sinistrés de la sécheresse de 2003 ne demandent pas davantage !
Dans son rapport, la commission des finances a souhaité que la totalité du reliquat de fonds constaté au titre de la procédure exceptionnelle d'indemnisation soit exclusivement consacrée au versement des aides aux victimes de la sécheresse : qu'en est-il, monsieur le ministre ?
Nous souhaitons également une nouvelle vague d'indemnisation ; soucieux de l'équilibre des finances publiques et conscients de possibles effets d'aubaine, nous suggérons de la réserver aux sinistrés qui ont déjà déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle, et après expertise préalable. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ? Et ne nous répondez pas que c'est trop compliqué ou, comme l'a dit Mme Jouanno, que ce serait contraire à l'équité. Le Président de la République l'a dit dans son discours du 16 mars, quand on veut, on peut.
Nos 28 observations sont réalistes, elles peuvent gommer le passé et préparer l'avenir. Le Président de la République l'a assuré, il ne laissera pas tomber les sinistrés de la tempête ; nous souhaitons qu'on n'oublie pas ceux de 2003. Si c'était le cas, nous chercherions tous les moyens pour répondre à leurs légitimes attentes. (Applaudissements)
M. Jean-Claude Frécon, au nom de la commission des finances. - Il faut solder le passé. Il y a deux jours encore, nous avons reçu des dossiers de Drôme et d'Ardèche -dans ce dernier département, 60 maisons ont été touchées, mais dix-huit dossiers seulement ont été acceptés. Des auditions auxquelles nous avons procédé sur le risque de subsidence -ce phénomène de gonflement et de retrait des terres argileuses- nous avons retenu que l'État avait tardé à agir, sans doute au regard du caractère lent et diffus du phénomène, à l'inverse d'une inondation ou d'une tempête. Nous nous sommes interrogés sur la portée réelle des procédures et outils qui doivent favoriser l'information préventive du public. Certaines communes de l'Essonne particulièrement exposées prescrivent, par exemple, dans leurs PLU la plantation d'arbres à hautes tiges à proximité des habitations -plantations qui favorisent justement le phénomène de subsidence... Le problème est moins l'absence de procédures que leur insuffisante appropriation.
Nous plaidons pour une meilleure sensibilisation au risque, pour une procédure spécifique d'alerte des élus de sorte qu'ils puissent davantage prendre en compte le risque dans l'exercice de leurs compétences en matière d'urbanisme et de construction. Quel est votre sentiment, monsieur le ministre ? Il est permis de douter que nos concitoyens, aussi soucieux de s'informer soient-ils, aient le réflexe de consulter les documents publics mis à leur disposition. La pratique suggère que les mesures de prévention ne sont jamais mieux reçues qu'au moment du dépôt du dossier de permis de construire. Le groupe de travail a salué la création du dispositif « acquéreur-locataire », qui permet d'informer sur les risques naturels et technologiques majeurs au moment de l'achat du terrain ou de la prise à bail. Pour qu'il s'applique, il faut toutefois qu'un plan de prévention des risques ait été approuvé dans la commune de résidence ; ne serait-il pas possible de faire sauter ce verrou ?
Il y aurait en outre beaucoup à dire des règles de construction, qui n'ont pas été adaptées au phénomène de subsidence depuis 2003. Comment expliquer cette inertie, alors que les conséquences de ce phénomène peuvent être circonscrites par des techniques simples ? Un des obstacles majeurs à la prévention réside dans les conditions de montage des contrats de construction de maisons individuelles, qui ne favorisent pas la réalisation d'une étude de sol ; au moment de la signature du contrat, l'acquéreur n'est souvent pas encore propriétaire du terrain. De même, une fois le contrat signé, l'engagement sur un coût global de l'opération rend impossible, en l'absence d'étude de sol, tout redimensionnement des fondations. Il faudrait imposer une évaluation de la présence d'argile, à la charge du vendeur, lors de la vente du terrain ; le prix pourrait ainsi être adapté au risque. Faut-il aller plus loin, et rendre obligatoire une étude de sol plus complète dans les zones à risque ? Faut-il imposer aux constructions neuves, dans les mêmes zones, une profondeur de fondations minimale ? Nous attendons des réponses, monsieur le ministre.
Le groupe de travail demande avec insistance que soit achevée par le BRGM la cartographie de l'aléa argileux ; et pour rendre celle-ci opérationnelle, il souhaite que les communes particulièrement exposées soient aidées via le fonds de prévention des risques. Le moment semble opportun pour agir, l'élargissement du champ d'intervention du fonds Barnier étant à l'ordre du jour.
Les recommandations du groupe de travail n'ont rien de révolutionnaire. Elles pourraient même sembler timorées au regard du réquisitoire prononcé par le Président de la République dans son discours du 16 mars ; il déplorait alors le retard d'élaboration des plans de prévention dû, selon lui, à une approche bureaucratique et à des manoeuvres dilatoires, et s'engageait à y remettre de l'ordre. Nous souhaitons que nos préconisations, d'une ambition plus limitée, soient rapidement suivies d'effet. Au lendemain de la tempête Xynthia, le président du conseil général de Vendée rappelait que là où la mer est venue, la mer reviendra ; là où la sécheresse est survenue, la sécheresse surviendra à nouveau. L'amélioration de la connaissance du risque et de l'information préventive, l'adaptation des règles d'urbanisme et de construction ne peuvent plus être différées. Nous attendons, monsieur le ministre, des réponses encourageantes. (Applaudissements)
Mme Fabienne Keller, au nom de la commission des finances. - Nous avons observé, au cours des auditions, qu'aucune des parties prenantes ne sollicitait l'exclusion totale du risque de subsidence du régime de catastrophe naturelle -ce qui entraînerait une augmentation des prix et des franchises des assurances privées. Une telle exclusion pénaliserait en outre gravement les assurés occupant des bâtiments existants, ce qui ne serait pas équitable. Certaines exclusions partielles sont cependant évoquées, concernant les bâtiments couverts par la garantie décennale ou les constructions neuves couvertes par une garantie dommages-ouvrage, ou encore les dégâts superficiels, le régime ne couvrant alors que les dommages mettant en cause la solidité de la structure. Nous ne serions pas opposés à l'exclusion des ouvrages construits en violation des règles, pourvu que soient prescrites de nouvelles obligations en matière d'études de sol ou de profondeur minimale de fondations et que les maîtres d'ouvrage en soient complètement informés.
J'en viens aux critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle liée à la sécheresse. Comme l'a relevé le président Doligé, leur adaptation progressive n'a pas permis d'aboutir à un dispositif stabilisé, fiable et transparent. Nous savons que leur amélioration dépend de travaux scientifiques complexes ; les représentants de Météo France nous ont indiqué qu'une cartographie plus claire et plus fiable du risque de subsidence serait disponible fin 2010. Confirmez-vous, monsieur le ministre, que cette échéance sera respectée ?
Le Président de la République a récemment jugé notre régime de catastrophe naturelle « incompréhensible », « parfaitement inefficace, puisqu'il n'incite nullement à la prévention », et « injuste ». Le groupe de travail a un jugement plus nuancé, dans la mesure où le caractère solidaire du financement a donné satisfaction aux assurés. Mais la sévérité du constat du chef de l'État aura peut-être le mérite de permettre une remise à plat tant de fois annoncée et différée.
La procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle doit d'abord être plus transparente et les critères et seuils élaborés par la commission interministérielle doivent faire l'objet d'une traduction normative et d'une présentation accessible aux assurés. Cette traduction normative permettrait aux assureurs de mieux anticiper la charge de sinistralité à indemniser et, peut-être, de proposer une couverture complémentaire pour les sinistres situés en deçà des seuils applicables.
En revanche, la suppression de l'arrêté interministériel ne nous paraît pas opportune parce qu'il est une manifestation de solidarité nationale dont la portée symbolique n'est pas négligée. En outre, l'absence d'intermédiation des pouvoirs publics fragiliserait la position des assurés face aux assureurs. La modulation de la surprime en fonction de l'exposition aux risques nous semble également à exclure pour les particuliers, car incompatible avec le principe de solidarité qui fonde le régime. Elle est en revanche possible pour les professionnels, plus à même de recourir à l'expertise pour réduire leur exposition au risque.
Enfin, la sinistralité semblant appelée à augmenter, nous avons invité le Gouvernement à évaluer rapidement la capacité de la Caisse centrale de réassurance à faire face à des événements climatiques plus fréquents, plus intenses et donc plus coûteux.
Sur Xynthia, la commission a créé hier une mission présidée par Bruno Retailleau, sénateur de Vendée, qui approfondira le sujet des indemnisations à court terme et aussi, je le souhaite, du traitement des catastrophes naturelles en général. Nous avons subi les inondations de la Somme, la catastrophe industrielle d'AZF, la sècheresse de 2003 : chacun de ces évènements a donné lieu à de grands moments d'émotion populaire. Mais, sept à dix ans plus tard, nos pratiques et nos règlementations n'ont que peu varié et ce grand écart entre le formalisme très abouti des plans de prévention et la réalité de la prise en compte des risques, pose problème. Xynthia a tué plus de 50 personnes ! Nos outils, inadaptés, doivent être réformés. Monsieur le ministre, vous engagez-vous à remettre de l'ordre dans le dispositif de prévention et d'indemnisation des catastrophes naturelles ? (Applaudissements).
M. Claude Biwer. - La sécheresse de 2003 a touché un nombre impressionnant de communes -plus de 8 000- et, dans la mesure où elle ne répondait pas aux critères classiques du régime des catastrophes naturelles, le Gouvernement de l'époque a tardé à prendre des arrêtés reconnaissant cet état de fait. Et ce n'est qu'avec de longs mois de retard que, courant 2004, des arrêtés furent enfin pris, mais ils ne concernèrent alors qu'environ 1 300 communes.
Devant le mouvement de protestation soulevé par cet état de fait, avec plusieurs de nos collègues sénateurs, je déposais une proposition de loi précisant que tous les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols seraient désormais pris en compte, et surtout, quelle que soit leur intensité, pour le classement d'une commune ou d'une partie de commune en zone de catastrophe naturelle. En effet, il n'y a d'indemnisation que si la reconnaissance de catastrophe naturelle est constatée par un arrêté ministériel.
A la suite à nos insistantes interventions, le Gouvernement dut se rendre à l'évidence et des arrêtés supplémentaires furent pris portant le nombre de communes concernées à 4 441 ce qui était encore très insuffisant. Certes, un fonds spécial d'indemnisation doté de 218,5 millions fit bénéficier 2 370 communes d'indemnisations complémentaires. Mais celles-ci n'ont pas permis, loin s'en faut, de réparer les préjudices subis par les habitations et dont le coût dépasser les 150 000 euros.
Indemnisations insuffisantes d'un côté, indemnisations inexistantes pour les habitants de près de 1 200 communes, cette situation doit nous interpeller et je remercie la commission des finances d'avoir mis en place un groupe de travail qui a publié un excellent rapport d'information sur la situation des sinistrés de la sécheresse de 2003 et sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. Ses conclusions sont d'autant plus pertinentes qu'elles reprennent les grandes lignes de mon propre rapport, présenté en juin 2005 au nom de la commission de l'économie en soutien de notre proposition de loi à laquelle nous avions décidé d'en joindre une autre, sur le même sujet, de notre collègue Nicole Bricq et du groupe socialiste.
Certes, notre commission de l'économie puis le Sénat au cours de sa séance du 16 juin 2005, ne firent pas entièrement droit à nos demandes mais une proposition de loi fut néanmoins adoptée qui améliore la transparence de la procédure de catastrophe naturelle : en amont, par la mise en place d'un programme national de prévention des risques liés à la sécheresse et, en aval de la catastrophe, par la création de commissions consultatives départementales composées d'élus locaux, d'assurés et d'assureurs. Je regrette que cette proposition de loi, comme hélas tant d'autres, n'ait jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale...
Que disions-nous à l'époque ? Que le traitement de la sécheresse de 2003 a donné lieu à un large mécontentement qui impose de réformer le système. Qu'il y a un manque de transparence évident en amont et en aval de la catastrophe naturelle. Qu'après la catastrophe, les victimes n'ont aujourd'hui d'autres droits que celui d'attendre la décision des ministères. Que les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle doivent être clarifiés et prendre mieux en compte la réalité des dommages, les actuels critères, abscons, donnant le sentiment que l'on veut indemniser le moins possible de communes ou de familles.
Avant la catastrophe, il faut diffuser l'information sur les risques et sur la façon, pour les particuliers et les professionnels, de les prévenir. Le sentiment d'injustice ressenti depuis la sécheresse de 2003 exige une réponse ; le choix de la commune comme périmètre de reconnaissance de la catastrophe naturelle explique une partie de ce sentiment. Par ailleurs, les mesures en faveur de l'équité exigent de rappeler aux assureurs leur responsabilité. Il faut accélérer la mise en place des informations sur la qualité des sols avant construction, comme le proposait le BRGM. Lors du vote de la proposition de loi, en 2005, on suggérait que, pour un coût de 10 millions, le programme de cartographie déjà engagé par le BRGM pour définir les zones argileuses à risque, pourrait être accéléré et terminé en trois ans : cette proposition n'a pas été suivie d'effet...
Sept années après la sécheresse de 2003, il y a encore des familles qui n'ont obtenu aucune indemnisation leur permettant de réparer les dégâts ! Il faut impérativement trouver une solution pour elles...
Par ailleurs, le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles étant toujours aussi peu transparent, les propositions que nous avions formulées à ce sujet et celles, tout à fait convergentes, du rapport de Fabienne Keller et de Jean-Claude Frécon mériteraient d'être enfin prises en considération.
Il serait grand temps d'instaurer des règles de constructibilité plus strictes dans les secteurs où l'aléa retrait-gonflement des argiles est parfaitement connu.
Enfin, s'agissant de la réforme du régime d'indemnisation, j'ai lu, sous la plume de nos deux collègues, que « si le risque sécheresse doit rester couvert par ce régime, des exclusions partielles peuvent néanmoins être envisagées, concernant les ouvrages couverts par les garanties décennale ou dommage-ouvrage, les dégâts superficiels ou les bâtiments construits en violation des règles de prévention ou de construction ». Je pense qu'il serait dangereux de s'aventurer en direction d'exclusions partielles : faire jouer une garantie décennale ou une garantie dommage-ouvrage c'est entraîner nos compatriotes dans un parcours du combattant procédurier, voire judiciaire, qui serait encore pire que le système actuel. Quant aux dégâts superficiels qui ne nécessitent par exemple qu'un ravalement avec un produit doté d'une grande élasticité, ils coûtent tout de même quelques milliers d'euros et je ne vois pas pourquoi cette somme devrait rester uniquement à la charge des assurés.
Réformons le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles en le rendant plus transparent, plus rapide et plus équitable mais ne donnons surtout pas le sentiment que nos compatriotes seront moins bien assurés demain qu'hier contre ce risque.
Réglons une fois pour toutes la situation des victimes de la catastrophe de 2003 qui n'ont obtenu aucune indemnisation, ce serait tout à l'honneur du Gouvernement. Il n'a fallu que quelques jours pour que les départements frappés par la terrible tempête du 28 février soient classés en zone de catastrophe naturelle et qu'ainsi, les sinistrés aient au moins la consolation de voir les dégâts pris en charge par leur assurance. Sept ans après, cette même chance n'a pas été donnée à toutes les victimes de la sécheresse de 2003 !
Et enfin, faisons le nécessaire pour faire passer les messages d'information et de prévention aux futurs constructeurs, comme le prévoyait ma proposition de loi... (Applaudissements)
M. Yvon Collin. - La tempête Xynthia, qui vient de frapper l'ouest de la France, nous rappelle combien les aléas climatiques peuvent être dévastateurs. En 2003, notre pays a été frappé par une sécheresse d'une ampleur exceptionnelle, dont les conséquences sont encore visibles aujourd'hui, comme le souligne dans son titre le rapport de mes collègues de la commission des finances : Un passé qui ne passe pas. Avec 14 802 décès dus à la canicule, l'été 2003 a été la catastrophe naturelle la plus grave pour la France au cours de ces 50 dernières années. Ce nombre de victimes est bien évidemment l'aspect le plus dramatique de cet événement et il a plongé de nombreuses familles dans la détresse.
Une fois la sécheresse passée, l'heure du bilan est venue. II a été particulièrement lourd : plus de 8 000 communes ont été touchées. Des milliers de personnes ont été concernées par des procédures d'indemnisation longues et pas toujours à la hauteur des attentes. En notre qualité d'élu, nous connaissons tous les conséquences de la canicule. Très vite, nous avons constaté l'insuffisance de la procédure de catastrophe naturelle, du moins dans sa première phase.
Plusieurs éléments ont conduit à sous-évaluer les dégâts. L'imprécision et la rigidité des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ont posé des difficultés. Sa stricte application aurait conduit à classer seulement 200 communes. Les critères se sont révélés particulièrement inadaptés pour apprécier le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux. Le zonage Aurore, qui aboutissait à exclure de nombreuses communes, du fait de leur rattachement a une station d'observation parfois trop lointaine ou en raison d'un bilan hydrique pas assez fin, a été fortement contesté. Les faiblesses de ces outils ont limité l'état de catastrophe naturelle à 4 441 communes dans un premier temps. L'insuffisante prise en compte du volume total des sinistres a été vécue à l'époque comme une véritable injustice. La question des communes non classées mais limitrophes de départements entièrement déclarés en état de catastrophe naturelle a également été mal vécue. Certes, l'État n'est pas resté sourd à cette situation, poussé par la mobilisation des élus et des associations de sinistrés. La loi de finances pour 2006 a ainsi prévu une procédure exceptionnelle d'indemnisation. Nous avons été nombreux, à l'époque, à regretter que la méthode retenue n'ait pas élargi les critères de reconnaissance. Le recours à une procédure budgétaire exceptionnelle n'a pas permis de satisfaire toutes les demandes d'indemnisation. A ce jour, les 218,5 millions prévus par la loi de finances pour 2006 et par la loi de finances rectificative qui l'a suivie, n'ont pas complètement rempli leur objectif. Des centaines de familles n'ont toujours pas pu faire valoir leurs droits, notamment lorsque le phénomène de subsidence a décalé l'apparition de fissures. C'est pourquoi, chaque année, nous demandons, hélas en vain, une rallonge lors de l'examen du projet de loi de finances afin de mettre un terme aux injustices les plus criantes. Compte tenu du nouvel effort budgétaire qui devra être fourni pour aider les victimes de la tempête Xynthia, l'exercice sera encore plus délicat cette année. Nous ne manquerons pourtant pas de rappeler l'État à son devoir de solidarité nationale envers les sinistrés qui n'ont pas encore reçu le moindre euro.
Je profite de ce débat pour évoquer la situation des agriculteurs qui ont souffert de cette canicule historique. Les cultures d'hiver, qui avaient déjà subi les effets d'un hiver très froid et d'un gel tardif, furent atteintes par la vague de chaleur, qui débuta en juin 2003, avançant ainsi le développement des récoltes de dix à vingt jours. Une maturation hâtive, de surcroît entamée sur un sol desséché, a provoqué des baisses vertigineuses de rendement : moins 60 % pour le fourrage ! Les cultures de pommes de terre et le secteur viticole ont aussi été sérieusement été touchés par le manque d'eau. Les agriculteurs ont donc aussi été les grandes victimes de cette sècheresse.
Certes, lors des catastrophes climatiques, un soutien spécifique de l'État est à chaque fois mis en place, mais les plans agricoles s'avèrent bien souvent insuffisants pour répondre à tous les dégâts et à toutes les pertes de revenus consécutifs aux sinistres sur les exploitations. C'est pourquoi je suis attaché à la création d'une assurance récolte destinée à répondre aux demandes d'indemnisation des agriculteurs. Nous avons eu l'occasion d'en débattre, ici, en octobre 2008, à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi que j'avais déposée sur ce thème. Malgré l'intérêt qu'elle avait pu susciter, elle n'a pas été approuvée. Je le regrette mais je compte poursuivre ce débat puisqu'un nouveau texte a été déposé avec le soutien de mes collègues du RDSE.
L'excellent rapport de mes collègues Doligé, Frécon et Keller mériterait de connaître des prolongements législatifs, tant il est riche de propositions pertinentes. II est en effet important de réparer les risques, de les assurer mais aussi de les prévenir. La multiplication des phénomènes climatiques extrêmes est une réalité qu'il nous faut désormais prendre en compte dans l'intérêt de nos concitoyens. (Applaudissements)
M. Bernard Vera. - Sept longues années se sont écoulées depuis la sécheresse de 2003, plus longues encore pour les victimes de cette catastrophe naturelle qui souffrent toujours de vivre dans des maisons fissurées et qui espèrent que les pouvoirs publics entendront enfin leur désarroi. Comment imaginer qu'aujourd'hui ce dossier ne soit toujours pas clos et que des demandes d'indemnisation n'aboutissent pas ? Pourtant, cette question a déjà fait l'objet de nombreux débats depuis 2006, à l'occasion de l'examen des différentes lois de finances. A chaque fois, le Gouvernement nous a opposé une fin de non-recevoir. Face à cette situation, sur proposition du président Arthuis, la commission des finances a décidé de créer un groupe de travail. Pour la première fois, un bilan exhaustif de la sécheresse 2003 a été effectué et des recommandations constructives ont été adoptées à l'unanimité. J'espère que ce travail n'aura pas été mené en vain et qu'il sera suivi de mesures concrètes.
La sécheresse de l'été 2003 fut exceptionnelle par son ampleur et par les dégâts qu'elle a occasionnés : 138 000 sinistres ont été enregistrés et 8 000 communes ont sollicité leur classement en catastrophe naturelle, mais seules 4 441 en ont bénéficié. J'ai déjà dit tout le mal que je pensais du zonage Aurore. Le groupe de travail a d'ailleurs relayé ces critiques dans son rapport et il a constaté que des communes pourtant limitrophes ont vu leur dossier traité de façon différente, certaines étant reconnues en état de catastrophe naturelle alors que leurs voisines, rattachées à un autre centre météorologique, en avaient été exclues. Ainsi, dans mon département, particulièrement touché, 56 communes ont été exclues de la procédure de catastrophe naturelle. Les deux assouplissements des critères de reconnaissance effectués en janvier et juin 2005 se sont révélés insuffisants puisque, comme le souligne le groupe de travail, de larges zones n'ont pas été retenues. Les critères appliqués pour reconnaître ou non l'état de catastrophe naturelle ne sont donc pas fiables. Le groupe de travail en appelle d'ailleurs à davantage de transparence de la part des pouvoirs publics sur ce point.
A cette gestion très imparfaite des critères de reconnaissance s'est ajoutée l'inflexibilité du Gouvernement dans la mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle d'indemnisation. Plus personne sur ces bancs ne conteste l'insuffisance de l'indemnisation de 238,5 millions prévue par la loi de finances pour 2006. A l'insuffisance des sommes affectées s'est ajoutée la complexité de l'instruction des dossiers. Les sinistrés ont ainsi été déconcertés par les procédures mises en place. Outre la technicité des dossiers à constituer, l'exigence de deux devis détaillés dans des délais extrêmement courts, alors même que les professionnels étaient débordés, n'a fait qu'amplifier des disparités de traitement des dossiers des sinistrés. De fait, les services de l'État n'ont souvent disposé que de devis ne portant parfois que sur les désordres observables et non sur les causes structurelles des sinistres, alors que chacune des demandes aurait dû bénéficier d'expertises élaborées avec le concours des compagnies d'assurance. Le montant des sommes débloquées pour mettre en oeuvre la procédure exceptionnelle d'indemnisation s'est révélé insuffisant. Certains sinistrés n'ont pas du tout été indemnisés tandis que d'autres l'ont été insuffisamment. Nous avons eu de nombreux débats sur cette question et plusieurs ministres se sont engagés à trouver une solution équitable. Ainsi, lors de l'examen de la loi de finances pour 2008, Michèle Alliot-Marie, répondant à une question de M. Sueur, affirmait : « Je viens d'obtenir l'accord de Bercy pour répondre au problème posé. Une disposition vous sera donc soumise lors de l'examen du prochain projet de loi de finances rectificative, qui devrait permettre un règlement au début de 2008. Ainsi, dans un délai assez court, sera résolu un problème qui se posait depuis longtemps ». Si cet engagement avait été tenu, nous ne serions sans doute pas réunis aujourd'hui.
M. Jean-Pierre Sueur. - Eh oui !
M. Bernard Vera. - Le constat est amer pour les personnes sinistrées qui ne peuvent toujours pas remettre en état des habitations lézardées, fissurées, fortement fragilisées.
Au cours de son déplacement dans l'Essonne, le groupe de travail a constaté la détresse des sinistrés, qui depuis sept ans se heurtent à un mur de silence et d'incompréhension de la part du Gouvernement. Ils attendent que des solutions dignes leur soient enfin apportées (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, applaudit également) Cette détresse justifie la mobilisation active des élus et des associations. Dans l'Essonne, 8 % restent encore pendants. Manque de transparence, carences administratives, absence de procédures d'alerte : autant de constats qui augurent mal de l'avenir, alors que les experts s'accordent sur l'aggravation des risques futurs. Pour tirer les leçons de 2003, des recommandations ont été émises qui pourraient, monsieur le ministre, être rapidement suivies d'effet : mise en oeuvre avant 2010 d'une procédure d'alerte et d'information des communes. Les maires des communes situées en zone d'aléa argileux, en particulier, devraient être très rapidement alertés et se voir adresser des recommandations dont ils pourront tenir compte dans leurs documents d'urbanisme. Les collectivités les plus exposées devraient recevoir une aide destinée à dresser une cartographie complémentaire. Le reliquat du fonds constitué au titre de la procédure d'indemnisation exceptionnelle -plus d'un million d'euros sont encore disponibles- devrait être distribué : alors que l'enveloppe de départ était déjà beaucoup trop faible, on comprend mal que la totalité des fonds n'ait pas été utilisée. Une vague complémentaire d'indemnisation devrait être lancée pour tous ceux qui ont déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle : l'État doit réparation à ceux qui n'ont pas été indemnisés ou l'ont été insuffisamment.
Le groupe de travail a constaté un désarroi profond et durable et la persistance de vives revendications qui imposent de solder ce douloureux dossier. Il est impératif que sept ans après les faits, ce débat débouche enfin sur un règlement définitif. Il serait souhaitable que le Gouvernement s'y engage. (Applaudissements à gauche ; MM. Yvon Collin et Jean-Paul Alduy applaudissent aussi)
Mme Nicole Bricq. - Je remercie le président de la commission des finances d'avoir pris l'initiative de créer ce groupe de travail. Il faut dire que les revendications des sénateurs ont été récurrentes. Merci aux rapporteurs et au président du groupe, qui a mené les travaux de main de maître.
C'est une longue marche qui nous a conduits, enfin, à ce débat. Les associations, les collectifs de sinistrés se sont organisés dans les départements touchés -Seine-et-Marne, Essonne, Loiret... ; des coordinations interdépartementales se sont même créées, comme en Ile-de-France. Les maires se sont mobilisés en créant, comme en Seine-et-Marne, des collectifs d'élus qui ont porté le fer devant le tribunal administratif pour la reconnaissance du constat de catastrophe naturelle. Les sénateurs se sont mobilisés qui, dès 2004, ont engagé des initiatives. Après la proposition de loi déposée par M. Biwer, les membres du groupe socialiste ont à leur tour déposé un texte en 2005 pour réclamer transparence, équité, responsabilisation des acteurs, exigences que l'on retrouve aujourd'hui dans les travaux de nos rapporteurs. Le groupe socialiste s'était alors rallié à la proposition de M. Biwer, amendée, bien qu'il la jugeât insuffisante : las, ce texte n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, et le Gouvernement ne lui a jamais donné une traduction réglementaire.
Cependant, grâce à l'opiniâtreté des acteurs, une aide exceptionnelle a été inscrite dans la loi de finances pour 2006 et le collectif suivant. Mais nous avons constaté, notamment dans la préfecture de l'Essonne, et bien que les services de l'État se fussent réellement mobilisés, un certain nombre de dysfonctionnements, d'ailleurs relevés par la Fédération française du bâtiment : défaut d'information des sinistrés et de consultation des professionnels, délais trop courts, enveloppe réduite, gestion technique et financière mal assurée. Si bien que le taux de rejet des dossiers a été de 36 %. Le dispositif, loin de répondre aux attentes, a donc bien plutôt provoqué de nouvelles frustrations. Mais ceux parmi nous qui sont restés irréductibles, et qui sont pour la plupart sur ces bancs -et je remercie M. Frécon d'avoir rendu hommage à l'action, en Ardèche, de M. Teston, qui ne pouvait aujourd'hui être parmi nous- ont persisté. Des travaux de notre groupe de travail ressort un constat sévère : opacité des procédures, réponse partielle et souvent injuste de l'État, dépassement des délais... L'objectif de nos travaux était de faire en sorte que le dossier ne soit pas refermé. Ainsi que l'a rappelé Mme Keller, l'État a du mal à assurer ses missions, en particulier le financement de la cartographie, pourtant essentielle pour les maires -dans mon département, c'est le conseil général qui y est de sa parole.
Le groupe de travail a émis un certain nombre de recommandations, dont il faudra assurer le suivi. Depuis l'adoption de son rapport en octobre dernier, par la commission des finances, le groupe socialiste a déposé, en loi de finances, des amendements visant notamment à affecter au programme ad hoc de la mission écologie les crédits nécessaires à la cartographie ; nous avons du reste obtenu de Mme Jouanno un engagement de consacrer le reliquat du fonds à l'indemnisation des victimes. Cela a-t-il été fait ? En revanche, notre demande de renouvellement de la procédure d'indemnisation exceptionnelle avait alors été rejetée, mais le ministre s'était engagé à faire sous les trois mois un rapport complet assorti d'un calendrier de mise en place d'un dispositif d'alerte. Nous l'attendons encore.
Sept ans après la catastrophe, le constat reste donc bien sombre.
Le groupe de travail s'est demandé pourquoi l'État avait préféré adopter un mécanisme ad hoc qu'adapter les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. M. Copé, alors ministre délégué au budget, craignait qu'un élargissement des critères entraîne un appel en garantie qui pèserait directement sur le budget de l'État. Ce choix budgétaire a pu renforcer la conviction que le traitement réservé aux sinistrés manquait d'équité. C'est ainsi que des sinistrés ont été indemnisés tandis que leurs voisins, de l'autre côté de la rue, ne l'ont pas été. De nombreux sinistrés sont toujours en attente de fonds pour restaurer leur habitation.
Le ministre de l'intérieur a chargé ses services d'étudier, en liaison avec leurs correspondants du ministère du budget, la proposition de la coordination seine-et-marnaise de création d'un fonds d'urgence relevant de la solidarité nationale. Notre collègue Teston a reçu les représentants de l'Association ardéchoise de défense des sinistrés de la sécheresse : dans son département, aucune commune n'a été reconnue en état de catastrophe naturelle pour la sécheresse de 2003, alors que 36 communes ont été concernées par l'aide exceptionnelle de 2006. Là aussi, de nombreux sinistrés sont en détresse.
Les considérations budgétaires invoquées par le Gouvernement doivent être mises en perspective : le coût des indemnisations pour les assureurs entre 1988 et 2007 représente 34 milliards, avec 6,9 pour la tempête de 1999 et 1,5 pour Xynthia. D'ici 2030, ils prévoient 50 milliards. La caisse centrale de réassurance doit donc être renforcée : on aura évidemment de nouvelles catastrophes naturelles et celles du passé ne sont pas encore soldées. Que se passera-t-il si l'État ne se donne pas les moyens ? Il lui faut faire des choix et prendre ses responsabilités.
Nous sommes attachés au régime de la solidarité nationale mais est-ce que nous devons attendre que les divers ministères concernés se mettent d'accord ? Peut-on s'en remettre à la lenteur du processus réglementaire ? Cela fait des années qu'on attend une nouvelle réglementation ! Cette affaire ne progressera que si le Gouvernement s'en donne les moyens. Il faudrait sans doute créer pour cela un délégué interministériel auprès du Premier ministre. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
M. Michel Houel. - Sur les 374 requêtes, concernant douze départements, adressées au Médiateur de la République à la suite de la sécheresse de 2003, 137 ont concerné la seule Seine-et-Marne, soit plus du tiers d'entre elles. J'interviens donc à double titre : en tant que parlementaire contrôlant l'action du Gouvernement, mais aussi en tant que sénateur et président de l'union des maires de mon département, puisque 100 communes seine-et-marnaises sont en cause.
Je suis bien placé pour savoir à quel point nos communes ont souffert des conséquences de la sécheresse de 2003. Je sais aussi que la réparation des préjudices subis demeure insuffisante, marquée par l'iniquité et le manque de clarté des critères. Claye-Souilly, Quincy-Voisins, Esbly, où quantité d'habitations ont été dégradées par les mouvements de terrain, n'ont pas été reconnues en état de catastrophe naturelle -alors qu'elles l'avaient été lors de précédentes sécheresses !- tandis que des communes limitrophes et situées sur le même type de sol l'ont été. Comment expliquer cette inégalité de traitement ?
Il est vrai que la loi de finances pour 2006 a créé une procédure d'aide exceptionnelle à hauteur de 180 millions, montant porté à 218 millions en collectif. Mais l'indemnisation demeure insuffisante. En Seine-et-Marne, n'ont été retenus que 44 % des dossiers et les indemnisations ne dépassent pas 20 % du montant nécessaire aux travaux.
N'oublions pas non plus que les conséquences pernicieuses des aléas climatiques n'apparaissent parfois que très tardivement : des habitations endommagées par la sécheresse ont pu ne pas être prises en compte dans le cadre de l'arrêté de catastrophe naturelle parce que les dégradations n'étaient pas apparues tout de suite.
Lors de l'examen de la première loi de finances rectificative pour 2009, nous avons pensé aboutir à quelque chose de concret avec la création d'un groupe de travail spécifique au sein de notre commission des finances. Le groupe UMP salue le président de ce groupe, M. Doligé, et son rapporteur, Mme Keller, pour la qualité de leur travail. Ils ont abouti à des conclusions à la fois pragmatiques et réalistes, qui ne doivent pas rester lettre morte.
M. Jean-Pierre Sueur. - Tout est là !
M. Michel Houel. - Nous sommes des élus responsables et conscients des difficultés budgétaires actuelles, mais nous constatons que subsistent sur le terrain des situations très difficiles. Un collectif réunissant la moitié des communes laissées pour compte en Seine-et-Marne, représentant un bassin de plus de 260 000 habitants, a relevé depuis l'été 2003 les fissures en façade, les décollements entre corps d'ouvrages, les affaissements de dalles, les dislocations de cloisons, les distorsions de portes et fenêtres. Que dire aux retraités qui voient tomber en ruine la maison dans laquelle ils ont investi toutes leurs économies ?
Discourons peu et sans ambages : le montant global des indemnisations a été insuffisant et la procédure d'aide exceptionnelle, censée diminuer le nombre des situations d'iniquité, a été encadrée par des conditions trop strictes de forme et de délai. Le rapport du Sénat préconise des indemnisations complémentaires très ciblées, après expertise. Cela me semble raisonnable et le groupe UMP soutient cette proposition. La modernisation du régime CatNat, que préconise le groupe de travail sénatorial, est d'autant plus urgente que les catastrophes naturelles semblent à la fois plus fréquentes et plus graves que par le passé, à preuve la tempête Xynthia, il y a moins d'un mois. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
M. Jean-Pierre Sueur. - Commençons avec William Shakespeare, qui fait dire à Hamlet : « Des mots, des mots, des mots, toujours des mots ! »
Quelqu'un, récemment, disait « Paroles, paroles »
M. Éric Doligé. - C'est Dalida !
M. Jean-Pierre Sueur. - Dans ce débat, ce sont les fonds qui manquent le plus. Nous disons tous ici la même chose.
L'importance du débat tient à ce que vous vous allez répondre et aux espèces sonnantes et trébuchantes que vous apporterez. On évalue le préjudice à 1,7 milliard ; on a dégagé 228 millions. On comprend la détresse de nos concitoyens qui n'ont pas les moyens de faire face aux dépenses occasionnées par la grave sècheresse de 2003.
La gestion de ce dossier a été marquée par une profonde injustice et l'on relève de très grandes disparités dans la liste des communes et des zones sinistrées. Dans l'excellent rapport, M. Claude Naquin, président du Collectif national de défense des sinistrés de la sècheresse de 2003 relève que « les seules communes du Loiret à avoir été reconnues en état de catastrophe naturelle ont été celles qui étaient rattachées à une station météorologique d'un département voisin, une situation abracadabrante »... (A droite : Abracadabrantesque !) J'avais invité il y trois ans M. Hortefeux à venir dans le Loiret et nous serions heureux qu'il nous explique pourquoi les communes de Dammarie et de Beauchamp-sur-Huillard ont été traitées différemment. Trois cents communes ont déposé un dossier, 30 ont été retenues. Je vous invite, nous vous recevrons avec plaisir et vous nous direz pourquoi...
Mme Nicole Bricq. - Il ne peut pas !
M. Jean-Pierre Sueur. - Aux raisons météorologiques et géologiques se sont ajoutés des motifs « géopolitiques » qui ont souvent pesé davantage.
Le 20 janvier 2005, M. de Villepin expliquait qu'à sa demande, le Premier ministre avait accepté de prendre en compte des situations personnelles... Nous attendons toujours les critères. M. Véra a déjà cité la réponse de Mme Alliot-Marie en 2007 : elle venait d'obtenir de Bercy qu'une disposition introduite dans le collectif permette un règlement début 2008... Mais le règlement n'est pas intervenu. C'est encore M. Bussereau assurant en 2008 qu'il ferait part dès le lendemain de ma demande à Mme le ministre de l'intérieur... Nous en avons assez des bonnes intentions !
Je remercie de tout coeur les auteurs du rapport. Qu'en est-il de leur neuvième proposition sur l'affectation aux aides aux victimes de la totalité du reliquat de fonds constaté au titre de la procédure exceptionnelle ? Mme Jouanno, le 1er décembre 2009, s'est engagée très clairement et nous voudrions avoir confirmation qu'il y aura, comme le demandent les associations, un bilan des aides et des situations restées sans réponse.
S'agissant de la dixième proposition, si une vague complémentaire d'indemnisations peut en effet susciter des demandes reconventionnelles, un examen de dossiers déjà déposés, après expertise, apparaît raisonnable.
Mme Bricq a cité l'intervention de M. Doligé sur l'amendement par lequel nous demandions 180 millions. Elle a rappelé qu'il se déclarait prêt à le voter si aucune somme n'était dégagée dans les trois mois. Elle n'a pas dit que le compte rendu intégral signale un « Très bien ! » sur les travées du groupe socialiste. Je le réitère.
Vous le comprenez, monsieur le ministre, nous n'attendons pas de nouvelles déclarations d'intention : l'État doit accomplir l'effort demandé sur tous les bancs pour montrer que la République prend en compte la détresse de nos concitoyens en inscrivant quelques dizaines de millions à inscrire au prochain collectif. (Applaudissements à gauche ; M. Eric Doligé applaudit également)
M. Laurent Béteille. - J'ai souhaité intervenir, non pour répéter ce qui a déjà été fort bien dit, mais parce que j'ai personnellement rencontré nombre de victimes et j'ai constaté leur profonde détresse et leur incompréhension. Certaines n'ont pas été indemnisées et les élus des communes concernés m'ont dit les incohérences de la procédure : la semaine dernière encore, le maire de Saint-Michel-sur-Orge attirait mon attention sur cette situation. Le nombre des recours démontre d'ailleurs que la gestion de la sécheresse de 2003 n'est pas soldée.
Dans l'Essonne, 55 communes n'ont pas été déclarées en situation de catastrophe naturelle, 575 dossiers de sinistre ont été déposés, et 285 déclarés éligibles à une indemnisation partielle au titre de l'article 110. Les élus n'ont pas ménagé leurs efforts, j'ai multiplié les questions au Gouvernement et les interventions sur la loi de finances pour 2006 ; l'Union des maires de l'Essonne, que je préside, s'est impliquée dans ce combat en aidant des communes à introduire des recours contre l'arrêté initial, trop injuste.
Je salue l'initiative de la commission des finances. Le groupe de travail qu'elle a constitué s'est rendu dans mon département, à Brétigny et à Saint-Michel, afin de constater la situation des communes qui n'ont pas été retenues et voir les habitations dégradées par le phénomène de déshydratation et de réhydratation des sols. Une réunion s'est également tenue à la préfecture d'Evry afin d'établir un diagnostic sur la procédure d'indemnisation.
Certes, l'État a accompli des efforts significatifs et des moyens ont été dégagés mais on a dit l'insuffisance des aides. Les défauts de la procédure de catastrophe naturelle apparaissent plus marqués en matière de sècheresse que pour des phénomènes plus spectaculaires. Le dispositif manque en effet de transparence et de lisibilité. Associations de victimes et élus s'interrogent sur les critères d'éligibilité des dossiers et il y a un sentiment d'injustice quand deux communes contiguës ne reçoivent pas le même traitement. En outre, le dispositif exceptionnel de la loi de 2006 a prévu des délais très courts, les dossiers étant déposés avec deux devis mais sans expertise approfondie. Sept années plus tard, des victimes vivent encore dans des pavillons délabrés et manquent de moyens pour les réparer.
L'excellent rapport déposé par le groupe de travail dresse l'état des lieux de la sécheresse de 2003 et formule des préconisations à même de solder ce dossier complexe et douloureux. J'appelle le Gouvernement à parachever la juste indemnisation des victimes, mais aussi à consolider le régime applicable aux catastrophes naturelles. La commission des finances a raison de souhaiter le maintien d'un arrêté interministériel, mais tout excès de précision dans la détermination du périmètre est source d'injustice.
Enfin, il faut renforcer la prévention des risques et revoir les règles de construction, notamment grâce à l'étude préalable des sols dans les régions argileuses à risques. Encore faut-il les avoir cartographiées...
La situation n'a que trop duré. Il est temps de clore ce dossier en assurant la justice entre toutes les victimes ! (Applaudissements des bancs socialistes à la droite)
Mme Claire-Lise Campion. - Sept années ont passé, mais la question de l'indemnisation demeure ; sept années depuis que les familles ont tout perdu ; sept années de drames psychologiques et financiers, de combats pour leur dignité et la justice. Elles ne doivent plus attendre !
La sécheresse de 2003 a été exceptionnelle à plus d'un titre.
Tout d'abord, par son intensité, avec 138 000 sinistrés et quelque 1 108 millions d'euros de dégâts, selon la Caisse centrale de réassurance. Or, le Gouvernement de l'époque n'a pas été à la hauteur de la situation. Initialement fixée à 180 millions d'euros, l'enveloppe budgétaire d'indemnisation exceptionnelle inscrite dans la loi de finances pour 2006 a ensuite été portée à 218 millions. Inexistante pour certains, cette indemnisation fut insuffisante pour d'autres. Le compte n'y était pas !
Ensuite, les caractéristiques de cette sécheresse étaient exceptionnelles, puisque les critères scientifiques habituellement employés n'ont guère été opérationnels. Assouplissement et réaménagements ont conduit à reconnaître l'état de catastrophe naturelle dans 4 000 communes, alors que 8 000 l'avaient sollicité. Notre rapporteur a cependant rappelé que ces réajustements avaient évité que le coût des indemnisations ne conduise à faire intervenir la garantie de l'État, quitte a écorner l'objectivité.
Enfin, cette sécheresse a mis en évidence les imperfections du zonage météorologique. Ainsi, malgré des caractéristiques géologiques identiques, des communes se sont vu appliquer des traitements différenciés au motif qu'elles étaient rattachées à des zones distinctes.
« Improvisation, arbitraire et incompréhension » : nous entendons encore ces qualificatifs dans nos permanences lorsque nous rencontrons des sinistrés décrivant la gestion de cette catastrophe.
Lorsqu'il est venu dans l'Essonne, le groupe de travail a constaté les difficultés extrêmes vécues par certaines familles. Je pense notamment à celle de Saint-Michel-sur-Orge dont le dossier a été rejeté par la préfecture où un rapport d'expertise a été mal interprété : les devis de travaux dépassaient 80 000 euros en 2006 ; aujourd'hui, ce couple proche de la retraite ne peut plus emprunter. Sa situation est bloquée. Une autre famille a perçu 25 000 euros, alors qu'il en faudrait 120 000. L'état de catastrophe naturelle n'ayant pas été reconnu, les assurances n'interviendront pas.
L'indemnité exceptionnelle ayant habituellement été insuffisante, j'approuve la demande faite par le groupe de travail en faveur d'une indemnisation complémentaire. De même, il faudrait reverser le reliquat de la procédure exceptionnelle. Réserver ces indemnisations à ceux ayant déjà déposé un dossier et fait réaliser une expertise irait dans le bon sens.
Bien sûr, il est indispensable d'adapter les normes de construction et de mieux informer les élus quant aux risques argileux.
La sécheresse de 2003 a montré que le dispositif de reconnaissance manquait de transparence, notamment parce que « l'intensité anormale d'un agent naturel » n'est pas définie. Des aménagements devront assurer la transparence, l'équité et la rapidité, mais le principe d'un régime obligatoire faisant appel à la solidarité doit être maintenu. La prise d'arrêtés interministériels concrétise la solidarité nationale, mais le rapport insiste à juste titre sur la nécessité de décentraliser l'élaboration de la prise de décision. Il est urgent de rendre objectifs les critères de catastrophe naturelle.
Enfin, l'énorme travail des associations de sinistrés, dont je salue la présence dans nos tribunes, a mis en évidence l'opacité et la variabilité du traitement des dossiers d'une préfecture à l'autre.
J'aimerais croire que les leçons ont été tirées, bien que les événements récents suggèrent le contraire. En effet, des communes de l'Essonne se battent encore pour que soient reconnues comme catastrophes naturelles les sécheresses qui ont frappé le département en 2005 et 2009.
La mission mise en place à la suite de la tempête Xynthia formulera des propositions. Souhaitons que ces travaux parlementaires soient suivis d'effets. Les citoyens attendent, le Gouvernement doit nous entendre ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Paul Alduy. - Je suis le dernier orateur...
Mme Nicole Bricq. - Mais non le moindre !
M. Jean-Paul Alduy. - ...mais je ne veux pas répéter ce qui a déjà été dit. Or, les analyses sont identiques sur l'ensemble de nos bancs, où chacun approuve le très bon rapport de nos collègues.
Je souhaite donc vous faire partager le désarroi révolté des familles de mon département, qui se battent pour que l'état de catastrophe naturelle soit reconnu à Perpignan et Cabestany.
Monsieur le ministre, je voudrais, s'il était nécessaire, vous convaincre de réformer le régime de reconnaissance et d'indemnisation des catastrophes naturelles, mais aussi de renforcer les mesures de prévention.
Depuis sept années, 144 familles de mon département subissent l'acharnement des ministères concernés. Qu'on en juge ! L'arrêté interministériel pris fin 2005 excluait et Perpignan et Cabestany. Le tribunal administratif annule cet arrêté, au motif de critères inopérants. L'espoir revient donc. Las ! Le nouvel arrêté de mars 2009 suit la même démarche. Le tribunal administratif annule derechef. Bien sûr, nous gagnerons en appel et en cassation s'il faut aller jusque-là, mais le sérieux exige que le sujet soit enfin traité au fond. Le rapport de nos collègues montre la voie à suivre. De façon générale, la procédure exceptionnelle d'indemnisation n'a fait qu'aggraver le sentiment d'injustice et de désarroi. Aujourd'hui, des familles endettées habitent des maisons invendables. Elles sont mises en danger physiquement, financièrement et moralement.
Il est temps de clore ce dossier. Il en va de la crédibilité de l'État, à un moment où une autre catastrophe naturelle vient de frapper la côte vendéenne. Ce chemin de croix doit trouver sa conclusion, sans crucifixion ! (Applaudissements sur la plupart des bancs)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. - Au lendemain de la récente tempête Xynthia, qui a tué 53 de nos concitoyens et martyrisé le littoral vendéen et charentais, le Gouvernement a déclaré sans délai l'état de catastrophe naturelle pour quatre départements, tout comme il avait su prendre des mesures spécifiques et évolutives après la sécheresse de 2003. La France, avec la Grande-Bretagne, est l'un des seuls pays européens à recenser la sécheresse comme catastrophe naturelle. Dans les autres pays, la sécheresse est considérée comme un risque connu d'avance pour lequel une action préventive appropriée peut être menée, notamment en termes de techniques de construction.
En 2003, plus de 8 000 communes ont été touchées par la sécheresse, intervenue en période estivale, et l'État a su adapter ses critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, faute de quoi 200 communes seulement auraient bénéficié de l'indemnisation prévue par ce régime. Désormais, la commission interministérielle, composée de membres des ministères de l'écologie, des finances et de l'intérieur, émet des avis sur les demandes communales, en appliquant des critères qui prennent en compte des données météorologiques précises fondées sur un rapport de Météo France, ainsi que la présence vérifiée d'argile sur une partie du territoire de la commune.
Le Gouvernement, conscient que toutes les situations n'ont pu être réglées, a prévu dans la loi de finances de 2006 une aide exceptionnelle de 218,5 millions pour les sinistrés des communes non reconnues par l'état de catastrophe naturelle. Nous avons concentré l'aide sur le foyer, essentiel à la vie quotidienne des sinistrés, en choisissant de ne pas couvrir les dégâts sur les résidences secondaires.
Les agriculteurs sont également éligibles au régime des calamités agricoles, notamment pour les dégâts aux récoltes et pour les dommages aux bâtiments.
Les préfectures ont instruit les dossiers, au plus près des réalités locales, traitant au total près de 19 000 demandes. Les recours contentieux ont concerné seulement 2 % de l'ensemble, soit 356 dossiers et la juridiction administrative s'est rangée aux arguments de l'État dans la plupart des cas. Au total, 84 % des communes ont été indemnisées, que ce soit au titre des catastrophes naturelles ou du dispositif exceptionnel de la loi de finances pour 2006.
Sur l'enveloppe de 218,5 millions de ce dispositif exceptionnel, les reliquats ne représentaient plus, en juin dernier, que 3,6 millions et ils représentent aujourd'hui 1,7 million.
Mme Nicole Bricq. - C'est bien ce que nous disons !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Votre groupe de travail sur la sécheresse avait souhaité l'utilisation de ces fonds, le Gouvernement s'y est employé, comme vous pouvez le constater.
Les 20 % d'indemnisation correspondent à une décision des compagnies d'assurance ou des mutuelles, sous l'appréciation souveraine des tribunaux judiciaires. L'indemnisation de l'assuré par sa compagnie ne saurait évidemment concerner l'État, s'agissant de relations contractuelles.
Quant aux communes limitrophes, il faut bien admettre que, si elles ne relèvent pas de la même zone météorologique ni de la même station de référence, si donc elles sont placées dans des situations différentes, avec des résultats météorologiques différents, elles ne sauraient être traitées à l'identique. Cependant, dans le dispositif exceptionnel de la loi de finances pour 2006, le Gouvernement a accepté d'accorder 30 millions aux sinistrés des communes limitrophes de communes reconnues en état de catastrophe naturelle. C'est le cas pour 100 sinistrés de votre département, monsieur Béteille, sur un total de 246 dossiers éligibles dans votre département.
Au total, les 138 000 sinistres indemnisés au titre de la catastrophe naturelle représentent un peu plus d'un milliard et les 12 000 sinistres indemnisés par le dispositif exceptionnel ont obtenu 218,5 millions.
Maintenant, il faut se tourner vers l'avenir et le Gouvernement convient avec vous de la nécessité de réformer en profondeur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.
Dans son discours de La Roche-sur-Yon, le Président de la République a tracé des perspectives claires d'une telle réforme, en fixant trois objectifs : inciter à la prévention, indemniser plus rapidement les sinistrés et mieux informer sur le déclenchement des garanties « catastrophes naturelles ». Ces objectifs seront poursuivis dans le respect du principe de la solidarité nationale, qui est au coeur du régime d'indemnisation.
Les phénomènes de retrait et gonflement des argiles ont représenté 42 % du coût des dommages CatNat sur la période 1995-2006, alors que des mécanismes efficaces de prévention existent, étant donné le lien direct entre la qualité des bâtiments et leur vulnérabilité devant le risque de subsidence. Des réflexions ont été menées sur l'adaptation des règles de construction au phénomène du retrait et gonflement des argiles, vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement pour traduire des réflexions dans la réglementation.
Mme Nicole Bricq. - Quand ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - La réforme prendra pleinement en compte votre rapport d'information, ainsi que le rapport des inspections de 2005, qui avait mis l'accent sur la coordination nécessaire entre les politiques de prévention et l'indemnisation.
S'agissant de la cartographie, des progrès ont déjà été accomplis depuis 2003 par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) : 65 départements sont cartographiés et tous seront consultables sur internet début 2011, avec les plans de prévention des risques naturels sécheresse.
On comptait 1 000 plans approuvés et 1 228 plans prescrits au 31 décembre 2009, contre respectivement aucun et 514 en 2003.
J'ai bien entendu les appels de MM. Houel, Doligé et Béteille ; des instructions seront données aux préfets de leurs départements pour que les procédures soient accélérées.
Des améliorations substantielles ont déjà été apportées au dispositif scientifique. Météo France a revu le zonage climatique qui avait été tant critiqué par les élus et les associations de sinistrés en 2003 et a procédé à un nouveau quadrillage du territoire avec des mailles de huit kilomètres sur huit. C'est un progrès considérable si l'on se souvient qu'avec l'ancien zonage une station de référence pouvait être distante d'un sinistre de plusieurs dizaines de kilomètres. Je précise à M. Doligé que le traitement des 824 demandes communales relatives à la sécheresse de 2009 se fera sur le fondement du nouveau zonage.
Le ministère de l'intérieur a décidé en outre d'expertiser les critères qui, conformément à la loi de 1982, permettent d'estimer si le caractère anormal d'un agent climatique est ou non avéré. Les organismes scientifiques, tels le BRGM ou le Laboratoire central des Ponts-et-Chaussées, sont invités à coordonner leurs efforts pour améliorer la pertinence de ces critères et les rendre, sinon incontestés, du moins fondés sur les connaissances scientifiques les plus robustes.
Il nous faut préserver notre originalité en Europe, en maintenant le risque de sécheresse dans le régime de catastrophe naturelle tout en améliorant l'appréhension du phénomène et sa prévention. Nous devons aussi trouver le meilleur équilibre entre une indemnisation jugée toujours trop faible et une prévention toujours jugée trop contraignante. La maîtrise du prélèvement qui est la ressource du régime nous impose une obligation de résultat.
Le Gouvernement a bien entendu votre message et est ouvert à toute proposition que vous pourriez formuler en loi de finances, sous le contrôle, bien entendu, du président de votre commission des finances. Il travaille à réformer le régime global d'indemnisation -conformément à la volonté exprimée récemment en Vendée par le Président de la République. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Sueur. - Les applaudissements sont maigres et on en reste toujours à la même somme !
Le débat est clos.
Commissions (Nominations)
M. le président. - Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen et le groupe socialiste ont présenté des candidatures pour la commission des affaires sociales, la commission de l'économie, et la commission des finances. Le délai prévu par l'article 8 du Règlement étant expiré et la Présidence n'ayant reçu aucune opposition, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- M. François Fortassin, membre de la commission des finances, à la place laissée vacante par M. Michel Charasse, dont le mandat de sénateur a cessé ;
- M. Serge Godard, membre de la commission de l'économie, à la place laissée vacante par M. François Fortassin, démissionnaire ;
- M. Ronan Kerdraon, membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de Mme Jacqueline Chevé, décédée.
La séance est suspendue à 11 h 50.
présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente
La séance reprend à 14 h 30.
Avenir de l'industrie du raffinage en France (Question orale avec débat)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale sans débat de M. Danglot à M. le ministre chargé de l'industrie sur l'avenir de l'industrie du raffinage en France.
M. Jean-Claude Danglot, auteur de la question. - En trente ans, l'industrie française a amorcé un véritable déclin : pas moins de 2 millions de suppressions d'emplois depuis les années 1980 ! Et cette tendance n'a fait que s'accentuer avec la crise. En méconnaissant la valeur travail au profit du capital, nos gouvernements ont précipité la désindustrialisation de la France. Allégements de cotisations sociales, défiscalisation des heures supplémentaires, aides publiques accordées sans contrepartie effective, toutes les mesures prises par la droite ces derniers mois n'étaient pas à la hauteur des enjeux. Elles n'ont pas endigué les fermetures d'usines, les suppressions d'emplois et les délocalisations. Certaines entreprises ont même trouvé dans la crise prétexte à licencier. Le 3 septembre 2009, Nicolas Sarkozy, depuis l'usine Faurecia, annonçait la tenue d'états généraux de l'industrie. Début mars, l'équipementier faisait une annonce moins plaisante : celle de la fermeture fin 2010 de son site d'Auchel dans le Pas-de-Calais et la suppression de 179 emplois sur 508. L'an dernier, le couperet était tombé sur l'usine Continental de Clairoix ou encore l'unité de production de téléviseurs de Philips de Dreux. Le rapport intermédiaire des états généraux de l'industrie dresse un constat sans appel. Depuis 2000, l'industrie a perdu 500 000 emplois. Cette baisse, qui affecte tous les secteurs, n'est plus compensée par la progression des emplois dans les services à l'industrie. Notre balance commerciale industrielle se dégrade : le secteur automobile a enregistré, pour la première fois, un solde négatif en 2008. Le secteur manufacturier représente 16 % de la valeur ajoutée en France, contre 30 % en Allemagne. Ce dernier pays, que vous citez souvent en exemple, a obtenu ces résultats au moyen d'une politique de baisse des rémunérations qu'il a menée de manière isolée, d'après l'OCDE. Est-ce cela notre modèle ? Lors de la clôture des états généraux de l'industrie le 15 janvier, vous avez appelé de vos voeux, monsieur le ministre, une « révolution industrielle », l'avènement d'un « capitalisme industriel socialement responsable » et la création d'une « banque de l'industrie ». Que s'est-il passé depuis ? Rien ! Le 4 mars, le Président de la République a évoqué cinq leviers d'action pour un renouveau industriel. L'opération de communication continue au mépris des entrepreneurs et des salariés. Si vous voulez vraiment que les grandes « entreprises publiques s'inscrivent en cohérence avec la politique industrielle de l'État », garantissez la maîtrise publique des grands secteurs économiques plutôt que de vous contenter de placer un administrateur du ministère de l'industrie chez Renault, La Poste et France Télécom tout en continuant de brader nos entreprises publiques ! Si vous voulez vraiment obtenir des garanties en matière d'emploi en contrepartie d'une aide accordée au titre du Fonds stratégique d'investissement, ne vous abritez pas derrière une charte de l'emploi, dont le titre ne leurre personne ! Les Français ne tolèrent plus l'impuissance du Gouvernement face à la casse de leur outil de travail. Pour preuve, l'abstention aux élections régionales et la montée du Front national dans les régions industrielles.
Compte tenu du désengagement du groupe Total, l'industrie du raffinage semble promise à un sombre avenir. Levier indispensable pour l'économie française, elle fait vivre des territoires entiers. La France comptait 23 sites en 1978, elle en compte treize aujourd'hui, avec celui de Dunkerque. Depuis la fermeture des sites de Bordeaux et Pauillac, la région sud-ouest est privée de raffinerie, comme le sera la région nord si Dunkerque ferme. Au reste, la fermeture de Dunkerque n'annonce-t-elle pas la fermeture des autres sites de Total de Gonfreville à Grandpuits, et de celles des groupes Esso, Petroplus ou encore Ineos, dont l'existence est indispensable au maintien de l'activité des industries de fabrication des savons produits d'entretien, de caoutchouc ou encore de matières plastiques ? La fermeture de la raffinerie des Flandres aurait des conséquences dramatiques pour ses 380 salariés et 450 sous-traitants directs et le tissu économique régional. D'après le vice-président de la Chambre de commerce et d'industrie du Dunkerquois, 450 à 600 emplois seront directement touchés. Le port de Dunkerque sera fragilisé, s'inquiète la présidente du Directoire du port, Total représentant 20 % de son chiffre d'affaires annuel.
Total a montré son cynisme : on a annoncé aux salariés qu'ils seraient fixés sur leur sort après les élections ! Christophe de Margerie, son directeur général, assure qu'il ne fera rien sur les cinq autres raffineries pendant les cinq ans à venir. Mais après ? Quant au projet de terminal méthanier à Dunkerque, il est ancien. Monsieur le ministre, fin janvier, vous avez affirmé que Total envisageait de s'associer à hauteur de 10 % au projet de terminal méthanier afin d'atténuer les conséquences d'une éventuelle fermeture de sa raffinerie.
La mise en service de ce projet, prévue initialement en 2011, a été repoussée à 2014...
Les activités industrielles de substitution créées à coup d'aides publiques ne suffiront pas. Report du sort des salariés après les régionales, manipulations autour du projet alternatif, absence d'informations sur les conséquences pour les sous-traitants : la malhonnêteté du groupe et du Gouvernement est intolérable. Nous n'abandonnerons pas les salariés face à de tels comportements.
La stratégie de Total est claire : délocaliser ses activités industrielles vers des pays où les exigences sociales, salariales, environnementales et de sécurité sont moindres. Le groupe cède également ses filiales à des groupes belge ou espagnol : les salariés partiront sans garantie durable et en perdant leurs acquis !
Rien ne justifie la fermeture du site de Dunkerque : Total a réalisé 13,9 milliards de profits en 2008, 8 milliards en 2009 ! Mais le pétrolier ne veut pas mettre cet argent au service de l'entreprise, des salariés et du pays.
L'outil industriel n'est pas obsolète, et la demande n'a pas disparu ! En 2009, les raffineurs ont construit de nouveaux sites dans les régions pétrolières et les pays émergents. Il nous reste encore quelques décennies pour préparer la reconversion industrielle. Les réserves en Ouganda seraient suffisamment importantes pour justifier que Total y aille !
L'argument écologique ne tient pas davantage. La construction automobile a fait des avancées considérables. Il faut concilier le maintien de l'industrie pétrolière et les exigences environnementales. Nous ne sommes pas prêts technologiquement pour vivre sans pétrole. Le développement durable sert surtout à justifier des politiques socialement injustes ! Total ne se soucie pas du coût environnemental de son activité. D'ailleurs, les coûts de dépollution incitent souvent les industriels à reconvertir ou à vendre.
Qu'il s'agisse du coût environnemental ou de l'impact en termes de santé publique des activités industrielles, des réformes sont nécessaires. La responsabilité des sociétés mères doit être engagée. Vous aviez promis d'agir lors de la présidence de l'Union, mais, là encore, rien ne s'est passé... Face aux grands groupes et à l'actionnariat, vous faites peu de cas de l'emploi et de la santé des travailleurs... Avant les régionales, le ministre s'était engagé : « Nous garantirons l'emploi des salariés de Total et la non-fermeture de la raffinerie ». Les élections sont passées...
Aujourd'hui, les salariés du site de Dunkerque sont en lutte. Cette lutte pour travailler, produire en France, conjuguer emploi et intérêt de la Nation, c'est celle de tous les travailleurs. Notre groupe soutient la demande des salariés. Il refuse la captation des profits au détriment de l'investissement et de l'emploi, et demande au Gouvernement de mener enfin une véritable politique industrielle.
M. Martial Bourquin. - Le prix du gaz doit augmenter de 9,5 % cette année. Monsieur le ministre, j'espère que vous nous annoncerez, en ce 1er avril, qu'il s'agissait d'une mauvaise blague !
L'annonce soudaine de la fermeture de la raffinerie des Flandres a braqué le projecteur sur le sort de la filière raffinage et des douze raffineries françaises. Les menaces ne sont pas nouvelles. Les deux chocs pétroliers avaient déjà conduit à s'interroger sur notre capacité de production. Les derniers chiffres de l'Agence internationale de l'énergie indiquent une baisse de la consommation de produits raffinés en Europe. De même, nous savons depuis longtemps que l'avenir des énergies fossiles est limité : cela ne peut servir d'alibi aux fermetures et aux délocalisations ! La plupart des pays industrialisés s'orientent vers une diversification énergétique.
Il y a eu des signaux d'alerte. Le 10 mars 2009, Total annonçait la suppression de 550 emplois dans le raffinage. Laurent Wauquiez avait alors dit que ce plan « lui restait en travers de la gorge ». Visiblement, il s'en est remis, et la lente agonie du raffinage s'est poursuivie.
Pour certains, le Grenelle de l'environnement serait responsable de la crise du raffinage. Celle-ci est renforcée par le défaut d'anticipation, l'absence de régulation et d'investissements qui ont laissé toute latitude à Total pour se dédier à la recherche du profit, oubliant ses responsabilités industrielles, sociales, environnementales.
Qui doit décider de la politique énergétique ? Pas M. de Margerie ! Pas plus que M. Ghosn ne décide de la stratégie industrielle automobile ! C'est vous, monsieur le ministre, le Gouvernement et la représentation nationale qui doivent dicter cette politique à nos entreprises ! Notre indépendance énergétique est en jeu.
Le 15 avril doit se tenir la table ronde sur l'avenir du raffinage, avec des représentants des salariés de Total et Exxon Mobil. Je n'ai rien contre M. Borloo, mais l'avenir du raffinage et la reconversion des bassins industriels ne sont pas qu'une question environnementale et énergétique. C'est une question industrielle, qui doit prendre en compte la totalité de la filière, les sous-traitants, les conséquences sur d'autres sites de pétrochimie, sur le port de Dunkerque... Cette table ronde doit clarifier votre stratégie et prévoir les moyens d'y parvenir.
J'ai pourtant l'impression que Total entend déterminer seul l'avenir du raffinage ! En 2008, le groupe a réalisé un bénéfice de 13,9 milliards, dont il a réinvesti 59 %. Il a toutefois versé à ses actionnaires 4,9 milliards en 2008, et 4,7 milliards en 2007, et racheté pour 5 milliards d'actions ! Reconnaissez que ce n'est pas le quotidien des PME ! La trésorerie dont dispose Total devrait lui permettre d'assumer ses responsabilités.
D'autant que le groupe a reçu 7,2 millions de l'Ademe pour des recherches sur les agro-carburants, va bénéficier de la disparition de la taxe professionnelle, de l'enterrement de la taxe carbone. Tandis que la communauté urbaine de Dunkerque perdra 13 millions... De tels allégements fiscaux mériteraient un minimum de contreparties !
Total a annoncé hier avoir obtenu le « permis de Montélimar » qui lui permettra d'explorer cette zone pour en démontrer le potentiel en gaz. Ces investissements ouvrent des perspectives de développement et d'emplois. Monsieur le ministre, quelles sont les retombées attendues ? Qu'avez-vous négocié et exigé ? Didier Guillaume, président du conseil général de la Drôme n'a pas été informé. Il serait temps de réunir les élus de la région.
Cet investissement, certes prometteur, ne doit pas rimer avec l'abandon pur et simple des bassins d'emploi jugés moins rentables. Pas question de déshabiller Paul pour habiller Pierre : Total a les moyens de mener les deux de front. Les pouvoirs publics risquent de devoir assumer toutes les conséquences sociales, les collectivités locales, les conséquences humaines.
Il est temps que l'État cesse de se faire dicter sa politique industrielle par de grands groupes. Ces entreprises ont une responsabilité industrielle, sociale, environnementale, qu'il vous revient la responsabilité de définir et de faire respecter.
En avril 2009, vous avez installé dix commissaires à la réindustrialisation...
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. - Onze !
M. Martial Bourquin. - ...dans onze régions, dont le Nord-Pas-de-Calais.
Ces commissaires, chargés de prévenir la désindustrialisation et de rebâtir les bassins d'emploi, étaient dotés d'un fonds de 100 millions d'euros. La manière scandaleuse dont Total s'est désengagé, au mépris de la concertation la plus élémentaire, atteste des limites de ce dispositif. L'enveloppe de 100 millions est très insuffisante. Il y a un an, en juin 2009 mon collègue, François Rebsamen proposait une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grosses entreprises et sur Total en particulier. Cette proposition que j'ai soutenue et que votre majorité a rejetée, aurait permis de redistribuer et de provisionner pour l'avenir les sommes qui vous font aujourd'hui défaut pour mener, notamment, une vraie politique de transition industrielle et d'accompagnement des personnels.
Monsieur le ministre, je vous demande instamment de reprendre la main sur la politique énergétique, d'associer les collectivités locales, de nous faire connaître et de proposer une stratégie industrielle d'ensemble, sans doute plus européenne qu'elle ne l'est aujourd'hui. L'indépendance énergétique de la France et de l'Europe ne doit pas être l'affaire de Total !
Gouverner c'est prévoir. Il semble que vous subissiez plus que vous ne prévoyiez.
M. Aymeri de Montesquiou. - Depuis les années 80, l'industrie de notre pays ne cesse de se dégrader en termes d'emplois et d'activités. La baisse des commandes frappe en particulier la chimie, l'aéronautique et l'automobile. L'industrie chimique française, troisième poste d'activités après l'automobile et la métallurgie et qui occupe plus de 180 000 personnes, est confrontée, depuis quelques années, à des difficultés de plus en plus pénalisantes en raison de son retard accumulé en recherche-développement, de l'insuffisance des investissements nécessaires à la modernisation de ses sites et de la dégradation de son image par des catastrophes écologiques, notamment des marées noires à répétition. Les produits issus du raffinage et de la pétrochimie assurent seuls la quasi-intégralité du transport routier et lorsque, pour des raisons sociales, les sites sont bloqués, toute notre économie en pâtit. Le coût du transport international des produits raffinés est beaucoup plus élevé que celui du pétrole brut et la nécessité d'assurer notre indépendance énergétique impose de maintenir nos sites pour ne pas dépendre d'aléas extérieurs dans un monde de plus en plus instable. L'émergence de la Chine ou de l'Inde porte directement atteinte à notre position dans l'économie mondiale. La Chine, aujourd'hui deuxième producteur mondial de produits chimiques, a ravi la quatrième place à la France il y a déjà dix ans. L'instabilité des cours du pétrole ne facilite pas la pérennité d'activités totalement liées aux hydrocarbures et, malgré les nombreux efforts du Gouvernement ces derniers mois, pour relancer la compétitivité, la recherche et l'innovation, le premier groupe pétrolier français s'est lancé dans une politique de désengagement du marché du raffinage en France, faute de débouchés nationaux et de marges suffisantes.
M. Jean-Claude Danglot. - C'est faux !
M. Aymeri de Montesquiou. - On peut comprendre que le PDG de Total, défendant son entreprise, souligne la nécessité d'une mutualisation avec les autres groupes pétroliers plutôt que de perdre de l'argent, dans ce secteur malgré les bénéfices générés par les autres activités. On ne peut reprocher à ce groupe de s'implanter à Abu Dhabi car les produits manufacturés ne sont pas destinés au marché français mais à celui de l'Extrême-Orient et ils permettront à cette société de créer des emplois directs et indirects en France et génèreront des bénéfices à réinvestir dans l'entreprise.
A cause de son image d'industrie polluante, il devient difficile de maintenir en France une vieille raffinerie ou d'y implanter une nouvelle. Diverses associations et ONG parviennent en effet à fédérer les oppositions au point de rendre impossible la concrétisation de tout projet. Le raffinage propre, l'efficacité énergétique, les catalyseurs innovants sont donc des pistes de recherche.
L'hebdomadaire Paris Match titrait le mois dernier : « Le raffinage occidental au bord de l'overdose ». Le problème du raffinage est général en Europe : la diésélisation du parc automobile qui a fait chuter la demande d'essence, et la baisse de consommation ont contribué à une surcapacité en matière d'essence de l'ordre de 10 à 15 %. Nos raffineries ne sont plus adaptées à la demande européenne : nous importons du gazole et exportons vers les États-Unis de l'essence dont ils ne voudront bientôt plus car leur marché arrive à saturation. C'est la « pire crise » depuis 25 ans pour cette activité constatait récemment le directeur général de Shell qui, en prenant ses fonctions, avait promis à ses salariés « de la sueur et des larmes ».
Dans quinze jours se tiendra la table ronde sur l'avenir du raffinage, en particulier à la demande expresse de syndicats de salariés. Je souhaite, monsieur le ministre, vous proposer quelques idées.
Grâce à ses trois façades maritimes, la France traite le pétrole dans ses ports. Cet atout doit être valorisé par une concertation avec nos voisins européens afin de répondre à leurs besoins tout en créant chez nous des emplois. Jusqu'à présent, chaque raffinerie traitait un seul type de pétrole pour un produit raffiné déterminé. Il faudrait établir une stratégie à long terme pour prévoir au mieux l'évolution de nos approvisionnements pétroliers et des nouvelles énergies qui les remplaceront, afin d'adapter nos volumes de raffinage et les structures nécessaires. Compte tenu de l'avenir incertain de nos raffineries, on pourrait imaginer la reconversion en clusters, technopoles ou pôles de compétitivité pétrochimiques de sites industriels qui ont vocation à fermer dans les années à venir. L'enseignement, la recherche, la formation draineraient ainsi nombre d'emplois. C'est un secteur à forte capacité d'innovation dans lequel les partenariats public-privés ne cessent de se développer.
Nous ne pouvons plus ignorer la géopolitique du raffinage. Le Général de Gaulle s'était efforcé d'assurer l'indépendance énergétique de la France. Soyons créatifs, imaginons de nouvelles technologies, de nouveaux procédés pour rester fidèles à sa volonté d'indépendance. Cette créativité renforcera notre position dans une économie mondialisée car qui contrôle l'énergie détient le pouvoir. (Applaudissements à droite)
M. Jacques Gautier. - La situation du raffinage n'est pas simplement liée à la crise actuelle ; c'est un problème structurel qui concerne également de nombreux pays européens et tous les groupes pétroliers. Début février, l'Union française des industries pétrolières a évoqué une situation « critique », confirmant des pertes, pour les douze raffineries françaises, de « 150 millions par mois » depuis mars 2009, un recul de la demande de 2,8 % en 2009 et de près de 9 % sur dix ans. Le raffinage dans son ensemble fait face a une baisse de la demande, résultant des politiques d'incitation à la réduction de la consommation, des progrès dans l'efficacité énergétique et des premiers effets de la lutte contre le changement climatique. Cette baisse structurelle est durable et il en résulte une surcapacité, antérieure à la crise économique mais aggravée par celle-ci. En Europe, de nombreuses raffineries sont soit à l'arrêt, soit en attente d'adaptation, soit en vente et la situation est la même aux États-Unis. Fin 2009, la surcapacité du raffinage dans le monde s'établissait autour de 7 millions de barils par jour, alors que la capacité totale s'élevait, elle, a 87,2 millions de barils. Cette surcapacité concerne essentiellement l'Europe et l'Amérique du nord. A l'inverse, au Moyen-Orient et en Asie, on investit dans de nouvelles capacités et, d'ici à 2030, ces zones bénéficieront de 70 % des investissements mondiaux du secteur... contre seulement 11 % pour l'Europe et l'Amérique du Nord. D'ici à cette même année, 15 % des capacités européennes et jusqu'à 20 % aux États-Unis, devraient fermer.
Le recul du raffinage en Europe est directement lié à la baisse de la consommation de carburants. Selon l'Agence internationale de l'énergie, les Européens ont diminue de 7,5 % leur consommation de gazole et d'essence entre 2007 et 2009 et ces chiffres augmenteront d'une a deux dizaines de points dans la décennie à venir. Ce déséquilibre entre l'offre et la demande a conduit à un effondrement des marges de raffinage en 2009. De nombreuses raffineries en Europe -et pas seulement chez Total- ont dû procéder à des ajustements de capacité, arrêter temporairement des raffineries ou certaines de leurs unités, voire arrêter leur production, lorsqu'elles produisaient à perte. En Europe, les raffineries ont été conçues pour produire davantage d'essence que de gazole alors que la demande porte surtout sur le gazole. Nous sommes ainsi confrontés, et de façon durable, à une inadéquation entre les attentes du marché et l'offre des raffineries européennes.
Les raffineries européennes produisent toujours trop d'essence, d'autant que les États-Unis, vers lesquels sont exportés nos excédents, connaissent également une forte baisse de leur consommation. Les grands groupes pétroliers nous disent avoir engagé l'adaptation de leur outil de raffinage pour répondre à ces évolutions et aux réglementations européennes, notamment en matière environnementale. Total a ainsi investi, entre 2005 et 2009, plus de 6 milliards d'euros dans ses activités de raffinage. Mais il semble que l'effort ne soit pas suffisant, tant les difficultés sont profondes. L'exemple de la raffinerie des Flandres tournée principalement vers l'exportation à destination des États-Unis en fournit la triste illustration : l'arrêt de la production est aujourd'hui définitif. De fait, comment poursuivre une production qui a perdu ses débouchés ? A nos yeux, l'important est que l'avenir du site soit assuré dans le cadre d'une mutation industrielle exemplaire et que Total s'engage à garantir soit le maintien d'un maximum de postes sur le site, soit un avenir professionnel digne aux personnels qui devront changer d'activité ou de lieu de travail. L'avenir économique du Dunkerquois est en jeu. Songeons en particulier à celui des sous-traitants.
Au-delà se pose la question de l'avenir des raffineries françaises, passées de 22 sites il y a 30 ans, à onze après cette fermeture. Les évolutions structurelles sont aggravées par la crise. Les pouvoirs publics, droite et gauche confondues, ont cherché depuis des années, à réduire, à juste titre, la dépendance énergétique de la France, en développant notamment l'énergie nucléaire. La réduction de la demande de fioul lourd qui en est la conséquence a obligé les raffineries à produire de l'essence, que nos raffineries exportent vers les États-Unis, tandis que la politique fiscale a dopé la consommation de gazole. La lutte contre le réchauffement climatique a marqué une nouvelle étape, avec le surcoût lié à l'avènement d'un système de quotas de CO2 et la mise sur le marché des biocarburants.
Bien sûr, la situation du raffinage ne résulte pas uniquement des politiques publiques. La crise produit ses effets sur les marges des raffineurs, qui s'effondrent. Les groupes eux-mêmes ont également une responsabilité. Soucieux de coller à l'évolution de la demande, ils ont multiplié les projets dans les pays producteurs, en Asie et au Moyen-Orient. (M. Martial Bourquin le confirme) S'il ne s'agit pas à proprement parler d'une délocalisation, puisqu'un marché régional en expansion existe, de tels projets ne se réalisent-ils pas cependant au détriment de l'outil européen de raffinage, qui doit rester un élément essentiel du dispositif des grands groupes pétroliers ? Enfin, l'exigence de protection de l'environnement est entrée dans les consciences, et les Européens ont fait le choix de consommer moins d'essence.
Dans ce contexte, l'avenir du raffinage doit être une préoccupation nationale. Il revient au Gouvernement de se saisir du dossier. Il l'a fait en organisant, le 15 avril prochain, une table ronde dont nous souhaitons qu'elle aide à dégager des solutions pragmatiques. Je fais miennes les pistes évoquées par M. de Montesquiou. Nous devons garantir l'avenir des onze raffineries basées en France tout en gardant le cap de notre volonté de réduire la facture pétrolière et d'accélérer notre transition vers les énergies décarbonées. C'est un défi majeur qui demande imagination et courage et vous avez toute notre confiance, monsieur le ministre, pour le relever. Je regrette, pour finir, le silence assourdissant des présidents de région : aucune solution n'a été à ma connaissance avancée par les majorités socialistes et écologistes sur ce point. Y aurait-il entre eux, là comme ailleurs, divergences de vues ? (Applaudissements à droite)
M. Thierry Foucaud. - La question qui nous occupe illustre l'affrontement de deux logiques. D'une part, celle portée par les groupes pétroliers qui, à l'instar de Total, n'ont d'autre horizon que la rentabilité immédiate, l'accumulation des profits et le versement de dividendes toujours plus élevés à leurs actionnaires -n'en déplaise à M. de Montesquiou, il suffit de regarder les chiffres- d'autre part, celle qui fait appel à l'intelligence, avec le souci de notre avenir industriel, de notre développement économique, de notre indépendance énergétique et qui est porté par les salariés et leurs syndicats.
En Seine-Maritime existent trois raffineries et plates-formes pétrochimiques. Tout d'abord le site Total de Gonfreville-l'Orcher qui emploie 1 500 personnes, dont les effectifs, en mars 2009, ont été amputés de 250 emplois du fait d'une restructuration. Les salariés de cette usine ont participé, aux côtés de leurs collègues des autres raffineries du groupe, à la mobilisation en solidarité avec leurs collègues de Dunkerque. Au-delà, ils ont agi pour défendre leur propre outil de travail. Leur détermination a eu raison d'une partie des projets de M. de Margerie et le Président de la République a finalement annoncé l'organisation d'une table ronde. Ils se sont hélas heurtés sans cesse à la surdité des dirigeants du groupe : les salariés préconisaient une conversion profonde, qui eût permis de traiter le « fonds de baril » et aurait assuré la rentabilité du site, mais la seule préoccupation des dirigeants reste les profits. La droite a toujours l'air de découvrir le problème, mais elle oublie ces chiffres, qui sont parfaitement connus. Les 220 millions d'investissement annoncés par Total ne sont que poudre aux yeux : non seulement ils ne créent aucun emploi, mais ils n'empêchent pas la disparition de 290 emplois, hors sous-traitance.
Sur le site d'Exxon, à Notre-Dame-de-Gravenchon, la raffinerie compte 1 100 salariés. Elle est adossée à un site pétrochimique dans lequel sont employées 1 400 personnes. Un plan de restructuration du secteur des huiles est à l'oeuvre qui vise à supprimer 70 emplois, qui s'ajouteront aux 500 postes déjà supprimés en 2000 lors de la fusion entre Mobil et Esso. Là encore, les salariés ne restent pas l'arme au pied. Ils proposent, depuis de nombreuses années, que des investissements soient réalisés dans des installations permettant de produire plus de gazole et de participer ainsi au rééquilibrage de la production intérieure de ce carburant.
Enfin, la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne dans la banlieue de Rouen, appartenait au groupe Shell jusqu'en 2007, date à laquelle ce groupe a décidé de s'en séparer pour, à l'image des projets actuels de Total, délocaliser le raffinage dans les pays producteurs. La mobilisation des salariés et le soutien des élus locaux ont permis à cette usine de trouver un repreneur dont le raffinage est le coeur de métier. Bien que son centre de recherche ait été délocalisé en Chine, les emplois ont été préservés. 44 nouvelles embauches ont été acquises. 73 millions de dollars sont désormais consacrés à l'investissement dans la maintenance, quand Shell n'y consacrait que 11 millions.
Alors oui, monsieur le ministre, il faut compter sur l'intervention des salariés, faire confiance à leur responsabilité, et à celle des élus de la Nation. Oui, un contrôle public au service de l'intérêt général est plus que jamais requis. La question de notre indépendance énergétique est posée. Les fruits qu'ont portés les derniers conflits dans nos raffineries montrent assez que les salariés et leurs syndicats doivent disposer d'un droit d'intervention dans leur entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG)
M. Serge Andreoni. - Bon nombre de faisceaux croisés ont mis en lumière les problèmes que rencontre notre filière pétrochimique. Notre pays ne compte plus désormais que onze raffineries. Il est vrai que Total s'est engagé à mettre fin aux fermetures : j'espère, monsieur le ministre, que le Gouvernement veillera au respect de cet engagement.
Reste que la consommation de produits pétroliers a chuté de 2,8 % en 2009.
La production de la chimie a reculé de 12,5 % ; 108 emplois ont été supprimés à Port-de-Bouc et 80 à Fos, dont 50 ont été repris à Berre. Les nécessaires adaptations environnementales sont très coûteuses, et les marges deviennent très faibles. On ne peut que craindre certaines fermetures, d'où la nécessité de tout faire pour préserver l'existant tout en réindustrialisant le pays. Comment s'adapter et encourager de nouveaux opérateurs à investir ? Quelle sera votre politique environnementale après l'abandon de la taxe carbone ? Où en est l'application de la directive IPPC ?
Il faut en prendre acte, les trois quarts des projets de raffinage concernent aujourd'hui l'Inde, le Viêt-Nam et la Chine. La production monte en puissance en Asie et au Moyen-Orient. L'activité de raffinage est-elle pour autant condamnée en France ? Non, il y va de notre indépendance énergétique. C'et un enjeu économique et industriel très sensible pour la région Provence-Alpes-Côte-d'azur et pour le département des Bouches-du-Rhône. Nous avons siégé ensemble au conseil régional, monsieur le ministre ; nous savons que 140 établissements de notre région représentent 18 000 emplois liés directement au raffinage et la chimie, et assurent 10 % de la chimie nationale, 40 % de la production d'éthylène et 54 % de celle de chlore. Le complexe Fos-Berre-Lavera représente 5 % de la chimie européenne. Avec leurs quatre raffineries, les Bouches-du-Rhône représentent le tiers de nos capacités de raffinage et assurent 3 500 emplois directs et 11 000 emplois indirects dans une centaine d'entreprises. La Société des pipe-lines du Sud-Est a expédié 15,5 millions de tonnes depuis Fos en 2009, parfois vers d'autres raffineries françaises, comme celle de Feyzin, mais aussi en Suisse et en Allemagne. Le poids des sociétés chimiques est capital, elles totalisent 3 000 emplois rien qu'à Lyondellbasell.
La perte d'une raffinerie aurait de très graves conséquences. Le raffinage est capital pour les Bouches-du-Rhône et la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur : c'est une masse salariale directe de 287 millions qui dynamise toute l'économie. Les investissements y ont été de 180 millions, dont 100 millions pour la sécurité et l'environnement. La taxe professionnelle du raffinage, soit 49 millions permet aux collectivités territoriales de mener des politiques publiques dignes de ce nom. Le nécessaire respect des exigences environnementales requerra 500 millions d'investissement sur cinq ans à partir de 2013 ce qui aura un effet d'entraînement sur d'autres secteurs économiques.
Les hydrocarbures forment les deux tiers des volumes traités par le grand port maritime de Marseille : ils font vivre le port et ses salariés. Le Grand Arrêt en cours à Berre représente un investissement de 65 millions. Sénateur des Bouches-du-Rhône et maire de Berre-l'Etang, je suis de près tout ce qui peut affecter le raffinage. Or les inquiétudes sont grandes ! Le grand port maritime a un projet d'Oiltanking, une unité de stockage de 800 000 tonnes, pour un volume traité de 8 millions de tonnes l'an. Est-il judicieux de menacer ainsi une de nos quatre raffineries, voire deux si ce projet est porté à 13 millions de tonnes ? On voudrait favoriser les délocalisations, on ne s'y prendrait pas autrement... Ce port étant un établissement public, nous comptons sur votre vigilance, monsieur le ministre : prenez les mesures qui s'imposent pour éviter une désindustrialisation.
Il nous faut rechercher de nouveaux investissements par de nouveaux intervenants car les opérateurs historiques se concentrent sur le plus rentable et se désengagent de leurs obligations sociétales ; Shell construit en Chine ! Il faut adapter les installations existantes et les pérenniser, grâce à une fiscalité cohérente, une politique portuaire ainsi qu'une meilleure intégration. Il convient également d'adresser un message clair aux grands groupes. Si nous ne pouvons pas lutter contre les évolutions structurelles, nous devons anticiper en travaillant dans la transparence avec les entreprises, les syndicats et les élus.
L'année 2013 marquera un tournant, la crise n'ayant fait que précipiter les évolutions. Ces enjeux appellent une réflexion européenne, dans laquelle la France doit parler d'une seule voix et montrer l'exemple. Or nous payons le résultat de politiques contradictoires. En encourageant le diésel, on a affaibli les raffineries ; en prônant les quotas de CO2, on a alourdi les coûts ; en favorisant les alternatives au pétrole, on a affaibli la demande. Ces mesures, nécessaires, auraient dû s'accompagner d'une réflexion ; c'est l'un des enjeux majeurs de la table ronde du 15 avril. Ne laissez pas les grands groupes décider seuls avec les conséquences que cela entraîne sous forme de délocalisations.
Lors des états généraux de l'industrie, le Président de la République a tenu un discours offensif et replacé l'État au coeur d'une politique de redressement industriel. Mais des discours aux actes, il y a un pas qu'il faut franchir. Quelles sont vos intentions concrètes et par quelle politique allez-vous préserver notre indépendance énergétique ?
J'ai entendu dire que les régions ne faisaient rien. Elles s'impliqueront lorsque l'État le fera. La compensation de la suppression de la taxe professionnelle n'a pas dissipé nos craintes : les dotations atteindront 70 % des ressources d'Istres-Fos. Les collectivités y perdront la majorité de leurs ressources fiscales. Nous participerons à la revoyure prévue avec tout le dynamisme dont la suppression de la taxe professionnelle a privé les finances locales. Il y va du maintien de l'emploi de milliers de salariés. Il faut remettre le social au coeur de toutes nos préoccupations. Vos réponses sont très attendues : l'heure n'est plus aux paroles ; arrêtons la casse industrielle par des décisions salvatrices ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Michel Billout. - Sénateur de Seine-et-Marne, j'aurais pu insister sur l'exceptionnel outil qu'est la raffinerie de Grandpuits et les synergies qu'elle a permises mais le vice-président du groupe énergie que je suis préfère souligner la nécessité de préserver notre indépendance énergétique et celle de l'Europe. Sur le site internet de Total on peut lire que beaucoup de raffineries se trouvent chez les pays riches, gros consommateurs, qui ont assuré une politique de raffinage indépendante. Ce constat est simple, évident. Le désengagement des raffineurs n'en pose que plus de questions et pour Total, il n'y a pas place au doute, ce repli est exclusivement motivé par des considérations financières.
Si rien n'est entrepris pour sauver l'industrie du raffinage, d'autres usines fermeront dans quelque temps. Lorsque Nicolas Sarkozy a demandé au directeur général de Total qu'il s'engage à ne pas fermer d'autres sites, la réponse a été limitée à cinq ans, c'est-à-dire le délai dans lequel l'avenir des raffineries sera réexaminé. Autant dire qu'il n'y a là rien de convaincant.
Les pétroliers avancent plusieurs arguments pour aller raffiner dans les pays producteurs de pétrole. Ainsi, Total et Aramco vont investir 9,6 milliards de dollars dans une nouvelle raffinerie qui devrait être opérationnelle en 2013 à Jubail, en Arabie Saoudite. Les nouveaux sites sont à la pointe de la technique et largement financés par les pays producteurs : l'Arabie Saoudite assumera 59 % de l'investissement, via Aramco.
Mais l'argument principal avancé pour justifier la délocalisation réside dans la surcapacité de raffinage en France, alors que la réalité est plutôt l'inadaptation de l'outil industriel, puisque notre pays exporte 7 millions de tonnes d'essence mais importe 9 millions de tonnes de gazole. J'ajoute qu'Esso augmentera de 14 000 barils par jour sa capacité à Fos-sur-Mer. Il suffit d'investir pour que la production corresponde aux besoins. Avec ses profits colossaux, Total a les moyens de cette politique.
La fin de l'ère pétrolière n'étant pas d'actualité, la fermeture progressive des sites de raffinage en France et en Europe concentrerait les outils industriels dans les pays producteurs, avec la complicité intéressée des grands groupes pétroliers. Les pays membres de l'Opep possèdent plus de 70 % des réserves mondiales, correspondant à 80 années de leur production actuelle. A titre de comparaison, les réserves prouvées des États-Unis et de la Russie couvrent respectivement douze et dix-sept années de production.
Aujourd'hui, le transport mondial de brut est assuré à 60 % par voie maritime, en utilisant une flotte supérieure à celle qui charge des produits raffinés, mais cette situation peut rapidement s'inverser, notamment avec les navires à double coque. Or, le transport maritime de produits raffinés aggrave l'instabilité des prix, car un bateau peut aisément être dérouté vers le demandeur le plus offrant. C'est ce que l'on a constaté avec le gaz naturel liquéfié. La nécessité de raffiner le pétrole brut apporte une certaine garantie de bonne exécution des livraisons ; en revanche les produits raffinés laissent la voie libre aux spéculateurs et aux plus offrants puisqu'une simple aire de stockage suffit.
Outre ses graves conséquences pour l'emploi industriel, la délocalisation du raffinage augmenterait inévitablement le prix à la pompe et le coût des matières premières utilisées en pétrochimie. Si elle abandonnait cette activité, la France aggraverait sa dépendance envers le pétrole en important des produits raffinés, très sensibles à la spéculation.
Pour ces raisons, le Gouvernement -qui prétend vouloir moraliser le capitalisme- devrait prendre des décisions contraignantes envers les groupes pétroliers afin de garantir l'indépendance énergétique de notre pays et contribuer à celle de l'Europe.
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. - Monsieur Danglot, vos propos sur la prétendue malhonnêteté du Gouvernement ne sont pas crédibles... Je ne me hasarderai pas, même si vous avez tenté de falsifier la réalité, à vous répondre sur le même registre.
La réalité, c'est que depuis vingt à trente ans, les Gouvernements successifs, de gauche comme de droite, n'ont pas suffisamment défendu la dimension industrielle de la France. Au terme des états généraux de l'industrie, notre pays s'engage pour la première fois dans une véritable stratégie industrielle, conformément à la volonté du Président de la République. En effet, orienter notre jeunesse vers les métiers de service, de la finance et de l'économie virtuelle comme vos gouvernements et les nôtres l'ont fait depuis plus de vingt ans n'est pas la meilleure voie. La responsabilité est sans doute partagée, mais ce Président de la République et ce gouvernement ont eu le courage d'engager une révolution industrielle depuis 2007.
Contrairement à ce que vous avez prétendu, les états généraux de l'industrie, ce ne sont pas des mots : le Président de la République a pris des décisions concrètes, 23 pour être précis. Je suis chargé de les appliquer avant l'été. La première sera mise en oeuvre dès la semaine prochaine avec la nomination d'un médiateur de la sous-traitance. Cela sans compter les 6,5 milliards d'euros destinés à la nouvelle stratégie industrielle dans le cadre du grand emprunt. Sur cette somme, 500 millions de « prêts verts » permettront à nos industries de réduire leurs factures énergétiques. Quelque 200 millions d'euros seront consacrés à la relocalisation. Déjà, de plus en plus d'entreprises rapatrient leur production après dix à quinze ans de délocalisation.
Avant de répondre aux interrogations formulées, je ferai un bref rappel sur la situation du raffinage en France, malgré le brillant constat établi par M. Jacques Gautier. Le sujet figure à l'ordre du jour de la table ronde que je présiderai le 15 avril avec M. Borloo. Les partenaires sociaux l'ont demandée, le Gouvernement l'a fixée à une date très proche.
J'ai bien noté les propositions formulées par M. de Montesquiou en faveur d'une mutualisation et de stratégies à long terme. En revanche, je suis surpris par les propos des orateurs socialistes ou communistes, qui feignent d'ignorer le Grenelle de l'environnement et ses effets sur les comportements. Êtes-vous hostiles aux véhicules hybrides ou électriques ? Je leur suis favorable ! Nier l'évolution enclenchée revient à nier l'évidence et traduit une curieuse vision du développement durable et de l'écologie, paradoxale à l'aune du consensus constaté en faveur d'une moindre émission de gaz carbonique.
Lorsque Total raffine à l'étranger, c'est d'abord pour se rapprocher des lieux de production, ainsi que M. de Montesquiou l'a souligné en citant l'exemple d'Abou-Dhabi. La situation du raffinage en France est réellement difficile, mais cela ne signifie pas que les sites concernés soient privés d'avenir. J'ajoute que Total investit en France : M. Bourquin a évoqué le projet de Montélimar, où 40 millions seront consacrés à l'élaboration de nouvelles techniques d'exploitation gazière.
La surcapacité des raffineries en France est une réalité, mais Total s'engage à maintenir l'emploi pendant cinq ans dans cinq de ses six raffineries françaises. Contrairement à ce que M. Billout a prétendu, ce délai n'a pas été demandé par le Président de la République, ni concédé par le directeur général de Total : il correspond au souhait des partenaires sociaux. Faisant preuve d'esprit de responsabilité, ils demandent non des garanties à dix ou quinze ans, mais le temps nécessaire pour s'adapter et se reclasser. Leur attitude responsable a conduit le Gouvernement à demander l'engagement quinquennal pris par Total. Contrairement à certains orateurs ici, les partenaires sociaux savent que des mutations seront nécessaires. Aujourd'hui, les salariés des sites concernés ont une garantie.
En région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, la raffinerie de la Mède ne sera pas touchée. Dans cette région, l'enjeu tient principalement aux énergies renouvelables, notamment d'origine solaire. J'inaugurerai demain à Mouans-Sartoux la plus grande centrale solaire des Alpes.
Le port de Marseille occupe une place stratégique entre Gênes et Barcelone. Si les gouvernements que vous avez soutenus ne s'était pas opposés au canal Rhin-Rhône à la demande de Mme Voynet, l'avenir de ce port serait mieux garanti.
Ce que l'État peut exiger de Total, c'est qu'il n'y ait pas de fermeture de la raffinerie des Flandres sans compensations. Total se justifie par 130 millions de pertes en 2009 sur cet établissement, mais vous avez raison de le souligner, monsieur Bourquin : l'État doit imposer des règles. Nous ne sommes plus au temps de Vilvorde, où M. Jospin pouvait déclarer : « L'État ne peut tout faire » ! Aujourd'hui l'État dit à Renault que les Clio IV vendues en France doivent être principalement montées en France plutôt qu'en Turquie, aujourd'hui l'État a le courage d'exiger de Total qu'elle ne ferme pas sa raffinerie des Flandres sans contrepartie industrielle pour les Flandres, pour les salariés de Total, les sous-traitants, et les activités portuaires ! Les temps ont changé ; ce n'est plus « Faites ce que je dis et ne faites pas ce que je fais » : le Gouvernement, lui, fait ce qu'il dit, pour garantir un emploi à chacun des 370 salariés de la raffinerie des Flandres, pour maintenir l'activité des sous-traitants et des installations portuaires !
Total propose trois nouvelles activités sur le site de Dunkerque : un centre d'assistance technique, qui emploierait 180 salariés, un centre de formation, avec 25 personnes, et des activités de logistique, avec quinze personnes, auxquelles s'ajouteraient 20 salariés dans des fonctions administratives. En tout, 340 salariés seraient maintenus sur site, les 30 autres se verraient proposer un emploi dans d'autres établissements, ou un dispositif de fin de carrière anticipée, sans aucun licenciement. La participation au terminal méthanier d'EDF, quant à elle, représente 50 emplois directs et 150 emplois indirects.
Le Gouvernement prend ses responsabilités pour le Dunkerquois, il est hors de question que Total ferme sa raffinerie des Flandres sans engagements précis, alors que le groupe engrange 8 milliards de marges. Total fait un effort, nous le reconnaissons, mais nous disons aussi que c'est insuffisant : le Gouvernement ne validera pas le projet de Total tant que la question des sous-traitants et celle de l'activité portuaire resteront en suspens ! Je ne doute pas que nous poursuivrons ce débat fort intéressant le 15 avril, avec les partenaires sociaux ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Claude Danglot, auteur de la question. - En parlant de malhonnêteté politique, monsieur le ministre, je ne vous attaque pas personnellement, je dénonce un ensemble plus vaste, et c'est bien mon droit !
Les salariés ont raison de ne pas faire confiance aux propositions du groupe Total et vos propos ne vont pas les rassurer davantage, car vous ne faites qu'appliquer le dogme libéral ! Le Président de la République vient de déclarer devant des étudiants américains qu'un pays, ça se gère comme une entreprise, parce que seul le résultat compte. Mais de quel résultat parle-t-on ? Du chômage, du pouvoir d'achat? Votre gouvernement y échoue de façon exemplaire ! Du CAC 40 et des profits alors, si l'on recherche les seules courbes ascendantes !
Dans le nord, nous subissons trop et depuis trop longtemps les fermetures d'usines pour ne pas comprendre le sens réel des belles paroles qu'on entend toujours à ces moments-là : on propose un chèque aux salariés contre leur licenciement -un argent bien vite dépensé dans les familles modestes- et on promet le maintien des activités, mais celles qui viennent ne remplacent jamais ce qu'on a perdu, ni pour le salaire, ni pour la stabilité ! Vous parlez cellule de reclassement, mais notre bassin d'emploi est déjà au plus haut pour le chômage ! En fait, tout ce qui est proposé à ces salariés, c'est de verser du sang et des larmes, pour reprendre l'expression d'un ancien ministre de droite issu du Pas-de-Calais !
Total n'est pas un groupe industriel comme un autre, il maîtrise ce qui reste le premier carburant utilisé dans notre pays, la puissance publique ne peut s'en désintéresser ! Une rupture idéologique est nécessaire, même, pour que l'État pèse directement sur la stratégie de Total ! Tout le reste n'est qu'un baratin, qui laisse quelques requins décider de l'avenir de territoires tout entiers !
Vous n'avez pas répondu aux attentes, monsieur le ministre, nous verrons ce que vous ferez de votre examen de rattrapage du 15 avril !
Vous dites que la production est sur-capacitaire, c'est faux. Vous caricaturez l'attitude de l'opposition : nous savons bien qu'il y a une alternative au tout pétrole, mais nous n'en sommes pas encore au sans pétrole ! Surtout, vous faites comme si le chômage et les profits n'augmentaient pas de pair, alors que c'est bien le cas, surtout les profits de Total !
Vous en appelez à une révolution des esprits : je vous propose de nationaliser Total, ce qui serait une véritable révolution !
Le débat est clos.
Prochaine séance mardi 6 avril 2010, à 9 h 30.
La séance est levée à 16 h 10.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mardi 6 avril 2010
Séance publique
A 9 HEURES 30
Questions orales.
A 15 HEURES ET LE SOIR
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (n° 123, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Pierre Fourcade, fait au nom de la commission spéciale (n° 366, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 367, 2009-2010).